jeudi 20 septembre 2012

Islamisme et Fanatisme (1ère partie)





Un film nul peut déchaîner une violence fanatique
Guerre sainte, mécréants, martyrs, Satan... Charriant des mots archaïques et terribles, la violence et la haine semblent aujourd'hui resurgir d'un temps lointain. Comme si le fanatisme religieux s'était caché dans les replis de l'Histoire, attendant le bon moment pour frapper. Pourquoi maintenant? Et pourquoi l'islam? 

Toutes les religions monothéistes ont connu une telle dérive : il n'y a pas de monopole du fanatisme. Les juifs avaient leurs zélotes; les chrétiens, leurs croisés; et les musulmans, les islamistes radicaux.  Mais, au contraire des autres, ces derniers combattent encore aujourd'hui. A la différence de l'intégrisme, qui ne recourt pas forcément à la violence et se limite à la pensée, le fanatisme est une volonté d'incarner ses idées en actes, fussent-ils violents et sans rémission. 
Les fanatiques islamistes sont des "fondamentalistes", au sens où ils se réclament d'un texte sacré qui n'a pas varié depuis mille quatre cents ans, et dont ils donnent une exégèse littérale. De plus, ils s'appuient aujourd'hui sur la misère d'une grande partie des pays musulmans (rappelons que les quatre premiers pays musulmans du monde, l'Indonésie, le Pakistan, le Bangladesh et l'Inde, sont tous des pays pauvres), en prétendant incarner la défense du petit, ce qui semble d'ailleurs un peu présomptueux de la part des milliardaires du Golfe, les principaux suppôts du fanatisme et du terrorisme islamistes.

Le Coran n'appelle pas au fanatisme

Depuis onze ans, c'est-à-dire depuis le 11 septembre 2001, le spectre du fanatisme religieux islamique hante les esprits, et beaucoup se demandent si la violence est intrinsèque à l’islam. Les violentes manifestations de ces derniers jours, consécutives à des publications caricaturales de l'islam, en sont une lamentable et dangereuse illustration. 
S’appuyant non plus seulement sur l’histoire, mais aussi sur des versets du Coran, certains affirment que cette religion est viscéralement fanatique et guerrière. Ne pas l’admettre, disent-ils, serait une erreur aussi grave que l’aveuglement passé des Occidentaux face au nazisme. Le Coran est imprégné d’une idéologie qui était celle de l’islam conquérant, mais, à côté de textes appelant au jihad afin d’islamiser les païens et les infidèles, on trouve de nombreuses paroles qui présentent Dieu comme «plein de miséricorde » (sourate I) et appellent les croyants à conformer leur vie à la justice et à la miséricorde divine (sourate III, 5). 

Cette ambivalence entre amour et violence n’est pas propre au Coran. 

Elle est le fait des religions dites « révélées », c’est-à-dire données par Dieu aux croyants à travers un texte sacré. On trouve dans la Bible de nombreux passages où Dieu enjoint aux Juifs de massacrer leurs adversaires pour conquérir la Terre promise (Josué, 8) et, au temps des croisades, l’Église catholique trouvait dans les Écritures une justification à sa politique de conquête et de meurtre. 

Cette ambiguïté des textes révélés pose la question de leur interprétation. Une interprétation littérale des versets les plus belliqueux conduit nécessairement aux pires extrémités. Le fanatisme se nourrit du fondamentalisme. Avec le temps, et travaillées par la modernité, les communautés juives et chrétiennes ont su développer une lecture critique de leurs Écritures. Ce qui  les a conduits à une interprétation humaniste, offrant une explication spirituelle, allégorique ou symbolique des passages semblant contredire les notions, reconnues comme fondamentales, d’amour et de respect d’autrui.

Le vrai problème de l’islam n’est donc pas le Coran, mais la peur de la modernité chez de nombreux chefs religieux, et l’absence d’interprétation communautaire qui puisse hiérarchiser les contradictions même du texte, à travers une lecture privilégiant une foi respectueuse des autres, notamment des femmes et des non-musulmans. Sur ce point, l’islam, né près de quinze siècles après le judaïsme, et six après le christianisme, est encore une religion « jeune ». Pourtant, dès ses origines, certains courants mystiques comme le soufisme ou les Mutazilites du 8ème siècle (ou Mu'tazilah, terme qui signifie ceux qui séparent)  se sont attelés à cette tâche. Pour ces derniers, les actes humains sont libres et, par conséquent, les gens sont entièrement responsables de leurs décisions et actions.  Les Mutazilites sont généralement considérés comme responsables de l'incorporation de la pensée philosophique grecque dans la théologie islamique. 


Le jihad n’était plus alors interprété comme une conquête guerrière, mais comme un effort sur soi, une conquête intérieure, l’infidèle devenant tout ce qui résiste à la foi et à l’amour de Dieu dans le cœur du croyant. Malheureusement, de telles lectures sont restées marginales, combattues hier par les autorités, et aujourd’hui par les islamistes, qui ont peur de privilégier l’esprit par rapport à la lettre.

L’instrumentalisation du Coran par des terroristes rend urgents, pour les nombreux musulmans pieux et pacifistes, une relecture critique de leurs sources et un travail institutionnel d’interprétation. Alors seulement la communauté musulmane pourra opposer aux lectures les plus sectaires une interprétation autorisée du texte coranique, disqualifiant ainsi les interprétations de leaders en quête de revanche contre l’Occident, ou nostalgiques d’une société entièrement soumise à la charia (les islamistes, toutes tendances confondues), et à son dépositaire : émir, roi, calife, ayatollah. C'est comme si tous les catholiques du monde réclamaient un gouvernement central présidé par le Pape et s'appuyant sur l'Inquisition comme base de toutes les lois.

Le fanatisme peut-il être compris?


Le fanatisme, c'est d'abord le refus de l'autre.


Le ressort du fanatisme est aussi difficile à saisir que son concept est violent. Le rapport immédiat et sans concessions entre une conviction et les actions qui, aux yeux du fanatique, en découlent, est d'abord lisible dans ses conséquences, comme toute l'histoire des violences religieuses le montre sans rémission. Ces conséquences sont la souffrance et la mort, et rien d'autre. Mais quel est leur sens? 
À cet égard, deux grandes hypothèses ont été suggérées depuis que le terrorisme international est devenu plus virulent.   
  1. La première est de nature sociologique et fait appel d'abord, par exemple dans les travaux de Gilles Kepel, au ressentiment des populations de pays islamiques, infériorisés dans leur situation d'accès bloqué à la modernité. La culture de l'Islam qui, depuis toujours, accueillait la science, aurait dû rendre la prospérité disponible, mais celle-ci demeure hors d'atteinte. Cessant de poursuivre la modernité, l'islamisme politique entre en rupture avec les idéaux de tolérance et de paix de l'Islam religieux et il entreprend de rendre la modernité responsable du malheur social et de l'injustice. 
  2. La seconde est de nature psychanalytique, et fait fond sur le rapport entre la pulsion de mort et l'évolution de la technique, suggérant que la force de Thanatos (Dans la mythologie grecque, Thanatos est la personnification de la Mort) dans l'histoire s'empare de tous ceux que le cycle de la violence maintient trop longtemps dans le cercle des exclus, des humiliés et des victimes. Il s'agirait alors de la forme extrême du nihilisme.
En effet, ce terrorisme islamiste n'est pas une entreprise politique rationnelle, mais l'expression violente d'une forme extrême de nihilisme et de révolte. Le suicide social qui se profile derrière ce terrorisme devient alors le point extrême du retrait de l'existence, le refus d'une civilisation exogène perçue comme corrompue. Ce type de suicide communautaire est le résultat d'une préparation sectaire de longue durée, qui s'énonce comme renversement de l'humiliation.

Devant l'injustice, cette soumission du Musulman (musulman = soumis à Dieu) sera facilement infléchie vers la revendication politique, car l'Islam a peu d'arguments pour freiner l'impatience et la révolte de ceux qui ne peuvent plus supporter l'arrogance de la richesse et la culture de l'avidité, qui, grâce à la télévision et à Internet, s’affichent partout chez les musulmans eux-mêmes. Pendant que de centaines de millions de musulmans croulent sous la misère et le sous-développement, une infime minorité de « musulmans», ceux-là mêmes qui prônent et financent l’extrémisme islamiste, mènent un train de vie inimaginable. Avec ce qu’ils dépensent en un mois pour un club de football européen, ils peuvent acheter les voix et les consciences de millions de Tunisiens, de Libyens ou d’Égyptiens. C'est exactement ce qu'ils font.
Hannibal Genséric

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