jeudi 9 janvier 2020

Les messages de l’Iran derrière l’attaque des bases US en Irak et ses conséquences


Peu après minuit heure locale Mercredi, des missiles balistiques iraniens « Fateh 313 » ont frappé deux bases militaires en Irak où se trouvent une forte concentration de membres des forces US et d’autres forces alliées. Cette frappe directe de l’Iran a été lancée en représailles contre l’assassinat, par les USA, du chef de la brigade al-Qods du Corps des gardiens de la Révolution iranienne Sardar Qassem Soleimani et de ses compagnons, tués par un drone américain à l’aéroport de Bagdad la semaine dernière. La riposte iranienne envoie plusieurs messages stratégiques au Moyen-Orient en cette année 2020 et pour bien des années à venir.  
Quels sont ces messages? Qu’adviendra-t-il après l’attaque ouverte de l’Iran contre le pays le plus puissant du monde?
 
Un responsable iranien de haut rang a contacté le premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi après minuit pour l’informer que l’Iran avait décidé de riposter à l’assassinat de son général. L’Iran a dit qu’il viserait une concentration des forces US en Irak, sans toutefois frapper les forces irakiennes.
Selon des sources bien informées à Bagdad, le premier ministre Adel Abdel Mahdi a répondu que « cet acte pourrait avoir des résultats dévastateurs au Moyen-Orient et l’Irak refuse de devenir le théâtre d’une guerre entre les USA et l’Iran ». Le responsable iranien a répondu que « ce sont les USA qui ont lancé ce cycle de violence, pas l’Iran; la décision a été prise ».
Le premier ministre Abdel Mahdi a informé les forces US de la décision iranienne. Les USA ont décrété l’état d’urgence et alerté toutes les bases US en Irak et dans la région pour les prévenir de l’attaque.
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L’Iran a bombardé la base militaire américaine la plus importante en Irak, Ayn al-Assad, où ces deux derniers jours, le commandement américain concentrait la majeure partie de ses forces. Bien des bases US, en particulier dans les régions sous contrôle chiite et autour de Bagdad, ont été évacuées au cours des derniers jours vers Ayn al-Assad, où se trouvent des abris anti nucléaires, pour des raisons de sécurité. Ayn al-Assad est situé dans le désert de l’Anbar, proche de la frontière irako-syrienne. C’est de cette base que les drones qui ont assassiné Sardar Soleimani et ses compagnons à l’aéroport de Bagdad ont décollé. L’Iran a également bombardé une autre base US à Erbil, au Kurdistan.
L’Iran a communiqué sa décision en reprenant le style utilisé par les Américains. Le 30 décembre 2019, le secrétaire à la Défense Mark Esper avait contacté le premier ministre Abdel Mahdi pour l’informer, sans lui demander la permission, de l’intention des USA de bombarder des forces irakiennes (forces de mobilisation populaire ou FMP). Les positions de cinq bases des forces de sécurité irakiennes ont été détruites, tuant du même coup 79 membres des FMP et de la police fédérale ainsi que des officiers de l’armée irakienne.
Esper a donné peu de temps (une demi-heure) au premier ministre pour informer ses forces. L’Iran a informé Abdel Mahdi une demi-heure avant le lancement de 16 missiles à têtes multiples modernisés « Fateh 313 » contre les bases dans l’Anbar et à Erbil.
L’Irak a perdu sa souveraineté au milieu de la bataille que se livrent l’Iran et les USA. Il ne pourra la recouvrer que lorsque les forces US quitteront le pays, comme le parlement irakien l’a décidé. Cette décision a été prise en réaction à l’assassinat du major général Qassem Soleimani, en sa qualité d’envoyé chargé d’une mission diplomatique. En 2014, le gouvernement irakien a invité officiellement Soleimani lorsque l’Irak a demandé à l’Iran d’envoyer 100 conseillers iraniens en Irak pour soutenir la lutte contre Daech. Il jouissait de l’immunité irakienne et dirigeait une cellule du renseignement iranien à Bagdad, par loin de l’ambassade américaine, en coordination avec des responsables russes, syriens et irakiens. C’était un diplomate muni d’un passeport diplomatique et il devait rencontrer le premier ministre irakien le jour suivant à 8 h 30, pour y recevoir un message de l’Arabie saoudite. Le premier ministre Abdel Mahdi avait accepté de jouer un rôle de médiation entre l’Iran et l’Arabie saoudite et assurait une liaison à la suite de l’initiative de paix proposée par l’Iran aux dirigeants arabes. Soleimani est arrivé en Irak à la suite d’une demande du président Trump de réduire la tension avec l’Iran. C’était un voyage multitâches.
L’Iran a utilisé ses missiles de précision qui ont atteint leurs cibles lorsqu’il a bombardé Daech et les séparatistes kurdes au Kurdistan le 18 septembre dernier. La nuit dernière, l’Iran a utilisé des missiles balistiques à ogives multiples conçues pour éviter les pertes, en envoyant un message clair à Trump. Il y a eu peu ou pas de victimes et les USA n’ont partagé aucune information à propos des pertes.
Les Iraniens n’ont pas utilisé de missiles lancés à partir de silos souterrains, choisissant plutôt de déployer ouvertement ses missiles contre les deux bases US en Irak. L’Iran a ouvert la porte à la désescalade, car sans désescalade, la guerre n’aurait pas manqué d’éclater dans l’ensemble du Moyen-Orient.
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Le président Trump a acculé le régime iranien au pied du mur, en l’obligeant à riposter à l’assassinat de son général par les USA. Son organe officiel affirme que « 80 militaires américains ont été tués », un message qui ravit l’opinion publique et le nationalisme iranien des millions de personnes qui honorent la mémoire de Sardar Soleimani. Il sert aussi à galvaniser le soutien public derrière le régime au cas où des représailles américaines nécessiteraient une autre riposte iranienne pouvant entraîner la guerre.
Le message iranien s’adresse aussi aux membres du parti Démocrate aux USA, pour qu’ils s’en servent à l’encontre du président qui a promis que ses soldats ne seraient pas en danger pendant son mandat. En réalité, il met en danger la vie de milliers de soldats à la merci d’une frappe ou d’un affrontement avec l’Iran et ses alliés au Moyen-Orient.
L’Iran a également envoyé un message clair en prenant pour cible la base US à Erbil. Selon des responsables iraniens, c’est pour faire comprendre que si le commandement militaire des USA décide de déplacer ses troupes en Irak vers Erbil, les forces US au Kurdistan seront à portée des missiles et pas plus en sécurité là qu’ailleurs en Irak.
Le bombardement en Irak révèle que les missiles d’interception des USA étaient inactifs à Ain al-Assad et qu’une autre attaque d’envergure au moyen de missiles de précision pourrait causer un massacre si telle était l’intention derrière la frappe.
La frappe de cette nuit était la deuxième réponse à l’assassinat de Sardar Soleimani. La première est venue du parlement irakien, dont la résolution appelle au retrait de toutes les forces étrangères du pays. La deuxième provenait du président Hassan Rouhani qui a dit : « Vous avez réussi à couper les mains de Qassem Soleimani (la frappe a démembré le général iranien), nous couperons les jambes de votre présence au Moyen-Orient. »
Cette frappe est loin d’être la dernière contre les forces US au Moyen-Orient. Si le président Trump décide de ne pas riposter, l’Iran ne frappera plus les forces US directement et annoncera sa responsabilité. Mais il ne faut pas s’attendre à ce que l’Iran et ses alliés cessent de harceler les forces US si elles demeurent en Irak.
Un autre message s’adressait à Israël. Le nouveau commandant nommé à la tête de la brigade al-Qods du Corps des gardiens de la révolution iranienne, Ismail Qaani, a rencontré les représentants de tous les groupes palestiniens à Téhéran. Selon une source bien informée, l’Iran a promis « son soutien illimité à tous les groupes palestiniens jusqu’à ce qu’ils atteignent leur objectif ». L’Iran a aussi annoncé qu’« Israël a participé avec les USA à l’assassinat de Sardar Soleimani ».
L’époque où les USA pouvaient frapper sans être frappés en retour semble révolue.
Depuis Pearl Harbor, c’est la première fois qu’un pays revendique sa responsabilité d’avoir frappé des cibles américaines.
Cette situation grave et complexe peut se régler par un retrait total des forces US en Irak. Cette solution, que le parlement irakien a déjà exigée officiellement, peut sauver les vies de militaires américains.
Les USA ne peuvent que survoler le ciel de l’Irak et éviter tout transport terrestre. Ils se trouvent dans un milieu très hostile en Irak, où chaque soldat, officier ou diplomate est devenu une cible potentielle. À la suite de l’annonce hostile de plusieurs groupes en Irak, il est évident que les forces US ne sont plus en sécurité nulle part dans le pays. L’assassinat de Sardar Soleimani a ruiné toutes les possibilités de négociation de cette administration américaine avec l’Iran. La Russie et la Chine attendent tranquillement en coulisses que la porte s’ouvre pour combler le vide
traduction : Daniel G.
Et pendant ce temps-là, au Moyen-Orient, « la Russie comble un vide »
Alors que le monde craint une escalade incontrôlable du conflit entre l’Iran et les États-Unis, Vladimir Poutine était en déplacement en Syrie et en Turquie. Sputnik France revient, avec Frédéric Pichon, politologue et spécialiste du Moyen-Orient, sur les enjeux liés à ces éplacements dans le contexte actuel.
Pendant que les projecteurs sont braqués sur l’escalade de la violence entre Téhéran et Washington, d’autres acteurs continuent leur petit bout de chemin dans l’ombre. En effet, pendant que la crise entre les États-Unis et l’Iran suit son cours, Vladimir Poutine en a profité pour faire une visite-surprise chez son allié syrien Bachar El-Assad le 7 janvier et chez son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Pour certains, ces visites ne sont pas anodines.
Souvent critiquées par les gouvernements occidentaux du fait qu’elles mènent des offensives violentes, notamment à l’égard des civils, à Idlib, les armées russes et syriennes ont désormais le champ libre. Au moins pour un temps, nous explique Frédéric Pichon, politologue, spécialiste de la Syrie et du Moyen-Orient et auteur de « Syrie, une guerre pour rien » (Éd. du Cerf):
« La Russie et le gouvernement syrien sont dans une position de force d’un point de vue diplomatique pour lancer une offensive vers cette dernière poche de résistance, car pour le moment les regards se portent ailleurs que sur la Syrie dans la région. C’est une fenêtre d’opportunité dont se saisit le Président russe », souligne Frédéric Pichon à notre micro.
En effet, les acteurs qui ont généralement des divergences de point de vue sur les actions du tandem Assad-Poutine en Syrie ont d’autres soucis en ce moment : « on a une Turquie qui regarde ailleurs, alors qu’elle essaye de s’ingérer dans le conflit libyen. Un Iran qui se remet du coup de massue asséné par les États-Unis. Les États-Unis de Trump vont certainement rétropédaler après leur démonstration de force. La situation est donc on ne peut plus favorable à la Russie dans la région. Elle peut continuer son travail qui est de restaurer la souveraineté et l’intégrité du territoire syrien », explique le politologue.
Pour certains analystes, cette visite dépasse d’ailleurs le simple cadre du conflit syrien, tout comme sa visite le 8 janvier en Turquie, lors de laquelle il a inauguré le gazoduc TurkStream.
Ces visites auraient des objectifs plus larges à l’échelle régionale :
« Le Président russe est resté silencieux depuis le début de l’escalade de la violence entre Téhéran et Moscou. Il semble désormais avoir saisi le moment pour réaffirmer le statut de médiateur incontournable et un pourvoyeur de sécurité dans la région », indique au al-monitor, un site étasunien d’analyse géopolitique, Maxim A. Suchkov, expert au Russian International Affairs Council.
Une vision que partage en partie Frédéric Pichon, pour qui, « la Russie comble effectivement un vide, ce n’est pas nouveau d’ailleurs. Elle s’est imposée comme un acteur incontournable en Syrie, et à moindre mesure dans le reste de la région. Sa stratégie d’entretenir de bonnes relations avec tous les acteurs régionaux s’inscrit d’ailleurs dans cette logique ».
La nature a horreur du vide, la politique aussi, et il semble que Vladimir Poutine l’ait bien compris.
par Hakim Saleck.
J+1: à quoi ressemble Aïn al-Asad?
Quelques heures après avoir rendu, sous les yeux apeurés de ses généraux, à Canossa, en affirmant qu'une "grande et puissante armée (US Army)" ne signifie pas forcément vouloir la guerre et que les États-Unis pourraient même coopérer avec l'Iran dans des divers domaines dont la lutte contre Daech, Washington vient d'appeler l'Iran aux "pourparlers sérieux sans aucune précondition". Vidéo
C'est Reuters, agence de presse sioniste par excellence qui le dit. Cet appel au dialogue lancé après un discours présidentiel haletant et saccadé qui aurait du déboucher sur une déclaration de guerre contre l'Iran dans la foulée de la mort d'au moins 80 soldats US à Aïn al-Asad, marque une royale marche arrière.
 Vidéo sur les dégâts causés aux bases US
Vidéo
Une capitulation. Aux premières heures de la mercredi 8 janvier, les États Unis d’Amérique on subi la première frappe militaire de ces 70 dernières années, frappe à laquelle ils s'étaient préparés depuis le 3 janvier, date à laquelle ils ont commis la "fatale erreur" de viser au cœur l'axe de la Résistance. 22 missiles de haute précision de type "Ghiyam, Fateh, Zolfaghar" se sont abattus en une demie heure sur 20 cibles stratégiques à l'intérieur de la base, toutes pulvérisées. Ce qui veut dire que chaque missile a atteint entre une et plusieurs cibles. Cela veut dire aussi que l'Iran ne fait pas des promesses en l'air et que cette nouvelle phase de confrontation contre une Amérique dont les appels au dialogue relèvent d'une tactique de guerre ira se poursuivre. Plus de 100 bases américaines dans la région, sans doute encore plus vulnérables qu'Aïn al-Asad sont désormais largement exposées. 
Ghassem Ezzedin, analyste des questions internationales estime que la puissante frappe balistique iranienne du mercredi matin n'est qu'une première phase de la riposte ; que si l'Amérique décide de riposter, cela déclenchera à coup sûr une grande guerre régionale : "La seconde phase de la riposte, pourrait effectivement consister  en une vaste action concertée de tout l’axe de la Résistance. Dans les heures suivant la frappe balistique du mercredi, le leader d'Ansarallah tout comme la totalité des composantes irakiennes de l'axe de la Résistance s'en sont félicité affirmant qu'ils s'y attendaient impatiemment et qu'ils passeraient à l'étape suivante. Dans ce cas de figure, si les Américains persistent et ne revoient pas  sérieusement le niveau de leur présence en Asie de l'Ouest, la grande guerre qui s'en suivra impliquera aussi la Chine et la Russie".
Et l'analyste d'ajouter : "Comme l'a confirmé le Leader iranien, le coup d'Aïn al-Asad n'a été qu'une gifle. La riposte viendra. Elle ne se fera pas en une étape et de façon rapide. Elle s'inscrit dans la durée et s'étale sur plusieurs axes de façon à ce qu'elle soit la plus douloureuse la plus pertinente possible : une action concertée Iran Hezbollah-Ansarallah-Hachd? Possible et c'est trop effrayant. C'est en pensant à cette possibilité que Trump et les généraux du Pentagone ont lamentablement reculé... Alors que plus de 200 blessés de l'attaque iranienne sont évacués à Tel-Aviv, certaines sources évoquent jusqu'à 1500 morts US à Aïn al-Asad dont des britanniques et des canadiens. Le site militaire russe Avia.pro se félicitait de la performance des missiles iraniens et de l'incapacité de Patriot à défendre Aïn al-Asad en rapportant une information qu'il n'est pas lui-même en mesure de confirmer. 
"Selon des informations officieuses, l'Iran posséderait dans son arsenal un missile balistique intercontinental capable de transporter des ogives de 4,2 mégatonnes. Le missile serait hypersonique et sa portée maximale de 11 mille kilomètres. L'engin serait censé porter le nom du général Soleimani". 
Source : Parstoday
CONCLUSION
Bien entendu, il y a la restriction qui accompagne une action qui se veut symbolique. Les Iraniens ne tenaient surtout pas à mettre Trump dans une situation où, en fonction de tweets agressifs de ces derniers jours, ils auraient dû riposter et ainsi définitivement lancer le cycle de l’escalade. Par contre, les Iraniens ont adopté des attitudes inédites, sans précédent contre des moyens stratégiques US en temps de guerre non-déclaré : ils les ont attaqués en tant que tels, dans une acte volontaire, et ils ont aussitôt proclamé leur responsabilité. Voilà les conditions de l’attaque qui font de la décision US de ne pas riposter, par rapport à leur logique unilatéraliste, américaniste et suprémaciste, officiellement et en tant que gouvernement, un véritable recul marquant leur volonté d’éviter autant que faire se peut sinon à tout prix un engagement direct avec l’Iran. Cette idée a certainement beaucoup à voir avec les pressions des militaires US, qui doivent se battre continuellement pour tenter de contrôler “les impulsions” de Trump, – et parfois, Trump leur échappe...
On trouve dans le texte de Magnier ci-dessus le maximum de détails sur l’opération, sur les significations multiples qu’elle fournit, sur les situations nouvelles qu’elle met en place. Bien entendu, la décision de Trump de “ne pas riposter à la riposte” ne clôt en aucune façon la querelle USA-Iran, on pourrait même dire qu’elle en élargit le cadre. L’allusion de Trump a l’engagement de l’OTAN signifie que les pressions US sur les Européens pour qu’ils participent activement à des opérations contre l’Iran vont s’accentuer. Les Européens, qui ont joué un rôle absolument pitoyable dans l’épisode, vont se trouver une fois de plus confrontés aux conséquences de leur “servilité volontaire ».
Source : dde.org

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