Invité de
l’Association Régionale Nice Côte d’Azur de l’IHEDN, le 27 juin 2012,
Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE,
(Direction générale de la sécurité extérieure, service de renseignement extérieur de la France) reconnu bien au-delà de l’Hexagone pour son expertise du monde arabo-musulman,
a livré aux auditeurs son sentiment au cours d’une conférence qui a connu un
vif succès.
Nos remarques sont surlignées en vert.
L’expression
"printemps arabe" est censée faire référence au « Printemps des
peuples » de 1848. Depuis la révolte de Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010,
la contagion s’est étendue de la Tunisie successivement à l’Égypte, à la Libye,
à Bahrein, au Yémen et enfin en Syrie. Contrairement à ce qui a pu être dit,
ces contestations populaires, d’une ampleur et d’une intensité très variables,
n’ont pas été le fait des "réseaux sociaux", dans des pays où l’accès
à Internet est réduit à une minorité de personnes "branchées" et où
les moyens de blocage du Net sont très développés. De plus, beaucoup des "leaders" de la cyber-contestation sont en fait des agents formés et pilotés par la CIA. Même si les aspirations de
ces divers peuples visaient à chasser des dirigeants corrompus pour favoriser
l’instauration d’une démocratie, les manifestants en reprenant le slogan
« Dégage ! » (« Erhal » en arabe) entendaient réclamer
un meilleur partage des richesses pour améliorer leurs conditions de vie,
obtenir des emplois et retrouver une certaine dignité (« karama » en
arabe).
En fait,
ces révoltes, révolutions ou encore « réveil arabe » ont en commun
d’avoir été financées par le Qatar et d’autres monarchies du Golfe et d’avoir
été encadrées par les Frères musulmans. Le résultat ne s’est pas fait
attendre : on en voit déjà les effets en Tunisie, en Libye et bientôt en
Égypte. La question que l’on est en droit de se poser est : par quel
miracle, les Européens ont-ils pu soutenir à ce point des mouvements qui vont à
la fois à l’encontre des intérêts mêmes de ces populations et aussi des nôtres.
Si la démocratisation de ces pays ne nous laisse pas indifférent, les voir
retomber dans une nouvelle forme de soumission plus insidieuse n’augure rien de
bon pour l’avenir. Depuis plus d’un an, ce printemps arabe n’en finit pas. La
Syrie est le dernier pays à avoir été pris dans une tourmente qui a mis le pays
à feu et à sang.
Les pires conjectures formulées au premier semestre 2011 concernant les mouvements de révolte arabes deviennent aujourd’hui réalité.
Je les avais largement exposées
dans divers ouvrages et revues à contre courant d’une opinion occidentale
généralement enthousiaste et surtout naïve. Car il fallait tout de même être
naïf pour croire que, dans des pays soumis depuis un demi-siècle à des
dictatures qui avaient éliminé toute forme d’opposition libérale et pluraliste,
la démocratie et la liberté allaient jaillir comme le génie de la lampe par la
seule vertu d’un Internet auquel n’a accès qu’une infime minorité de
privilégiés de ces sociétés.
Une fois
passé le bouillonnement libertaire et l’agitation des adeptes de Facebook, souvent manipulés par les Américains, il a
bien fallu se rendre à l’évidence. Le pouvoir est tombé dans les mains des
seules forces politiques structurées qui avaient survécu aux dictatures
nationalistes parce que soutenues financièrement par les pétromonarchies
théocratiques dont elles partagent les valeurs et politiquement par les
Occidentaux parce qu’elles constituaient un bouclier contre l’influence du bloc
de l’Est : les forces religieuses fondamentalistes. Et le « printemps
arabe » n’a mis que six mois à se transformer en « hiver
islamiste ».
En Tunisie
et en Égypte, les partis islamistes, Frères musulmans et extrémistes salafistes
se partagent de confortables majorités dans les Parlements issus des révoltes
populaires. Ils cogèrent la situation avec les commandements militaires dont
ils sont bien contraints de respecter le rôle d’acteurs économiques dominants
mais s’éloignent insidieusement des revendications populaires qui les ont
amenés au pouvoir. Constants dans leur pratique du double langage, ils font
exactement le contraire de ce qu’ils proclament. En, Égypte, après avoir
affirmé sur la Place Tahrir au printemps 2011 qu’ils n’aspiraient nullement au
pouvoir, ils revendiquent aujourd’hui la présidence de la République, la
majorité parlementaire et l’intégralité du pouvoir politique.
En
Tunisie, et après avoir officiellement renoncé à inclure la charia dans la
constitution, ils organisent dans les provinces et les villes de moyenne
importance, loin de l’attention des médias occidentaux, des comités de
vigilance religieux pour faire appliquer des règlements inspirés de la charia.
Ce mouvement gagne progressivement les villes de plus grande importance et même
les capitales où se multiplient les mesures d’interdiction en tous genres, la
censure des spectacles et de la presse, la mise sous le boisseau des libertés
fondamentales et, bien sûr, des droits des femmes et des minorités non
sunnites.
Et ces
forces politiques réactionnaires n’ont rien à craindre des prochaines échéances
électorales. Largement financées par l’Arabie et le Qatar pour lesquels elles
constituent un gage de soumission dans le monde arabe, elles ont tous les moyens
d’acheter les consciences et de se constituer la clientèle qui perpétuera leur
domination face à un paysage politique démocratique morcelé, sans moyens, dont
il sera facile de dénoncer l’inspiration étrangère et donc impie.
La Libye
et le Yémen ont sombré dans la confusion. Après que les forces de l’OTAN,
outrepassant largement le mandat qui leur avait été confié par l’ONU, ont
détruit le régime du peu recommandable Colonel Kadhafi, le pays se retrouve
livré aux appétits de bandes et tribus rivales bien décidées à défendre par les
armes leur pré carré local et leur accès à la rente. L’éphémère « Conseil
National de transition » porté aux nues par l’ineffable Bernard Henri Lévy
est en train de se dissoudre sous les coups de boutoir de chefs de gangs islamistes,
dont plusieurs anciens adeptes d’Al-Qaïda, soutenus et financés par le Qatar
qui entend bien avoir son mot à dire dans tout règlement de la question et
prendre sa part dans l’exploitation des ressources du pays en hydrocarbures.
Au Yémen,
le départ sans gloire du Président Ali Abdallah Saleh rouvre la porte aux
forces centrifuges qui n’ont pas cessé d’agiter ce pays dont l’unité proclamée
en 1990 entre le nord et le sud n’a jamais été bien digérée, surtout par
l’Arabie Séoudite qui s’inquiétait des foucades de ce turbulent voisin et n’a
eu de cesse d’y alimenter la subversion fondamentaliste. Aujourd’hui, les chefs
de tribus sunnites du sud et de l’est du pays, dont certains se réclament
d’Al-Qaïda et tous du salafisme, entretiennent un désordre sans fin aux portes
de la capitale, Sanaa, fief d’une classe politique traditionnelle zaydite -
branche dissidente du chiisme - insupportable pour la légitimité de la famille
séoudienne.
Seul le régime syrien résiste à ce mouvement généralisé d’islamisation au prix d’une incompréhension généralisée et de l’opprobre internationale.
Avant de
développer ce sujet, je crois devoir faire une mise au point puisque d’aucuns
croient déceler dans mes propos et prises de positions des relents d’extrême
droite et de complaisance pour les dictatures.
Je me
rends régulièrement en Syrie depuis 45 ans et y ai résidé pendant plusieurs
années. Je ne prétends pas connaître intimement ce pays mais je pense quand
même mieux le connaître que certains de ces journalistes qui en reviennent
pleins de certitudes après un voyage de trois ou quatre jours.
Mes
activités m’ont amené à devoir fréquenter à divers titres les responsables des
services de sécurité civils et militaires syriens depuis la fin des années 70.
J’ai pu constater qu’ils ne font ni dans la dentelle ni dans la poésie et se
comportent avec une absolue sauvagerie. Ce n’est pas qu’ils ont une conception
différente des droits de l’homme de la nôtre. C’est qu’ils n’ont aucune
conception des droits de l’homme...
Leur
histoire explique en grande partie cette absence. D’abord, ils puisent leur
manière d’être dans quatre siècles d’occupation par les Turcs ottomans, grands
experts du pal, de l’écorchage vif et du découpage raffiné. Ensuite, ils ont
été créés sous la houlette des troupes coloniales françaises pendant le mandat
de 1920 à 1943, et, dès l’indépendance du pays, conseillés techniquement par
d’anciens nazis réfugiés, de 1945 jusqu’au milieu des années 50, et ensuite par
des experts du KGB jusqu’en 1990. Tout ceci n’a guère contribué à développer
chez eux le sens de la douceur, de la tolérance et du respect humain.
Quant au
régime syrien lui-même, il ne fait aucun doute dans mon esprit que c’est un
régime autoritaire, brutal et fermé. Mais le régime syrien n’est pas la dictature
d’un homme seul, ni même d’une famille, comme l’étaient les régimes tunisien,
égyptien, libyen ou irakien. Tout comme son père, Bashar el-Assad n’est que la
partie visible d’un iceberg communautaire complexe et son éventuel départ ne
changerait strictement rien à la réalité des rapports de pouvoir et de force
dans le pays. Il y a derrière lui 2 millions d’Alaouites encore plus résolus
que lui à se battre pour leur survie et plusieurs millions de minoritaires qui
ont tout à perdre d’une mainmise islamiste sur le pouvoir, seule évolution
politique que l’Occident semble encourager et promouvoir dans la région.
Quand je
suis allé pour la première fois en Syrie en 1966, le pays était encore
politiquement dominé par sa majorité musulmane sunnite qui en détenait tous les
leviers économiques et sociaux. Et les bourgeois sunnites achetaient encore -
parfois par contrat notarié - des jeunes gens et de jeunes filles de la
communauté alaouite dont ils faisaient de véritables esclaves à vie,
manouvriers agricoles ou du bâtiment pour les garçons, bonnes à tout faire pour
les filles.
Les
Alaouites sont une communauté sociale et religieuse persécutée depuis plus de
mille ans. Je vous en donne ici une description rapide et schématique qui
ferait sans doute hurler les experts mais le temps nous manque pour en faire un
exposé exhaustif.
Issus au
Xè siècle aux frontières de l’empire arabe et de l’empire byzantin d’une
lointaine scission du chiisme, ils pratiquent une sorte de syncrétisme mystique
compliqué entre des éléments du chiisme, des éléments de panthéisme
hellénistique, de mazdéisme persan et de christianisme byzantin. Ils se
désignent eux mêmes sous le nom d’Alaouites - c’est à dire de partisans d’Ali,
le gendre du prophète - quand ils veulent qu’on les prenne pour des Musulmans
et sous le nom de Nosaïris - du nom de Ibn Nosaïr, le mystique chiite qui a
fondé leur courant - quand ils veulent se distinguer des Musulmans. Et - de
fait - ils sont aussi éloignés de l’Islam que peuvent l’être les chamanistes de
Sibérie.
Et cela ne
leur a pas porté bonheur.... Pour toutes les religions monothéistes révélées,
il n’y a pas pire crime que l’apostasie. Les Alaouites sont considérés par
l’Islam sunnite comme les pires des apostats. Cela leur a valu au XIVè siècle
une fatwa du jurisconsulte salafiste Ibn Taymiyya, l’ancêtre du wahhabisme
actuel, prescrivant leur persécution systématique et leur génocide. Bien que
Ibn Taymiyyah soit considéré comme un exégète non autorisé, sa fatwa n’a jamais
été remise en cause et est toujours d’actualité, notamment chez les salafistes,
les wahhabites et les Frères musulmans. Pourchassés et persécutés, les
Alaouites ont dû se réfugier dans les montagnes côtières arides entre le Liban
et l’actuelle Turquie tout en donnant à leurs croyances un côté hermétique et
ésotérique, s’autorisant la dissimulation et le mensonge pour échapper à leurs
tortionnaires.
Il leur a
fallu attendre le milieu du XXè siècle pour prendre leur revanche. Soumis aux
occupations militaires étrangères depuis des siècles, les bourgeois musulmans
sunnites de Syrie ont commis l’erreur classique des parvenus lors de
l’indépendance de leur pays en 1943. Considérant que le métier des armes était
peu rémunérateur et que l’institution militaire n’était qu’un médiocre
instrument de promotion sociale, ils n’ont pas voulu y envoyer leurs fils.
Résultat : ils ont laissé l’encadrement de l’armée de leur tout jeune pays
aux pauvres, c’est à dire les minorités : Chrétiens, Ismaéliens, Druzes,
Chiites et surtout Alaouites. Et quand vous donnez le contrôle des armes aux
pauvres et aux persécutés, vous prenez le risque à peu près certain qu’ils s’en
servent pour voler les riches et se venger d’eux. C’est bien ce qui s’est
produit en Syrie à partir des années 60.
Dans les
années 70, Hafez el-Assad, issu d’une des plus modestes familles de la
communauté alaouite, devenu chef de l’armée de l’air puis ministre de la
défense, s’est emparé du pouvoir par la force pour assurer la revanche et la
protection de la minorité à laquelle sa famille appartient et des minorités
alliées - Chrétiens et Druzes - qui l’ont assisté dans sa marche au pouvoir.
Ils s’est ensuite employé méthodiquement à assurer à ces minorités - et en
particulier à la sienne - le contrôle de tous les leviers politiques,
économiques et sociaux du pays selon des moyens et méthodes autoritaires dont
vous pourrez trouver la description détaillée dans un article paru il y
maintenant près de vingt ans.
Face à la
montée du fondamentalisme qui progresse à la faveur de tous les bouleversements
actuels du monde arabe, son successeur se retrouve comme les Juifs en Israël,
le dos à la mer avec le seul choix de vaincre ou mourir. Les Alaouites ont été
rejoints dans leur résistance par les autres minorités religieuses de Syrie,
Druzes, Chiites, Ismaéliens et surtout par les Chrétiens de toutes obédiences
instruits du sort de leurs frères d’Irak et des Coptes d’Égypte. Car,
contrairement à la litanie que colportent les bien-pensants qui affirment que
« si l’on n’intervient pas en Syrie, le pays sombrera dans la guerre
civile »... eh bien non, le pays ne sombrera pas dans la guerre civile. La
guerre civile, le pays est dedans depuis 1980 quand un commando de Frères
musulmans s’est introduit dans l’école des cadets de l’armée de terre d’Alep, a
soigneusement fait le tri des élèves officiers sunnites et des alaouites et a
massacré 80 cadets alaouites au couteau et au fusil d’assaut en application de
la fatwa d’Ibn Taymiyya. Les Frères l’ont payé cher en 1982 à Hama - fief de la
confrérie - que l’oncle de l’actuel président a méthodiquement rasée en y
faisant entre 10 et 20.000 morts. Mais les violences intercommunautaires n’ont
jamais cessé depuis, même si le régime a tout fait pour les dissimuler.
Alors,
proposer aux Alaouites et aux autres minorités non arabes ou non sunnites de
Syrie d’accepter des réformes qui amèneraient les islamistes salafistes au
pouvoir revient très exactement à proposer aux Afro-américains de revenir au
statu quo antérieur à la guerre de sécession. Ils se battront, et avec
sauvagerie, contre une telle perspective.
Peu
habitué à la communication, le régime syrien en a laissé le monopole à
l’opposition. Mais pas à n’importe quelle opposition. Car il existe en Syrie
d’authentiques démocrates libéraux ouverts sur le monde, qui s’accommodent mal
de l’autoritarisme du régime et qui espéraient de Bashar el-Assad une ouverture
politique. Ils n’ont obtenu de lui que des espaces de liberté économique en
échange d’un renoncement à des revendications de réformes libérales
parfaitement justifiées. Mais ceux-là, sont trop dispersés, sans moyens et sans
soutiens. Ils n’ont pas la parole et sont considérés comme inaudibles par les
médias occidentaux car, en majorité, ils ne sont pas de ceux qui réclament le
lynchage médiatisé du « dictateur » comme cela a été fait en Libye.
Si vous
vous vous informez sur la Syrie par les médias écrits et audiovisuels, en
particulier en France, vous n’aurez pas manqué de constater que toutes les
informations concernant la situation sont sourcées « Observatoire syrien
des droits de l’homme » (OSDH) ou plus laconiquement « ONG », ce
qui revient au même, l’ONG en question étant toujours l’’Observatoire syrien
des droits de l’homme.
L’observatoire
syrien des droits de l’homme, c’est une dénomination qui sonne bien aux
oreilles occidentales dont il est devenu la source d’information privilégiée
voire unique. Il n’a pourtant rien à voir avec la respectable Ligue
internationale des droits de l’homme. C’est en fait une émanation de
l’Association des Frères musulmans et il est dirigé par des militants
islamistes dont certains ont été autrefois condamnés pour activisme violent, en
particulier son fondateur et premier Président, Monsieur Ryadh el-Maleh. L’Osdh
s’est installé à la fin des années 80 à Londres sous la houlette bienveillante
des services anglo-saxons et fonctionne en quasi-totalité sur fonds séoudiens
et maintenant qataris (Comme un certain Rached Ghannouchi et ses sicaires tunisiens).
Je ne
prétends nullement que les informations émanant de l’OSDH soient fausses, mais,
compte tenu de la genèse et de l’orientation partisane de cet organisme, je
suis tout de même surpris que les médias occidentaux et en particulier français
l’utilisent comme source unique sans jamais chercher à recouper ce qui en
émane.
Second
favori des médias et des politiques occidentaux, le Conseil National Syrien,
créé en 2011 à Istanbul sur le modèle du CNT libyen et à l’initiative non de
l’État turc mais du parti islamiste AKP. Censé fédérer toutes les forces
d’opposition au régime, le CNS a rapidement annoncé la couleur. Au sens propre
du terme... Le drapeau national syrien est composé de trois bandes
horizontales. L’une de couleur noire qui était la couleur de la dynastie des
Abbassides qui a régné sur le monde arabe du 9è au 13è siècle. L’autre de
couleur blanche pour rappeler la dynastie des Omeyyades qui a régné au 7è et 8è
siècle. Enfin, la troisième, de couleur rouge, censée représenter les
aspirations socialisantes du régime. Dès sa création, le CNS a remplacé la
bande rouge par la bande verte de l’islamisme comme vous pouvez le constater
lors des manifestations anti-régime où l’on entend plutôt hurler « Allahou
akbar ! » que des slogans démocratiques.
Cela dit,
la place prédominante faite aux Frères musulmans au sein du CNS par l’AKP turc
et le Département d’État américain a fini par exaspérer à peu près tout le
monde. La Syrie n’est pas la Libye et les minorités qui représentent un bon
quart de la population entendent avoir leur mot à dire, même au sein de
l’opposition. Lors d’une visite d’une délégation d’opposants kurdes syriens à
Washington en avril dernier, les choses se sont très mal passées. Les Kurdes
sont musulmans sunnites mais pas Arabes. Et en tant que non-arabes, ils sont
voués à un statut d’infériorité par les Frères. Venus se plaindre auprès du
Département d’État de leur marginalisation au sein du CNS, ils se sont entendus
répondre qu’ils devaient se soumettre à l’autorité des Frères ou se débrouiller
tout seuls. Rentrés à Istanbul très fâchés, ils se sont joints à d’autres
opposants minoritaires pour démettre le président du CNS, Bourhan Ghalioun,
totalement inféodé aux Frères, et le remplacer par un Kurde, Abdelbassett Saïda
qui fera ce qu’il pourra - c’est à dire pas grand chose - pour ne perdre ni
l’hospitalité des islamistes turcs, ni l’appui politique des néo-conservateurs
Américains, ni, surtout, l’appui financier des Séoudiens et des Qataris.
Tout cela
fait désordre, bien sûr, mais est surtout révélateur de l’orientation que les
États islamistes appuyés par les néo-conservateurs américains entendent donner
aux mouvements de contestation dans le monde arabe.
Ce ne sont
évidemment pas ces constatations qui vont rassurer les minorités de Syrie et
les inciter à la conciliation ou à la retenue. Les minorités de Syrie - en
particulier, les Alaouites qui sont en possession des appareils de contrainte
de l’État - sont des minorités inquiètes pour leur survie qu’elles défendront
par la violence. Faire sortir le président syrien du jeu peut à la rigueur
avoir une portée symbolique mais ne changera rien au problème. Ce n’est pas lui
qui est visé, ce n’est pas lui qui est en cause, c’est l’ensemble de sa
communauté qui se montrera encore plus violente et agressive si elle perd ses
repères et ses chefs. Plus le temps passe, plus la communauté internationale
entendra exercer des pressions sur les minorités menacées, plus les choses
empireront sur le modèle de la guerre civile libanaise qui a ensanglanté ce
pays de 1975 à 1990.
Il aurait
peut être été possible à la communauté internationale de changer la donne il y
a un an en exigeant du pouvoir syrien des réformes libérales en échange d’une
protection internationale assurée aux minorités menacées. Et puisque l’Arabie
et la Qatar - deux monarchies théocratiques se réclamant du wahhabisme - sont
théoriquement nos amies et nos alliées, nous aurions pu leur demander de
déclarer la fatwa d’Ibn Taymiyyah obsolète, nulle et non avenue afin de calmer
le jeu. Il n’en a rien été. À ces minorités syriennes menacées, l’Occident,
France en tête, n’a opposé que la condamnation sans appel et l’anathème parfois
hystérique tout en provoquant partout - politiquement et parfois militairement
- l’accession des intégristes islamistes au pouvoir et la suprématie des États
théocratiques soutenant le salafisme politique.
Débarrassés
des ténors sans doute peu vertueux du nationalisme arabe, de Saddam Hussein, de
Ben Ali, de Moubarak, de Kadhafi, à l’abri des critiques de l’Irak, de
l’Algérie et de la Syrie englués dans leurs conflits internes, les théocraties
pétrolières n’ont eu aucun mal à prendre avec leurs pétrodollars le contrôle de
la Ligue Arabe et d’en faire un instrument de pression sur la communauté internationale
et l’ONU en faveur des mouvements politiques fondamentalistes qui confortent
leur légitimité et les mettent à l’abri de toute forme de contestation
démocratique.
Que les
monarchies réactionnaires défendent leurs intérêts et que les forces politiques
fondamentalistes cherchent à s’emparer d’un pouvoir qu’elles guignent depuis
près d’un siècle n’a rien de particulièrement surprenant. Plus étrange apparaît
en revanche l’empressement des Occidentaux à favoriser partout les entreprises
intégristes encore moins démocratiques que les dictatures auxquelles elles se
substituent et à vouer aux gémonies ceux qui leur résistent.
Prompt à
condamner l’islamisme chez lui, l’Occident se retrouve à en encourager les
manœuvres dans le monde arabe et musulman. La France, qui n’a pas hésité à
engager toute sa force militaire pour éliminer Kadhafi au profit des
djihadistes et à appeler la communauté internationale à en faire autant avec
Bashar el-Assad, assiste, l’arme au pied, au dépeçage du Mali par des hordes criminelles
qui se disent islamistes parce que leurs rivaux politiques ne le sont pas.
De même
les médias et les politiques occidentaux ont assisté sans broncher à la
répression sanglante par les chars séoudiens et émiratis des contestataires du
Bahraïn, pays à majorité chiite gouverné par un autocrate réactionnaire
sunnite. De même les massacres répétés de Chrétiens nigérians par les milices
du Boko Haram (1) ne suscitent guère l’intérêt des médias et encore moins la
condamnation par nos politiques. Quant à l’enlèvement et la séquestration
durable de quatre membres de la Cour Pénale Internationale par des
« révolutionnaires » libyens, elle est traitée en mode mineur et
passe à peu près inaperçue dans nos médias dont on imagine l’indignation
explosive si cet enlèvement avait été le fait des autorités syriennes,
algériennes ou de tel autre pays non encore « rentré dans le rang »
des « démocratures », ces dictatures islamistes sorties des urnes.
À défaut
de logique, la morale et la raison nous invitent tout de même à nous interroger
sur cette curieuse schizophrénie de nos politiques et nos médias. L’avenir dira
si notre fascination infantile pour le néo-populisme véhiculé par Internet et
si les investissements massifs du Qatar et de l’Arabie dans nos économies en crise
valaient notre complaisance face à la montée d’une barbarie dont nous aurions
tort de croire que nous sommes à l’abri.
Nice le
27 juin 2012
(1) Boko Haram : Une opération secrète de la CIA ?
Depuis 3 ans, le Nigeria semble être la proie d’une insurrection croissante et ingérable qui se manifeste par des attentats dans les lieux publics et des attaques sporadiques sur les institutions publiques ainsi que des massacres
de civils et enlèvements de masse. On pouvait s’y attendre, il y a eu
une panique et une tension croissante dans le pays et de plus en plus de
personnes commencent à penser que le pays pourrait se diriger
inévitablement vers une insurrection de longue haleine qui conduirait à
une scission du pays. À l’exception du 1er attentat à la bombe en
Octobre 2010 à Abuja, un groupe obscur qui porte le nom de Boko Haram a
revendiqué la plupart des attentats ultérieurs qui ont eu lieu dans le
pays.
Selon la Coalition GreenWhite, la campagne actuelle Boko Haram est une opération secrète organisée parCIA et coordonnée par l’ambassade étatsunienne au Nigeria.
Depuis quelque temps, la CIA a été en
charge des camps d’entraînement et d’endoctrinement secrets le long des
régions frontalières poreuses et vulnérables du Niger,
du Tchad et du Cameroun. Lors des entraînements dans ces camps, des
jeunes issus des milieux pauvres et démunis sont recrutés et formés pour
servir les insurgés. Les agents qui instrumentalisent ces jeunes les
attirent avec la promesse d’une meilleure vie et sont en outre
endoctrinés pour leur faire croire qu’ils travaillent pour installer un
ordre juste islamique contre l’ordre impie actuellement au pouvoir au
Nigeria .
Les agents étatsuniens de ce projet de
la CIA restent prudemment en arrière-plan, organisant les camps grâce à
des superviseurs originaires du Moyen-Orient
spécialement recrutés à cette fin. Après plusieurs mois
d’endoctrinement et de formation sur le maniement des armes, les
tactiques de survie, de surveillance et les techniques d’évasion, les
insurgés sont maintenant mis en "stand by" pour la prochaine opération terroriste.
Pour en savoir plus cliquez ici (Newsrescue)
Tunisie : selon un ancien officier français, les snipers étaient des mercenaires étrangers
7 Juin 2013
C’est un journaliste français qui a recueilli ce témoignage d'un
ancien officier français et qui l’a révélé depuis deux ans, mais
personne n’y avait prêté attention : les snipers étrangers n’étaient pas
une désinformation mais une bien sinistre réalité. Ils étaient en
mission commandée et ils ont tiré sur les manifestants pour créer une
situation incontrôlable et irréversible. Certains de ces mercenaires ont été
recrutés par le Qatar, qui a procédé de la même manière en Egypte.
Olivier Piot, qui a travaillé pour « Le Monde Diplomatique » et qui a
été l’un des rares journalistes étrangers à couvrir les événements sur
le terrain, a été témoin d’une scène d’une extrême importance : le
départ précipité de l’aéroport de Tunis-Carthage des mercenaires qui ont
assassiné nos enfants. A côté de lui à l’aéroport, Pierre H. un ancien
officier de l’armée française, qui se trouvait « tout à fait par hasard »
en Tunisie et qui lui a confirmé qu’il s’agit bel et bien de
mercenaires. Voici son récit qui a déjà été publié dans « Le Monde
Diplomatique » en janvier 2011.
Depuis plusieurs jours, les médias et Internet parlent de ces
snipers aperçus à Thala, Kasserine et Douz. Des images ont circulé sur
Facebook, floues, imprécises. Postés sur les terrasses des immeubles,
ces tireurs seraient à l’origine de nombreuses morts parmi les jeunes
manifestants. La nouvelle a largement contribué à la révolte des
Tunisiens face à la répression policière qui sévit dans le pays depuis
plusieurs jours.
Des rumeurs ? 9 h 40, jeudi 13 janvier, devant l’entrée de l’aéroport de Tunis-Carthage. Depuis la fin du couvre-feu, les taxis déposent ici les flots de touristes et d’hommes d’affaires qui souhaitent quitter le pays. Trois 4×4 gris métallisé, vitres teintées, viennent tout juste de se ranger devant la porte principale. Brusquement, au pas de course, une dizaine de militaires en tenue de camouflage, veste jaune fluo, sortent de l’aéroport. Equipés de longues mallettes noires et de petites valises grises, ils s’engouffrent dans les 4×4 qui partent en trombe. Maîtrisée, la scène a duré moins d’une minute.
A l’intérieur, les visages anxieux des voyageurs sont tournés vers le panneau d’affichage. Le vol Air France de 9 heures a été annulé, ceux de Tunis Air sont incertains. Au bar du niveau des arrivées, Pierre H. attend des « collègues » qui doivent venir le chercher. Il débarque de Paris et vient pour affaires. Cet ancien officier de l’armée française, la soixantaine, préfère ne pas en dire plus sur son activité professionnelle. En revanche, il s’amuse du groupe de militaires qu’il vient de voir traverser le hall de l’aéroport.
« Sûrement d’Afrique du Sud, indique-t-il sans hésiter. Ces mallettes, je les connais bien. Fusils pour snipers. Les petites grises, c’est pour les munitions. » Pourquoi l’Afrique du Sud ? « Vous avez vu leurs têtes ? Tous blancs. Ce sont des mercenaires formés là-bas. Tarif : de 1 000 à 1 500 dollars par jour. »
Des rumeurs ? 9 h 40, jeudi 13 janvier, devant l’entrée de l’aéroport de Tunis-Carthage. Depuis la fin du couvre-feu, les taxis déposent ici les flots de touristes et d’hommes d’affaires qui souhaitent quitter le pays. Trois 4×4 gris métallisé, vitres teintées, viennent tout juste de se ranger devant la porte principale. Brusquement, au pas de course, une dizaine de militaires en tenue de camouflage, veste jaune fluo, sortent de l’aéroport. Equipés de longues mallettes noires et de petites valises grises, ils s’engouffrent dans les 4×4 qui partent en trombe. Maîtrisée, la scène a duré moins d’une minute.
A l’intérieur, les visages anxieux des voyageurs sont tournés vers le panneau d’affichage. Le vol Air France de 9 heures a été annulé, ceux de Tunis Air sont incertains. Au bar du niveau des arrivées, Pierre H. attend des « collègues » qui doivent venir le chercher. Il débarque de Paris et vient pour affaires. Cet ancien officier de l’armée française, la soixantaine, préfère ne pas en dire plus sur son activité professionnelle. En revanche, il s’amuse du groupe de militaires qu’il vient de voir traverser le hall de l’aéroport.
« Sûrement d’Afrique du Sud, indique-t-il sans hésiter. Ces mallettes, je les connais bien. Fusils pour snipers. Les petites grises, c’est pour les munitions. » Pourquoi l’Afrique du Sud ? « Vous avez vu leurs têtes ? Tous blancs. Ce sont des mercenaires formés là-bas. Tarif : de 1 000 à 1 500 dollars par jour. »
Olivier Piot,
grand reporter pour Le Monde Diplomatique, Géo, Ulysse, National
Geographic, et auteur de «La Révolution tunisienne: Dix jours qui
ébranlèrent le monde arabe», éditions Les Petits Matins, mars 2011.