Sa date de naissance se situe entre la fin des années 20 et 1940,
fait de lui en toute vraisemblance le général le plus vieux du monde
encore en activité. Avec un parcours militaire classique qui reflète un
assez bon fonctionnement du tableau d’avancement, le général Gaid Salah,
depuis son entrée dans le gouvernement Sellal II, en septembre dernier,
se trouve au centre de la gestion d’un règne finissant. Aussi, les
tensions et conflits militaires régionaux, lui accordent un rôle
international. De ce fait, jamais officier n’a eu en apparence un poids
tant sur la scène algérienne qu’internationale.
Promotion "Boutef"
Toutefois, son âge, plus ou moins avancé, ne fait pas de lui l’homme
d’avenir, mais celui d’une transition dont le but est de mettre en place
les conditions d’une sortie honorable pour le président Bouteflika dont
l’état de santé oblige une passation des pouvoirs. En effet, le général
Gaid Salah n’est pas un jeune premier, il est l’un des derniers
officiers issus des rangs de l’Armée de Libération Nationale (avec le
général Médiène, patron du DRS et le général Ben Ali, inspecteur général
de l’armée). Son entrée dans la cour des grands date de 1994 lors de sa
nomination en tant que commandant des forces terrestres. Il attendra la
consécration dix ans plus tard, suite à la démission de général Mohamed
Lamari de son poste de chef d’état-major, en 2004. Lamari avait pris
position contre lé réélection de Bouteflika, ce qui n'est pas le cas à
l'évidence de Gaid Salah.
Fort de sa réélection assez peu consensuelle, au sein de l’armée,
Bouteflika retire toutes les signatures déléguées à Gaid Salah, nouveau
chef d’état major. Equilibre des pouvoirs oblige, Bouteflika élève, dans
la foulée, trois généraux-majors au grade de général de corps d'armée :
Ahmed Gaïd Salah, l'actuel chef d'état-major ; Abbas Ghezaïel, ancien
patron de la gendarmerie à l’époque, conseiller du chef de l'État ; et
Mohamed Medienne, alias « Tewfik », l'inamovible chef du Département
renseignement et sécurité (DRS, ex-Sécurité militaire) depuis 1989.
Vers une présidence à vie
Soudé en apparence, le commandement de l’armée finit par accorder à
Bouteflika la modification constitutionnelle lui permettant de postuler
pour un quatrième mandat et pourquoi pas une présidence à vie. Seulement
les aléas de santé et les conséquences explosives du printemps arabe,
remettent de fait le pouvoir exclusivement aux mains des militaires.
Chef d’état major, Ahmed Gaid Salah est nommé vice-ministre de la
défense dès le retour de Bouteflika de son long séjour médical à Paris.
La logique des jeux à somme nulle fait dire alors à beaucoup
d’observateurs que Gaid Salah est l’homme fort de l’Algérie au détriment
du patron du DRS, le général Tewfik. Erreur, dès lors que la question
n’est plus celle du maintien du président à la tête du pays mais celle
de son départ avec les honneurs. La montée en puissance de Gaid Salah,
doublée du verrouillage des instances du FLN, entretiennent l’illusion
de la reprise en main du président et surtout de son clan, de leur
destinée et accessoirement de celle de « leur » pays. Ici et là,
s’élèvent des appels pour un quatrième mandat. Des comités de soutien en
faveur de Bouteflika fleurissent dans tout le pays. Les partisans de
l’actuel président le comparent à Franklin Roosevelt, président aux
quatre mandats sur un fauteuil roulant. Le silence de Gaid Salah fait
croire aux thuriféraires de Bouteflika que leur champion est maintenu à
la présidence par tacite reconduction comme une banalité caractérisant
les baux commerciaux. Oui Gaid Salah a sur le papier tous les pouvoirs.
Non Gaid Salah n’est pas un faiseur de rois. Au plus, il les accompagne
vers une retraite digne et paisible. Au moment voulu, le chef d’état
major choisira entre les deux candidats « sérieux » : Ali Benflis et
Abdelmalek Sellal. Le premier dispose notamment du soutien de la base du
FLN et d’une réputation d’homme intègre, les scandales financiers ont
pullulé depuis sa mise à l’écart du pouvoir. Le second, Premier
ministre, sillonne le pays et assiste aux grands rendez-vous
internationaux en se prononçant pour un impossible quatrième mandat,
afin de se présenter comme candidat naturel à la succession de
Bouteflika. Un peu comme Michel Rocard avec le succès que l’on sait.
Reste à savoir si Gaid Salah exprime sa préférence publiquement ou
seulement dans le secret de l’isoloir. Pour le moment son silence est
signe d’une neutralité plus ou moins volontaire.