Les gens estimant que
la politique étrangère des USA devrait être établie comme produit d’une discussion
sérieuse prenant en compte la diversité des points de vue afin de profiter au
peuple étasunien devraient peut-être prendre note de ce qui se passe en ce
moment dans l’administration du président Donald Trump. Nombre d’observateurs
ont bien pris acte de l’utilisation qui était faite de pressions implacables,
intégrant des menaces d’interventions militaires, en lieu et place de
négociation, mais sans surprise, les médias n’ont pas fait leur travail de
remise en cause du fait que l’équipe en place s’occupant du Moyen-Orient
particulièrement volatile soit composée presque exclusivement de juifs orthodoxes et de
chrétiens sionistes.
Pour résumer, l’équipe de choc de Trump pour le Moyen-Orient est menée par son gendre Jared Kushner, un juif dont les conseillers personnels sont TOUS des juifs orthodoxes. David Friedman, l’ambassadeur des USA en Israël est également juif orthodoxe, a un passé d’avocat spécialisé en banqueroutes, et aucune lettre de créance diplomatique ou en matière de politique étrangère.
Il constitue un soutien indéfectible des installations de colonies israéliennes
illégales en Cisjordanie et sur le plateau du Golan, et est même allé jusqu’à
financer ces installations. Friedman reprend telles quelles les déclarations du
gouvernement israélien comme
un perroquet et a fini par réussir à faire changer les mots utilisés
dans les communications du département d’État : le mot « occupé » s’est vu éliminé quand mention est
faite de l’occupation illégale par Israël de la Cisjordanie. Son humanité se cantonne
strictement à son judaïsme : il va jusqu’à défendre les tirs israéliens contre des
milliers de manifestants désarmés et le bombardement d’écoles, d’hôpitaux et de
centres culturels. Quant à savoir en quoi il représente les États-Unis
et leurs citoyens ne disposant pas de la double-nationalité israélo-américaine,
c’est un mystère total.
Le
conseiller en chef de Friedman est le rabbin Aryeh Lightstone, décrit
par l’ambassade comme expert en « formation au judaïsme et plaidoyer
pro-Israël ». Lightstone a déjà décrit Donald Trump comme
causant « un
danger existentiel pour le parti républicain ainsi que pour les USA »,
et l’a même accusé de mollesse face à un public composé de juifs. À ce qu’il
semble, dès que l’opportunité s’est présentée, il a changé d’idée quant à son
nouveau patron. Avant de travailler pour le gouvernement en 2014, Lightstone
avait fondé et dirigé Silent City, un groupe pro-juif soutenu par des
fonds d’extrême droite, et qui s’est opposé à l’accord nucléaire avec l’Iran,
et se bat également pour combattre le mouvement non-violent Boycott,
Désinvestissement et Sanctions (BDS).
Le principal « négociateur
international » de Trump pour le Moyen-Orient est lui aussi un
juif orthodoxe, en la personne de Jason Greenblatt,
ex-avocat de la Trump Organization. Si vous avez lu son article
d’opinion récent, publié dans le New York Times sous le titre « Le
sort de Gaza vous préoccupe ? Prenez-vous en au Hamas »,
vous avez eu le bonheur d’apprendre que les misères vécues par les palestiniens
à Gaza n’ont rien à voir avec les tireurs
embusqués israéliens, les tirs d’artillerie ou les bombes au phosphore.
Tout est de la faute des arabes eux-mêmes. Greenblatt réussit même à arguer que
les colonies israéliennes ne sont « pas
un obstacle à la paix », et cela l’énerve beaucoup
que des défaitistes se permettent de considérer Israël comme partiellement
coupable de la catastrophe humanitaire qui se produit à Gaza.
Kushner,
Greenblatt et Friedman constituent d’excellents échantillons de
personnes présentant une « double
loyauté », incapables de comprendre que leurs
allégeances religieuses et ethniques sont incompatibles avec une loyauté pleine et entière envers
les États-Unis. Les autres acteurs clés pro-israéliens de
l’establishment de notre politique étrangère sont présentés comme des chrétiens
; on y compte le vice-président Mike Pence et le secrétaire d’État Mike
Pompeo, deux
chrétiens sionistes [1]
considérant (et espérant) que la recréation d’Israël s’inscrit dans une
prophétie biblique qui amènera à une grande guerre, à la fin du monde tel que
nous le connaissons, et au retour du Christ sur terre [2]. Et le dernier compère de la ligne
sioniste est le conseiller en sécurité nationale John Bolton, qui reçut
par le passé le « prix du meilleur défenseur
d’Israël », [Defender of Israel Award, NdT], et qui constitue
l’un des partisans les plus fervents d’une guerre contre l’Iran.
Ce n’est
pas vraiment ce qu’on appellerait un modèle de diversité, n’est-ce pas ? En
fait, il manquait une pièce, au poste de Secrétaire assistant auprès du
Département d’État pour les Affaires moyennes-orientales : ce poste est resté
vacant pendant quatorze mois, le Sénat n’ayant pas approuvé le candidat proposé
par Trump, un certain David Schenker. Schenker n’était pas en poste, non
pas en raison de réserves, que d’aucuns pourraient juger légitimes, quant à son
passif ou ses biais présumés, mais parce que le sénateur Tim Kaine exigeait de
la part de la Maison-Blanche des documents en lien avec ses actions militaires
en Syrie, un sujet plus ou moins annexe. Schenker a fini, mercredi dernier, par
se voir approuvé par le Sénat, par 83 voix contre 11.
Schenker
a passé le plus gros de son temps à Washington, à l’institut de Washington pour la
politique au Proche-Orient [Washington Institute for Near East Policy
(WINEP), NdT], un groupe de réflexion soutenant
le gouvernement israélien. Il est devenu analyste tout de suite après avoir
obtenu son diplôme universitaire, et sa carrière présente le schéma de rebond
habituel aux néo-conservateurs entre des fondations pro-israéliennes et des
postes au gouvernement, permettant de se fabriquer un CV et une crédibilité. Il
était en poste au Pentagone sous George W Bush, c’est à dire au cœur du
chaudron néo-conservateur de l’époque, avec Paul Wolfowitz et Doug Feith. Et le
WINEP n’est pas un groupe de réflexion ordinaire. Cet institut fut fondé par le
Comité des affaires publiques Amérique-Israël [American Israel Public Affairs Committee
(AIPAC), NdT], le lobby pro-Israël le plus puissant de Washington.
Décrire le WINEP comme « soutien du gouvernement israélien »
s’apparente à un doux euphémisme.
Quand la
nouvelle de la confirmation par le Sénat de la prise de poste de Schencker
s’est répandue, Robert Satloff, Directeur général du WINEP, s’est ravi
de ce que « la
carrière de David Schenker a toujours été dévouée à améliorer la qualité de la
politique étasunienne au Moyen-Orient, et il est tout à fait approprié qu’il
ait désormais pour rôle de mettre en œuvre ces politiques à un moment aussi
critique pour les intérêts des USA dans la région ». Satloff a
de quoi jubiler, le lobby qu’il dirige disposant à présent de son gentil garçon
juif à un poste de direction du département d’État, d’où il pourra « améliorer
la qualité » de la politique étrangère étasunienne pour le
Moyen et le Proche Orient au bénéfice d’Israël.
Dans un
communiqué de presse du WINEP, les présidents de l’Institut Shelly Kassen et
Martin J. Gross se
sont également réjouis, expliquant que « nous sommes fiers du fait que David
Schenker sera le dernier d’une longue série d’experts de l’Institut à prendre
un poste de direction auprès du gouvernement – tant dans les
administrations républicaines que démocrates – pour apporter une expertise
sur le Moyen-Orient ».
De fait,
Schenker est vraiment plein à ras bord d’expertise, mais l’inclinaison du
gouvernement à penser que toute opinion experte sur le Moyen-Orient se rapporte
en exclusivité à des pseudo-universitaires
juifs et des groupes de réflexion parasites est pour le moins
étrange. Il faut s’attendre à ce que Schenker n’hésite pas à durcir le ton
envers les Arabes. Dans une
interview de septembre 2017, il soulignait la menace causée par « les
tunnels du Hezbollah sous la frontière entre Israël et le Liban ».
Et il pense qu’une prochaine guerre entre Israël et le Hezbollah « n’est
pas une question de savoir ‘si’, mais ‘quand’ ». Il n’est pas
besoin d’être grand oracle pour savoir à quel camp Schenker se ralliera, même
si Benjamin Netanyahou est à l’initiative de la guerre.
L’histoire américaine est malheureusement pleine de Juifs
américains, très attachés à Israël, qui se voient promus par des lobbies très
puissants et très riches, et qui agissent selon les intérêts de l’État juif ; leur
appartenance à ces lobbies leur permet de rebondir de groupe de réflexion en
poste gouvernemental presque sans effort. Et pour ne rien laisser au hasard, de
par leur réseautage opiniâtre, les Juifs qui ont également la qualité d’être sionistes sont largement
sur-représentés dans
tous les agences gouvernementales ayant quoi que ce soit à voir
avec le Moyen-Orient. On peut au passage affirmer sans trop se mouiller que les partis républicain et
démocrate sont de facto dans les poches des
milliardaires juifs israéliens Sheldon Adelson et Haim Saban, deux
personnages ayant comme priorité absolue la poursuite des intérêts israéliens,
plutôt que les intérêts américains.
Que
peut-on y faire ? Ma foi, ce serait bien, ce serait un sentiment presque
incroyable de bonheur, de voir les médias et le Congrès faire leur boulot pour
une fois, et contester la bonne foi de poseurs comme Kushner, Friedman,
Greenblatt et Schenker, sans parler du trio dément constitué par Pence,
Pompeo et Bolton. Les intérêts des États-Unis ne sont pas de laisser leurs
représentants et porte-paroles, pour une région aussi importante et aussi
volatile au niveau mondial, appartenir à une frange partisane ; les sujets qui
sont à débattre dans cette région demanderont sans doute des compromis s’ils
doivent jamais se voir résolus. Les dirigeants israéliens ne commentent pas
sans un sourire entendu la facilité avec laquelle ils peuvent « faire
bouger » les États-Unis en leur faveur, en
vertu du pouvoir de leur diaspora au sein et autour du gouvernement. Il est
peut-être temps de prendre conscience de ce fait, de se débarrasser des collabos, et de faire basculer le
pendule dans l’autre direction.
Par Philip Giraldi –
Le 11 juin 2019 – Source unz.com
Titre originel : Bienvenue à David Schenker
Le
Docteur Philip M. Giraldi est Directeur général du Conseil pour l’intérêt
national [Council
for the National Interest, NdT], une fondation à but éducatif dont le
but est de promouvoir une politique étrangère au Moyen-Orient plus alignée sur
les intérêts des USA. Le site internet de la fondation est councilforthenationalinterest.org,
Traduit
par Vincent pour le Saker Francophone
NOTES
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