mercredi 9 octobre 2013

Le péril wahhabite en terre de Tunisie

wahabisme terroriste tunisieLe centre Arabe de Recherche, d’Analyse Politique, Sociale (CARAPS ) publie un papier signé Hafawa Rebhi où l’auteur expose « le péril wahhabite en terre de Tunisie » Voici ce qu’elle écrit.

Le wahhabisme est d’ores et déjà une réalité en Tunisie, une réalité triste qui menace de compromettre la démocratie et la réussite de la révolution. C’est, entre autres, l’un des thèmes évoqués par les conférenciers, lors de deux journées d’études organisées en fin de semaine dernière par l’Observatoire Arabe des Religions et des Libertés et la Konrad Adenauer Stiftung.

Après deux décennies de matraquage médiatique, via une myriade de chaînes satellitaires, la doctrine wahhabite a actuellement le vent en poupe en Tunisie, aux quatre coins du monde arabe, dans le Sahara et en Afrique subsaharienne : au Mali, au Niger, ou encore au Tchad.
Au début du 18ème siècle, lorsqu’il prêchait un Islam puritain et ultra-orthodoxe, dans la terre hostile du Nejd, Mohamed Ibn Abdul Wahab ne se serait jamais imaginé ce qu’allait devenir sa doctrine. Même en s’alliant avec le prince Mohamed Ibn Seoud, le Cheikh qui se voulait le réformateur de l’Islam et qui vivait alors dans un décor des temps primitifs, n’aurait jamais pu mesurer l’influence et l’emprise qu’auraient les monarques d’Arabie sur le monde entier.
Ceux-ci, forts de la rente colossale du pétrole et du gaz, ont durant trois dynasties doté le Wahhabisme de tous les moyens d’expansion. Après avoir démoli les vestiges de la civilisation islamique à La Mecque et détruit les tombes des amis du Prophète Mohammed, les Wahhabites ont fait de « l’excommunication » (Takfir), l’idée névralgique de leur doctrine : « Est mécréant, celui qui invoque à haute voix le Prophète après l’appel à la prière, celui qui visite les tombes et qui y bâtit des Zaouias. Est mécréant celui qui bâtit des mausolées ». Pour Mohamed Salah Hadri, président du Parti de la justice et du développement, les incohérences des Wahhabites vont même jusqu’à « assurer que c’est le soleil qui tourne autour de la Terre », fatwa « incongrue » statuée par le Cheikh Ibn Baz, ancien mufti d’Arabie Saoudite, ayant pourtant vécu au vingtième siècle.
L’alliance Wahhabites/Al Seoud est tellement forte que le politologue Riadh Sidaoui a qualifié les alliés des « deux faces d’une même pièce ». C’est que, selon lui, le Wahhabisme saoudien n’est autre qu’un mouvement monarchiste totalitaire qui s’est servi de la religion pour dominer l’Arabie et se propager durant la deuxième moitié du vingtième siècle au-delà d’Al-Hijaz. « Durant la Guerre froide, les puissances mondiales ont eu recours au Wahhabisme saoudien pour contrer les courants progressistes de l’époque comme le nassérisme ou le communisme », a assuré le politologue tunisien, pour évoquer, par la suite, la propagande farouche développée par les Wahhabites à l’encontre du modèle tunisien progressiste des années cinquante et soixante.
Gênés par les hérésies de l’époque de Bourguiba, les voilà à présent irrités par la révolution tunisienne. Une irritation d’autant plus ravageuse que les peuples des pays du Golfe sont émus par ce qui se passe en Tunisie. « En Arabie Saoudite, plus de 4.000 savants sont maltraités, exclus ou emprisonnés par le régime. Là-bas plus de 5 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté et aspirent à un avenir meilleur », a assuré Riadh Sidaoui, comme pour éclaircir une réalité défigurée par les 150 chaînes télévisées diffusant sur Nilesat, dont Iqraa, Arrisala, ou encore Al Jazeera, la chaîne phare de l’émirat du Qatar. C’est qu’en Tunisie, c’est plutôt le Wahhabisme qatari qui est en train de porter préjudice à la révolution tunisienne.
En s’alliant aux mouvements des Frères musulmans, les Wahhabites qataris, en conflit avec la famille régnante d’Al Seoud, voulaient entraver le développement du Wahhabisme saoudien. Pour y parvenir, ils ont créé en 2004, à Doha, l’Union internationale des savants musulmans, en riposte à la Ligue islamique mondiale, organisation fondée en 1962 à La Mecque. Depuis, des millions de dollars de la rente colossale du GNL qatari servent de carburant pour la machine de la propagande wahhabite. En Tunisie, après la victoire d’Ennahdha, présidé par Rached Ghannouchi, secrétaire général adjoint de l’organisation islamiste qatarie, des thèmes nouveaux comme l’application de la Chariâa, l’excommunication et la division de la société entre islamistes et laïcs ont pris les devants de la scène, menaçant de diluer les principales revendications de la révolution.
Pour contrer le projet wahhabite qatari, le politologue Mazen Cherif préconise un projet tunisien basé sur la raison et la loi, et imprégné des vraies valeurs de l’Islam. L’Islam qui vénère l’âme humaine, célèbre la vie et la beauté et exhorte à la fraternité et à la miséricorde.
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