dimanche 24 décembre 2017

Rapport sur l’avancement de la guerre entre les États-Unis et la Russie



On me demande souvent si les États-Unis et la Russie vont se faire la guerre. Je réponds toujours qu’ils sont déjà en guerre. Pas une guerre comme la Seconde Guerre mondiale, mais une guerre quand même. Cette guerre est, au moins pour le moment, grosso modo informationnelle à 80%, économique à 15% et cinétique à 5%. Mais, politiquement, le résultat pour le perdant n’en sera pas moins grave que celui de la Seconde Guerre mondiale l’a été pour l’Allemagne. Le pays vaincu n’y survivra pas, du moins pas dans sa forme actuelle : soit la Russie deviendra une colonie américaine soit l’Empire anglosioniste s’effondrera.

Dans ma toute première chronique pour Unz Review, intitulée « L’histoire de deux ordres mondiaux », j’ai décrit le genre de système international multipolaire réglementé par le droit que la Russie, la Chine et leurs alliés et amis (manifestes ou cachés) essaient de construire et comment il est radicalement différent de celui que l’unique superpuissance et les Anglosionistes ont tenté d’instaurer dans le monde entier (et ont presque réussi à imposer à notre pauvre planète !). Dans un sens, les dirigeants de l’Empire américain ont raison, la Russie représente une menace existentielle, non pour les États-Unis en tant que pays ou pour leur population, mais pour l’Empire anglosioniste, exactement comme ce dernier représente une menace existentielle pour la Russie. En outre, celle-ci constitue un défi civilisationnel fondamental pour ce qui est habituellement appelé l’« Occident », puisqu’elle rejette ouvertement ses valeurs post-chrétiennes (et, ajouterai-je, également ses valeurs viscéralement anti-musulmanes). C’est pourquoi les deux camps font un effort énorme pour l’emporter dans cette bataille.
La semaine dernière, le camp anti-impérial a remporté une victoire majeure avec la rencontre entre les présidents Poutine, Rouhani et Erdogan à Sotchi : ils se sont déclarés les garants d’un plan de paix qui mettra fin à la guerre contre le peuple syrien (la prétendue « guerre civile » qui n’en a jamais été une) et ils l’ont fait sans même inviter les États-Unis à participer aux négociations. Pire encore, leur déclaration finale n’a même pas mentionné les États-Unis, pas une fois. La « nation indispensable » était considérée comme tellement peu importante qu’elle ne méritait pas d’être mentionnée.
Pour prendre la pleine mesure de l’offense que constitue tout cela, nous devons souligner un certain nombre de points.
Tout d’abord, emmenés par Obama, tous les dirigeants occidentaux ont déclaré urbi et orbi et avec une confiance totale qu’Assad n’avait aucun avenir, qu’il devait s’en aller, qu’il était déjà un cadavre politique et qu’il n’aurait absolument aucun rôle à jouer dans l’avenir de la Syrie.
Ensuite, l’Empire a créé une « coalition » de 59 (!) pays qui ne sont parvenus à rien, rien du tout : un gigantesque Gang that could not shoot straight, coûtant des milliards de dollars, dirigé par le CENTCOM et l’OTAN et qui a prouvé seulement son incompétence absolue. En revanche, la Russie n’a jamais eu plus de 35 avions de combat en Syrie et a changé le cours de la guerre (avec beaucoup d’aide sur le terrain de la part des Iraniens et du Hezbollah).
Puis l’Empire a décrété que la Russie était « isolée » et que son économie était « en lambeaux » – tout ce que les média-Sion ont répété très fidèlement comme des perroquets. L’Iran, évidemment, faisait partie du célèbre « Axe du Mal », tandis que le Hezbollah était « la principale organisation terroriste ». Quant à Erdogan, les Anglosionistes ont essayé de le renverser et de le tuer [1]. Et maintenant, c’est la Russie, l’Iran, le Hezbollah et la Turquie qui ont défait les terroristes et qui vont décider des choses en Syrie.
Enfin, lorsque les États-Unis ont réalisé que l’installation de Daech au pouvoir à Damas ne se ferait pas, ils ont commencé par essayer de détruire la Syrie (plan B) puis ont tenté de créer un mini-État kurde en Irak et en Syrie (plan C). Tous ces plans ont échoué, Assad est en Russie en train de faire des câlins à Poutine tandis que le commandant de la Force al-Qods, les Gardiens de la révolution iranienne, le général Soleimani, se balade dans la dernière ville syrienne libérée de Daech.
Pouvez-vous imaginer combien les dirigeants étasuniens se sentent totalement humiliés, ridiculisés et battus aujourd’hui ?
Être haï ou combattu est une chose, mais être complètement ignoré – là, ça fait mal !
Côté stratégie, le mieux qu’ils ont trouvé a été ce que j’appellerais un « petit harcèlement de la Russie » : obliger RT à s’enregistrer comme agent étranger, voler l’art ancien de la Russie, dépouiller massivement les athlètes russes de leurs médailles, essayer d’interdire le drapeau et l’hymne russes aux Jeux olympiques de Séoul ou exclure l’aviation russe du prochain salon aéronautique de Farnborough. Et tous ces efforts aboutissent à rendre Poutine encore plus populaire, l’Occident encore plus haï, et les Jeux olympiques encore plus ennuyeux (idem pour Farnborough – de toute façon les MAKS et le Dubaï Air Shows sont tellement plus « sexy »). Oh et j’ai presque oublié, les « nouveaux Européens » continueront leur mini-guerre contre les vieilles statues soviétiques érigées à leurs libérateurs. C’est exactement comme la mini-guerre américaine contre les représentations russes aux États-Unis, un signe évident de faiblesse.
En parlant de faiblesse…
Cela devient comique.
Les médias américains, en particulier CNN, ne peuvent pas laisser passer un jour sans mentionner les méchants Russes, le Congrès est plongé dans une hystérie massive en essayant de savoir qui, des Républicains ou des Démocrates, a eu le plus de contacts avec les Russes, les commandants de l’OTAN font dans leur froc d’épouvante (ou ils le prétendent !) chaque fois que l’armée russe organise un exercice, les représentants de la Marine et de l’Armée de l’air pleurnichent régulièrement à propos des pilotes russes pratiquant des « interceptions non professionnelles » la Marine britannique passe en mode combat lorsqu’un seul (et assez modeste) porte-avion russe transite par la Manche – mais la Russie est censée être le pays « faible ».
Est-ce que cela a un sens pour vous ?
La vérité est que les Russes se marrent. Depuis le Kremlin, les médias, jusqu’aux médias sociaux – ils ont même fait des sketches hilarants montrant combien ils sont tout-puissants et comment ils contrôlent tout. Mais la plupart des Russes se tordent de rire en se demandant ce que les gens en Occident peuvent bien fumer pour être aussi totalement terrifiés (du moins officiellement) par une menace inexistante.
Vous savez ce qu’ils voient d’autre ?
Ils voient que les dirigeants politiques occidentaux recherchent la sécurité. D’où les « coalitions » ridiculement gonflées et toutes les résolutions émanant de divers organismes européens et transatlantiques. Les politiciens occidentaux sont comme des boutonneux de cour d’école qui, parce qu’ils ont peur des gamins bagarreurs, se blottissent ensemble pour paraître plus grands. Tous les enfants russes savent que rechercher la sécurité dans le nombre est le signe infaillible qu’on est une poule mouillée. En revanche, les Russes se rappellent aussi comment un minuscule pays de moins de 2 millions d’habitants a eu le courage de déclarer la guerre à la Russie et comment ils ont durement, très durement, combattu les Russes. Je parle des Tchétchènes, bien sûr. Ouais, aimez-les ou haïssez-les – mais impossible de nier que les Tchétchènes sont courageux. De même pour l’Alliance du Nord en Afghanistan. Les Russes ont été impressionnés. Et malgré la masse indicible de souffrances infligées par les Nazis à leur peuple, les Russes n’ont jamais nié que les soldats et les officiers allemands étaient compétents et courageux. Il y a même un dicton russe qui dit : « J’aime / je respecte l’homme courageux dans le Tatare  /Mongol » (люблю молодца и в татарине). Les Russes n’ont donc aucun problème à voir le courage dans leurs ennemis.
Mais les armées des États-Unis et de l’OTAN ? Elles agissent toutes comme si Conchita Wurst était leur commandant en chef !
Souvenez-vous de ceci :
Aucun de ces hommes n’était gentil ou « sympa » en aucune façon. Mais ils comptaient. Ils étaient pertinents. Et ils ont exercé un pouvoir très réel.
Aujourd’hui, le pouvoir réel ressemble à ça :
Savez-vous ce qui est vraiment offensant pour les dirigeants anglosionistes ?
Que cette photo montre un chrétien orthodoxe et deux musulmans (un chiite à gauche, et un sunnite à droite).
Ça, c’est offensant. Et très effrayant, bien sûr.
Nous sommes très, très loin de la « naissance d’un nouveau Moyen-Orient » promise par Condi Rice (c’est bien un nouveau Moyen-Orient, sauf que ce n’est pas celui que Rice et les néocons avaient en tête !).
Quant à « la seule démocratie au Moyen-Orient », elle est aujourd’hui en mode panique totale, d’où son plan maintenant évident de travailler avec les Saoudiens contre l’Iran et les fuites clairement organisées sur les bombardement de tous les actifs iraniens jusqu’à 40 km de la frontière israélienne. Mais ce train a déjà quitté la gare : les Syriens ont gagné et ce n’est pas le nombre de frappes aériennes qui va changer cela. Donc uniquement pour s’assurer qu’ils ont toujours l’air féroce, les Israéliens ajoutent maintenant qu’en cas de guerre entre Israël et le Hezbollah, son secrétaire général Hassan Nasrallah serait une cible. Ouah ! Qui y aurait pensé ?
Entendez-vous les fous-rires qui sortent de Beyrouth ?
Ce qui est effrayant, c’est que les gens de Washington DC, de Riyad et Jérusalem les entendent haut et fort, ce qui signifie que tôt ou tard, ils devront faire quelque chose et que ce « quelque chose » sera le bain de sang insensé habituel qui fait la célébrité de cet « Axe de la Bonté » : si vous ne pouvez battre leur armée, faites payer leurs civils (pensez au Kosovo en 1999, au Liban en 2006, au Yémen en 2015). Soit cela, soit défoncer la gueule d’une minuscule victime sans défense (Grenade en 1983, Gaza en 2008, Bahreïn en 2011). Rien de tel qu’un bon massacre de civils sans défense pour les faire se sentir virils, respectés et puissants (et, pour les Américains, « indispensables », bien sûr).
Mettant à part le cas du Moyen-Orient, je pense que nous pouvons commencer à voir les grandes lignes de ce que les États-Unis et la Russie feront ces deux prochaines années.
La Russie – sa stratégie à l’égard de l’Empire est simple :
  1. Essayer d’éviter autant que possible et aussi longtemps que possible toute confrontation militaire directe avec les États-Unis, parce que la Russie est toujours la partie la plus faible (surtout en termes quantitatifs). Cela et se préparer activement à la guerre selon l’ancienne stratégie si vis pacem para bellum (si tu veux la paix, prépare la guerre).
  2. Essayer de faire face au mieux à tous les « petits harcèlements » : les États-Unis ont infiniment plus de soft power que la Russie et celle-ci n’a tout simplement pas les moyens de riposter sur le même plan. Donc elle fait le minimum pour essayer de dissuader ou d’affaiblir les effets de ce genre de « petit harcèlement » mais, en vérité, elle ne peut pas faire beaucoup en la matière à part l’accepter comme un fait de la vie.
  3. Plutôt que d’essayer de se désengager de l’Empire contrôlé par les Anglosionistes (économiquement, financièrement, politiquement), la Russie contribuera de manière très délibérée à l’émergence progressive d’un monde alternatif. Un bon exemple en est la Nouvelle Route de la Soie [2] promue par les Chinois, qui est construite sans aucun rôle important pour l’Empire.
Les États-Unis – leur stratégie est également simple :
  1. Utiliser la « menace » russe pour donner un sens et un but à l’Empire, en particulier à l’OTAN.
  2. Poursuivre et étendre le « petit harcèlement » de la Russie à tous les niveaux.
  3. Saboter et affaiblir autant que possible tout pays ou politicien manifestant des signes d’indépendance ou de désobéissance (y compris les pays de la Nouvelle Route de la Soie).
Les deux camps recourent à des tactiques dilatoires, mais pour des raisons diamétralement opposées : la Russie parce que le temps joue en sa faveur et les États-Unis parce qu’ils n’ont plus d’autre choix.
Il est important de souligner ici que dans cette bataille, la Russie est très désavantagée : alors que les Russes veulent construire quelque chose, les Américains veulent seulement le détruire (les exemples comprennent la Syrie, bien sûr, mais aussi l’Ukraine ou, d’ailleurs, une Europe unie). Un autre désavantage important pour la Russie est que la plupart des gouvernements là-bas craignent toujours de contrarier l’Empire, d’où le silence assourdissant et la docilité soumise du « concert des nations » lorsque Oncle Sam se livre à l’un de ses carnages habituels, en violation totale du droit international et de la Charte des Nations unies. C’est probablement en train de changer, mais très, très lentement. La plus grande partie des politiciens mondiaux sont exactement comme les députés au Congrès américain : des prostitués (et à bas prix, encore).
Le plus grand avantage pour la Russie est que les États-Unis se désintègrent économiquement, socialement, politiquement – pour ne citer que quelques aspects. Au fil des années, les États-Unis, autrefois pays le plus prospère, commencent à ressembler de plus en plus à un pays stagnant du Tiers Monde. Bien sûr, l’économie américaine est toujours énorme (mais elle se rétrécit rapidement !), mais cela n’a aucun sens lorsque la richesse financière et la richesse sociale sont confondues dans un seule indice de pseudo-prospérité totalement trompeur. C’est triste, vraiment, qu’un pays qui devrait être prospère et heureux soit saigné à blanc par le « parasite impérial », dirons-nous, qui s’en nourrit.
En fin de compte, les régimes politiques ne peuvent survivre qu’avec le consentement de ceux qu’ils gouvernent. Aux États-Unis, ce consentement est clairement en passe de lui être retiré. En Russie, il n’a jamais été aussi fort. Cela se traduit par une fragilité importante des États-Unis et, par conséquent, de l’Empire (les États-Unis sont de loin l’hôte le plus grand du parasite impérial anglosioniste) et une source majeure de résistance pour la Russie.
Ce qui précède ne s’applique qu’aux régimes politiques, bien sûr. Les peuples de la Russie et des États-Unis ont exactement les mêmes intérêts : faire tomber l’Empire avec le moins de violence et de souffrances possibles. Comme tous les empires, l’Empire américain a surtout maltraité les autres pendant ses années de formation et d’apogée mais, comme tout empire décadent, il maltraite surtout son propre peuple. Il est donc vital de répéter sans cesse que « des États-Unis libérés de l’Empire » n’auraient aucune raison de voir un ennemi en la Russie, et vice-versa. En fait, la Russie et les États-Unis pourraient être des partenaires idéaux, mais les « parasites impériaux » ne permettront pas que cela se produise. Nous sommes donc tous coincés dans une situation absurde et dangereuse susceptible d’entraîner une guerre qui détruirait la plus grande partie de notre planète.
Pour ce que ça vaut, et malgré la constante hystérie russophobe dans les médiaSion américains, je ne décèle absolument aucun signe indiquant que cette campagne ait un quelconque succès au sein de la population des États-Unis. Tout au plus, certains gobent naïvement le conte voulant que « les Russes ont essayé d’interférer dans nos élections », mais même dans ce cas, cette croyance est tempérée par « ce n’est pas grave, nous le faisons aussi dans d’autres pays ». Je n’ai pas encore rencontré un seul Américain qui croie sérieusement que la Russie représente un danger. Je ne décèle même pas de réactions épidermiques d’hostilité lorsque, par exemple, je parle russe avec ma famille dans un lieu public. En général, on nous demande quelle langue nous parlons et quand nous répondons « le russe », la réaction, normalement, est « cool ! ». Très souvent, j’entends même : « Que pensez-vous de Poutine ? Je l’aime vraiment ». C’est en sérieux contraste avec le gouvernement fédéral, que l’immense majorité des Américains semble haïr passionnément.
En résumé, je dirais qu’à ce moment de la guerre américano-russe, la Russie gagne, l’Empire perd et les États-Unis souffrent. Quant à l’Union européenne, elle « profite » d’une indifférence bien méritée tout en étant principalement occupée à absorber, vague après vague, des réfugiés détruisant sa société. Ce qui prouve, une fois encore, la vérité du proverbe voulant que si vous avez la tête dans le sable, votre cul est à l’air.
Cette guerre est loin d’être terminée, je ne pense même pas que nous ayons atteint son apogée, et les choses vont empirer avant de s’améliorer de nouveau. Mais dans l’ensemble, je suis très optimiste sur le fait que l’“Axe du Bien” mordra la poussière dans un avenir pas trop lointain.

Le 1er décembre 2017 – Source The Saker






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