Les tensions militaires et politiques en Europe sont devenues le catalyseur de profonds changements structurels pour la politique et de l’économie mondiales. Elles ont, bien entendu, également modifié la place de la Russie dans le monde. Si les prémices de ces changements étaient déjà visibles il y a quelques années, ce qui concerne la Russie ne s’est vraiment révélé que maintenant. La nouvelle édition du club de discussion international Valdaï, qui s’est déroulée [à Moscou, fin octobre, et dont le discours de Vladimir Poutine a constitué le point d’orgue], en a été une parfaite illustration et a soulevé plusieurs questions essentielles.
En Russie, nombreux sont ceux qui parlent depuis longtemps de la nécessité de s’éloigner de cette vision du monde centrée sur l’Occident qui modèle notre conscience politique depuis des siècles. Et il ne s’agit pas ici d’amitiés ou d’inimitiés, mais du bouleversement de l’ordre mondial : on ne peut plus continuer à considérer comme un acteur mineur cette immense partie du monde où vivent ceux que l’on appelle désormais la “majorité mondiale”, et qui connaît un développement fulgurant. Personne ne le conteste, mais il est difficile de dépasser cette habitude profondément ancrée qui consiste à évaluer ses propres actions à travers le prisme des relations avec l’Occident. Les événements de 2022 ont précipité ce changement, et l’Occident en a d’ailleurs été à l’initiative.
En ce sens, la liste renouvelée des participants à cette édition du club Valdaï a été révélatrice. Les habituels invités américains et européens n’ont, pour la plupart, pas fait le voyage – certains pour des questions de principe, d’autres sur décision de leurs employeurs. L’auditoire a fourni un échantillon représentatif de cette même “majorité mondiale”, de ses attentes et de ses opinions.