Il y a quelques jours, l’Espagne
essayait de fédérer ses partenaires européens autour de « sa » solution
pour parvenir à se libérer de la dépendance européenne au gaz russe.
Cette solution s’appelle Gaz algérien. Évidemment
l’Espagne est intéressée à plus d’un titre. D’abord, elle est,
géographiquement, en première ligne, ensuite elle a vu se renforcer sur
son sol, depuis quelques mois, les forces américaines. Comme au temps
d’Aznar, l’Espagne pourrait bien devenir l’autre allié indéfectible de Washington dans ce secteur ouest méditerranéen. Les évènements ukrainiens regardent directement l’Algérie.
Depuis près d’un mois de nombreux journaux algériens et tunisiens parlent de risques terroristes
grandissants et de complots extérieurs tournés contre l’Algérie sans
toutefois fournir d’analyse claire et fiable de la situation (1).
Cela a pour effet d’attiser les tentions et les inquiétudes d’une
population déjà en proie a de graves troubles sociaux et considérée par
l’EIU (Economist Intelligence Unit) comme étant à « très haut risque »,
le risque étant ici une révolte populaire massive et le chaos qui
l’accompagne (2). La situation s’est aggravée lorsque
après l’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika,
les défiances envers l’État et les mouvements protestataires se sont
répandus au sein de la population (3). Quelles sont les menaces
qui pèsent sur l’Algérie aujourd’hui ? Est-il possible que ce pays
sombre dans la guerre civile qui a enflammé le Maghreb et le
Moyen-orient il y a quatre ans? C’est la question qu’on peut
légitimement se poser lorsqu’on observe des troubles grandissants
autours des élections présidentielles ces derniers jours.
Souvenez-vous, décembre 2010 : le printemps arabe. Une succession sans fin de soulèvements et de guerres civiles qui frappent vingt pays, deux continents, faisant chuter pas moins de six gouvernements, et dont le nombre de victimes totales s’élève à plus de 230.000 personnes (4) (5). Ces révolutions qualifiées a l’époque de populaires ont en réalité été pilotées à distance par les États-Unis, comme le prouve « Arabesque Américaines », l’excellent livre du physicien et journaliste Québécois de renommée internationale Ahmed Bensaada (6): «
Il est clair que ce ne sont pas les Etats-Unis qui ont fait cette
révolution, mais il n’en demeure pas moins que ce sont eux qui ont
accompagné et encadré les principaux activistes que ce soit en Tunisie, en Egypte et dans les autres pays arabes à travers leur formation et ce bien avant le début de la contestation».
En Algérie actuellement des éléments essentiels a l’émergence
d’une guerre civile se mettent en place a la façon d’un gigantesque
puzzle :
Premièrement, on assiste à une déferlante de propagande anti-Bouteflika de plus en plus puissante dans les médias audiovisuels (7):
tous les maux du pays lui sont attribués ! Et son maintien au pouvoir
est décrit comme intolérable pour l’ensemble (oui, l’ensemble) de la
population. En réalité, une partie non négligeable du peuple le
soutient. Selon le Point, malgré une politique
sociale mitigée, son bilan en tant que président est globalement positif
(8). Sa popularité est élevée particulièrement auprès de l’ancienne génération car il est l’homme qui, en 2000, a su arrêter la guerre civile Algérienne qui avait fait 150.000 morts et durée dix ans (9).
Précisons qu’il n’est pas question ici de vanter un président sûrement
trop vieux et trop usé pour diriger un pays, et dont la durée du mandat,
de plus en plus indécente, suscite d’énormes critiques (Bouteflika a du
modifier la constitution pour briguer ce nouveau mandat) ; mais de
discerner ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Ceci afin d’éviter à
l’Algérie le destin Ukrainien ou Libyen.
Les attaques médiatiques que nous voyons aujourd’hui ressemblent fortement a une attaque occidentale en règle contre l’Algérie par médias interposés. Cette hypothétique agression a été prédite et expliquée par Michel Collon en Janvier 2013 dans un article intitulé: « L’Algérie est clairement la suivante sur la liste ». Il
est possible que cette déferlante de propagande soit une tentative de
manipulation de l’opinion publique afin de préparer un changement de
régime ou d’augmenter la tolérance du peuple à la mise en œuvre
d’actions agressives (diplomatiques, économiques ou militaires) de la
part de pays occidentaux. Dans ce cas, l’extrême polarisation de la presse
pourrait être considérée comme le fameux média-mensonge que Michel
Collon décrit avant le début de chaque guerre menée par l’occident (10).
Deuxièmement, le contexte dans lequel se
produit ces tensions est particulièrement délicat. Le président
Bouteflika entame en effet son quatrième mandat après une victoire
marquée par 48% d’abstention et 81% des voix en sa faveur. La
contestation est forte et Bouteflika doit faire face à une opposition
insistante et à de violents mouvements populaires. Rappelons que
sur les cinq révolutions colorées qui ont eu lieu au milieu des années
2000 en Europe, toutes se sont déclenchées dans les deux mois suivants
les élections (11). Le contexte actuel est donc l’un des plus sensibles qu’il puisse y avoir avec les acteurs en présence.
En Algérie,
une grande part du gouvernement et de l’appareil d’État de Bouteflika
sont corrompus (12). L’état de santé du président fait de lui un homme
diminué, aux capacités et à l’intégrité incertaines. Des
spécialistes décrivent même Said Bouteflika, le frère de Abdelaziz Bouteflika comme le réel détenteur du pouvoir (13).
Pour ceux qui défendent le changement de gouvernement tout azimuts, il
faut savoir que, dans ce cas de figure, le pouvoir émergent pourrait
provenir de démocrates convaincus aussi bien que de tenants d’un Islam
radical : On se souvient du très wahhabite FIS (Front Islamique du
Salut), que personne ne veux voir réapparaître ou d’AQMI, bien implanté
dans la région. Des politiciens à la solde des occidentaux pourraient
aussi en profiter à la manière d’un Yatseniouk.
Il est important de noter l’apparition
d’une organisation d’opposition : le Barakat! (Ça suffit! en Arabe) qui
n’appartient à aucun parti politique particulier. Elle se veut spontanée
mais son financement reste a ce jour obscur. Des rumeurs hostiles la
disent aussi proche (à tort ou à raison?) de Bernard Henri-Lévy et des
sionistes (14). Ce qui est sûr, c’est que cette organisation est la réplique exacte d’OTPOR
(« Résistance » en Serbe) créée en 1998, financée par le gouvernement
fédéral Américain. Celle-ci fut très impliquée dans le printemps arabe
et fut à l’origine de toutes les révolutions colorées (15). Ces
nombreux points communs peuvent laisser penser que le gouvernement
américain mène une politique secrète de déstabilisation à Alger.
En effet, le Barakat! et OTPOR utilisent toutes deux les mêmes
techniques de déstabilisation non violentes (sittings, grèves, blocages
de bureaux de vote, contrôle des scrutins etc…etc…) issues du livre
Américain « De la dictature à la démocratie » disponible ici.
Amazon décrit ce livre comme : « un cadre conceptuel pour la
libération ». Plus concrètement, il s’agit d’un manuel tactique et
stratégique expliquant comment renverser un gouvernement quel qu’il soit
sans avoir recours aux armes.
En conclusion, Bouteflika est dans une
position délicate : il doit faire face à la critique médiatique
internationale, à son peuple qui menace de se soulever et à une Amérique
belliqueuse et prédatrice qui a augmenté son effectif militaire dans le région le mois dernier (16) et pourrait bien se décider a agir. En effet, l’Algérie est a la fois une grande
détentrice de pétrole, une puissance influente et indépendante dans
sa région (17). Elle n’est pas endettée et
entretient d’importantes relations commerciales avec la Russie (18)(19).
Elle a donc tous les attributs pour intéresser les technocrates de
Washington. Dans les faits, l’occident ne peut pas intervenir en Algérie
sans bonne raison. À part si, bien sûr, des civils sont violemment réprimés par l’armée. Tout peut donc dépendre de l’activité du Barakat!
Nous voyons donc que toutes
les pièces du puzzle sont réunies pour engendrer une crise explosive et
la situation peut s’embraser. Mais en l’absence d’actes déstabilisateurs
provenant du peuple, la probabilité d’une accalmie augmentera avec le
temps. Par contre si la situation dégénère,
comme cela s’est produit en Syrie, en Ukraine, en Égypte et ailleurs,
l’Algérie serait-elle assez stable et réactive pour résister à de telles
menaces ? Le pays pourrait-il éviter la guerre civile ou un conflit a
plus grande échelle ? Ou deviendrait-t-il une nouvelle Libye trois ans
plus tard ? Et quelle serait alors la réaction de la Russie? Une chose
est sure : nous le saurons dans les mois à venir.
Théo Canova
Sources:
(1) La presse américaine confirme la présence des marines au sud de la Tunisie, Moscou alerte Alger. (L’Expression)
(2) L’Algérie confrontée aux troubles sociaux en 2014 (L’Econews)
(3) Bouteflika: je suis venu déposer officiellement ma candidature (France 24)
(4) Printemps arabe (Wikipedia)
(6)« Arabesque Américaine: le rôle des Etats-unis dans les révoltes de la rue arabe » Par Ahmed Bensaada (PolitiqueActu)
(7) Actualité: Algérie (LeNouvelObservateur)
(8) Algérie – Présidentielle : autopsie du bilan Bouteflika (LePoint)
(10) Guerres de l’Occident / Médiamensonges, Michel Collon, Ce soir ou jamais (21 Mars 2011) (YouTube)
(11) Révolutions de couleur: Etats poste-communistes (Wikipedia)
(12) L’entourage de Bouteflika éclaboussé par les affaires (LeFigaro)
(13) Élection en Algérie: qui dirige vraiment le pays? (HuffingtonPost)
(14) Barakat Algerie: Qui sont ces profanateurs qui veulent mettre le pays a feu et a sang?(AlainJules)
(16) Des Marines et des avions de combat US en Espagne, en prévision d’une chute du régime en Algérie (MagrhebObservateur)
(17) Algérie chapitre 5.2: Politique extérieur (Wikipedia)
(18) La Russie et l’Algérie ont conclu six accords de coopération (LaVoixDeLaRussie)
(19) La bombe algéro-russe!! (AlterInfo)