vendredi 29 décembre 2017

INTERNET. Kadyrov, les réseaux sociaux et nous

Internet fut au début de sa gloire le parangon de l'idéologie libertaire, un espace sans contrôle et sans règles, où tout est permis car rien n'est interdit. Une fois le naïf ferré, une fois l'accoutumance bien ancrée, les véritables règles du jeu apparaissent en fond d'écran, car aucun jeu n'existe sans règles, aucun groupe ne fonctionne sans elles, l'idéologie libertaire n'est qu'un fantasme ou une manipulation selon le cas. Les fermetures de compte, les blocages et les restrictions fleurissent à tout va dès que vous avez le malheur de parler d'autre chose que de cuisine et de bisounours sur fond de coucher de soleil. Un instrument puissant au service d'une idéologie dominante où les interdits se sont développés comme de la mauvaise herbe. A l'image de la société d'aujourd'hui: vous êtes libre et indépendant d'être comme "tout le monde" et nous vous expliquons comment est "tout le monde". Il est comme nous le décidons.
Ramzan Kadyrov, la bête noire de la bonne pensance occientale, trop rugueux pour ce monde postmoderne, démonisé à outrance et accusé de tous les crimes, vient de voir ses comptes Instagram et Facebook fermé ... suite aux sanctions extrajudiciaires unilatérales américaines. Le maître impose ses règles dans son jeu. 
Alors, dansez maintenant!
Dans un texte publié sur VKontakte, Ramzan Kadyrov pose la question de l'interdiction de ses comptes dans les réseaux sociaux de manière intéressante.
  • Comme mon compte était officiel, Instagram a été obligé de garantir la sécurité, mais je n'ai reçu aucune réponse à ma demande d'explications;
  • Je pensais moi-même depuis longtemps fermer ces comptes, mais c'était délicat puisqu'il y a près de 4 millions de personnes qui me suivent.
  • Un réseau social est testé actuellement en Tchétchénie, il s'appelle @Mylistory;
  • Étrange de la part de ces réseaux qui tentent tellement d'avoir l'air indépendants de Washington.
Les principales questions sont, en fait, ici posées.
La manière dont les réseaux sociaux, si enclins à surfer sur la vague libertaire, adoptent des sanctions à l'égard des utilisateurs est totalement occulte. Il y a certes des Chartes, qui globalement n'expliquent rien. Puisque même lorsque vous ne publiez rien qui soit lié à l'extrémisme, à la pornographie, à l'incitation à la haine raciale et tout autre acte qui puisse tomber sous le coup d'une infraction pénale, vous pouvez être sanctionné. Lorsque les règles ne sont pas juridiques, elles sont politico-idéologiques. Étrange conception de la liberté qui légitime l'arbitraire.
L'utilisation des réseaux sociaux est non seulement devenue une habitude pour les particuliers, mais également pour les organes publics, tendance qui présente des risques réels. La solution de facilité est toujours la plus mauvaise, même si elle est souvent retenue. Les réseaux sociaux sont devenus l'instrument fétiche d'une société postmoderne basée sur la l'hyper-communication et la construction virtuelle du réel, car c'est aujourd'hui la manière la plus facile de faire passer un message, sinon une information. Ces mécanismes ne présentent aucun danger pour ceux qui maîtrisent les instruments qui les supportent, comme les Etats-Unis, ni pour les pays qui leur sont loyaux - tant qu'ils ne sont - mais sont un réel danger pour les autres pays, ceux qui se veulent indépendants. C'est la raison pour laquelle, par exemple, la Chine a adopté des mesures de restrictions à l'égard des réseaux sociaux. Les dangers peuvent être ici de deux ordres. Ils peuvent concerner directement les organes de pouvoir qui placent une communication officielle sur une plateforme et selon des règles qu'ils ne maîtrisent pas, créent une attente, alors qu'ils peuvent être suspendus à tout instant. Par ailleurs, ces risques, comme nous l'avons vu dans toutes les révolutions diverses et bariolées ou printemps enflammés, concernent également la stabilité de la société. En utilisant les réseaux sociaux à outrance, les pouvoirs publics en deviennent non seulement dépendants, mais également les légitiment aux yeux de la population, sans pour autant en avoir la maîtrise. Toute restriction salutaire est alors perçue comme un archaïsme. La population étant devenue aussi dépendante que les organes publics, et beaucoup plus manipulable.
Le moyen de compenser ces risques de sécurité nationale tout en "protégeant" ces habitudes de consommation incessante de connexion est de lancer des équivalents nationaux. Pour autant, il ne s'agit pas d'une solution, mais d'un compromis. Seulement, comme cela s'est vu avec les différentes tentatives qui ont été faites, l'équivalence n'est pas réelle, les réseaux de type Facebook ou Twitter sont beaucoup plus développés.
Toutefois, ces réseaux arrivent à leur point de rupture, car dans un contexte idéologique radicalisé, ils ne peuvent plus préserver l'apparence de l'indépendance. Leur longévité va alors dépendre du degré d'accoutumance des utilisateurs. Chacun s'intéressant à des sujets sensibles ou développant une argumentation plus ou moins éloignée des dogmes contemporains, et cela devient de plus en plus facile vue la rigidité de ce qu'il devient difficile d'appeler "la pensée" contemporaine, a remarqué l'ancrage idéologique de ces réseaux par une modération partisane en faveur des positions pro-LGBT, pro-ukrainien, pro-migrants, no borders, bobos de tous genres, etc. Ceux qui ne partagent pas ces positions se font une petite place, qui est de plus en plus réduite. Et ils sont régulièrement rappelés à l'ordre lorsqu'ils transgressent ces règles évidemment non-écrites et connues de tous. Devenant ouvertement impliqués, la légitimité des réseaux sociaux va se poser.
Les réseaux ont longtemps pu sauver les apparences, car soit ils ne répondaient pas pour expliquer le problème dans vos publications, et ce qui n'est pas dit n'existe pas, soit ils rétablissaient après un certain temps, toujours sans rien dire. Avec le cas Kadyrov, ils viennent de passer une frontière.
Après que les Etats-Unis aient adopté dans sanctions personnelles contre le président de la Tchétchénie, république russe fédérée, Instagram et Facebook ont bloqué ses comptes officiels. Ce qui ne soulève strictement aucune interrogation dans la presse occidentale, lorsqu'elle en parle. Exit la question de la liberté d'expression, il s'agit de Kadyrov, le rustre du Caucase qui doit certainement manger des petits enfants après son café du matin, donc tout est justifié. 
 

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