La prise de
villes occidentales par le Gouvernement d’union nationale s’accompagne d’un
retour des milices que les habitants accusent de vouloir envoyer en mer des
bateaux de migrants.
La police,
l’armée et les responsables de la sécurité des villes libyennes occidentales de
Sabratha et Sorman se cachent depuis que les forces fidèles au
Gouvernement d’union nationale (GNA) de Tripoli soutenu par l’ONU ont repris le
contrôle de la région à l’Armée nationale libyenne (ANL) du gouvernement basé à
l’Est.
Parmi les forces
du GNA ayant mené l’opération de Sabratha figuraient plusieurs milices de
passeurs et autres milices inscrites sur la liste noire de l’ONU,
lesquelles, selon les habitants, réimposent leur loi et prévoient de
reprendre leur activité illégale consistant à envoyer des bateaux bondés de
migrants vers l’Europe.
« Ces combattants pour le gouvernement de
Tripoli n’appartiennent pas à l’armée, il s’agit de milices. Ils ne
travaillent pas non plus dans un cadre légal, ils font ce qu’ils
veulent », rapporte Mohammed, policier à Sabratha, à Middle East
Eye par téléphone, depuis l’endroit tenu secret où il se cache
désormais, craignant pour sa vie.
Selon le
policier, qui a travaillé avec l’autorité libyenne de lutte contre
l’immigration illégale et connaît les réseaux locaux de passeurs, il y aurait
dans les rangs des forces du GNA entrées à Sabratha, plusieurs
milices locales connues pour contrôler les opérations de passage de clandestins
le long de cette côte.
« Ces
milices vont commencer à envoyer les migrants en mer car c’est de cette
façon qu’elles gagnent de l’argent, et elles pourront travailler librement car
il n’y a pas de police, pas de loi et pas de gouvernement », relève
Mohammed, expliquant que la plupart du personnel de sécurité officiel a, comme
lui, fui la région.
« Désormais,
la mer est plus calme, c’est le début de la saison pour le passage des migrants
et ce n’est pas une coïncidence si ces milices ont pris le contrôle à cette
période. »
Affirmant que
plusieurs milliers de migrants d’Afrique subsaharienne sont prêts et attendent
de traverser la Méditerranée, Mohammed souligne : « De nombreux migrants
travaillent, économisent et attendent que les passeurs reprennent leur
activité. Ce moment est arrivé, ils vont désormais tenter d’atteindre
l’Europe. »
Ces
affirmations semblent étayées par des images qui circulent à grande
échelle sur les réseaux sociaux montrant un personnage clé au centre des
accusations de trafic de migrants, Ahmed Dabbashi – connu sous le nom d’al-Ammu
(l’oncle) –, en train de sermonner les habitants après la prise de contrôle
par le GNA.
Ahmed Dabbashi,
commandant de la brigade Anas al-Dabbashi, fait l’objet de sanctions de la part
de l’Union européenne (UE), notamment une interdiction de voyager et un
gel de ses actifs depuis juin 2018 car il est « un leader important
d’activités illégales liées au trafic de migrants ».
La liste de
sanctions de l’ONU note que « des preuves solides montrent que la
milice Anas al-Dabbashi est directement impliquée dans le trafic illicite
et le passage de migrants et… contrôle les zones de départ des migrants, les
camps, les refuges et les bateaux ».
Une autre vidéo,
diffusée également sur les réseaux sociaux, semble montrer un autre individu
sous le coup de sanctions de l’ONU, l’ancien dirigeant des garde-côtes de
Zaouïa, Abd al-Rahman al-Milad, qui se serait
ligué avec d’autres passeurs participant aux opérations pour reprendre
Sabratha.
Depuis le
soulèvement de 2011 qui a renversé Mouammar
Kadhafi, les activités des passeurs prospèrent en Libye, fournissant une
source de revenu lucratif pour les milices et les groupes criminels.
Selon des
sources locales, les bateaux utilisés par les passeurs de migrants se vendent
actuellement 20.000 dinars libyens (13.000 euros) et la somme générée
par la vente des places sur ces bateaux généralement bondés s’élève environ à
100.000 dinars libyens (65.265 euros). Les passeurs font donc un
profit de 52.000 euros pour chaque bateau qui prend la mer.
« Les
passeurs se fichent que les migrants atteignent l’Italie ou se
noient, leur seul souci est de récupérer l’argent et d’envoyer les bateaux en
mer », assure Mohammed. « Et pour quelle raison ont-ils besoin
d’argent ? Pour acheter plus d’armes et avoir davantage de
pouvoir. »
Les milices
pourchassent la police et l’armée
Après la prise
de Sabratha, les habitants qui avaient ouvertement exprimé leur soutien au
gouvernement basé dans l’Est de la Libye et à ses forces de l’ANL ont été
visées, et plusieurs civils auraient été assassinés.
Un ancien
proviseur qui travaillait pour le ministère de l’Éducation aurait été tué au cours
d’une exécution publique.
« Sans
police et sans armée, la loi ne règne plus à Sorman et Sabratha », déplore
Mohammed.
Une vedette des autorités libyennes à côté d’un petit bateau en détresse au large de la côte libyenne pendant une opération de secours avec le navire ONG « Alan Kurdi » |
« Ces milices recherchent quiconque travaillait pour la police ou l’armée, et de nombreuses maisons appartenant aux partisans de l’ANL ont été incendiées, leurs magasins pillés et leurs véhicules volés. »
Dans la vidéo,
Ahmed Dabbashi annonce à un groupe d’habitants réunis que la sécurité va être
rétablie et que les pillages et les incendies de propriétés vont cesser.
Mais ces
annonces sonnent creux selon une source locale, surtout qu’aucune mention n’a
été faite du rétablissement de la police ou des appareils de sécurité
officiels.
Malgré son
insistance sur le pardon et la réconciliation nécessaires pour l’harmonie
future, dans le même discours, Ahmed Dabbashi réprimande les habitants pour
avoir accueilli l’ANL et exhorte les personnes présentes à obéir au GNA.
« La violence avec laquelle le GNA a
pris le contrôle de la région est totalement inacceptable », assène un
homme d’affaires de Tripoli ayant des associés à Sorman, et s’exprimant sous
couvert d’anonymat.
« Dabbashi
appartient à une puissante tribu locale, donc le GNA a probablement pensé
qu’il avait de l’influence et était tout désigné pour diriger l’attaque. Mais
tout le monde connaît son implication avec les passeurs et dans d’autres
activités criminelles. Le fait qu’il soit recherché à l’international
et qu’il soit libre de mener des opérations militaires est très
embarrassant. »
Les exactions
présumées à Sabratha, qui se trouve à peine 60 kilomètres de la capitale,
sont les dernières d’une série de violations des droits de l’homme dont sont
accusés les forces affiliées aux deux gouvernements rivaux de Libye dans cette offensive sur Tripoli qui dure depuis un an.
Chaque partie
accuse systématiquement l’autre de viser les civils, de déployer des
mercenaires et de compter lourdement sur des soutiens internationaux. Toutes
les parties contreviennent sans cesse à l’embargo sur les armes de l’ONU en place depuis 2011 et ignoré
depuis longtemps.
La mission
d’appui de l’ONU en Libye a publié un communiqué faisant part de sa vive inquiétude à propos
des signalements d’attaques contre des civils, la profanation de tombes, les
pillages et les vols ainsi que l’incendie de propriétés publiques et privées à
Sabratha et Sorman, indiquant que s’ils étaient confirmés, ces actes
constitueraient de graves violations du droit humanitaire international.
Crainte d’une
résurgence de l’EI
Avant que les
forces affiliées à l’ANL ne prennent le contrôle de Sabratha il y a environ
deux ans, la région était en grande partie laissée à elle-même par les
gouvernements rivaux successifs. Le règne des milices, la criminalité et
l’extrémisme croissant, notamment les activités du groupe État islamique (EI),
prospéraient.
En 2014, un
ingénieur britannique et sa petite amie néo-zélandaise ont été abattus sur une plage près de Sabratha où ils
étaient en train de pique-niquer.
En 2016, deux
employés de l’ambassade de Serbie qui avaient été enlevés figuraient parmi les
49 personnes tuées au cours d’une frappe aérienne américaine sur un camp d’entraînement
de l’EI, endroit supposé où le militant tunisien Noureddine Chouchane, qui a tué des dizaines de touristes
dans une attaque contre une plage de Sousse en Tunisie en 2015, s’est
radicalisé.
Le GNA a été
critiqué pour intégrer dans ses rangs des personnalités militaires sanctionnées
à l’international et des brigades avec des affiliations douteuses, plusieurs
récemment apparues à Sabratha ont également été liées à l’EI ou la filiale
libyenne d’al-Qaïda Ansar al-Charia.
Le paragraphe
consacré à Ahmed Dabbashi dans la liste des sanctions de l’ONU
indique : « Le clan al-Dabbashi entretient des liens de longue date
avec l’État islamique au Levant (EIL) et ses affiliés et menace la paix et
la stabilité en Libye et dans les pays voisins. »
À la suite de la
prise de Sabratha et Sorman par le GNA, la Tunisie a annoncé renforcer sa surveillance
et sa sécurité le long de sa frontière avec la Libye, à une centaine de
kilomètres à l’ouest de Sabratha.
Les vidéos de
Sabratha montrent également l’ancien porte-parole du Conseil de la choura des
révolutionnaires de Benghazi affilié à Ansar al-Charia, Faraj Moussa
al-Hesnawy, avec des béquilles en raison de blessures subies à
Tripoli en fin d’année dernière, devant un commissariat incendié.
Un
combattant du GNA en tire des roquettes près de la ville de Castelverde en direction de la ville de Tarhounah, au sud-ouest de Tripoli, tenue par les forces de Khalifa Haftar, 19 avril 2020 (AFP) |
Connu localement sous le nom de Schako, Hesnawy a été photographié sous un drapeau noir de l’EI lorsqu’il combattait les forces de l’ANL à Benghazi.
Des craintes
locales d’une résurgence de l’EI par ces personnalités militaires aux
affiliations douteuses ont été accrues par la libération d’environ
400 prisonniers de la prison de Sorman.
Parmi eux, selon
Mohammed, figuraient quinze combattants de l’EI et des membres d’un
gang criminel impliqués dans une trentaine d’affaires de meurtres,
d’enlèvements et d’attaques contre des bâtiments gouvernementaux, aussi accusés
du kidnapping et du meurtre des trois enfants d’un riche
homme d’affaires local en 2015.
« Il s’agit de gens très dangereux qui
constituent une menace grave pour tous les Libyens assure-t-il.
Le ministère de
l’Intérieur du GNA a donné aux détenus qui se sont échappés trois jours pour se
rendre d’eux-mêmes aux autorités, une notion plutôt dérisoire dans un
pays où le conflit civil en cours a délaissé l’ordre public.
« Le cas
des prisonniers échappés fissurera la cohésion sociale et les habitants, bien
sûr, tiendront le GNA pour responsable et seront prompts à soutenir
quiconque peut capturer à nouveau ces criminels », estime l’homme
d’affaires de Tripoli. « Si le GNA y parvient, cela pourrait asseoir le
soutien dont il bénéficie, mais beaucoup sont persuadés que seule l’ANL est
capable d’apporter ce niveau de sécurité. »
L’ANL a
intensifié les combats sur les lignes de front au sud de Tripoli et met la
pression au cœur de la ville depuis qu’elle a perdu des villes occidentales.
Fin avril, elle a publié une vidéo montrant la capture du frère cadet de
Dabbashi, âgé de 24 ans.
Mohammed
n’envisagera de rentrer dans sa ville natale que si l’ANL reprend la région, et
uniquement dans ces circonstances.
« Je ne
rentrerai pas chez moi ni ne reprendrai mon travail tant que l’ANL ne
reprendra pas le contrôle », affirme-t-il. « Et l’ANL reviendra car
elle bénéficie d’un soutien local massif. »
Il insiste sur
le fait que ce soutien n’est pas exprimé envers le commandant militaire du gouvernement
de l’Est, le maréchal Khalifa
Haftar, que les gens soutiennent plutôt la stabilité que ses forces
représentent. Il note également que sous le contrôle de l’ANL, sa région
avait connu un retour de l’ordre public largement absent depuis le
soulèvement de 2011.
« Je ne
parle pas uniquement de Sabratha et de Sorman. Les Libyens en général désirent
le retour de l’armée et de la police officielle dès à présent, ils en ont assez
des milices. Nous en avons tous assez des milices. »
18 mai 2020
NOTE de H. Genséric
Le gouvernement de Tripoli étant soutenu à bouts de bras par les Frères Musulmans, dont le patron opérationnel est le président turc Erdogan, il n'est pas étonnant que ce denier use et abuse de l'immigration illégale pour faire chanter l'Europe. Vous fermez les frontières du côté grec ? je vous inonde de "boat people" des côtés maltais, italien, français et espagnol.
Du côté du général Haftar, ce n'est pas mieux, avec une coalition hétéroclite : Israël, Égypte, EAU, Arabie, Russie, .... qui dit mieux ? Les motivations des uns et des autres sont tout à fait contradictoires et ne diffèrent pas beaucoup de celles de la Turquie.
Depuis que le président
algérien a lancé une mise en garde en règle contre les Etats-Unis et
confrères en affirmant que le feu libyen embrasera non seulement
l'Algérie et la Tunisie mais aussi des pays non voisins de la Libye,
certaines sources relèvent une montée en puissance des actes de guerre
de deux principaux fauteurs de trouble que sont les Emirats et la
Turquie. Sur fond de déploiement des milliers de terroristes que la
Turquie fait venir de la Syrie, les Emirats eux, travaillent à la
consolidation d'un couloir aérien militaire permanent aux portes de
l’Algérie. Le Qatar en avait fait autant en Syrie en 2011 mais les
Emirats innovent en ce qui ce n'est pas uniquement des Tow, des Manpad,
des chars et munitions qui y sont transités mais aussi des avions de
combat, des batteries de DCA et autres éléments, histoire de ne pas
refaire l'erreur "syrienne". En effet cela fait dix ans que le camp
atlantiste veut briser la DCA syrienne pour pouvoir raser une bonne fois
pour toute la Syrie sans pour autant réussir. En Libye et face à
l’Algérie elle aussi ayant une solide DCA, les Emirats ne veulent pas
commettre cette erreur. L’ONU vient de publier un rapport révélateur
sur la création d’un pont aérien pour aider l'Armée nationale
libyenne (ANL) sous le commandement du général Khalifa Haftar.
Selon ce rapport secret, les Émirats arabes unis ont mis en place un pont aérien pour aider Haftar et lui livrer des armes et du matériel militaire.
« Au mépris de la résolution des Nations unies interdisant la livraison d'armes et d'équipements militaires à la Libye, Abou Dhabi a mis en place un pont aérien pour transporter des armes en Libye pour aider les forces armées, dirigées par le général Haftar », peut-on lire dans le rapport confidentiel.
Le rapport aurait été remis au Conseil de sécurité ce mois-ci. Deux
diplomates bien informés du contenu du rapport onusien confirment même
que les EAU avaient envoyé au moins 37 avions transportant les munitions
et les armes de guerre en Libye depuis début novembre.
Ils ont ajouté qu'il existait un réseau complexe d'entreprises qui envoient des armes et des munitions en Libye. Il est question des sociétés aux EAU, au Kazakhstan et dans les îles Vierges britanniques.
Le rapport, fourni par le Comité d'experts de l'ONU, indique aussi que le comité a enregistré de nombreux vols secrets en provenance des EAU et de leur base aérienne en Érythrée, tous destinés au général Haftar en Libye, les Émirats ayant visiblement pour mission de remplacer le Yémen par la Libye. Un couloir aérien de trafic d'avions de guerre, de DCA et de missiles air sol, voire air air, les Émirats l'entretiennent et sont déterminés à l'entretenir. Reste à savoir quand et comment l'Armée algérienne compte y réagir.
Source : Presstv
Les Émirats ne veulent pas commettre face à l'Algérie l'erreur commise en Syrie
Selon ce rapport secret, les Émirats arabes unis ont mis en place un pont aérien pour aider Haftar et lui livrer des armes et du matériel militaire.
« Au mépris de la résolution des Nations unies interdisant la livraison d'armes et d'équipements militaires à la Libye, Abou Dhabi a mis en place un pont aérien pour transporter des armes en Libye pour aider les forces armées, dirigées par le général Haftar », peut-on lire dans le rapport confidentiel.
Ils ont ajouté qu'il existait un réseau complexe d'entreprises qui envoient des armes et des munitions en Libye. Il est question des sociétés aux EAU, au Kazakhstan et dans les îles Vierges britanniques.
Le rapport, fourni par le Comité d'experts de l'ONU, indique aussi que le comité a enregistré de nombreux vols secrets en provenance des EAU et de leur base aérienne en Érythrée, tous destinés au général Haftar en Libye, les Émirats ayant visiblement pour mission de remplacer le Yémen par la Libye. Un couloir aérien de trafic d'avions de guerre, de DCA et de missiles air sol, voire air air, les Émirats l'entretiennent et sont déterminés à l'entretenir. Reste à savoir quand et comment l'Armée algérienne compte y réagir.
Source : Presstv
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