« De la
Libye vient toujours quelque chose de nouveau » (Aristote). La seule question est de savoir
si ce sont des bons ou de mauvais vents. Or, depuis l’exécution en règle en
2011, de Mouammar Khadafi supervisée par Nicolas Sarkozy (lequel recevait
encore le guide libyen en visite officielle à Paris en 2007) dans les environs
de Syrte1,
rien ne va pas plus dans ce nouvel État failli ainsi que dans sa périphérie
proche et lointaine. Emmanuel Macron, qui s’était fait fort de mettre un terme
au duel entre les frères ennemis (Faïez Sarraj et Khalifa Haftar), récolte
aujourd’hui ce qu’il avait semé hier.
Notre brillant chef de l’État ignore
manifestement que « Dans la diplomatie comme dans les travaux des champs,
il y a des saisons fécondes et des saisons ingrates. Elles alternent
d’ordinaire et c’est en travaillant qu’il faut se préparer au retour des temps
meilleurs » (Jean Herbette, 1927). Aujourd’hui, les critiques
pleuvent de toutes parts contre la duplicité de la diplomatie française sur le
dossier libyen, contre les errements de son en même temps, y compris de la part
du secrétaire général de l’ONU, le portugais, Antonio Gutteres (lequel
aurait piqué une sainte colère en accusant la France de « double jeu »).
Petit à petit, le piège, qu’elle a minutieusement armé, semble inexorablement
se refermer sur elle, s’ajoutant à la liste, déjà impressionnante de ses échecs
diplomatiques et sécuritaires aux quatre coins de la planète. Comme souvent
dans une démarche qui se veut objective et globale, avant de juger de la
boulette du petit Pinocchio (Emmanuel
Macron), revenons quelques années en arrière pour apprécier la bourde du petit Nicolas (Sarkozy). Cette affaire commence à
faire désordre tant elle plante durablement plusieurs épines dans le pied de
Pinocchio et de sa mauvaise troupe.
LA BOURDE DU PETIT NICOLAS
La guerre lancée en 2011 à l’initiative
de Nicolas Sarkozy, sur la base de « fake news » diffusée par la chaine
de télévision satellitaire qatarie Al Jazeera,
démontre à la perfection que la diplomatie française est alors tombée dans le
piège de l’incompétence et dans celui de la coercition.
Le piège de l’incompétence : la diplomatie
romantique des philosophes
Bataille gagnée,
guerre perdue. Ainsi pourrait-on résumer le bilan de
l’intervention occidentale (appuyée par quelques pays arabes) à la lumière des
plus récents développements en Libye et dans son voisinage ! Gagner une
bataille ne signifie pas pour autant gagner la guerre, y compris en Libye.
Nicolas Sarkozy, parfaitement conseillé par "le philosophe-stratège"
BHL, avait cru qu’en faisant tomber une dictature dans un pays n’ayant pas de
tradition démocratique et d’un état-nation, surgirait comme par miracle une
démocratie à l’occidentale. Or, il n’en a rien été. La réalité finit toujours
par s’imposer aux hommes politiques même si leur réveil prend du temps. Encore
faut-il que leur démarche en revienne à un choix pertinent ! Et, ni Nicolas
Sarkozy, ni son successeur, François Hollande n’ont eu le courage de le faire.
Or,
qu’en est-il huit ans après la chute du régime ?
Les
résultats actuels sont catastrophiques à maints égards. Tous les indicateurs
sont au rouge qu’ils soient sécuritaires, politiques ou économiques et sociaux.
L’aveuglement caractérise la démarche de nos dirigeants avant et après 2012. Ne
recommandait-on pas aux diplomates à Tripoli de bannir le mot « guerre »
de leur langage ! « La Libye sera un exemple de révolution réussie, de
métamorphose du monde, de démocratie universelle »2.
Bravo, l’incompétence de notre élite.
Le piège de la coercition : la diplomatie guerrière des néo-cons
Partout
où les Occidentaux ont eu la prétention d’opérer militairement des « regime
change » (révolution de couleur, Printemps
arabe), on
constate la même faillite, la même montée en puissance des seigneurs de la
guerre, des mafias, de l’islamisme (Tunisie, Irak, Afghanistan, Syrie…).
Force est de constater que le rouleau compresseur de la coalition a eu raison
du régime du colonel Kadhafi et de son armée dans un laps de temps
relativement court. Agissant sous mandat de la Ligue des États arabes et de
l’ONU (résolution 1973 du Conseil de sécurité du 11 mars 2011), l’opération « Unified
Protector » est annoncée comme un conflit « propre », conduit
uniquement depuis les airs et la mer. Elle est l’une des missions les plus
courtes de l’OTAN mais aussi l’une des moins controversées. Après 204 jours, le
régime du colonel Kadhafi chute et de nombreuses vies humaines sont épargnées.
Or, nos élites sont frappées d’une pathologie courante par les temps qui
courent, la myopie. Elle touche près
de 30% de la population mondiale. Elle se concrétise par une difficulté
à voir loin. Le contraire de ce que l’on est en droit d’attendre des hommes
d’État, le fameux "gouverner, c’est prévoir" perdu de vue par les
adeptes de la démagogie et du court-termisme ambiant. Ce que l’on qualifie de
clairvoyance, de prescience ou de capacité à anticiper l’avenir. « La Libye
est devenue une véritable pétaudière depuis l’intervention armée occidentale de
2011 décidée par Nicolas Sarkozy, David Cameron et les Américains »3.
« Contrairement aux Anglais et aux Américains qui ont reconnu que cette
guerre était une faute, en France pas question d’admettre l’erreur »4.
Bravo l’arrogance et la myopie de notre élite5.
Nous en avons malheureusement des exemples tous les jours sur les dossiers
internationaux les plus sensibles comme les plus anodins.
Dans un
registre tout à fait différent, mais qui se situe dans la filiation légitime de
l’action de ses deux prédécesseurs directs, la diplomatie d’Emmanuel Macron, en
croyant ramener la paix en Libye tel le nouveau Messie, contribue au contraire
à entretenir la guerre civile dans un pays en pleine déliquescence, un État
failli. Aucune leçon n’a décidément été tirée de toutes nos guerres perdues aux
quatre coins de la planète. Revenons au chef de l’État !
LA BOULETTE DU PETIT PINOCCHIO
Après
l’ascension fantastique du premier de cordée dans la mêlée mondiale, vient plus
rapidement que prévu le temps des graves désillusions. Notre plus jeune
président de la Cinquième République découvre les retours de bâton de l’arrogance et de la duplicité
dans la diplomatie.
Le piège
de l’arrogance : la diplomatie flamboyante des inspecteurs des Finances
« Dès
son arrivée au pouvoir, le président Macron ambitionne de jouer le « faiseur de
paix en Libye »6.
Il pense frapper un grand coup. Inculte, ignare sur l’Afrique en général et sur
la Libye en particulier, le président de la République s’est mis dans la tête
de régler, en deux temps, trois mouvements, le casse-tête libyen (ignorant
l’ONU et l’Italie) grâce à une réunion à la Celle-Saint Cloud (26 juillet 2017
conclue par l’adoption d’une déclaration conjointe) et une à Paris (29 mai
2018, sorte de médiation entre les deux frères ennemis). Les parties présentes
(les absentes marquèrent leur mécontentement) s’accordèrent sur la tenue
d’élections le 18 décembre 2018, censées résoudre la crise (élections qui n’ont
jamais eu lieu). Par ailleurs, on se souvient qu’Emmanuel Macron avait caressé
le projet de créer des « hot spots » en Libye pour stopper les flux de
migrants (juillet 2017). Or, toute cette diplomatie Potemkine n’a débouché sur
rien de concret sur les plans politique, économique, sécuritaire, migratoire…
Au contraire, la situation est allée de mal en pis tant la confrontation entre Faïez
Sarraj et Khalifa Haftar a pris un tour paroxystique. Le second
lançant ses troupes sur Tripoli afin de renverser le pouvoir du premier censé
être le dirigeant légitime aux yeux de la trop fameuse « communauté
internationale » dont personne n’est en mesure de donner une définition
claire et précise. La Libye est aux bords de l’implosion tant les rancœurs ont
la vie dure et le retour à la paix très improbable7.
Bravo l’arrogance des crânes d’œuf de Bercy. Au surplus de l’arrogance, nous
cultivons avec superbe la culture mortifère de la duplicité.
Le piège de la duplicité : la diplomatie minable du jeu de
bonneteau
Le moins
que l’on puisse dire est que la diplomatie jupitérienne sur le dossier libyen a
largement fait pschitt. Elle tourne à la Berezina diplomatique tant l’échec est
patent et les acrobaties se retournent plus rapidement que prévu contre leurs
auteurs à propos d’un un pays qui se dirige lentement mais sûrement vers une
troisième guerre civile8.
On ne peut à la fois déclarer urbi et orbi que Paris est légitimiste
(soutenir le gouvernement de Faïez Sarraj à Tripoli) tout en appuyant en
sous-main son principal opposant (le maréchal Khalifa Haftar qui veut renverser
son opposant à Tripoli9)
qui est considéré comme le meilleur rempart contre les islamistes. Faïez
Sarraj, qui recevait récemment Jean-Yves Le Drian, ne se prive pas de le
faire savoir haut et fort10.
Il met en évidence le discrédit qui pèse sur un médiateur qui ne sait pas
conserver une stricte position d’équilibre entre les protagonistes11.
Tout, cela commence à faire désordre12.
On ne peut jouer « en même temps » le pacificateur et le va-t-en-guerre13.
« En
diplomatie, il faut toujours dire la vérité. D’abord, on ne se trompe jamais.
Ensuite, comme on ne vous croit pas – puisque vous êtes diplomate – vous avez
d’emblée une supériorité sur votre interlocuteur »
(Montaigne).
Il
faudra bien, un jour prochain, que nous nous décidions à effectuer un arbitrage
sérieux entre considérations diplomatiques14,
stratégiques, sécuritaires, économiques15,
humanitaires, nationales et régionales et nous y tenir un bonne fois pour
toutes. Bravo la duplicité des bateleurs de foire. Ce ne sont pas les dernières
déclarations flamboyantes de Jean-Yves Le Drian au quotidien Le Figaro
qui vont lever les doutes sur les véritables intentions de la diplomatie
française en Lybie16,
pas plus que notre objectif stratégique clair et net dans le Sahel avec
l’opération Barkhane17.
Il est vrai qu’aujourd’hui, les combats en Libye sont lourds de menaces pour l’Europe au
moment où le chef du gouvernement d’Union nationale fait une tournée sur notre
continent (Allemagne, France, Italie) pour chercher des soutiens et pour ne pas
se priver de critiquer
vertement la duplicité macronienne18.
Le seul problème est qu’aucun des deux frères ennemis ne veut du cessez-le-feu
proposé par l’émissaire de l’ONU19.
À trop ignorer les voies diplomatiques officielle à l’intérieur (le Quai
d’Orsay littéralement ignoré au moment de la réunion de la Celle-Saint-Cloud se
plaint d’une « diplomatie parallèle » qui fait fi des acteurs africains
qui comptent) et à l’extérieur (l’ONU seulement appelée en renfort quand les
affaires tournent mal), on se prépare souvent des lendemains difficiles.
Recevant
à Paris le 8 mai 2019 le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj, Emmanuel
Macron a appelé à une trêve sans conditions en Libye, sous supervision
internationale, a rappelé la volonté de la France d’aider à la relance d’un
processus politique en Libye, rappelant qu’il n’existe pas de solution
militaire au conflit libyen et pour mettre un terme à l’offensive militaire
lancée vers Tripoli, encouragé un cessez-le-feu sans conditions, a souligné la
nécessité de protéger les populations civiles, a proposé de mettre en place,
dès les prochains jours, une évaluation du comportement des groupes armés en
Libye, y compris ceux qui relèvent directement du gouvernement d’entente
nationale, en lien étroit avec l’ONU. Fayez al-Sarraj a qualifié la rencontre de
« positive », estimant sur France 24 que le président français avait été
« très compréhensif », mais il a invité la France à « prendre une
position plus claire » à l’avenir. « Il y a eu une manière de répandre
une sorte d’image ou de rumeur selon laquelle la France était contre le
gouvernement libyen et en faveur de cette offensive militaire qui nous semble
totalement inacceptable et injuste », faisait valoir mardi une source à l’Élysée.
Des inconvénients d’un double jeu dans la diplomatie !20
Aujourd’hui,
ce sont les Émiratis qui se trouvent sur le grill. L’AFP croit savoir que des «
experts de l’ONU enquêtent sur une possible implication militaire des EAU
dans le conflit en Libye, après des tirs de missiles [air-sol] en avril
avec des drones de fabrication chinoise équipant l’armée émiratie ». Et, ce
n’est vraisemblablement le début d’un long feuilleton qui apportera son lot de
révélations embarrassantes pour tous les donneurs de leçons de morale !
Voici ce
que notre breton armé déclare dans cet entretien au Figaro qui vaut son
pesant de cacahuètes en réponse à la question de la perspicace Isabelle
Lasserre, Comment sortir de l’impasse ? :
« En
promouvant une solution politique qui permettra la formation d’un gouvernement
issu des urnes, doté d’une légitimité interne et externe, c’est-à-dire ayant
l’aval des Libyens et donc la reconnaissance internationale. La France n’a pas
varié de politique depuis qu’en juillet 2017 le président de la République a
pris l’initiative de réunir à La Celle-Saint-Cloud les deux principaux
responsables libyens. La solution politique a été réaffirmée par la conférence
internationale de l’Élysée en mai 2018, puis celle de Palerme, et enfin par les
accords d’Abu Dhabi en novembre dernier. Nous poursuivons donc aujourd’hui nos
efforts pour obtenir un cessez-le-feu et la réouverture d’une solution
politique sur la base du processus d’Abu Dhabi, par l’intermédiaire de Ghassan
Salamé, l’envoyé spécial de l’ONU en Libye ».
Parfait
exercice de charabia diplomatique
incompréhensible et incongru dont on comprend aisément qu’il contribue à
enfoncer plusieurs épines dans le pied du patron du Lorientais désorienté,
Jean-Yves Le Drian ! L’homme du droit et surtout du tordu. Toutes ces
plaisanteries de mauvais goût conduisent à une sorte d’impasse du chaos.
Impasse que la France a contribué à instaurer au cours de la décennie écoulée
en Libye compliquée de nos jours par la diplomatie du en même temps21.
PLUSIEURS ÉPINES DANS LE PIED DE PINOCCHIO
Aujourd’hui,
les pièges ne cessent de se refermer sur les deux pieds de notre « grand
manipulateur » hors concours22.
En dehors du piège libyen, la diplomatie française commence à avoir maille à
partir avec les ONG qui traquent nos turpitudes au Yémen à travers nos ventes
d’armes au bienfaisant Royaume d’Arabie saoudite.
Le piège libyen : la diplomatie des carabistouilles bretonnes
Cerise
sur le gâteau, huit associations viennent de demander (25 avril 2019) à la
justice de suspendre le transfert de bateaux français à la marine libyenne, une
livraison qu’elles dénoncent comme contraire à l’embargo sur les armes et une «
complicité » dans des violations des droits. Rappelons que le ministère
des Armées avait indiqué (février 2019) que la France allait livrer au cours du
printemps six embarcations rapides, des Zodiac de l’industriel français
Sillinger, à la marine libyenne engagée dans le contrôle des flux de migrants
tentant de traverser la Méditerranée. La livraison de Zodiac Sillinger a déjà
été considérée par l’ONU comme une violation dans le cadre de l’embargo sur les
armes imposé en Côte d’Ivoire de 2004 à 2016, souligne les plaignants. Elle
contreviendrait au traité international sur le commerce des armes (TCA), dont
la France est signataire, qui prévoit que les pays évaluent le risque de
commission de violation des droits de l’homme avant d’autoriser l’exportation,
une problématique déjà largement abordée dans le cadre des ventes d’armes à
l’Arabie saoudite. On l’aura compris, il y a là une contradiction flagrante
entre l’affichage ostentatoire d’une diplomatie des (fausses) valeurs et la
mise en œuvre honteuse d’une diplomatie économique des marchands de canons. On
ne peut pas dénoncer à longueur de temps les démocratures et autres démocraties
illibérales tout en faisant plus que les plagier dans la pratique. Cela
commence à se voir et fait mauvais effet surtout lorsque nous nous complaisons
dans le beau rôle de donneurs de leçons à l’univers.
Le piège yéménite : la diplomatie de l’indignation à géométrie
variable
Et, nous
retrouvons le même problème avec nos ventes d’armes à l’Arabie saoudite pour
conduire sa sale guerre au Yémen qui conduit trois journalistes ayant exploité
des notes de la DGSE à devoir s’expliquer dans les locaux de la DGSI à
Levallois-Perret ! En effet, trois journalistes, appartenant pour deux d’entre
eux au média d’investigation Disclose et pour l’autre à Radio
France, ont droit aux honneurs de notre service de sécurité intérieure après
une plainte du ministère des Armées pour « compromission du secret de la
défense nationale ». Rappelons que l’association Aser vient
d’attaquer l’État français devant le tribunal administratif de Paris pour
violation du Traité sur le commerce des armes (TCA) et se réserve désormais le
droit de porter l’affaire en référé (procédure d’urgence qui pourrait conduire
la juridiction administrative de première instance à adopter quelques mesures
conservatoires). Pendant ce temps, aux États-Unis – où le complexe
militaro-industriel est puissant – la Chambre des représentants a osé voter la
suspension du soutien militaire à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis
dans leur guerre au Yémen, obligeant le président Donald Trump à faire
usage de son droit de veto. Mais, au Palais-Bourbon, les godillots de Macron,
eux, ne mouftent pas23.
Ils
sont, comme nous, amplement rassurés en apprenant de la bouche même du
président de la République, Emmanuel Macron que la France a la « garantie
» de la part de l’Arabie saoudite que les armes qui lui sont vendues ne sont
pas utilisées contre des civils au Yémen, à la veille du départ d’une nouvelle
cargaison d’armement via le port du Havre. « L’essentiel des armes qui ont
été vendues sont plutôt utilisées à l’intérieur du territoire ou à la frontière
mais elles sont utilisées dans le cadre d’un conflit », a déclaré le
président français à son arrivée au sommet européen de Sibiu (Roumanie). « Néanmoins,
je tiens ici à dire ce que nous avons fait, c’est-à-dire d’avoir la garantie
que ce ne soit pas utilisé contre des populations civiles », a ajouté
Emmanuel Macron, précisant que cette garantie avait été « obtenue ».
Cette question soulève cependant un « conflit moral », a encore déclaré
le chef de l’Etat, qui peut être surmonté d’une part « en faisant la
transparence et en étant exigeant avec nos partenaires », alliés dans la
lutte « contre le terrorisme », et d’autre part en « nous engageant
davantage dans la résolution du conflit au Yémen ». « On va s’engager
aux côtés des Nations unies davantage pour résoudre ce problème », a
poursuivi Emmanuel Macron24.
Il est vrai que les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent surtout
lorsqu’elles concernent l’Arabie saoudite, un excellent client de nos armes
intelligentes qui savent distinguer civils et militaires, territoire national
et autre, bons et mauvais ennemis, ce qui est un « conflit moral » et un
conflit « immoral ». Aux dernières nouvelles, le cargo serait reparti
vide du Havre25.
Mais, en
définitive, c’est le genre de polémiques qui pimentent les quinquennats. Mais
celles-ci présentent un intérêt particulier, dans un contexte de défiance généralisée à l’endroit
du chef de l’État et de l’exécutif et de discrédit de la diplomatie française.
Les annonces présidentielles du 25 avril 2019 n’ont pas changé fondamentalement
la donne. Aujourd’hui, le discrédit de la classe politique jupitérienne est tel
qu’il paraît difficile, voire impossible de remonter la pente. Il suffit de
prendre connaissance des dernières déclarations de Gérard Collomb : « Emmanuel
Macron est en difficulté » (Europe 1, 9 mai 2019).
Heureusement
que nous venons d’apprendre par la machine à bobards des communicants de la
présidence de la République remettait désormais « l’humain au centre »
de sa politique et qu’il voulait « écouter les gens », ayant compris
après six mois de crise des « gilets jaunes » que l’homme est important
dans toute action quelle qu’elle soit. Libyens et Yéménites n’ont pas encore bénéficié de toutes
les vertus de son changement de pied, de son entrée dans le Nouveau monde de la
morale. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan ne se fait pas prier
pour s’en prendre au chef de l’État, accusant tour à tour la France « donneuse
de leçons » sur le génocide arménien en oubliant les génocides au Rwanda et
en Algérie [1]. La Vérité finit
toujours par éclater dans le monde nouveau comme dans l’ancien monde dont on
nous avait promis de faire litière.
« Les merdes, ça vole toujours en escadrilles
», en Rafale, pourrait-on dire en mettant au gout du jour la célèbre remarque
de ce vieux routier de la politique qu’est Jacques Chirac. Jugement de
pur bon sens qu’ignorent Emmanuel Macron, Florence Parly, Jean-Yves Le Drian et
leurs hordes de conseillers peu diplomatiques qui les vénèrent plus qu’ils ne
les conseillent. Le dossier libyen restera, à l’instar des dossiers syrien et
yéménite, un cas d’école à enseigner dans les écoles diplomatiques, comme au
sein du tout nouveau « Collège des Hautes études de l’institut diplomatique
» (CHEID) créé par Le Chouchen26.
Un cas d’école de ce Waterloo diplomatique
dont il faudra bien un jour tirer les conséquences. Comme nous l’avons souligné
plus haut, démagogie et court-termisme constituent la marque de fabrique de la
machine diplomatique macrono-ledrianesque. Le quotidien Le Monde a bien
raison de titrer « La France désarçonnée dans le chaos libyen »27.
L’expérience, toujours bonne conseillère, nous rappelle que la diplomatie de la
vérité, vaut mieux que l’absence de vérité en diplomatie. Le problème des
diplomates français (sous le règne de Pinocchio), c’est l’orgueil, la
conviction que le monde doit se plier à l’ordre qu’ils veulent lui assigner. À
l’instar de l’objectif initial de la revue Les Temps modernes, le but de
la diplomatie est « d’apporter une intelligence globale du monde »28.
Nous n’en sommes pas encore là. Sans un minimum de cohérence, la France perdra
le peu de crédit dont elle dispose encore sur la scène internationale. Faute de
quoi, le risque est grand qu’elle ne se piège encore plus dans l’actuel
bourbier libyen.
MORALE DE L’HISTOIRE
« La
première leçon de l’Histoire est de ne pas mentir, la seconde de ne pas
craindre d’exprimer toute la Vérité » (Pape Léon XIII de 1893 à 1903). À
méditer par nos diplomates d’opérette, en particulier les Pieds Nickelés de
l’Élysée (ceux de la cellule diplomatique dirigée par le fourbe, Philippe
Etienne qui devrait bientôt être récompensé de ses contorsions en se voyant
attribuer l’ambassade de France à Washington pour succéder au farfelu Gérard
Araud), qui confondent allégrement communication et action !
Guillaume Berlat
13 mai
2019
4 Jean-François Kahn, Libye : ils se sont mis les doigt
dans l’œil, depuis ils ont fermé l’autre !, Marianne, 10-16 mai 2019, p. 6.
5 Guillaume Berlat, Intervenir en Libye : une lubie française,
www.prochetmoyen-orient.ch ,
18 janvier 2016.
7 Frédéric Bobin, Libye : les Tripolitains dépités par l’offensive
d’Haftar, Le Monde, 28-29 avril 2019, p. 4.
11 Frédéric Bobin/Nathalie Guibert/Marc Semo, Libye : comment Paris
a perdu l’équilibre, Le Monde, 25 avril 2019, pp. 4-5.
12 René Backmann, Libye : comment la France a contribué à la montée
en puissance d’Haftar, www.mediapart.fr
, 27 avril 2019.
13 Claude Angeli, Le va-t-en-guerre libyen et ses chers parrains,
Le Canard enchaîné, 24 avril 2019, p. 3.
15 Pierre Vermeren, « La Libye, première puissance pétrolière
d’Afrique, intéresse beaucoup d’acteurs », Le Figaro, 16 avril 2019, p. 16.
16 Jean-Yves Le Drian (propos recueillis par Isabelle Lasserre), « La
France est en Libye pour combattre le terrorisme », Le Figaro, 3 mai 2019,
p. 3.
17 Claude Angeli, Une petite « Ecole de guerre » françafricaine. Et
un record absolu d’attaques djihadistes depuis novembre dernier : 1200, avec,
au total,4 780 morts, Le Canard enchaîné, 30 avril 2019, p. 3
18 Yves Bourdillon, Le gouvernement libyen en quête de soutiens
européens, Les Échos, 9 mai 2019, p. 6.
19 Isabelle Lasserre, Les combats en Libye, lourds de menaces pour
l’Europe, Le Figaro, 7 mai 2019, p. 11.
20 Marc Semo, Macron appelle à une « cessez-le-feu sous supervision
internationale » en Libye, Le Monde, 10 mai 2019, p. 3.
24 Macron dit avoir des « garanties » de l’Arabie saoudite sur les
armes, Agence Reuters, 9 mai 2019.
25 Thomas Cantaloube, Un cargo saoudien qui devait charger des
armes au Havre renonce à sa cargaison, www.mediapart.fr
, 10 mai 2019.
26 https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/le-college-des-hautes-etudes-de-l-institut-diplomatique/
28 Membres du comité de rédaction de la revue « Les Temps modernes », Le
but de la revue « Les Temps modernes » était d’apporter une intelligence
globale du monde, Le Monde, 3 mai 2019, p. 24.
Source : Proche & Moyen-Orient, Proche & Moyen-Orient,
13-05-2019
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VOIR AUSSI :
- LIBYE
: Comment la France a tué le Guide libyen. Les e-mails d’Hillary Clinton
apportent la réponse
Hannibal GENSERIC
Nous avons eu des présidents menteurs, voleurs, manipulateurs, en plus nous en avons maintenant un qui est un authentique pyromane aussi bien concrètement que virtuellement. Le monde nous envie d'avoir eu de tels chefs d'état. C'est à se demander pourquoi les Français foutent autant de bordel.....
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