Lorsque
l'OTAN a assassiné Mouammar Kadhafi de sang-froid, les observateurs avertis ont
prédit que sa disparition n’allait pas marquer la fin de la guerre, mais serait,
à l’image de l’Irak, le début de son escalade. La Libye est à nouveau dans
l'œil du cyclone. La reconquête de Beni Walid par les kadhafistes et la récente
déclaration de l'autonomie de la Cyrénaïque, riche en pétrole, par des chefs
tribaux et des milices ne sont que des signes avant-coureurs des guerres à
venir. Le CNT, installé par les États-Unis et l'OTAN comme gouvernement
officiel, s'est avéré incapable d'exercer son contrôle, même sur la capitale,
Tripoli, dont le principal aéroport reste sous contrôle d’une de ces milices. En
fait, de nombreux membres du CNT ne se déplacent pas librement en Libye, et
beaucoup d’entre eux passent leurs nuits à Malte par crainte de représailles. Plus
de 100 milices tribales et d’autres milices citadines (milices de villes)
contrôlent, dans les faits, une grande partie du pays, et à l’occasion, se font
une guéguerre plus ou moins larvée.
Le désert libyen est devenu un haut lieu de la
contrebande et du terrorisme
La connexion entre l'ex roi Idris et le
mouvement séparatiste dans l'est est très directe.
Les
hommes forts ? Les ultras
On mesure le succès de la mission de l’OTAN en
consultant les chiffres suivants :
La catastrophe dont personne ne parle
Le désert libyen est devenu un haut lieu de la
contrebande et du terrorisme
Le sud de ce pays est devenu le nouveau sanctuaire
des terroristes du Sahel, en particulier d’al-Qaïda au Maghreb islamique
(Aqmi). Les trafiquants y règnent en maître et y ont trouvé une nouvelle porte
d'accès pour atteindre l'Europe. Ce qui s’est passé, c’était un reflux massif
des gens d’al-Qaida donc d’Aqmi, du Mouvement pour l'unicité et le jihad en
Afrique de l'Ouest (Mujao), d’Ansar Dine… à partir de la fin de l’année 2012
alors que l'intervention militaire française au Mali -l’opération Serval- était
pressentie dans les milieux jihadistes. Le noyau dur des combattants d’Aqmi
s’était, lui, regroupé en prévision justement de cette attaque dans un nouveau
sanctuaire qui était le sanctuaire libyen.
Le désert libyen, à l’heure, actuelle est devenu un
haut lieu de la contrebande et du terrorisme :
·
une région contrôlée par la brigade islamiste 315,
fondée par un Touareg malien lié par mariage à Mokhtar Belmokhtar, lié à Al
Qaeda, engagé dans le trafic de drogue et le transport de djihadistes ;
·
une région où des stocks d’armes de l’ère Kadhafi
sont entreposés dans des bunkers souterrains, dont les Touaregs révèlent
l’emplacement au plus offrant ;
·
une région où, au vu et au su de Tripoli, Mokhtar
Belmokhtar a rassemblé les hommes qui ont lancé l’attaque d’In Amenas, à
quelques centaines de kilomètres de là, et l’imposant matériel de guerre dont
de l’explosif Semtex qui devait servir à faire exploser la raffinerie algérienne ;
·
une région hors de tout contrôle : A Tripoli,
tout le monde connaît l’existence de ces groupes terroristes implantés chez les
Touaregs. Mais sans moyens militaires et sans véritable volonté politique,
impossible d’intervenir ! Alors on enterre le dossier en faisant de son
mieux pour que l’Occident reste à l’écart.
Les anciens collaborateurs de Kadhafi , les
Touaregs, sont aujourd’hui ceux qui protègent Aqmi dans le sud. De quoi
relativiser les termes de la victoire française annoncée au Mali, pays qui ne
peut être jugé isolé du reste de ce qu’on appelle le « Sahelistan »,
un petit frère de l’Afghanistan, mais plus près de nous….
La connexion entre l'ex roi Idris et le
mouvement séparatiste dans l'est est très directe.
Le petit-neveu
du roi Idris, Ahmed Zubair al-Senoussi, a émergé lors de la conférence à
Benghazi. Il a été choisi par les 3.000 représentants des tribus, des milices
et des politiques réunis pour élire le chef d'un nouveau conseil intérimaire de
Cyrénaïque, dont le sous-sol détient les trois quarts des réserves pétrolières
de la Libye. Sous le régime de Kadhafi, une partie importante de la richesse
pétrolière du pays a été canalisée vers les prestations sociales : les
soins de santé et l'éducation étaient gratuits pour tous les Libyens. La
proposition de transférer ces secteurs aux autorités régionales représente une
menace directe pour le bien-être de la majorité de la population. La décision
de créer un gouvernement autonome basé à Benghazi fait partie d'un éclatement plus
large de la Libye le long des lignes régionales (voir carte). L'objectif
déclaré du nouveau conseil est de faire revivre la Constitution de 1951, imposée
par l'ancien roi fantoche Idris.
Le premier
ministre libyen par intérim a rejeté toute évolution vers un État fédéré en
déclarant: "Nous ne voulons pas revenir 50 ans en arrière". Il faisait référence au régime réactionnaire
et corrompu du roi Idris, qui a gouverné la Libye jusqu'à son renversement par
le Mouvement des officiers libres d'inspiration nassérienne, dirigés par Kadhafi.
Idris avait été, lui aussi, une marionnette aux mains l'impérialisme américano-britannique.
Il leur avait octroyé deux bases militaires (dont la base aérienne géante
américaine Wheelus), et a été un pion aux mains des grandes compagnies
pétrolières américaines. Ce sont ces compagnies qui ont écrit la loi sur le
pétrole du pays et qui ont obtenu des droits d'exploitation pratiquement sans
restriction. Après son arrivée au pouvoir, Kadhafi a fermé les bases
américaines et britanniques et a nationalisé l'ensemble des compagnies
pétrolières étrangères opérant dans le pays. L’impérialisme occidental ne le
lui a jamais pardonné.
Les
hommes forts ? Les ultras
En Libye, les vrais chefs sont les hommes qui
montent. Ceux qui ont les armes, les milices, et prêchent l'islam le plus
intégriste qui soit. C'est Abdelhakim Belhadj, un ancien d’Al-Qaïda, gouverneur
de Tripoli, un djihadiste « afghan » qui a troqué son treillis contre
un complet veston et vise désormais le pouvoir par les urnes avec son nouveau
parti, le Hezb el-Watan, de tendance « salafiste nationaliste ».
La reconquête s'opère en faisant table rase des
dirigeants actuels grâce à la fameuse loi de bannissement politique votée sous
la menace des kalachnikovs, cette loi que les islamistes tunisiens essaient
d’imposer en Tunisie afin d’exclure tous les opposants. Cette loi risque
d'exclure 500.000 personnes (presque la moitié de la population adulte !) de
toute participation à la société nouvelle au motif qu'elles auraient été
associées à la Libye de Kadhafi depuis 1969. « Du coup, des régions entières
sont éliminées, la loi s'oppose à toute réconciliation nationale »,.
Autre figure clé : l'émir de Derna, ville symbole
de l'insurrection contre Kadhafi. Abdelkarim al-Hasadi justifie la lapidation
et explique que « les talibans respectent les femmes ». Il est
ultra populaire. Parmi les futurs leaders, on trouve encore le grand mufti
Sadiq al-Gariani, qui interdit aux Libyennes d'épouser des étrangers, même
musulmans. Une fatwa en contradiction intégrale avec le Coran.
Ces ultras constituent avec bien d'autres les
vraies éminences grises de la nouvelle Libye. A côté d'eux, les salafistes
tunisiens et égyptiens sont vert pâlot et plutôt falots. La Libye est
aujourd'hui « le plus radicalement réactionnaire des pays de la
révolution arabe ».
On mesure le succès de la mission de l’OTAN en
consultant les chiffres suivants :
- En 2010, sous le « régime de Mouammar
el-Kadhafi », il y avait en Libye : 3,8 millions de Libyens et 2,5 millions de travailleurs étrangers soit 6,3 millions d’habitants.
- Aujourd’hui :1,6 million de Libyens sont en exil, et 2,5 millions d’immigrés ont fuit le pays pour échapper aux agressions racistes.
- Il reste environ 2,2 millions d’habitants. Ces
chiffres ne tiennent pas compte du nombre de victimes durant l’intervention,
leur évaluation restant sujette à caution.
La catastrophe dont personne ne parle
Meurtres, règlements de comptes, tortures,
arrestations arbitraires, viols, massacres, sans parler du génocide à
l’encontre des Africains et des tribus noires du pays, présence massive d’Aqmi
dans le sud, implantation d’Al Qaeda en Cyrénaïque, trafic de drogue, trafic
d’armes et déstabilisation régionale...
C’est une nation en lambeaux, disloquée et plus fragile que jamais, pleine de violence et de dangers, qu’on nous cache depuis maintenant des mois.
Mais au-delà de ce constat, il y a la dimension de déstabilisation régionale. Elle a créé un vaste espace ouvert aux groupes djihadistes et/ou trafiquants en tous genres, qui se déplacent au gré des événements. Quand l’Algérie boucle ses frontières après In Amenas, ou quand la France et ses alliés reconquièrent le nord du Mali, le foyer se déplace vers la Tunisie (djebel Chaambi et dans le sud) ou dans son sanctuaire du sud de la Libye, sans problèmes d’argent ou d’armes, prêt à ressurgir ailleurs.
C’est une nation en lambeaux, disloquée et plus fragile que jamais, pleine de violence et de dangers, qu’on nous cache depuis maintenant des mois.
Mais au-delà de ce constat, il y a la dimension de déstabilisation régionale. Elle a créé un vaste espace ouvert aux groupes djihadistes et/ou trafiquants en tous genres, qui se déplacent au gré des événements. Quand l’Algérie boucle ses frontières après In Amenas, ou quand la France et ses alliés reconquièrent le nord du Mali, le foyer se déplace vers la Tunisie (djebel Chaambi et dans le sud) ou dans son sanctuaire du sud de la Libye, sans problèmes d’argent ou d’armes, prêt à ressurgir ailleurs.
Le rêve libyen est, comme en Tunisie ou en Egypte, devenu un cauchemar. Les milices sont partout
et l'État n'est nulle part. Chaque mois, chaque semaine, chaque heure apporte
une preuve nouvelle de la dislocation générale. Un formidable bond en arrière : le triomphe pour le sionisme (merci BHL) et pour l'impérialisme (merci l'OTAN).
Voir aussi :
Voir aussi :
Moyen Orient : Le plan américano-israélien
Hannibal Genséric