Sous la houlette des Etats-Unis, l’Occident a voulu imposer sa démocratie
aux pays arabes qui, paraît-il, souffrent sous "les dictatures" de
Saddam Hussein, Hosni Moubarak, Ben Ali, Kadhafi, Bouteflika, Assad, etc. à
part ces deux derniers, tous ces dirigeants nationalistes arabes ont été
renversés/assassinés pour les remplacer par des pantins islamistes. Par contre,
le même Occident considère que le Maroc,
la Jordanie, l’Arabie, le Koweït, les EAU, le Qatar, et Oman vivent "démocratiquement"
sous la férule de rois et d’émirs de droit divin. L’article ci-dessous n’est
petit exemple de ce que l’Occident a apporté, depuis le 19ème siècle
à ce jour à ces pays martyrisés, humiliés et exploités jusqu’à la ruine. H.
Genséric
Camp Bucca, Abu Ghraib et la montée de l’extrémisme en Irak
Les tortures et mauvais traitements infligés à leurs
prisonniers par les forces américaines d''occupation en Irak, ont produit en
retour une violence qui n'a fait que se développer depuis.
Le 27 octobre, le président Trump a annoncé la mort d’Abou Bakr Al-Baghdadi
et de trois de ses enfants. Le président américain a déclaré qu’Al-Baghdadi, le
fondateur de l’EI, s’était réfugié dans un tunnel pour fuir les forces
militaires américaines, puis s’était fait exploser. En 2004, Al-Baghdadi avait
été capturé par les forces américaines et emprisonné pendant dix mois à Abu
Ghraib et au camp Bucca.
En janvier 2004, j’ai visité le camp Bucca qui est situé au sud de Bassora,
dans une région isolée et misérable de l’Irak. Encore en construction, il était
constitué de tentes.
Pour entrer en Irak, notre délégation de trois personnes de Voices,
a dû attendre des visas à Amman, en Jordanie. Pendant que nous y étions, nous
avons reçu la visite de deux jeunes Palestiniens qui nous ont raconté ce qu’ils
avaient vécu pendant les six mois de leur emprisonnement au camp Bucca.
Ils restaient marqués par la peur qu’ils avaient ressentie tout au long de
leur détention. Ils dormaient par terre, dans du sable infesté de scorpions;
ils devaient se doucher nus, devant des soldates étasuniennes et on leur
ordonnait d’aboyer comme un chien ou de dire « J’aime George
Bush » avant de remplir leur bol d’aliments. Ils n’avaient pas le
droit de communiquer avec qui que ce soit d’extérieur à la prison, leur seul
espoir d’être libérés était de comparaître, un jour, devant un tribunal de
trois membres.
Cinq de leurs amis étaient toujours en prison. Ils nous ont suppliés de
leur rendre visite et de plaider pour leur libération. Tous étaient des Palestiniens qui étudiaient
à Bagdad pour obtenir un diplôme professionnel. Ne voulant pas renoncer
à leur diplôme, ils ont pris le risque de rester à Bagdad lors de l’agression
étasunienne, Choc et Effroi, de 2003. Des Marines ont
fait irruption dans leur dortoir de la rue Haïfa à Bagdad et ont arrêté tous les étudiants
qui avaient une carte d’identité étrangère. Ils ont été catalogués TCN, « Third
Country Nationals » (1), et emmenés dans différentes prisons.
A Bagdad, nos amis des Christian
Peacemaker Teams avaient créé une base de données avec les noms et les
numéros des prisons pour aider les Irakiens à retrouver leurs proches. Ils ont
trouvé les numéros de prison de deux des jeunes gens qu’on nous avait demandé
de rencontrer et ils nous ont conseillé de contacter le major Garrity, un
officier de l’armée américaine qui était responsable du camp Bucca.
Nous nous sommes rendus dans la ville la plus au sud de l’Irak, Umm Qasr,
et nous nous sommes assis à une vieille table de pique-nique à l’extérieur du
camp Bucca, en attendant la décision du major Garrity. Nous n’étions pas
optimistes parce que nous avions appris, à notre arrivée, que l’heure des
visites était passée et que la prochaine opportunité était trois jours plus
tard.
Il n’y avait d’ombre nulle part, le sable était recouvert de graisse noire,
et nous devions constamment recracher des petits moucherons noirs. Le camp
Bucca est l’un des endroits les plus invivables que j’aie jamais rencontrés.
Nous avons appris avec reconnaissance que le major Garrity autorisait notre
visite.
Une camionnette militaire nous a emmenés plus loin dans le désert, et bientôt
nous avons assisté à l’étreinte tendre et émue de l’un des prisonniers avec son
frère, un dentiste de Bagdad, qui nous avait accompagnés. Sans que nous le leur
ayons demandé, les prisonniers, tous dans la vingtaine, ont corroboré ce que
leurs amis précédemment libérés nous avaient partagé de leurs épreuves. Ils ont
parlé de la solitude, l’ennui, les humiliations et l’incertitude effrayante à
laquelle sont confrontés les prisonniers détenus sans inculpation par une puissance
hostile qui n’a aucune intention de les libérer.
Le fait de savoir que nous allions parler d’eux à leurs proches leur a
apporté un peu de réconfort. Plus tard, le major Garrity nous a dit qu’il y
avait peu de chance qu’ils soient libérés. « Soyez heureux qu’ils
soient ici avec nous et pas à Bagdad », nous a-t-elle confié avec un
regard qui en disait long. « Ici, nous leur donnons de la nourriture,
des vêtements et un abri. Heureusement qu’ils ne sont pas à Bagdad. »
Plus tard, en mai 2004, CNN a publié des photos de la prison d’Abu Ghraib.
Nous avons alors compris ce qu’elle voulait dire.
La New
York Review of Books du 3 novembre 2005 cite trois officiers, dont deux
sous-officiers, stationnés avec la 82e Division aéroportée de l’armée
américaine à la base d’opérations avancée (FOB) Mercury en Irak.
S’exprimant sous couvert d’anonymat, ils décrivent dans de multiples
entretiens avec Human Rights Watch la manière dont leur bataillon en
2003-2004 a régulièrement utilisé la torture physique et mentale pour obtenir des renseignements
et pour se défouler….
Les détenus en Irak étaient généralement appelés PUC (2). La torture des détenus
était, semble-t-il, tellement courante et normalisée qu’elle était devenue un
moyen de soulager le stress. Les soldats se rendaient à la tente des PUC en
dehors des heures de service pour « niquer un PUC » (3)
ou « fumer un PUC » (4). La première expression voulait
dire tabasser un détenu, et la seconde le torturer jusqu’à ce qu’il
s’évanouisse.
Le « fumage » ne servait pas seulement à se défouler, il était au
cœur du système d’interrogatoire utilisé par la 82e Division aéroportée de la FOB
Mercury. Les officiers et les sous-officiers de l’unité du renseignement
militaire ordonnaient aux gardiens de « fumer » les détenus
avant un interrogatoire et parfois, de ne pas les laisser dormir, boire ou
manger sauf des crackers.
Le « fumage » par les gardiens durait de douze à
vingt-quatre heures avant l’interrogatoire. Comme l’a dit un soldat : « L’officier
du renseignement militaire] a dit qu’il voulait que les PUC soient si fatigués,
si fumés, si démoralisés qu’ils n’aient plus qu’un seul désir, coopérer.
Un sergent a dit à Human Rights Watch :
« C’était peut-être un bon gars, tu sais, mais maintenant c’est un
mauvais gars à cause de la façon dont on l’a traité. »
La violence qui a donné naissance à l’État islamique
ne vient pas de nulle part.
Lors de nombreux voyages en Irak de 1996 à 2003, les membres de notre
délégation Voices ont pris conscience du désespoir et des souffrances insupportables des
familles irakiennes qui n’arrivaient pas à survivre à cause des sanctions
économiques étasuniennes. Dans l’entre-deux-guerres, l’ONU a estimé
à 5.000 le nombre de décès d’enfants dus à l’effondrement économique imposé de
l’extérieur et au
blocus des vivres, des médicaments, de l’approvisionnement en eau potable et
autres produits essentiels à la survie, une estimation que les
autorités étasuniennes n’ont pas contestée.
Les agressions américaines, de Tempête du désert (1991) à Choc et
Effroi (2003) n’ont été qu’une seule guerre sans fin, depuis les
bombardements aériens, les
bombes à uranium appauvri et au phosphore blanc, les balles, les
raids de nuit, la
destruction des réservoirs d’eau et des lignes électriques, tout
cela provoquant l’abandon des industries publiques et la décomposition des
villes dans un paroxysme de nettoyage ethnique,
jusqu’au blocus des médicaments et de la nourriture qui a tué des milliers
d’enfants.
Les exactions infligées aux prisonniers dans des endroits comme le camp Bucca,
FOB Mercury, Abu Ghraib et Guantanamo, ajoutées à la guerre des États-Unis
ont, comme on aurait pu le prévoir, provoqué la création de l’EI et sa promesse
de se venger selon la loi du Talion, « œil pour œil, dent pour
dent ».
Interrogé, en 2016, sur son passage préféré de la Bible, le président Trump
a dit « œil pour œil« . Il ne semblait pas se rendre
compte que Jésus refusait la vengeance. Jésus a dit, au contraire : « Mais
moi, je vous le dis, aimez votre ennemi et priez pour ceux qui vous
persécutent ».
Plutôt que d’inciter aux représailles, Jésus a prêché une forme de non-violence consistant à regagner la confiance de son
adversaire.
Nous ne sommes pas obligés de choisir l’aveuglement ni la haine qui nous
transforment en troupeau craintif. Nous devons à la place réparer le mal que
nous avons fait avec nos
guerres. Nous devons renoncer à la guerre, pleurer les enfants d’Irak et
réfléchir à la façon dont les abus
commis dans les camps militaires américains, en Irak, ont conduit à
l’extrémisme des combattants de l’EI.
Notes :
(1) Citoyens d’un troisième pays
(2) Person under control (Personne sous
contrôle). Le terme PUC a été conçu en Afghanistan pour remplacer POW
(prisonnier de guerre) après que l’administration Bush a décidé que les
Conventions de Genève ne s’appliquaient pas aux combattants capturés d’Al-Qaïda
et des talibans. Ils ont fait pareil en Irak bien que l’armée américaine et le
Pentagone aient prétendu que les Conventions de Genève y étaient appliquées.
(3) En anglais F**k
(4) En anglais smoke
Par Kathy Kelly
(revue de presse: Chronique de Palestine – 8/11/19)*
(revue de presse: Chronique de Palestine – 8/11/19)*
Kathy Kelly est coordinatrice de Voices
for Creative Nonviolence. Elle a rédigé cet article pour publication sur
The Palestine Chronicle. Son email : kathy@vcnv.org
29 octobre 2019 – The Palestine Chronicle – Traduction : Chronique
de Palestine – Dominique Muselet
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Hannibal Genséric
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