Selon les
vénérables stoïciens, la sagesse consistait à prendre la raison pour guide ; la
folie, au contraire, à obéir à ses passions. D'où ils sont, Zénon ou Sénèque
doivent jeter un œil fort intéressé sur la situation actuelle...
Ainsi, l'Empire
provocateur a assassiné l'Arsène Lupin du Moyen-Orient, bien connu de nos
lecteurs.
On le retrouve lors de l'entrée en guerre de la Russie en Syrie comme dans le blitz royal sur Al Bukamal ou encore la poudrière de Mossoul où...
... le redouté chef des Gardiens de la Révolution, Qassem Someimani est présent sur le terrain pour coordonner
les milices chiites. Soleimani est la bête noire de la CIA, le commandant de l'ombre responsable
de la mort de dizaines de soldats US pendant l'occupation de l'Irak, le faiseur
de rois de Bagdad. On le crédite de tout et peut-être d'un peu trop d'ailleurs,
mais une chose est sûre : c'est l'un des hommes les plus importants du
Moyen-Orient. Le voir aujourd'hui se balader non loin des forces spéciales
états-uniennes ne manque décidément pas de sel.
Si cet
assassinat ciblé fait suite à une escalade, dont le dernier épisode (l'invasion
de l'ambassade US à Bagdad) rappelait de douloureux souvenirs du côté de
Washington, s'en prendre à un personnage si haut placé, de surcroît
officiellement invité par le gouvernement irakien et venu sans protection
particulière, ressort
clairement de la provocation.
Nous retrouvons
là un comportement devenu habituel ces dernières années. Depuis qu'ils se sont
pris une gifle en Syrie, l'Empire et ses composantes ne réagissent que par
bravades destinées à appâter les vainqueurs du conflit et à les faire déraper.
False flags
chimiques, incidents du Sukhoi ou de l'Iliouchine, bombardements des milices iraniennes à Al
Bukamal et maintenant l'assassinat de Soleimani... Il faut toute le sage stoïcisme des Russes,
des Syriens et des Iraniens pour ne pas gober l'hameçon grossier et
mettre à bas l'édifice patiemment construit. Assad a reconquis la majeure
partie de son pays, Moscou pousse lentement mais sûrement les États-Unis sur la
touche au Moyen-Orient et Téhéran est en train de reconstituer l'arc chiite. Le
temps joue pour eux et, du côté impérial, on en est parfaitement conscient,
d'où ces provocations répétées qui, hélas pour le Washingtonistan, tombent pour
l'instant invariablement à l'eau.
A cet égard,
la réaction iranienne après la mort de son charismatique général est édifiante.
Il ne faut jamais défier les Perses aux échecs. Alors que beaucoup, les
Américains au premier chef, s'attendaient à une contre-attaque en règle, Téhéran a vu plus loin,
beaucoup plus loin. Le but fondamental des
Iraniens est de faire partir l'Empire de chez leur voisin irakien et
tout y est subordonné.
L'assassinat
de Soleimani et du chef des UMP a chamboulé le contexte en Irak où les manifestations anti-iraniennes, sans doute fomentées
par Washington, ont fait place au tollé anti-américain. Tout le monde, y
compris Sistani, y compris Moqtada Sadr, y va désormais de son
commentaire sur le nécessaire départ des troupes américaines. Le parlement
a voté en ce sens, bien que le texte ne soit pas contraignant et que la
décision dépende du gouvernement en dernier ressort. Les petits génies du
Pentagone se sont d'ailleurs emmêlés les pinceaux : d'accord, nous partons... En fait, non, c'est une erreur
de communication...
Une chose
est sûre : le retrait US est sous les feux de l'actualité et Foreign Policy
se lamente de ce que, en un claquement de doigt, l'Irak soit passé de la contestation
contre l'Iran à celle contre la présence américaine. Par sa mort,
Soleimani est en effet en passe de réussir ce qu'il recherchait depuis quinze
ans [1]. Les gémissements du Deep
State ne s'arrêtent pas là. L'assassinat a ressoudé la population
iranienne derrière ses dirigeants dans un grand élan de patriotisme. Et
derrière, l'ours russe, qui apparaît de plus en plus comme la seule puissance
fiable et stable de la région, est évidemment prêt à retirer les marrons du feu.[2]
Quant aux
Iraniens, sachant pertinemment que le contexte irakien leur est à nouveau
favorable, ils ont
refusé de céder aux passions vengeresses. Le bombardement extrêmement professionnel des deux bases américaines
comporte plusieurs messages :
- Nous pouvons vous atteindre n'importe où et vous causer de très nombreux morts. Notre technologie balistique est au point (voir les dégâts ciblés au centimètre près).
- Nous vous avons laissé une chance en vous prévenant à l'avance : prenez-la et partez.
Ce mélange
d'efficacité et de magnanimité renvoie la balle dans le camp américain qui
semble soudain quelque peu perdu et, de surcroit, très divisé. La provocation a fait pschitt,
l'empire a saboté sa légitimité morale dans la région et s'est mis
dans une position très inconfortable.
Source : Chroniques
du Grand Jeu
Pompeo: Nous n'avions aucune preuve d'une attaque Soleimani, Trump
a tout inventé
Manalia Trump est indisponible pour commenter |
Le président américain Donald Trump a affirmé plus tôt que
Washington avait éliminé le haut commandant militaire iranien pour stopper les
plans de Téhéran de faire exploser l'ambassade américaine à Bagdad.
Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a déclaré lors d'une
émission nationale que les États-Unis ne possédaient aucune information sur la
date et le lieu d'une attaque présumée planifiée par le général assassiné Qasem
Soleimani.
«Nous ne savons pas exactement quand - et nous ne savons pas
précisément où. Mais c'était réel… Il y avait là une réelle opportunité et une
réelle nécessité ici. Nous avons pris la bonne décision. Le président a fait le
bon choix », a déclaré Pompeo à Fox News.
NOTES de H. Genséric
[2] Dans Les messages de l’Iran derrière l’attaque des bases US en
Irak et ses conséquences, nous avons
écrit :
Et pendant ce temps-là, au Moyen-Orient, «
la Russie comble un vide »
Pendant que les projecteurs sont braqués sur
l’escalade de la violence entre Téhéran et Washington, d’autres acteurs
continuent leur petit bout de chemin dans l’ombre. En effet, pendant que la
crise entre les États-Unis et l’Iran suit son cours, Vladimir Poutine en
a profité pour faire une visite-surprise chez son
allié syrien Bachar El-Assad le 7 janvier et chez son homologue
turc Recep Tayyip Erdogan. Pour certains, ces visites ne sont pas
anodines.
Souvent critiquées par les gouvernements occidentaux
du fait qu’elles mènent des offensives violentes, notamment à l’égard des
civils, à Idlib, les armées russes et syriennes ont désormais le champ libre.
Au moins pour un temps, nous explique Frédéric Pichon, politologue, spécialiste
de la Syrie et du Moyen-Orient et auteur de « Syrie, une guerre pour rien
» (Éd. du Cerf):
« La Russie et le
gouvernement syrien sont dans une position de force d’un point de vue
diplomatique pour lancer une offensive vers cette dernière poche de résistance,
car pour le moment les regards se portent ailleurs que sur la Syrie dans la
région. C’est une fenêtre d’opportunité dont se saisit le Président russe », souligne Frédéric Pichon.
En effet, les acteurs qui ont généralement des
divergences de point de vue sur les actions du tandem Assad-Poutine en Syrie
ont d’autres soucis en ce moment : « on a
une Turquie qui regarde ailleurs, alors qu’elle essaye de s’ingérer dans le
conflit libyen. Un Iran qui se remet du coup de massue asséné par les
États-Unis. Les États-Unis de Trump vont certainement rétropédaler après leur démonstration
de force. La situation est donc on ne peut plus favorable à la Russie dans la
région. Elle peut continuer son travail qui est de restaurer la souveraineté et
l’intégrité du territoire syrien », explique le politologue.
Pour certains analystes, cette visite dépasse
d’ailleurs le simple cadre du conflit syrien, tout comme sa visite le 8 janvier en Turquie, lors de laquelle il a
inauguré le gazoduc
TurkStream.
La nature a horreur du vide, la politique aussi, et il
semble que Vladimir Poutine l’ait bien compris.
Hannibal GENSERIC
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