vendredi 10 janvier 2020

Iran vs USA = Sagesse vs provocations


Selon les vénérables stoïciens, la sagesse consistait à prendre la raison pour guide ; la folie, au contraire, à obéir à ses passions. D'où ils sont, Zénon ou Sénèque doivent jeter un œil fort intéressé sur la situation actuelle...

Ainsi, l'Empire provocateur a assassiné l'Arsène Lupin du Moyen-Orient, bien connu de nos lecteurs.
On le retrouve lors de l'entrée en guerre de la Russie en Syrie comme dans le blitz royal sur Al Bukamal ou encore la poudrière de Mossoul où...
... le redouté chef des Gardiens de la Révolution, Qassem Someimani est présent sur le terrain pour coordonner les milices chiites. Soleimani est la bête noire de la CIA, le commandant de l'ombre responsable de la mort de dizaines de soldats US pendant l'occupation de l'Irak, le faiseur de rois de Bagdad. On le crédite de tout et peut-être d'un peu trop d'ailleurs, mais une chose est sûre : c'est l'un des hommes les plus importants du Moyen-Orient. Le voir aujourd'hui se balader non loin des forces spéciales états-uniennes ne manque décidément pas de sel.
Si cet assassinat ciblé fait suite à une escalade, dont le dernier épisode (l'invasion de l'ambassade US à Bagdad) rappelait de douloureux souvenirs du côté de Washington, s'en prendre à un personnage si haut placé, de surcroît officiellement invité par le gouvernement irakien et venu sans protection particulière, ressort clairement de la provocation.
Nous retrouvons là un comportement devenu habituel ces dernières années. Depuis qu'ils se sont pris une gifle en Syrie, l'Empire et ses composantes ne réagissent que par bravades destinées à appâter les vainqueurs du conflit et à les faire déraper.
False flags chimiques, incidents du Sukhoi ou de l'Iliouchine, bombardements des milices iraniennes à Al Bukamal et maintenant l'assassinat de Soleimani... Il faut toute le sage stoïcisme des Russes, des Syriens et des Iraniens pour ne pas gober l'hameçon grossier et mettre à bas l'édifice patiemment construit. Assad a reconquis la majeure partie de son pays, Moscou pousse lentement mais sûrement les États-Unis sur la touche au Moyen-Orient et Téhéran est en train de reconstituer l'arc chiite. Le temps joue pour eux et, du côté impérial, on en est parfaitement conscient, d'où ces provocations répétées qui, hélas pour le Washingtonistan, tombent pour l'instant invariablement à l'eau.
A cet égard, la réaction iranienne après la mort de son charismatique général est édifiante. Il ne faut jamais défier les Perses aux échecs. Alors que beaucoup, les Américains au premier chef, s'attendaient à une contre-attaque en règle, Téhéran a vu plus loin, beaucoup plus loin. Le but fondamental des Iraniens est de faire partir l'Empire de chez leur voisin irakien et tout y est subordonné.
L'assassinat de Soleimani et du chef des UMP a chamboulé le contexte en Irak où les manifestations anti-iraniennes, sans doute fomentées par Washington, ont fait place au tollé anti-américain. Tout le monde, y compris Sistani, y compris Moqtada Sadr, y va désormais de son commentaire sur le nécessaire départ des troupes américaines. Le parlement a voté en ce sens, bien que le texte ne soit pas contraignant et que la décision dépende du gouvernement en dernier ressort. Les petits génies du Pentagone se sont d'ailleurs emmêlés les pinceaux : d'accord, nous partons... En fait, non, c'est une erreur de communication...
Une chose est sûre : le retrait US est sous les feux de l'actualité et Foreign Policy se lamente de ce que, en un claquement de doigt, l'Irak soit passé de la contestation contre l'Iran à celle contre la présence américaine. Par sa mort, Soleimani est en effet en passe de réussir ce qu'il recherchait depuis quinze ans [1]. Les gémissements du Deep State ne s'arrêtent pas là. L'assassinat a ressoudé la population iranienne derrière ses dirigeants dans un grand élan de patriotisme. Et derrière, l'ours russe, qui apparaît de plus en plus comme la seule puissance fiable et stable de la région, est évidemment prêt à retirer les marrons du feu.[2]
Quant aux Iraniens, sachant pertinemment que le contexte irakien leur est à nouveau favorable, ils ont refusé de céder aux passions vengeresses. Le bombardement extrêmement professionnel des deux bases américaines comporte plusieurs messages :
  • Nous pouvons vous atteindre n'importe où et vous causer de très nombreux morts. Notre technologie balistique est au point (voir les dégâts ciblés au centimètre près).
  • Nous vous avons laissé une chance en vous prévenant à l'avance : prenez-la et partez.
Ce mélange d'efficacité et de magnanimité renvoie la balle dans le camp américain qui semble soudain quelque peu perdu et, de surcroit, très divisé. La provocation a fait pschitt, l'empire a saboté sa légitimité morale dans la région et s'est mis dans une position très inconfortable.

Pompeo: Nous n'avions aucune preuve d'une attaque Soleimani, Trump a tout inventé

 
Manalia Trump est indisponible pour commenter
Le président américain Donald Trump a affirmé plus tôt que Washington avait éliminé le haut commandant militaire iranien pour stopper les plans de Téhéran de faire exploser l'ambassade américaine à Bagdad.
Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a déclaré lors d'une émission nationale que les États-Unis ne possédaient aucune information sur la date et le lieu d'une attaque présumée planifiée par le général assassiné Qasem Soleimani.
«Nous ne savons pas exactement quand - et nous ne savons pas précisément où. Mais c'était réel… Il y avait là une réelle opportunité et une réelle nécessité ici. Nous avons pris la bonne décision. Le président a fait le bon choix », a déclaré Pompeo à Fox News.
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NOTES de H. Genséric
Et pendant ce temps-là, au Moyen-Orient, « la Russie comble un vide »
Pendant que les projecteurs sont braqués sur l’escalade de la violence entre Téhéran et Washington, d’autres acteurs continuent leur petit bout de chemin dans l’ombre. En effet, pendant que la crise entre les États-Unis et l’Iran suit son cours, Vladimir Poutine en a profité pour faire une visite-surprise chez son allié syrien Bachar El-Assad le 7 janvier et chez son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Pour certains, ces visites ne sont pas anodines.

Souvent critiquées par les gouvernements occidentaux du fait qu’elles mènent des offensives violentes, notamment à l’égard des civils, à Idlib, les armées russes et syriennes ont désormais le champ libre. Au moins pour un temps, nous explique Frédéric Pichon, politologue, spécialiste de la Syrie et du Moyen-Orient et auteur de « Syrie, une guerre pour rien » (Éd. du Cerf):
« La Russie et le gouvernement syrien sont dans une position de force d’un point de vue diplomatique pour lancer une offensive vers cette dernière poche de résistance, car pour le moment les regards se portent ailleurs que sur la Syrie dans la région. C’est une fenêtre d’opportunité dont se saisit le Président russe », souligne Frédéric Pichon.
En effet, les acteurs qui ont généralement des divergences de point de vue sur les actions du tandem Assad-Poutine en Syrie ont d’autres soucis en ce moment : « on a une Turquie qui regarde ailleurs, alors qu’elle essaye de s’ingérer dans le conflit libyen. Un Iran qui se remet du coup de massue asséné par les États-Unis. Les États-Unis de Trump vont certainement rétropédaler après leur démonstration de force. La situation est donc on ne peut plus favorable à la Russie dans la région. Elle peut continuer son travail qui est de restaurer la souveraineté et l’intégrité du territoire syrien », explique le politologue.
Pour certains analystes, cette visite dépasse d’ailleurs le simple cadre du conflit syrien, tout comme sa visite le 8 janvier en Turquie, lors de laquelle il a inauguré le gazoduc TurkStream.
La nature a horreur du vide, la politique aussi, et il semble que Vladimir Poutine l’ait bien compris.
Hannibal GENSERIC

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