L’héritier de la
couronne MBS a trouvé la solution. Il a coincé des centaines de gens parmi les
plus riches de son royaume, les a parqués dans le Ritz Carlton cinq étoiles de
sa capitale Riyad, et il leur a dit de cracher au bassinet. Quand ils lui ont
ri au nez, il a fait appel à des tortionnaires américains pour mettre en place la
ponction, style mafia.
La meilleure
solution pour un problème compliqué est toujours simple. L’œuf de Colomb, le
nœud gordien, le lit de Procuste. Tant de gens s’étaient échinés à tenter de
desserrer le sac de nœuds, avant qu’Alexandre arrive et en finisse d’un seul
coup magistral de sa puissante épée. Des sages avaient essayé en vain de faire
tenir l’œuf debout sur une table, jusqu’au jour où Christophe Colomb l’a écrasé
par le petit bout. Et Procuste avait réglé le problème de l’extrême diversité
de tailles dans la population, en coupant les jambes aux trop grands et en
étirant les jambes aux courts sur pattes.
Et maintenant le
glorieux quoique trop long nom du prince de la couronne des Saoud, Muhammad
bin Salmna (pour faire court MBS) devrait rejoindre la liste des
grands découvreurs de solutions. Il a affronté le problème d’avoir à gérer un
pays en faillite, un trésor vide, et toute sorte de citoyens extrêmement
riches, aux coffres débordants.
Trump se
retrouve face à un problème semblable ; aux US, les chiens dominants
tiennent toute la bonne viande, tandis que l’État croule sous une dette
multimilliardaire. On a trois gentelmen de belle allure : Jeff Bezos,
Bill Gates et Marck Zuckerberg, qui ont dans leurs coffres-forts
autant de fric que la totalité des gens ordinaires d’Amérique.
Les Grecs sont
dans une situation encore pire : ils sont endettés, ils crèvent la dalle
sous les plans d’austérité, tandis que l’argent que l’État grec a emprunté
déborde des poches des riches.
Le problème est
universel. Partout, du Royaume Uni à la Russie, du Brésil à la Grèce, c’est la
même chose : les coffres de l’Etat sont vides, les politiques prescrivent
l’austérité pour tous, mais une poignée de riches contemplent la croissance
rapide de leur capital non imposable.
Bon, d’accord,
on est au courant, et qu’est-ce que tu veux qu’on y fasse, petit malin ?
Tu vas t’en mordre la moustache, et alors ? Geindre ou vociférer, ou bien
te contenter d’une bière bien fraîche pour oublier toutes ces saletés ? Tu
le savais déjà, quand même, que tu n’as pas la permission de taxer les riches,
que tu ne peux pas les empêcher de déménager leur capital dans des paradis
fiscaux, que tu ne devrais même pas prononcer des mots aussi chargés de haine, dans
lesquels certains pourraient y déceler des relents antisémites [1]. Trump a connu ça : quand il a attaqué des banquiers
dans sa campagne électorale, il a immédiatement été traité d’antisémite.
L’héritier de la
couronne MBS a trouvé la solution. Il a coincé des centaines de gens parmi les
plus riches de son royaume, les a parqués dans le Ritz Carlton cinq étoiles de
sa capitale Riyad, et il leur a dit de cracher au bassinet. Quand ils lui ont
ri au nez, il a fait appel à des tortionnaires pour mettre en place la
ponction, style mafia.
The
Daily Mail , dans un reportage en exclusivité nous dit
que “les princes saoudiens et les hommes d’affaires milliardaires arrêtés
lors d’une rafle plus tôt ce mois se retrouvent suspendus par les pieds et
frappés par des agents de sociétés privées de sécurité américains. Les
détentions ont été suivies d’interrogatoires menés, selon certaines sources,
par des « mercenaires américains ». « Ils les frappent, les
torturent, les giflent, les insultent. Ils veulent les briser », dit
la source du Dail Mail.
La firme Blackwater
a été mentionnée, et les réseaux sociaux arabes parlent aussi de sa présence en
Arabie saoudite, de même que le président du Liban. Le successeur de cette
firme, Academi, nie énergiquement avoir jamais mis les pieds en Arabie
saoudite, et dit qu’ils ne font pas dans la torture.
N’empêche que la
torture dans le somptueux hôtel a été confirmée par l’un des meilleurs
journalistes de la vieille école pour le Moyen Orient, David Hearst.
D’après lui, plusieurs détenus ont été amenés à l’hôpital avec des blessures
suite à des séances de torture. Le plus riche Arabe parmi tous, le prince al-Walid
bin al-Talal, dix-huit fois milliardaire, « partenaire
important » de Bill Gates, copropriétaire de la 21 Century Fox et
de Twitter, de l’hôtel George V à Paris et du Savoy à Londres, entre autres,
s’est retrouvé accroché la tête en bas, à la mode mussolinienne.
Des centaines
d’autres princes et gentlemen ont été torturés aussi, jusqu’à ce qu’ils
consentent à livrer leurs biens mal acquis, soit 70% de toutes leurs possessions. Tandis
que j’écris ceci, tandis que vous lisez ces lignes, la torture continue, de
sorte que MBS a déjà essoré ces victimes de milliards de dollars, en
cash et placements divers.
« C’est du racket ! » direz-vous.
Peut-être que MBS avait vu Le Parrain dans son âge tendre,
et qu’il avait été impressionné par l’efficacité de certaines méthodes
maffieuses. En tout cas, il a réglé, ou plutôt est en train de régler, son
problème de trésorerie.
C’est peut-être
la méthode qu’il faudrait conseiller à Trump et à Poutine, ainsi qu’à d’autres
dirigeants ? Si le
dogme néolibéral interdit de taxer les riches, si les fonds offshore sont
sacrés, qu’est ce qui reste à un dirigeant diligent, à part jeter son
dévolu sur un hôtel cinq étoiles douillet puis embaucher une bande de
tortionnaires expérimentés ?
Oui mais le
tortionnaire en chef se retrouverait condamné et ostracisé par les défenseurs
des droits de l’homme, direz-vous. Et pourtant, pas
une voix, ni du côté de la gauche libérale ni d’une droite autoritaire n’a fait
la moindre objection à l’exploit de MBS en matière d’extorsion de fonds et de
tortures. Le copropriétaire de Twitter a été soumis à des
bastonnades journalières, au moment même où la voix la plus haute de la
conscience libérale, Tom Friedland du New York Times, faisait l’éloge de MBS
comme un héraut du progrès. Dans un article qui relève du panégyrique,
intitulé « Enfin, le printemps arabe arrive
pour l’Arabie saoudite » [2],
avec pour sous-titre « L’héritier de la couronne a de grands projets
pour sa société ». …
Il y a une ligne
dans l’éloge de Friedman à laquelle j’accorde foi, c’est quand il dit que les
Saoudiens sont satisfaits de l’opération racket : « les Saoudiens
avec qui j’en ai parlé m’ont répondu sur ce ton : « il faudrait les
pendre tous la tête en bas et bien les secouer pour faire tomber toute la
monnaie de leurs proches, les malmener jusqu’à ce qu’ils aient tout recraché ».
D’ailleurs, je suis sûr que les Américains applaudiraient si leurs
milliardaires subissaient le traitement MBS. Les Russes ont été ravis, lorsque
Poutine a enfermé l’oligarque Khodorkovski, et se sont plaints qu’il n’y
ait qu’un sous les verrous. Ils adoreraient voir le lot complet des oligarques
qui ont pillé la Russie par des actes manifestement frauduleux, planifiés selon
les instructions de conseillers américains à l’époque de Boris Eltsine,
proprement prélevés « jusqu’à la dernière goutte ».
Les médias ne
sont pas les seuls à soutenir le schéma extorsioniste. Le secrétaire au Trésor
US Steven Mnuchin a dit sur CNBC : « je pense que le prince héritier
[MBS] est en train de faire un excellent travail pour transformer son pays ».
Le président Trump a félicité MBS aussi
en des termes semblables ; pas un mot de condamnation n’a échappé non plus
au président Poutine. Même Al Jazeera, tout en rapportant l’opération de
siphonnement de fonds en des termes précis, n’en a pas fait vraiment tout un
plat.
Il y a une
véritable conspiration du silence autour des initiatives de MBS, un complot qui
englobe les médias et les gouvernements.
Tout le
potentiel pour un grand spectacle se trouve concentré là : l’arrestation
des dignitaires et des princes du sang, y compris le célèbre al-Walid bin
al-Talal, investisseur bien connu, et de Bakr bin Laden, frère du
mondialement connu Oussama, tout cela devrait nourrir les médias pour
des jours et des jours. Ajoutons le décor de rêve du glorieux hôtel au bord du
désert. Ajoutez à l’intensité dramatique le tir de roquettes sur l’hélicoptère
dans lequel tentait de fuir le prince Mansour bin Muqrin, descendu en
flammes, et mettant fin aux jours du susdit et d’autres dignitaires qui
tentaient en vain d’en réchapper.
Quelle histoire
haletante, haute en couleurs, et en costumes authentiques, sur une monarchie du
Moyen Orient ! Cela aurait fait vendre les journaux pendant au moins une
semaine. Mais c’est un silence assourdissant qui a suivi.
Les mêmes médias
qui nous submergent sous les détails et les opinions dans le cas de violation des droits de l’homme
en Russie ou en Chine manifestent à cette occasion une indifférence
olympique pour le sort qui attend des princes et des milliardaires, injustement
et arbitrairement coffrés et torturés dans un pays qui n’a pas la moindre
constitution ni rien qui ressemble à un Habeas Corpus. Et les Nations unies se joignent
à la conspiration du silence.
C’est
probablement le trait le plus inhabituel de l’affaire, qui rappelle le récit de
sir Arthur Conan Doyle Le
chien qui n’aboyait pas. Dans cette aventure de Sherlock Holmes, un chien
n’avait pas aboyé alors qu’on sortait un cheval de courses de son écurie, et
cela revenait à montrer du doigt le voleur : c’était le maître du chien.
Dans le cas de
MBS, le roquet médiatique garde le silence. Cela signifie que le méga patron du
système médiatique, l’ensemble de ceux que j’appelle les Maîtres du Discours, a
permis et autorisé l’opération racket. Nous sommes témoins d’un évènement
médiatique unique, à la limite de la révélation. Comment
se peut-il qu’un prince d’un Etat de troisième rang ait été autorisé à
séquestrer des premiers ministres, à descendre des princes à coup de missiles
terre-air, à garder sous clé et à torturer de puissants hommes d’affaires et
dignitaires, en toute impunité, et sans que les médias réagissent ?
Est-ce que c’est
par peur du côté des voleurs en chef que l’exemple de MBS soit repris et
qu’on leur applique chez eux le même traitement pour leur soutirer quelques
milliards ?
Ou bien est-il
plus probable que l’Axe du bien, soit Trump,
Netanyahou et MBS, avec la force qui est derrière eux, ait
décidé de laisser le champ libre au prince volontaire qui leur a promis de leur livrer Jérusalem et d’offrir la Palestine en concession à perpétuité aux Juifs ?
C’était cela, l’offre des vieux Saoudiens, qui sont devenus les seigneurs de
toute l’Arabie à cause de leur
volonté de satisfaire les désirs des juifs. Parce qu’il y avait d’autres
seigneurs arabes et d’autres dynasties, encore plus éminentes, qui pouvaient
prétendre régner sur la péninsule. Mais les Saoud étaient les seuls à être
prêts à laisser choir la Palestine. Et ils avaient fait leurs preuves comme traîtres, car
ils avaient déjà trahi leurs maîtres ottomans pendant la révolte arabe du
colonel Lawrence.
Ce qu’on appelle le plan de paix
de Trump, discuté et mis en forme par Jared Kushner et MBS,
comporte la reddition de la Palestine, l’abandon du droit au retour pour les
réfugiés de 1948, le renoncement à la souveraineté palestinienne, le
renoncement à Jérusalem. Les Palestiniens paieront, Juifs et Saoudiens se
partageront les dépouilles.
Pour cela, il
faut que MBS graisse la patte à Mahmoud Abbas et à l’Autorité palestinienne, ce
qui n’est pas une mission impossible. Abbas n’a pas de mandat, et il ne
gouverne que sur autorisation israélienne. Mais il va falloir à son tour
qu’il achète le Hamas, sans quoi Gaza restera une épine plantée dans la chair
des gestionnaires. Elle est là, la raison des efforts de réconciliation entre
Gaza et la Cisjordanie, entre le Hamas et le Fatah avec l’Égypte à la manœuvre.
Pour le moment ces efforts ne rencontrent pas un succès spectaculaire.
Le Hamas avait
accepté une réconciliation en espérant améliorer les conditions d’existence des
habitants souffrant à Gaza. Le Fatah était censé faire lever les sanctions,
permettre la réalimentation en électricité, permettre aux gens d’entrer et de
sortir par le point de passage de Rafah. Mais les sanctions sont toujours en
place, les gens vivent misérablement comme toujours, et maintenant l’Autorité
palestinienne demande à ce que des milliers de gens chassés en 2007 puissent se
réinstaller à Gaza. Ce qui signifierait mettre au chômage des milliers de gens
qui vivent du Hamas. Pire encore, les appels de l’Autorité au désarmement de la
branche militaire du Hamas, les brigades Izz ad-Din al-Qassam, c’est tout
simplement impossible.
Au lieu d’obtenir
la levée des sanctions, l’Autorité exige la reddition, et reproche à l’Iran
l’intransigeance du Hamas. Azzam al-Ahmad, qui est à la tête de la
délégation du Fatah pour la réconciliation palestinienne, a dit que l’Iran est
le « sponsor numéro un » de la division entre factions
palestiniennes. C’est ce qu’il a dit sur la chaîne saoudienne al-Arabiya.
L’Iran est le seul écueil en travers du plan Kushner-MBS.
Cela explique en partie la fureur saoudienne. Le dirigeant suprême de l’Iran
est le "nouvel Hitler du Moyen Orient”, a dit MBS à Tom
Friedman. « Mais nous avons appris de l’Europe que l’apaisement, ça
ne marche pas. Nous ne voulons pas que le nouvel Hitler en Iran nous refasse au
Moyen Orient le coup de ce qui s’est passé en Europe ». MBS a emprunté ces termes à un discours de Netanyahou,
mais il s’est retenu de citer sa source.
C’est donc
l’Iran qui bloque le plan de MBS pour brader la Palestine, qui bloque la guerre
de MBS contre le Yémen, qui bloque l’invasion de la Syrie. Un nouvel Hitler,
assurément ! Mais les Russes, alors, alliés de l’Iran dans la guerre de
Syrie ?
Eh bien les
Russes ont décidé de rester à l’écart de ces évènements. Pendant la visite
historique du roi Salman et de son fils MBS récemment à Moscou, apparemment les
invités ont exposé leurs idées à leur hôte. Ils ont promis de maintenir les
prix du pétrole élevés, et c’est important pour la Russie. Quand l’Arabie
saoudite a fait chuter le prix du pétrole dans les années 1980, l’URSS s’est
effondrée. Maintenant, avec des prix élevés, Poutine a décidé de payer 10.000
roubles (soit 150 dollars) par mois à chaque famille pour la naissance de son
premier enfant. Apparemment, de leur côté, les Saoudiens ont accepté la
présence russe en Syrie.
Poutine est un
homme raisonnable ; il se contente de sa part du gâteau, il ne fait pas
monter les enchères. Il a appris la leçon de l’Iliade : les princes grecs
et troyens auraient pu obtenir presque tout ce qu’ils voulaient, les Grecs
Hélène et une rançon substantielle, les Troyens auraient laissé les Grecs
s’enfuir sains et saufs, mais il en voulaient encore plus, ils visaient la
destruction totale de l’ennemi, et ils ont tout perdu. Simone Weil
écrivait : « Un usage modéré de la force, qui seul permettrait
d’échapper à l’engrenage, demanderait une vertu plus qu’humaine, aussi rare
qu’une constante dignité dans la faiblesse. » Poutine c’est cela, à la
fois dans son usage tempéré de la force et dans sa dignité entêtée en situation
de faiblesse.
Cependant,
tandis que les politiques russes diffèrent de celles de l’Occident, les médias
russes ont été intégrés au domaine des Maîtres du Discours il y a des années.
Poutine est parvenu à sauver partiellement quelques chaînes de télévision de
leurs griffes, mais en
général, les médias russes suivent le même canevas que les médias occidentaux.
Un article antisioniste, une critique de la loi juive en Palestine a aussi
peu de chances, ou moins, de paraître dans les Izvestia que dans le NY
Times. Une couverture honnête du blocus de Gaza est tout aussi impossible
sur CNN que sur la première chaîne et sur Russia Today.
La critique et
la discussion des évènements du royaume des Saoud ont été bloquées en Russie.
Les mêmes personnes qui bloquent le débat sur les affaires israélo
palestiniennes bloquent maintenant le débat sur la crise au royaume des Saoud.
Par conséquent, l’Iran et la
Syrie affaiblie par la guerre sont tout ce qui reste pour faire obstacle à une
victoire juive décisive au Moyen Orient. Si une centaine d’années
auparavant, les juifs avaient su jeter les US dans la première guerre mondiale,
en remerciement pour la Déclaration Balfour, maintenant ils peuvent remettre ça
sur le boulevard ouvert par le plan de paix Kushner-MBS par-dessus la
tête des Palestiniens. Car
pendant ces cent dernières années, les positions juives dans le contrôle mental
n’ont fait que progresser, à travers Facebook et Google.
Pourtant leurs
plans peuvent échouer, comme tous les plans de MBS. Ils n’ont encore rien
réussi à mettre en place, à part faire pression sur le Qatar au Yémen en voie
de disparition. Beaucoup de sang, beaucoup d’argent vont couler, ajoutant au
malheur du Moyen Orient et ailleurs.
Seule
satisfaction : maintenant on sait à qui appartient le chien qui n’a pas
aboyé.
Israël
Adam Shamir
2 décembre 2017
2 décembre 2017
Joindre Israel Shamir : adam@israelshamir.net
Traduction :
Maria Poumier Comité Valmy
Article original publié sur The Unz
Review.
[1] Un cours accéléré sur les vraies causes de l’« antisémitisme »
[2] « Printemps arabe » , CIA et cyber-collabos
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