Un film nul peut déchaîner une violence fanatique |
Toutes les religions monothéistes ont connu une telle
dérive : il n'y a pas de monopole du fanatisme. Les juifs avaient leurs zélotes;
les chrétiens, leurs croisés; et les musulmans, les islamistes radicaux. Mais,
au contraire des autres, ces derniers combattent encore aujourd'hui. A la
différence de l'intégrisme, qui ne recourt pas forcément à la violence et se
limite à la pensée, le fanatisme est une volonté d'incarner ses idées en actes,
fussent-ils violents et sans rémission.
Les fanatiques islamistes sont des
"fondamentalistes", au sens où ils se réclament d'un texte sacré qui
n'a pas varié depuis mille quatre cents ans, et dont ils donnent une exégèse
littérale. De plus, ils s'appuient aujourd'hui sur la misère d'une grande
partie des pays musulmans (rappelons que les quatre premiers pays musulmans du
monde, l'Indonésie, le Pakistan, le Bangladesh et l'Inde, sont tous des pays
pauvres), en prétendant incarner la défense du petit, ce qui semble d'ailleurs
un peu présomptueux de la part des milliardaires du Golfe, les principaux suppôts du fanatisme et du terrorisme islamistes.
Le Coran n'appelle pas au fanatisme
Depuis onze ans, c'est-à-dire depuis le 11 septembre
2001, le spectre du fanatisme religieux islamique hante les esprits, et
beaucoup se demandent si la violence est intrinsèque à l’islam. Les violentes manifestations de ces derniers jours, consécutives à des publications caricaturales de l'islam, en sont une lamentable et dangereuse illustration.
S’appuyant non
plus seulement sur l’histoire, mais aussi sur des versets du Coran, certains
affirment que cette religion est viscéralement fanatique et guerrière. Ne pas
l’admettre, disent-ils, serait une erreur aussi grave que l’aveuglement passé
des Occidentaux face au nazisme. Le Coran est imprégné d’une idéologie qui
était celle de l’islam conquérant, mais, à côté de textes appelant au jihad
afin d’islamiser les païens et les infidèles, on trouve de nombreuses paroles
qui présentent Dieu comme «plein de miséricorde » (sourate I) et appellent les
croyants à conformer leur vie à la justice et à la miséricorde divine (sourate
III, 5).
Cette ambivalence entre amour et violence n’est pas propre au Coran.
Elle est le fait des religions dites « révélées », c’est-à-dire données par Dieu aux croyants à travers un texte sacré. On trouve dans la Bible de nombreux passages où Dieu enjoint aux Juifs de massacrer leurs adversaires pour conquérir la Terre promise (Josué, 8) et, au temps des croisades, l’Église catholique trouvait dans les Écritures une justification à sa politique de conquête et de meurtre.
Cette ambiguïté des textes révélés pose la question de leur interprétation. Une interprétation littérale des versets les plus belliqueux conduit nécessairement aux pires extrémités. Le fanatisme se nourrit du fondamentalisme. Avec le temps, et travaillées par la modernité, les communautés juives et chrétiennes ont su développer une lecture critique de leurs Écritures. Ce qui les a conduits à une interprétation humaniste, offrant une explication spirituelle, allégorique ou symbolique des passages semblant contredire les notions, reconnues comme fondamentales, d’amour et de respect d’autrui.
Cette ambivalence entre amour et violence n’est pas propre au Coran.
Elle est le fait des religions dites « révélées », c’est-à-dire données par Dieu aux croyants à travers un texte sacré. On trouve dans la Bible de nombreux passages où Dieu enjoint aux Juifs de massacrer leurs adversaires pour conquérir la Terre promise (Josué, 8) et, au temps des croisades, l’Église catholique trouvait dans les Écritures une justification à sa politique de conquête et de meurtre.
Cette ambiguïté des textes révélés pose la question de leur interprétation. Une interprétation littérale des versets les plus belliqueux conduit nécessairement aux pires extrémités. Le fanatisme se nourrit du fondamentalisme. Avec le temps, et travaillées par la modernité, les communautés juives et chrétiennes ont su développer une lecture critique de leurs Écritures. Ce qui les a conduits à une interprétation humaniste, offrant une explication spirituelle, allégorique ou symbolique des passages semblant contredire les notions, reconnues comme fondamentales, d’amour et de respect d’autrui.
Le
vrai problème de l’islam n’est donc pas le Coran, mais la peur de la modernité
chez de nombreux chefs religieux, et l’absence d’interprétation communautaire
qui puisse hiérarchiser les contradictions même du texte, à travers une lecture
privilégiant une foi respectueuse des autres, notamment des femmes et des
non-musulmans. Sur ce point, l’islam, né près de quinze siècles après le
judaïsme, et six après le christianisme, est encore une religion « jeune ». Pourtant,
dès ses origines, certains courants mystiques comme le soufisme ou les Mutazilites
du 8ème siècle (ou Mu'tazilah, terme qui
signifie ceux qui séparent) se
sont attelés à cette tâche. Pour ces derniers, les
actes humains sont libres et, par conséquent, les gens sont entièrement
responsables de leurs décisions et actions. Les Mutazilites sont généralement considérés
comme responsables de l'incorporation de la pensée philosophique grecque dans
la théologie islamique.
Le jihad n’était plus alors interprété comme une conquête
guerrière, mais comme un effort sur soi, une conquête intérieure, l’infidèle
devenant tout ce qui résiste à la foi et à l’amour de Dieu dans le cœur du
croyant. Malheureusement, de telles lectures sont restées marginales, combattues
hier par les autorités, et aujourd’hui par les islamistes, qui ont peur de
privilégier l’esprit par rapport à la lettre.
L’instrumentalisation du Coran par des terroristes rend
urgents, pour les nombreux musulmans pieux et pacifistes, une relecture critique
de leurs sources et un travail institutionnel d’interprétation. Alors seulement
la communauté musulmane pourra opposer aux lectures les plus sectaires une
interprétation autorisée du texte coranique, disqualifiant ainsi les
interprétations de leaders en quête de revanche contre l’Occident, ou
nostalgiques d’une société entièrement soumise à la charia (les islamistes,
toutes tendances confondues), et à son dépositaire : émir, roi, calife, ayatollah. C'est comme si tous les catholiques du monde réclamaient un gouvernement central présidé par le Pape et s'appuyant sur l'Inquisition comme base de toutes les lois.
Le fanatisme peut-il être compris?
Le fanatisme, c'est d'abord le
refus de l'autre.
Le ressort du fanatisme est aussi difficile à saisir que
son concept est violent. Le rapport immédiat et sans concessions entre une
conviction et les actions qui, aux yeux du fanatique, en découlent, est d'abord
lisible dans ses conséquences, comme toute l'histoire des violences religieuses
le montre sans rémission. Ces conséquences sont la souffrance et la mort, et
rien d'autre. Mais quel est leur sens?
À cet égard, deux grandes hypothèses ont été suggérées
depuis que le terrorisme international est devenu plus virulent.
- La première est de nature sociologique et fait appel d'abord, par exemple dans les travaux de Gilles Kepel, au ressentiment des populations de pays islamiques, infériorisés dans leur situation d'accès bloqué à la modernité. La culture de l'Islam qui, depuis toujours, accueillait la science, aurait dû rendre la prospérité disponible, mais celle-ci demeure hors d'atteinte. Cessant de poursuivre la modernité, l'islamisme politique entre en rupture avec les idéaux de tolérance et de paix de l'Islam religieux et il entreprend de rendre la modernité responsable du malheur social et de l'injustice.
- La seconde est de nature psychanalytique, et fait fond sur le rapport entre la pulsion de mort et l'évolution de la technique, suggérant que la force de Thanatos (Dans la mythologie grecque, Thanatos est la personnification de la Mort) dans l'histoire s'empare de tous ceux que le cycle de la violence maintient trop longtemps dans le cercle des exclus, des humiliés et des victimes. Il s'agirait alors de la forme extrême du nihilisme.
En
effet, ce terrorisme islamiste n'est pas une entreprise
politique rationnelle, mais l'expression violente d'une forme extrême de
nihilisme et de révolte. Le suicide social qui se profile derrière ce
terrorisme devient alors le point extrême du retrait de l'existence, le refus
d'une civilisation exogène perçue comme corrompue. Ce type de suicide communautaire
est le résultat d'une préparation sectaire de longue durée, qui s'énonce comme
renversement de l'humiliation.
Devant l'injustice, cette soumission du Musulman
(musulman = soumis à Dieu) sera facilement infléchie vers la revendication
politique, car l'Islam a peu d'arguments pour freiner l'impatience et la
révolte de ceux qui ne peuvent plus supporter l'arrogance de la richesse et la
culture de l'avidité, qui, grâce à la télévision et à Internet, s’affichent
partout chez les musulmans eux-mêmes. Pendant que de centaines de millions de
musulmans croulent sous la misère et le sous-développement, une infime minorité
de « musulmans», ceux-là mêmes qui prônent et financent l’extrémisme
islamiste, mènent un train de vie inimaginable. Avec ce qu’ils dépensent en un
mois pour un club de football européen, ils peuvent acheter les voix et les
consciences de millions de Tunisiens, de Libyens ou d’Égyptiens. C'est exactement ce qu'ils font.
Hannibal Genséric
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