À présent
que Donald Trump a effectivement dépouillé les États-Unis de tout rôle
significatif comme médiateurs dans le conflit siono-palestinien, nous pouvons
nous attendre à… absolument rien de la part de Washington D.C.
En plus de quoi
nous arrivent les détériorations habituelles : Nikki Haley, la plus célèbre WOG
[« whole of government » = également « gueule » au
sens péjoratif, ndt] d’Amérique, a eu la témérité de menacer certains pays de
la ruine financière pour avoir voté contre les USA à l’Assemblée Générale de
l’ONU. Il est évident qu’elle s’attendait à ce que son veto de la résolution
turco-yéménite au Conseil de Sécurité mette fin au brouhaha causé par le
déplacement de l’ambassade US de Tel Aviv à Jérusalem. Cela n’a pas été le cas.
La question a été soumise à un vote de l’Assemblée Générale des Nations Unies
et l’administration Trump s’est vu infliger un camouflet humiliant.
Ce que Haley
n’arrive pas à loger dans son petit cerveau inexercé [1] est que la plupart des pays de l’Union
Européenne ont voté pour la résolution condamnant la démarche unilatérale des
USA.
L’Allemagne,
la France, l’Italie, la Grande Bretagne, la Grèce, Chypre : tous les
bastions de la platitude pro-US ont sauté du navire. Avec les États-Unis à ce
point enlisés dans l’isolement et l’ostracisme universel, il est difficile de
croire que l’administration Trump pourra encore faire grand-chose sur la scène
du monde, sinon souffler de l’air chaud sur la Corée du Nord et l’Iran.
Et voilà que
les Russes ont impoliment demandé aux USA de se tirer de Syrie. En droit
international, les USA n’ont rien à faire en Syrie sans la permission d’un
gouvernement qui détient un siège aux Nations Unies, occupé par le très
patient Dr. Bachar al-Ja’afari. Maintenant que les USA viennent d’être
fermement rabroués par la communauté internationale, le Dr. al-Ja’afari
s’engagera-t-il sur les traces de la résolution turco-yéménite et portera-t-il
l’affaire devant l’Assemblée Générale ? « Les États-Unis ne
devraient-ils pas être condamnés pour l’occupation d’un pays quand le
gouvernement de ce pays leur a demandé de partir ? »
Tandis que
l’ISIS évolue vers le statut d’organisation défunte et que la plupart de ses
membres affluent vers d’autres frontières pour tenter de se relocaliser dans de
meilleurs champs d’action, il n’y a plus aucune raison pour que les États-Unis
s’attardent en Syrie. Mais les USA ne sont pas disposés à partir. Préparez-vous à une insurrection
d’inspiration iranienne en Syrie, dirigée contre les troupes américaines
et ce qu’on appelle leurs « alliés ». Les alliés savent ce que sera
le résultat. La loyauté envers les Américains au Moyen Orient est aussi
glissante que de l’huile. Personne ne pariera sur une ténacité trumpienne.
Quand les housses mortuaires commenceront à s’empiler sur les pistes
d’atterrissage des bases aériennes, les USA partiront (cette année) et les
anciens alliés demanderont l’amnistie.
Simultanément,
il nous faut penser à Idlib. La Ghouta
orientale est sur le point de s’effondrer et on s’attend à ce que les forces
syriennes la nettoient dans les deux mois qui viennent. Mais Idlib, pour des
raisons liées aux précédents accords, est une fourmilière aux coutures prêtes à
craquer, pleine de
terroristes qui ne peuvent pour la plupart se souffrir les uns les autres.
Avec la Turquie peu disposée à planter une épingle dans le ballon, les
terroristes coincés à Idlib n’auront qu’une seule porte de sortie : la
mer. Et s’ils s’échappent
par la mer, l’Europe sera bientôt inondée de criminels très entraînés, à
la manière de l’exode des Mariels organisé en son temps par le regretté Fidel
Castro.
Que peut-on
faire avec des terroristes très entraînés ? Angela Merkel a perdu sa
majorité au gouvernement à cause de son accueil malavisé de milliers de
réfugiés fuyant le conflit syrien. Elle ne refera pas cette erreur. Une seule
atrocité de plus en Allemagne et son gouvernement tombera. Au vu de tout cela,
attendez-vous à ce que l’Europe révise ses relations avec le Dr Assad, le seul homme en Syrie
qui soit capable de se débrouiller pour trouver une solution au problème des
terroristes déchaînés. Inutile de dire qu’il ne permettra pas la
réinsertion de ces sociopathes dans la société syrienne juste pour les empêcher
d’aller se nicher en Europe. Pourtant, étant donné l’importance des enjeux,
l’Europe va devoir cracher beaucoup de capitaux, indispensables à la fois pour
restaurer la santé économique de la Syrie et pour faire face au problème terroriste
partiellement créé par le Royaume Uni, l’Allemagne et la France.
Attendez-vous donc à une coopération accrue. Attendez-vous, par exemple, à des
efforts pour rouvrir les ambassades qui avaient été fermées afin de bien
marquer l’isolement du Dr Assad aux premiers stades du conflit. Ces pays de la
vieille Europe vont devoir ravaler leur fierté et s’atteler à la tâche de
défendre leurs frontières.
Les
Européens, eux, ne seront pas d’accord sur le principe qu’un bon terroriste est
un terroriste mort. Ils ne seront d’accord avec aucun plan basé sur
l’extermination pure et simple des rongeurs. En revanche, ils pourraient être
d’accord sur un programme de ré-orientation destiné à détacher les
ex-terroristes d’une vision de violence planétaire, quitte à fermer les yeux
sur la liquidation des quelques incorrigibles qui y résisteraient. La Syrie a
prouvé que son plan d’amnistie a fonctionné dans 85% des cas, et ce genre
d’approche pourrait mettre fin à l’interminable guerre avec les cloportes
wahhabites.
Je prévois des avancées marquantes de la Russie et de
la Chine au Moyen Orient. Trump a tellement irrité la rue arabe que les gouvernements les plus
traditionnellement amicaux, comme ceux de Jordanie et d’Égypte, ne seront pas
en mesure de poursuivre dans le sens habituel « pas de problème, les
affaires continuent ». Ceci pourrait vouloir dire (même si Chris ne
serait pas d’accord) mettre fin à toute poursuite des travaux sur cette énorme base souterraine au nord de
la Jordanie dont il me parle opiniâtrement. L’Égypte a déjà resserré
ses liens avec Moscou et l’Irak n’est qu’à un angström de demander aux
Américains de partir. La Turquie pourrait bien
quitter l’OTAN et dire adieu à toutes ses prétentions
européennes. Ses efforts pour entrer dans l’U.E. ont été aussi vains que ceux
des Palestiniens pour négocier avec le régime sioniste de Tel Aviv.
L’Iran aussi se prépare à une
année exceptionnelle. Avec les intellectuels iraniens jusqu’à présent sceptiques se rapprochant
de la vision qu’ont des États-Unis les mollahs purs et durs, vous devriez voir
moins de conflits internes, tandis que Téhéran élargit son arc d’influence tout
le long du Croissant fertile, jusqu’en Égypte. Et regardez bien le Hezbollah en recueillir les bénéfices.
Les
Européens sont estomaqués par Trump. Ils n’ont tout simplement pas de méthode
pour traiter avec le tordu de la Maison Blanche. Pensez ce que vous
voulez de George W. Bush, un autre cinglé qui
devrait être pendu pour les crimes de guerres commis en Afghanistan
et en Irak, mais qui était un réaliste avec les pieds sur terre quand il
s’agissait de coordonner des efforts internationaux. Même Obama, malgré sa soif de sang, avait une
diplomatie prévisible, quoi qu’il fût lui aussi un criminel
de guerre. Les Allemands et les Anglais ne savent pas quoi faire
avec une Maison Blanche qui a pété les plombs. Les Allemands ont fait allusion
à une plus grande auto-suffisance en matière de sécurité. Les Britishs se sont
résignés à un monde où ils n’ont plus une relation spéciale avec les USA. Les
Français, dont l’admiration pour les États-Unis est notoire, doivent maintenant
se tourner vers leurs ennemis héréditaires, l’Allemagne et le Royaume Uni, pour
retrouver ce sentiment de confort… auquel il ne faudrait cependant pas
permettre de s’installer trop profondément.
Le
Dr Assad a époustouflé le monde par son insistance obstinée à respecter le
droit. Il a gagné.
Même ce gredin fauteur de guerre de Robert Ford, qui, avec Bandar bin Sultan,
s’est donné tant de mal pour manigancer la révolte contre l’autorité centrale
syrienne, a dû reconnaître la totalité de la victoire d’Assad. Il l’a dit à la
soi-disant « opposition » de halls d’hôtels. Ford a disparu dans le
néant de l’insignifiance. Comme tous les personnages de cette horrible
tragédie, le Capitaine Kangourou (George Sabra), Riyaadh Hijaab, Ghassaan
Hitto, Ahmad Mu’aadh Al-Khateeb et le reste de cette bande de dégénérés se
cramponnent à l’ancre d’un navire en train de sombrer et descendent avec lui
dans un oubli glacé. Salut les mecs. Et Joyeux Noël !
La
popularité du Dr Assad va être garante de ses succès futurs, et pendant très
longtemps. Les Syriens, même ceux qui pourraient l’avoir méprisé à cause de son
appartenance religieuse ont fini par voir à quel point il a insisté sur
l’intégrité territoriale de son pays et à quel point aussi a été absolu son
respect du droit. Ils
savent combien les minorités, en Syrie, on consenti de sacrifices pour
maintenir leur pays laïc et libre.
Vladimir
Poutine a accompli
toutes ses tâches de main de maître. Il
est arrivé aujourd’hui à la conclusion que le gouvernement syrien a
suffisamment d’atouts militaires, en personnel et en armement, pour pouvoir
terminer le travail. Tout militaire intelligent se doit d’avoir une stratégie
de sortie et un calendrier qui coïncide avec les faits sur le terrain. Poutine
a estimé que son rôle en Syrie était arrivé à son terme et que le gouvernement
de Damas doit achever la besogne. Bien sûr, des troupes russes restent à
Humaymeem et à Tartous. Mais ces troupes font partie d’une stratégie globale
plus vaste, qui concerne la projection de la puissance russe dans le monde.
Comment cela va-t-il se jouer avec le concurrent américain, dont l’influence
diminue de jour en jour, relève de la conjecture. Une chose, cependant, est
sûre : depuis la chute de l’Union Soviétique et les événements sordides
qui l’ont suivie, la
Russie est de retour en grand style !
Tandis que
nous entrons dans un nouveau chapitre de l’histoire de ce conflit, je veux
remercier tous mes lecteurs pour leur loyauté et leur sagacité. Je veux même
remercier les trolls qui ont rendu mon site plus populaire. Et je veux même
remercier l’« opposition »
de halls d’hôtels pour leurs interventions risibles, qui m’ont permis de
garder le sourire au travers de ces événements déchirants.
À tous mes
lecteurs : Joyeux Noël et Heureuse Année ! L’an prochain à Jérusalem.
Ziad.
Ziad Fadel – 25 décembre 2017
Ziad
Fadel est avocat depuis 35 ans, traducteur-juré et interprète
(arabe-anglais) pour la Cour Suprême des États-Unis. Il est le rédacteur en
chef de Syrian Perspective
Traduit
par Les Grosses Orchades
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