Les prochaines
négociations qui auront lieu à Moscou seront vraisemblablement
l’occasion d’examiner la poursuite de la levée des sanctions économiques
imposées contre la Turquie, de trouver un compromis sur le problème
syrien et d’évoquer l’achat de systèmes de missiles antiaériens russes
S-400.
Le président turc Recep Tayyip
Erdogan arrivera le 9 mars à Moscou pour une visite de deux jours. Il
aura un entretien avec le chef de l’État russe Vladimir Poutine et
assistera à une réunion du Haut conseil de coopération Turquie-Russie.
L’ordre
du jour de cette visite promet d’être chargé. Les interlocuteurs
doivent se pencher avant tout sur le rétablissement intégral de
relations suite à la crise de novembre 2015, quand la Turquie a abattu
un chasseur russe qui, selon elle, avait violé l’espace aérien du pays.
La Russie a réagi instantanément en décrétant un embargo
contre de nombreux produits turcs, en introduisant un régime de visa
pour les Turcs et en interdisant la vente de séjours dans les stations
balnéaires de la Turquie.
Aujourd’hui, malgré le
rétablissement formel des relations – les deux pays ont signé un accord
intergouvernemental sur le projet de construction du gazoduc Turkish Stream,
tandis que la Russie a levé une série de sanctions sur les produits
agricoles et a de nouveau autorisé la vente de voyages –, les citoyens
turcs sont toujours obligés d’obtenir un visa et certains produits turcs
sont toujours frappés de restrictions. Les questions liées au
rétablissement complet des relations figureront inévitablement à l’ordre
du jour de la prochaine visite.
« La Turquie souhaite que la Russie lève toutes les sanctions économiques et abolisse les visas pour les Turcs »,
a indiqué Kerim Has, expert en politique eurasienne du Centre
analytique indépendant Organisation internationale d’études stratégiques
(USAK, basé à Ankara). Toutefois, c’est peu probable, a-t-il estimé. « Moscou n’en tirera aucun avantage. Les restrictions à l’importation de certains produits pourraient être levées, le régime de visa pourrait être aboli, mais il ne faut pas s’attendre à une levée totale des sanctions », a-t-il affirmé.
Dossier syrien
L’une
des grandes questions de la future rencontre sera le règlement en
Syrie, a annoncé aux médias russes Ilnur Cevik, le conseiller pour la
politique étrangère du président turc.
En effet, la Russie et la Turquie ont lancé des campagnes militaires en Syrie, allant, depuis janvier dernier, jusqu’à organiser des opérations communes dans le pays contre les terroristes de Daech (organisation interdite en Russie). En tant que force ayant de l’influence sur l’opposition syrienne, la Turquie est un important acteur du règlement pacifique engagé par la Russie pour régler la crise syrienne.
En effet, la Russie et la Turquie ont lancé des campagnes militaires en Syrie, allant, depuis janvier dernier, jusqu’à organiser des opérations communes dans le pays contre les terroristes de Daech (organisation interdite en Russie). En tant que force ayant de l’influence sur l’opposition syrienne, la Turquie est un important acteur du règlement pacifique engagé par la Russie pour régler la crise syrienne.
« La Syrie sera le sujet numéro un, a assuré Kerim Has. Selon lui, l’ordre du jour syrien compte quatre grands points. Le premier est la poursuite de la coopération à Alep
et dans la région. Le deuxième est l’élargissement de la participation
aux négociations (au Qatar, à l’Arabie saoudite et d’autres pays). Le
troisième est la coopération entre la Turquie et la Russie dans la
libération de Raqqa et de Manbij après l’achèvement par Ankara de son
opération à Al-Bab. Le quatrième est la position de la Russie au sujet
des détachements kurdes combattant en Syrie ».
En outre,
les deux parties évoqueront le processus politique de transition en
Syrie, a noté Anton Mardassov, expert russe de la Syrie à l’Institut de
développement innovant. « Les négociations supposent des concessions
et des compromis. Dans cette optique, il est important pour la Russie
et la Turquie de s’entendre sur les moyens d’influencer Damas et l’opposition pour trouver des points de jonction », a-t-il fait remarquer.
Définir les terroristes
Vladimir
Poutine et Recep Tayyip Erdogan se pencheront également sur d’autres
questions. Le politologue turc Salih Yilmaz, de l’Université Yildirim
Beyazit à Ankara, estime que les deux présidents examineront des
questions importantes pour Ankara comme les activités en Russie du
mouvement islamiste Fetö (accusé par Ankara d’avoir organisé le coup
d’État de 2016) et du Parti des travailleurs du Kurdistan. Les deux
structures sont considérées comme terroristes par la Turquie, mais pas
par la Russie.
« La Turquie est inquiète face au fait que Moscou accueille une représentation du Parti des travailleurs du Kurdistan », a noté Salih Yilmaz.
Le
1er mars, le Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement
russe) a ratifié l’accord russo-turc sur l’assistance mutuelle dans les
affaires pénales et sur l’extradition de criminels. Selon les experts,
les autorités turques auront désormais la possibilité de poursuivre en
territoire russe ceux qui ont des liens avec le mouvement Fetö et le
Parti des travailleurs du Kurdistan.
« Cela signifie que nous confirmons notre intention de coopérer non seulement sur le dossier du terrorisme, mais également sur une éventuelle extradition de ceux que la Russie et la Turquie considèrent comme politiquement suspects », a indiqué Iouri Mavachev, chef du secteur politique du Centre d’études de la Turquie moderne.
Achat des S-400
Toujours
d’après Salih Yilmaz, la prochaine visite de Recep Tayyip Erdogan à
Moscou donnera lieu à un entretien sur l’achat de systèmes de missiles
anti-aériens S-400.
La question a été largement débattue en
novembre dernier. Alexandre Fomine, chef du Service de coopération
technique et militaire de Russie, a alors déclaré que la livraison de
missiles S-400 à la Turquie serait l’un des sujets principaux de la
prochaine réunion de la commission intergouvernementale ; le ministre
turc de la Défense, Fikri Isik, a confirmé qu’Ankara était en
négociations avec Moscou sur l’achat de ces systèmes. La commission
intergouvernementale s’est en effet réunie début décembre, mis aucune
décision n’a été prise sur le sujet.
« Les entretiens sur l’achat des systèmes russes ne sont qu’un écran de fumée, a affirmé Iouri Mavachev. La Turquie nous a déjà fait des déclarations du genre à plusieurs reprises ».
Selon lui, Ankara optera en faveur d’une coopération technique et
militaire avec les États-Unis, tandis que la coopération avec la Russie
restera limitée.
6 mars 2017