Le chef
de l’armée algérienne, haut officier issu de la troupe, est à l’opposé du
flamboyant Bouteflika de la belle époque. C’est à lui pourtant qu’incombe la
tâche de mener l’Algérie vers la sortie de crise.
Le
vétéran Ahmed Gaïd Salah est le dirigeant algérien qui subit la plus
grande pression en cette quatorzième semaine de contestation populaire. Son
poste de chef d’état-major, avec le grade le plus élevé de l’armée algérienne,
en fait l’homme qui va avoir la plus lourde responsabilité pour donner au pays
un cap déterminant pour son avenir.
Officier
de l’ALN puis de l’ANP, l’homme a passé toute sa vie au sein de l’institution
militaire, dont il a gravi tous les échelons pour parvenir au poste le plus
prestigieux.
Problème :
il a été nommé à ce poste par le président Abdelaziz Bouteflika en 2004, au
début de son deuxième mandat. À ce titre, il a accompagné l’ancien chef de
l’État, y compris après avril 2013, lorsque M. Bouteflika, victime d’un AVC,
s’est retrouvé fortement diminué sur le plan physique.
Au bon
moment, au bon endroit
Comment
le général Gaïd Salah, homme de confiance du président Bouteflika, partisan du
quatrième puis du cinquième mandat, s’est-il retrouvé en première ligne pour
pousser vers la sortie l’ancien chef de l’État et l’essentiel de la classe
politique des deux dernières décennies ?
Comment
a-t-il a été amené à prendre des décisions qui auraient paru totalement
impossibles il y a seulement trois mois ? Et comment, malgré ces décisions
inouïes accompagnant la contestation populaire, reste-t-il l’une des
principales victimes des manifestants ?
La
rumeur attribue à de simples accidents la position actuelle de Gaïd Salah.
Il
aurait été sur le point d’être radié en 2004, quand le président Bouteflika l’a
nommé à la tête de l’état-major, à la place du général-major Mohamed Lamari, en
faisant de lui un obligé particulièrement docile.
Rivalité
entre la troupe et les services
À
partir de 2013, il devient également vice-ministre de la Défense, ce qui
confirme la grande confiance que lui accorde le président Bouteflika.
Mais
ceux qui voyaient en lui un simple officier d’exécution, tout heureux de
parvenir à un poste au-dessus de ses capacités, négligeaient la dynamique que
l’ascension du général Gaïd Salah allait créer.
Celui-ci
venait de la troupe. Il pouvait, à ce titre, s’appuyer aussi bien sur les chefs
de région militaires que sur les commandants des grands corps.
Ceux-ci,
conformément à une évolution ancienne, étaient toujours en rivalité avec le
Département du renseignement et de la sécurité (DRS), dont le patron, Mohamed
Mediène, alias le général Toufik, apparaissait comme
le principal centre du pouvoir du pays depuis 1992.
L’omnipotence
de Toufik apparaissait d’autant plus injustifiée que le terrorisme avait été
vaincu, et que la gestion du pays sous son règne a provoqué d’incroyables
dérives.
Gaïd
Salah face à Mediène
Quand,
en 2014, s’est posée la question de la succession du président Bouteflika,
visiblement incapable d’assumer la fonction de président de la République pour
un nouveau mandat, il a été impossible de trouver un accord en raison des
divergences entre les deux hommes forts du moment, les généraux Gaïd Salah et
Mediène.
Le
premier a refusé d’entériner les choix proposés par le second. Comme Gaïd Salah
n’avait pas de candidat, ou n’était pas en mesure de l’imposer, le choix s’est
porté sur le maintien du président Bouteflika, en attendant que la situation se
décante.
À vrai
dire, beaucoup pensaient que le chef de l’État ne terminerait pas son mandat,
et qu’il serait toujours temps de décider le moment venu.
La
rivalité entre les deux hommes forts du moment s’est accentuée. Le premier a
réussi à pousser le second vers la sortie, pour devenir le principal centre de
pouvoir dans le pays, en concurrence direct avec Saïd Bouteflika, frère et
conseiller du chef de l’État.
Gaïd
Salah semblait décidé à accompagner le président Bouteflika jusqu’à sa
disparition, mais entre-temps, il continuait à agir de manière méthodique pour
conforter son pouvoir.
Pour
cela, il pouvait jouer aussi bien sur le bilan indéfendable de Mediène que sur
des différents idéologiques supposés opposer les deux hommes.
Mediène
apparaissait plutôt proche de milieux laïcs, de culture occidentale moderne,
alors que Gaïd Salah est un nationaliste traditionnel présenté sous le
qualificatif passe-partout de « novembriste ».
Pour
Gaïd Salah, la première tâche à mener pour asseoir son pouvoir devait le mener
à détricoter les tentaculaires réseaux mis en place par Mediène depuis un quart
de siècle, aussi bien dans le monde politique, l’armée, les partis, le monde
associatif et intellectuel, les milieux d’affaires ou la presse.
Une
action méthodique
Durant
l’été 2018, Gaïd Salah frappe un grand coup. À la faveur d’une obscure
affaire de trafic de cocaïne, il réussit à éliminer deux chefs de régions
militaires, un directeur central au ministère de la Défense, ainsi que le
patron de la police, le général-major Abdelghani Hamel, et celui
de la gendarmerie, le général Menad Nouba.
Tous
sont considérés comme faisant partie des anciens réseaux de Mediène.
Certains
sont traduits devant les tribunaux, alors que le général Abdelkader Aït-Ouarab,
dit Hassan, considéré comme le
numéro 1 du DRS, avait de son côté été déjà jugé et condamné à cinq ans de
prison.
Dans la
foulée, Gaïd Salah restructure l’ancien DRS, qu’il finit par rattacher à
l’état-major de l’armée.
D’autres
actions, inexplicables quand elles ont lieu, prennent tout leur sens quand on
les intègre dans cette logique.
Ainsi,
quand le milliardaire Issaad Rebrad veut racheter le groupe de médias El
Khabar, la justice s’y oppose car aux yeux de Gaïd Salah, l’opération vise
en fait à doter les réseaux Mediène, dont Rebrab est considéré comme proche,
d’un groupe médiatique puissant.
Plus
tard, quand le général Ali Ghediri annonce sa candidature à l’élection
présidentielle début 2019, il fait face à un tir de barrage du général Gaïd
Salah, qui voit en lui le candidat de Mediène. Des réseaux hostiles au général
Mediène propagent, à travers les réseaux sociaux, l’idée selon laquelle Ali
Ghediri était le DRH de Mediène pendant quinze ans.
Accord
tacite
Cette
vision avait amené Gaïd Salah à mettre en place un dispositif qui consolide ses
positions dès l’été 2018. Il lui reste à attendre la disparition du président
Bouteflika pour imposer ses choix.
Homme
du sérail, il sait que le pouvoir ne se trouve pas à la présidence de la
République, encore moins au gouvernement, mais dans l’appareil militaire et
sécuritaire.
Dans
cette optique, il estime qu’il peut désormais contrôler le jeu, et que le chef
de l’État peut rester à son poste, dans une sorte de gentleman agreement :
Abdelaziz Bouteflika garde le poste honorifique, Gaïd Salah détient le pouvoir.
Deux
éléments perturbent cet accord. Le premier concerne l’état de santé du
président Bouteflika.
Il
n’est pas certain qu’il puisse faire le strict minimum symbolique pour rempiler
pour un cinquième mandat, comme déposer sa candidature au Conseil
constitutionnel, et prêter serment une fois réélu.
Son
frère Saïd engage alors des contacts pour passer outre la Constitution, mais la
formule est rapidement abandonnée, car non viable.
Ensuite,
survient le 22 février. À la suite d’appels anonymes sur les réseaux
sociaux, dont personne n’est en mesure de situer la source, une formidable
contestation se développe dans tout le pays. Pacifique, joyeuse, elle
tranche radicalement avec les jacqueries traditionnelles de la rue algérienne.
Dès
lors, la donne politique change. La rue découvre sa force, et refuse un
cinquième mandat.
Portée
par une formidable dynamique, elle élève progressivement le niveau des
revendications, ce qui abouti au slogan symbolique : yentnehaw_ga3
(Qu’ils partent, tous). Elle exige désormais un changement de système.
Tâtonnements
Face à
cette déferlante populaire, Gaïd Salah se trompe d’analyse dans un premier
temps. Il estime que les manifestations sont organisées par les réseaux de
Mediène, dans la plus pure tradition de la manipulation par le DRS. Il accuse
les manifestants d’être manipulés.
Mais il
se rend compte ensuite rapidement que, manipulé ou non, le mouvement de
contestation a imposé sa propre dynamique. Dès lors, il hésite. Il sait qu’il
est au centre du jeu, que tout dérapage lui sera imputé.
Estime-t-il
qu’il peut accélérer le cours de l’histoire, que le président Bouteflika est
devenu un fardeau pour ses propres ambitions ? Toujours est-il que Gaïd
Salah change de fusil d’épaule.
En ces
journées confuses de mars 2019, qui voit les alliances bouleversées, il
découvre que le général-major Athmane Tartag, alias Bachir, qui officie à
la présidence de la République comme coordinateur des services spéciaux,
coopère avec Saïd Bouteflika et Mediène pour organiser une succession au
président Bouteflika hors constitution.
La solution
passe naturellement par l’élimination de Gaïd Salah.
Changement
de cap
Dès
lors, Gaïd Salah ne sent plus tenu par aucun engagement antérieur envers la
maison Bouteflika. Il décide d’accélérer les évènements.
Il se
retrouve dans une alliance de fait avec la rue, avec laquelle il partage un
objectif majeur, l’élimination des Bouteflika. Forçant un peu le trait, il
concrétise ses propres objectifs, en les présentant comme étant ceux de la
rue.
Il
pousse le président Bouteflika vers la sortie, fait arrêter Mohamed
Mediène, Saïd Bouteflika et Athmane Tartag.
En bon
militaire qui vient de conquérir une nouvelle position, il veut la consolider,
en pilonnant les positions suspectes, en coupant le ravitaillement de l’ennemi
et en déstabilisant ses réseaux de communication. Tout ce qui bouge dans le
pays est vu à travers ce prisme.
Les
oligarques de l’ère Bouteflika sont neutralisés, ce qui permet
d’éviter l’utilisation de leurs formidables ressources financières par ses
ennemis.
Il
élimine aussi les éléments les plus influents de l’ère Bouteflika, grâce à une
justice qui fait preuve d’une incroyable diligence en les convoquant par
dizaines. Deux premiers ministres et une dizaine de ministres sont convoqués, à
titres divers, par la justice.
Dans le
même temps, un dialogue à distance s’installe avec la rue. Celle-ci manifeste
vendredi, Gaïd Salah répond en cours de semaine.
Il
accompagne la contestation de manière remarquée. En quatorze journées de
contestation, on note un seul décès suspect, alors que le nombre de
manifestants dépasse le million chaque week-end, avec des pointes de plusieurs
millions à maintes reprises.
Il
s’engage à ce qu’aucune goutte de sang ne soit versée, et promet de respecter
la volonté populaire.
Par
petites touches, il dessine les contours de son propre discours. Celui-ci passe
par les mises en garde classiques chez un militaire, mais contient aussi des
ouvertures : dialogue, légalité, respect des institutions.
Mardi
28 mai, il affirmait encore que « l’unique voie pour résoudre la crise que vit
notre pays est d’adopter la voie du dialogue sérieux, rationnel, constructif et
clairvoyant ». Auparavant, il avait insisté pour organiser une
présidentielle « dans les plus brefs délais », sans faire du 4
juillet une date butoir.
Dommages
collatéraux
En
fait, Gaïd Salah a géré l’avènement de Abdelkader Bensalah et l’élection
présidentielle du 4 juillet comme de simples effets collatéraux de la démission
du président Bouteflika.
Il
n’était pas tenu de les respecter, mais il devait afficher un légalisme à toute
épreuve pour éviter tout soupçon de coup d’État.
Ce qui
débouchait sur ce paradoxe : l’état-major de l’armée affiche sa volonté de
respecter la lettre de la Constitution, alors que la rue invite à passer outre
!
Mais
Gaïd Salah faisait face à un autre paradoxe. Alors qu’il multipliait les coups
contre les hommes de l’ère Bouteflika, la rue le prenait comme cible de manière
de plus en plus marquée. La rue réclamait le départ des symboles de l’ère
Bouteflika, et l’annulation de la présidentielle du 4 juillet.
Plutôt
que de répondre de manière directe et brutale, il crée les conditions pour que
ces objectifs se concrétisent. Faute de candidats, l’élection du 4 juillet est
annulée de fait.
Le sort
des trois B paraît scellé. Tayeb Belaïz est parti. Noureddine Bedoui ne devrait
pas rester très longtemps. Son départ pourrait être justifié par son échec dans
l’organisation de la présidentielle, comme il servirait de gage au moment
d’engager le dialogue, probablement après l’Aïd.
Quant à
Abelkader Bensalah, son délai d’expiration est fixé dans la Constitution :
90 jours. Son maintien relève d’un souci d’éviter un vide institutionnel
risqué, et d’une volonté de l’état-major de montrer qu’il s’impose un légalisme
strict.
L’appel
de Gaïd Salah
Durant
la guerre de libération, Gaïd Salah a servi dans le même bataillon que l’ancien
président Chadli Bendjedid. Il partage avec Chadli un même travers : il
est piètre orateur.
Mais
ceci ne suffit pas pour expliquer le refus de la rue de le suivre. Il y a
également un contentieux lié à son long compagnonnage avec Bouteflika, même si
ses proches privilégient l’idée selon laquelle les anciens réseaux
Mediène sont derrière l’hostilité que lui voue une partie des
manifestants.
Mais
Gaïd Salah ne peut plus se dérober. Son équipe a assis son pouvoir. Elle doit
désormais dire ce qu’elle veut en faire, et si cela est compatible avec la
volonté populaire qui s’est exprimée à travers la contestation.
Au vu
du discours de Gaïd Salah, la partie peut s’engager, probablement au lendemain
de l’Aïd.
Mardi,
il affirmait une volonté de dialogue avec « les personnalités et les
élites nationales », tout en appelant à des « concessions
réciproques ».
Il
s’agit là d’un discours convenu, de circonstance, mais dans un pays qui a
appris à rêver, qui a cassé l’engrenage du pire depuis le 22 février, ce discours
sans éclat peut avoir plus de sens que les envolées traditionnelles des hommes
politiques.
Sortir
par le haut ?
Le
moment est très délicat, l’effort de construction est gigantesque, mais rien
n’empêche un militaire bourru, plutôt terne, à réparer ce que le sémillant
Bouteflika de 1999 a détruit.
Du
reste, s’il était tenté de l’oublier, la déchéance du président Bouteflika, à
laquelle il a assisté comme témoin et acteur privilégié, est là pour lui
rappeler le sens du devoir pour un moudjahid.
C’est
le message que veulent vendre les partisans de Gaïd Salah : il est en
mesure de faire déboucher le processus en cours, et de permettre à la
génération de novembre de sortir par la grande porte.
Tout peut être minimalement discutable sauf que GAID a changé de fusil d'épaule quand le HIRAK a pris réelement forme, SAID dans le désaroi est paniqué a vu que pour ne pas perdre le pouvoir, autant s'assossier avec le diable , TOUFIK, l'ennemi de GAID, c'est la guere des TITANS, ces deux là ne peuvent vivre ensemble dans l'éspace Algérie, revirement de situation et éclatement des vielles alliances et les couteaux sont tirés, sinon tous ces larbin caressaient le doux rêve de devenir président et chacun attendait son heure
RépondreSupprimerLa liberté ce n'est pas l'espoir de l'avenir. C'est le présent et l'accord avec les êtres et le monde dans le présent. Albert Camus, Carnets III
RépondreSupprimerLe peuple Algérien ayant reçu sa part d'indignation, d'amertume et de douleur, n’a bénéficié, ni de privilèges, ni d’argent, il a du cœur, il a les sentiments, il est humain. Il sait que le Président est souffrant, il le prend en pitié et le prie de se reposer
Y a Allah ! le peuple vient d’avoir le grand courage de balancer un coup de pied dans cette fourmilière de hauts responsables de l’Etat, tous des Algériens français de papier, tous ces dinosaures de la bêtise humaine qui reçoivent en pleine gueule une grande leçon du bon sens ?
Arrogants et ignorants, ils ont moissonné l’éradication à force de manigancer de la servilité, ils ont ramassé une sortie de l’Histoire, avec un billet sans retour et surtout une peur eternel.
Donc un grand bravo au Peuple Algérien toutes castes confondus, un grand bravo à notre jeunesse pour cette leçon de solidarité de courage et de bravoure. Le mur de la peur a été brisé, certes il ne faut pas crier victoire, le chemin est encore long, mais pour un début on ne peut être que satisfait.
Notre Jeunesse aspire au développement, à l’épanouissement de notre pays qui ne saura venir que d’une véritable Algérie débarrassée de tous les pique-assiettes y compris ceux de l’Armée et sa oligarchie galonnée, des soldats sandwichs symbole de la corruption et de la Hogra, une Algérie où un Président de la République est élu dans la transparence par le peuple et surtout appeler à rendre compte à un parlement légitime jouissant de tous les pouvoirs nécessaires pour contrôler le gouvernement. Une Algérie où tous les budgets de l’Etat seront gérés en toute transparence et sous contrôle des institutions judiciaires et économiques.
Notre Jeunesse aspire au développement, à l’épanouissement de notre pays qui ne saura venir que d’une véritable Algérie débarrassée de tous les pique-assiettes y compris ceux de l’Armée et sa oligarchie galonnée, des soldats sandwichs symbole de la corruption et de la Hogra, une Algérie où un Président de la République est élu dans la transparence par le peuple et surtout appeler à rendre compte à un parlement légitime jouissant de tous les pouvoirs nécessaires pour contrôler le gouvernement. Une Algérie où tous les budgets de l’Etat seront gérés en toute transparence et sous contrôle des institutions judiciaires et économiques.
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