Internet fut au début de sa gloire le parangon de l'idéologie
libertaire, un espace sans contrôle et sans règles, où tout est permis
car rien n'est interdit. Une fois le naïf ferré, une fois l'accoutumance
bien ancrée, les véritables règles du jeu apparaissent en fond d'écran,
car aucun jeu n'existe sans règles, aucun groupe ne fonctionne sans
elles, l'idéologie libertaire n'est qu'un fantasme ou une manipulation
selon le cas. Les fermetures de compte, les blocages et les restrictions
fleurissent à tout va dès que vous avez le malheur de parler d'autre
chose que de cuisine et de bisounours sur fond de coucher de soleil. Un
instrument puissant au service d'une idéologie dominante où les
interdits se sont développés comme de la mauvaise herbe. A l'image de
la société d'aujourd'hui: vous êtes libre et indépendant d'être comme
"tout le monde" et nous vous expliquons comment est "tout le monde". Il
est comme nous le décidons.
Ramzan Kadyrov, la bête noire de la bonne pensance occientale, trop
rugueux pour ce monde postmoderne, démonisé à outrance et accusé de tous
les crimes, vient de voir ses comptes Instagram et Facebook fermé ...
suite aux sanctions extrajudiciaires unilatérales américaines. Le maître
impose ses règles dans son jeu.
Alors, dansez maintenant!
Dans un texte publié sur VKontakte, Ramzan Kadyrov pose la question de l'interdiction de ses comptes dans les réseaux sociaux de manière intéressante.
- Comme mon compte était officiel, Instagram a été obligé de garantir la sécurité, mais je n'ai reçu aucune réponse à ma demande d'explications;
- Je pensais moi-même depuis longtemps fermer ces comptes, mais c'était délicat puisqu'il y a près de 4 millions de personnes qui me suivent.
- Un réseau social est testé actuellement en Tchétchénie, il s'appelle @Mylistory;
- Étrange de la part de ces réseaux qui tentent tellement d'avoir l'air indépendants de Washington.
La manière dont les réseaux sociaux, si enclins à surfer sur la
vague libertaire, adoptent des sanctions à l'égard des utilisateurs est
totalement occulte. Il y a certes des Chartes, qui globalement
n'expliquent rien. Puisque même lorsque vous ne publiez rien qui soit
lié à l'extrémisme, à la pornographie, à l'incitation à la haine raciale
et tout autre acte qui puisse tomber sous le coup d'une infraction
pénale, vous pouvez être sanctionné. Lorsque les règles ne sont pas
juridiques, elles sont politico-idéologiques. Étrange conception de la
liberté qui légitime l'arbitraire.
L'utilisation des réseaux sociaux est non seulement devenue une
habitude pour les particuliers, mais également pour les organes publics,
tendance qui présente des risques réels. La solution de
facilité est toujours la plus mauvaise, même si elle est souvent
retenue. Les réseaux sociaux sont devenus l'instrument fétiche d'une
société postmoderne basée sur la l'hyper-communication et la
construction virtuelle du réel, car c'est aujourd'hui la manière la plus
facile de faire passer un message, sinon une information. Ces
mécanismes ne présentent aucun danger pour ceux qui maîtrisent les
instruments qui les supportent, comme les Etats-Unis, ni pour les pays
qui leur sont loyaux - tant qu'ils ne sont - mais sont un réel danger
pour les autres pays, ceux qui se veulent indépendants. C'est la raison
pour laquelle, par exemple, la Chine a adopté des mesures de
restrictions à l'égard des réseaux sociaux. Les dangers peuvent être ici
de deux ordres. Ils peuvent concerner directement les organes de
pouvoir qui placent une communication officielle sur une plateforme et
selon des règles qu'ils ne maîtrisent pas, créent une attente, alors
qu'ils peuvent être suspendus à tout instant. Par ailleurs, ces risques,
comme nous l'avons vu dans toutes les révolutions diverses et bariolées
ou printemps enflammés, concernent également la stabilité de la
société. En utilisant les réseaux sociaux à outrance, les pouvoirs
publics en deviennent non seulement dépendants, mais également les
légitiment aux yeux de la population, sans pour autant en avoir la
maîtrise. Toute restriction salutaire est alors perçue comme un
archaïsme. La population étant devenue aussi dépendante que les organes
publics, et beaucoup plus manipulable.
Le moyen de compenser ces risques de sécurité nationale tout en
"protégeant" ces habitudes de consommation incessante de connexion est
de lancer des équivalents nationaux. Pour autant, il ne s'agit
pas d'une solution, mais d'un compromis. Seulement, comme cela s'est vu
avec les différentes tentatives qui ont été faites, l'équivalence n'est
pas réelle, les réseaux de type Facebook ou Twitter sont beaucoup plus
développés.
Toutefois, ces réseaux arrivent à leur point de rupture, car dans
un contexte idéologique radicalisé, ils ne peuvent plus préserver
l'apparence de l'indépendance. Leur longévité va alors dépendre
du degré d'accoutumance des utilisateurs. Chacun s'intéressant à des
sujets sensibles ou développant une argumentation plus ou moins éloignée
des dogmes contemporains, et cela devient de plus en plus facile vue la
rigidité de ce qu'il devient difficile d'appeler "la pensée"
contemporaine, a remarqué l'ancrage idéologique de ces réseaux par une
modération partisane en faveur des positions pro-LGBT, pro-ukrainien,
pro-migrants, no borders, bobos de tous genres, etc. Ceux qui ne
partagent pas ces positions se font une petite place, qui est de plus en
plus réduite. Et ils sont régulièrement rappelés à l'ordre lorsqu'ils
transgressent ces règles évidemment non-écrites et connues de tous.
Devenant ouvertement impliqués, la légitimité des réseaux sociaux va se
poser.
Les réseaux ont longtemps pu sauver les apparences, car soit ils ne
répondaient pas pour expliquer le problème dans vos publications, et ce
qui n'est pas dit n'existe pas, soit ils rétablissaient après un certain
temps, toujours sans rien dire. Avec le cas Kadyrov, ils viennent de
passer une frontière.
Après que les Etats-Unis aient adopté dans sanctions personnelles contre
le président de la Tchétchénie, république russe fédérée, Instagram et
Facebook ont bloqué ses comptes officiels. Ce qui ne soulève strictement
aucune interrogation dans la presse occidentale, lorsqu'elle en parle.
Exit la question de la liberté d'expression, il s'agit de Kadyrov, le
rustre du Caucase qui doit certainement manger des petits enfants après
son café du matin, donc tout est justifié.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires hors sujet, ou comportant des attaques personnelles ou des insultes seront supprimés. Les auteurs des écrits publiés en sont les seuls responsables. Leur contenu n'engage pas la responsabilité de ce blog ou de Hannibal Genséric.