«J'annonce aujourd'hui que les États-Unis se retirent de l'accord nucléaire iranien » déclarait
Donald Trump mardi 8 mai 2018 (1). Le président des États-Unis a
rétabli du même coup les sanctions contre la République Islamique
d'Iran. Israël et l'Arabie Saoudite annoncent en même temps leur soutien
absolu à la décision américaine. L’État sioniste a même tiré des
missiles sur les positions iraniennes en Syrie avant de commettre un
nouveau massacre à Gaza le jour de l'inauguration de l'ambassade
américaine à Jérusalem (2). L'impérialisme, le sionisme
et le wahhabisme se trouvent ainsi unis dans un même combat contre « la
menace iranienne ».
Cette situation et son éventuelle évolution sur le
plan militaire est pour le moins inquiétante. Car il y a trop de pétrole
dans cette région et la moindre étincelle risque d'embraser tout le
Moyen-Orient. Mais pour maintenir et perpétuer leurs intérêts
économiques et stratégiques, l'impérialisme américain et ses supplétifs
israéliens et saoudiens, ne reculent devant aucun moyen y compris le
plus abject, la guerre.
L'Arabie Saoudite, par exemple, mène depuis 2015 une véritable guerre
au Yémen faisant des milliers de morts principalement des civils et
détruit une partie importante de l’héritage culturel et architectural
yéménite qui est en même temps patrimoine mondial de l'humanité. Ces
massacres se poursuivent inlassablement dans l'indifférence
quasi-générale (3).
Précisons également que l'Arabie Saoudite reste un soutien financier
et idéologique (le wahhabisme) décisif des nombreuses organisations
djihadistes réactionnaires qui opèrent en Irak, en Syrie et un peu
partout dans le monde. La cruauté et la barbarie de ces groupes
terroristes s’inspirent directement de celle de leur maître.
Pour comprendre la violence et la brutalité qui caractérisent le régime saoudien, il faut revenir
au XVIIIe siècle et plus exactement à l’époque de Mohammad Ibn Abdel
Wahhâb (1703-1792), prêcheur fanatique, et le « mithaq » (pacte) qu’il a
conclu en 1744 avec Mohammad Ibn Saoud, un émir qui rackettait ses
propres sujets et ambitionnait de soumettre les autres tribus à son
autorité.[a]
La violence de l’ultra-dogmatisme d’Ibn Abdel Wahhâb se manifestait
non seulement dans ses discours (inégalité homme/femme, rigorisme des
rapports sociaux etc.), mais surtout dans les châtiments corporels :
lapidation à mort de l’adultère, amputation des voleurs, exécutions
publiques, etc. Il s’agit à la fois d’une doctrine et d’une pratique.
Les sanctions découlent directement des normes et préceptes avancés par
Abdel Wahhâb. Cette mise en pratique des prêches et les effets des
châtiments cruels ont effrayé les chefs religieux. Contraint de quitter
son oasis natale, Abdel Wahhâb se réfugia dans les bras d’ Ibn Saoud,
émir de la province de Najd.
Ensemble ils ont créé le wahhabisme. Mais Ibn Saoud a su mettre le
talent, la ferveur et l’énergie d’Abdel Wahhâb au service de ses
ambitions personnelles : la religion au service de la politique. Le
prêcheur du désert est devenu le serviteur exclusif de l’émir et donne
ainsi une justification et une couverture religieuse aux ambitions
politiques de son protecteur. Le wahhabisme est la rencontre entre le
fanatisme religieux et le cynisme politique. Le régime saoudien actuel
est né de cette alliance confessionnelle et politique.
La découverte du pétrole dans les années trente n’a fait que
renforcer cette instrumentalisation de la religion. L’Islam est utilisé
comme idéologie de légitimation pour perpétuer le pouvoir et les
privilèges du clan des Al Saoud.
A la fin de la deuxième guerre mondiale, la mainmise américaine sur
le pétrole saoudien est totale avec la création d’Arabian American Oil
Company (Aramco). Pour parachever leur domination et protéger les puits
de pétrole saoudiens, une base de l’US Air Force est créée à Dhahran
dans l’est du pays.
Les richesses pétrolières enfouies sous le sable de l’Arabie, le rôle
de défenseur des intérêts impériaux de l’impérialisme américain font de
cet État féodal un « ami » de toutes les bourgeoisies occidentales et
l’ennemi de tous les peuples qui aspirent à se débarrasser de leurs
dirigeants qui les oppriment et les maintiennent dans la misère et la
souffrance. Cette complicité des bourgeoisies américaines et européennes
a conduit, entre autres, à l’intervention saoudienne à Bahreïn le 14
mars 2011 pour mater ces « chiites manipulés par l’Iran » afin de sauver
une autre dynastie, celle des Al Khalifa, au pouvoir depuis des siècles
(4). Ce sont les gouvernements et les classes dominantes américaines et
européennes qui ont permis à l’Arabie Saoudite de briser le soulèvement
populaire à Bahreïn et de maintenir une véritable dictature au pouvoir.
Récemment, l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït
ont apporté une aide substantielle (2,5 milliards de dollars) à la
Jordanie pour étouffer le soulèvement populaire qui secoue en ce moment
le royaume hachémite : «la rapidité et la vigueur avec laquelle les
États du Golfe ont répondu est un témoignage très clair de leur
inquiétude et de leur détermination à étouffer dans l'œuf l'agitation en
Jordanie. […] Ils font tout ce qu'ils peuvent pour empêcher un nouveau
printemps arabe à leur porte » (5).
Dans cette guerre menée contre les aspirations à la démocratie et
à la dignité des masses arabes opprimées, l’Arabie Saoudite joue un rôle
majeur. Elle est le rempart contre tout changement démocratique et
progressiste dans le monde arabe. Elle est l’incarnation de la
contre-révolution.
Face au « péril perse », l'Arabie Saoudite et les pays du Golf s'activent pour
créer un climat propice à la normalisation des relations entre les pays
arabes et Israël au mépris de la volonté des peuples concernés. « Nous
avons parfaitement conscience que le véritable danger pour la région
tout entière, c’est la République d’Iran, avec son parti, ses masses et
ses milices. Tous ses actes confirment la nécessité de contenir et
d’éliminer ce danger » disait le ministre bahreïni des affaires étrangères Khaled Ben Ahmad Al-Khalifa.
Les tentatives de cette « normalisation » prennent souvent la
forme de rencontres sportives, culturelles et par des visites
réciproques des personnalités politiques et militaires (6). Dans la presse saoudienne et ses antennes, le discours anti-israélien a totalement disparu à la grande satisfaction d'Israël : « Les pays arabes de la région ne voient plus Israël comme un ennemi mais, de plus en plus, comme un allié » (7).
Après avoir détruit l'Irak et la Libye, l'impérialisme et ses
alliés locaux sont en train de dévaster la Syrie et le Yémen. Demain
sera peut-être le tour de l'Iran. Car ils n'ont jamais accepté ni
supporté la disparition de la dynastie des Pahlavi et la naissance de la
République islamique d’Iran en 1979. Le fait que cette
République religieuse nationalise ses richesses pétrolières et gazières a
suffi pour placer l’Iran sur l’« Axe du Mal » parmi les « États
voyous ».
L'Irak, la Libye et la Syrie, trois régimes laïcs faut-il le
rappeler, sont aujourd'hui des pays dévastés et divisés et ne peuvent
donc jouer aucun rôle au niveau régional. Reste l'Iran avec sa
population nombreuse, son vaste territoire et ses richesses
énergétiques, qui présente aux yeux des Américains, des Israéliens et
des Saoudiens (la Triade du Crime) un danger pour leurs intérêts. Car il y a trop de
pétrole dans cette partie tourmentée du monde ! Il faut que les
puissances impérialistes puissent accéder sans trop de contraintes ni
d’entraves à cette richesse indispensable à leur économie et, partant,
aux profits de leurs bourgeoisies.
La création de l’État d’Israël dans cette région répond d’abord
à cette impérieuse nécessité. Ce n’est pas un hasard si cet État est la
seule puissance nucléaire du Moyen-Orient et dont les grands médias n’en
parlent (du nucléaire israélien) pour ainsi dire jamais. Ce qui est
permis à Israël est interdit aux autres ! Aucun autre pays de la région
ne peut développer un programme nucléaire même civil sans qu’Israël et
les pays impérialistes, grands et petits, ne réagissent violemment. Le
réacteur Osirak (sans charge nucléaire) par exemple a été détruit
partiellement le 7 juin 1981 par Israël et totalement par l'armée
américaine lors de la guerre du Golfe en 1991 (8).
Aujourd’hui, il est insupportable pour Israël que l’Iran devienne
à son tour une puissance nucléaire. Il veut garder, vaille que vaille,
le monopole sur cette terrible arme conformément aux seuls intérêts des
bourgeoisies des pays impérialistes et leurs alliés locaux. Détruire les
installations nucléaires iraniennes est devenu l’obsession des
dirigeants israéliens. Benyamin Netanyahou en fait même la mission de sa
vie. Il répète souvent cette phrase à qui veut l'entendre : « Je vais répéter une vérité immuable : Israël ne permettra pas à l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire» (9).
Le 30 avril 2018 dans un show médiatique, le premier ministre
israélien affirmait détenir des « preuves concluantes » que l'Iran
dispose d'un plan secret lui permettant de se doter de la bombe
atomique. Ce mensonge de plus n'avait d'autres objectifs que de hâter la
sortie des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien.
Effectivement, une semaine plus tard, Trump annonce son retrait de cet
accord (10).
Il est peut-être utile de rappeler, pour comprendre cette obsession
du premier ministre israélien, que les idées politiques de Netanyahou
sont intimement liées à celle de son père Bension Netanyahou lui-même
adepte de l'extrémiste Vladimir Jabotinsky (11) dont il était le
secrétaire personnel (12). Les Netanyahou, père et fils, ont toujours
mis en exergue dans leurs rhétoriques le fait que « le peuple juif »,
quoi qu'il fasse, est toujours et partout soumis à l'antisémitisme et à
l'extermination. Selon les époques et les circonstances les ennemis
changent mais la menace, elle, reste malgré la création de l’État
d'Israël et de sa puissante armée.[b]
Pour eux, comme pour toute l'extrême droite israélienne, Israël est constamment menacé. «We
are very simply in danger of extermination today. Not just existential
danger, but truly in danger of extermination. They think the
extermination, the Holocaust, is over, it isn’t, it goes on all the
time. I have always said that a necessary condition for
the existence of any living body, and for a nation, is the ability to
identify a danger in time, a characteristic which our nation lost in
theDiaspora» (13).
Israël doit donc en permanence inventer et fabriquer des ennemis pour
mieux assurer la paix sociale à l'intérieur et servir ses intérêts
stratégiques à l'extérieur. Aujourd'hui ce ne sont plus les Arabes mais
les Perses qui incarneraient ce danger mortel pour l’État hébreu. Il faut
donc, vaille que vaille, génocider le peuple iranien sous prétexte d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme
nucléaire.
Le premier ministre israélien ne cesse d'exercer des pressions sur
l'Iran et sur la communauté internationale. Il instrumentalise la Shoah
et présente dans sa rhétorique les dirigeants iraniens comme des
fanatiques irrationnels ne cherchant, à travers leur programme
nucléaire, qu'à détruire l'Etat d'Israël. L'Iran est associé à l'Holocauste et l'ancien président iranien Ahmadinejad est comparé à Hitler (14). La diabolisation de l'Iran sert ainsi de justification et de légitimation à une éventuelle intervention militaire.
L'arrivée au pouvoir de Hassan Rohani en 2013 et la signature
de l'accord sur le nucléaire iranien en 2015 qui, rappelons-le, a mis un
terme à près de trois décennies de sanctions économiques imposées par
l'impérialisme américain, n'ont pas empêché Israël de continuer à
diaboliser l'Iran sans réel succès. Il fallait attendre l'arrivée de
Donald Trump au pouvoir en janvier 2017 pour voir les positions
israéliennes se renforcer considérablement : «Il n’y a pas de meilleur soutien du peuple juif et de l’Etat juif que le président Donald Trump» disait le premier ministre israélien (15).
Netanyahou a réussi à obtenir à peu près tout ce qu'il voulait du
président américain : négation du droit du peuple palestinien sur sa
terre spoliée par Israël, transfert de l'ambassade américaine à
Jérusalem, encouragement à la poursuite de la colonisation dans les
territoires occupés (16), retrait des États-Unis de l'accord sur le
nucléaire iranien etc. etc. Ainsi l'impérialisme américain et le
sionisme sont sur la même ligne et sur le même front pour combattre la
République islamique d'Iran.
Jamais le Moyen-Orient n'a été aussi explosif qu'aujourd'hui. Avec
leurs déclarations, leurs manœuvres et leurs actes, les États-Unis,
Israël et l'Arabie Saoudite risquent à tout moment d'embraser cette
région du monde. Le wahhabisme et le sionisme ont grandi et prospéré
sous l'aile protectrice des États-Unis. Leur alliance sous l'égide de
l'impérialisme américain constitue un véritable danger non seulement
pour le Moyen-Orient, mais pour les peuples et les travailleurs du monde
entier qui n'ont nul besoin des guerres. Ils ont plutôt besoin d'un
monde débarrassé de l'impérialisme et de ses rejetons wahhabite et
sioniste. Seule leur entente fraternelle mettra un terme à l'hégémonie
impérialiste et à sa politique criminelle.
-------------------------------
(1)https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/08/accord-sur-le-nucleaire-iranien-donald-trump-annonce-le-retrait-des-etats-unis-et-retablit-les-sanctions-contre-liran_a_23429640/
(2)http://www.belaali.com/2018/05/un-nouveau-massacre.html
(3)http://www.belaali.com/2016/09/les-guerres-profanes-de-l-arabie-saoudite-au-yemen.html
(4)http://www.belaali.com/article-l-intervention-saoudienne-a-bahrein-et-le-silence-complice-des-bourgeoisies-occidentales-69874090.html
(5)http://www.france24.com/fr/20180611-jordanie-arabie-saoudite-koweit-emirats-arabes-unis-aide-milliards-crise-chomage
(6)https://orientxxi.info/magazine/glissement-des-pays-du-golfe-vers-israel,2171
(7) https://www.lorientlejour.com/article/1059016/quel-rapprochement-possible-entre-israel-larabie-saoudite-et-abou-dhabi-.html
(8)https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1981_num_27_1_2435)
(9)https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/06/04/nucleaire-iranien-netanyahou-a-l-offensive-en-europe_5309245_3218.html
(10)https://fr.timesofisrael.com/netanyahu-liran-a-menti-et-sacrement/
(11) Vladimir Jabotinsky, leader du Parti révisionniste, a toujours
réclamé un Etat juif sur les deux rives du fleuve Jourdain incluant
l'actuelle Jordanie. Par rapport aux autres leaders sionistes, il avait
au moins la franchise de ses idées. C'est lui qui disait « La
colonisation sioniste, même la plus restreinte, doit ou bien cesser ou
bien être menée contre la volonté de la population indigène. Par
conséquent, cette colonisation ne peut continuer et se développer que
sous la protection d'une force indépendante de la population locale,
d'un mur d'acier que la population locale ne peut forcer. Telle est in
toto, notre politique envers les arabes. La formuler d'une autre manière
relève de l'hypocrisie». Cité dans Lotfallah Soliman « Pour une histoire profane de la Palestine », Ed. La Découverte, page 35.
(12)https://www.haaretz.com/1.5218143(13)https://www.haaretz.com/1.5218143
(14)https://www.haaretz.com/opinion/1.5219758
(15)http://elnetwork.fr/rencontre-entre-donald-trump-benyamin-netanyahou-5-points-a-retenir
(16) https://www.20minutes.fr/monde/2006419-20170201-israel-depuis-investiture-trump-colonisation-reprend-plus-belle-cisjordanie
Notes de H. Genséric
[b] La fixation maladive
des juifs sur l’Iran remonte aux préceptes talmudiques recommandant de génocider
les non juifs :
Hannibal GENSÉRIC
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires hors sujet, ou comportant des attaques personnelles ou des insultes seront supprimés. Les auteurs des écrits publiés en sont les seuls responsables. Leur contenu n'engage pas la responsabilité de ce blog ou de Hannibal Genséric.