mardi 5 novembre 2013

La France est-elle le pays le plus raciste d’Europe ?



La une du parisien,
le 6 novembre 2013
Des chercheurs suédois ont réalisé une étude afin d’évaluer la tolérance de citoyens. Selon eux, ce facteur a un impact sur la croissance économique du pays et le bien être. Afin de déterminer la tolérance, ils ont mené une vaste enquête. Le site du Washington Post a publié le 15 mai 2013 un résumé de cette enquête.
L'étude avait pour but d’évaluer la tolérance (au sens large) des citoyens. Selon eux, ce facteur de tolérance - ou d'intolérance- a un impact sur la croissance économique du pays et le bien être de la population. Afin de mesurer le degré de tolérance, ils ont mené une vaste enquête dans 81 pays. L’une des questions clé est « Cela vous embêterait-il si une personne d’une race différente de la vôtre devenait votre voisin? ».
Max Fisher, journaliste du Washington Post a compilé les résultats de l’enquête et en a tiré une carte mondiale de l’intolérance raciale. Sur cette carte, moins le pourcentage est élevé, moins le pays est raciste. 
.Click to enlarge. Data source: World Values Survey
Voici ce que les données montrent :
• Les pays latino et anglophones sont les plus tolérants. L’enquête montre qu’au Royaume-Uni et dans ses anciennes colonies (États-Unis, Canada, Australie et Nouvelle -Zélande) et en Amérique latine, les gens étaient plus disposés à accepter un voisin d’une autre race. Les seules exceptions sont le Venezuela (riche en pétrole, où les inégalités de revenus se brisent parfois le long des lignes raciales) et la République dominicaine, peut-être en raison de sa proximité avec Haïti, le pays le plus pauvre du continent américain. Les pays scandinaves ont également obtenu des résultats analogues.
• L'Inde et la Jordanie, sont,  de loin, les moins tolérants : plus de 40 pour cent des répondants ont dit qu'ils ne voudraient pas d'un voisin d'une race différente. Cela comprend 43,5 % des Indiens et 51,4 % des Jordaniens. (*)
• En Europe, il y a une grande variation.  L’immigration et l’identité nationale y sont deux données importantes, et constituent des  questions délicates dans une grande partie de l'Europe. Compte tenu du développement et du niveau d’instruction, on aurait pu s’attendre à ce que le racisme soit plus présent en Europe de l’Est qu’à l’Ouest. Il n’en est rien.
La France (patrie des droits de l’homme) semble y tenir le flambeau de l’intolérance, avec 22,7 % des gens qui disent qu'ils ne veulent pas d'un voisin d'une autre race.  Ceci est confirmé par les derniers sondages en France, sur les intentions de vote. ”Le cyclone Le Pen effraie l’Europe et maintenant l’Élysée”, écrit le quotidien italien La Stampa du 10/10/2013, après la publication du sondage IFOP qui place le Front national en tête des prochaines élections européennes, avec 24% des intentions de vote.  Les anciens États soviétiques comme la Belarus et la Lettonie sont moins racistes que beaucoup d’autres Européens de l’Ouest.
Le Moyen-Orient n'est pas si tolérant que cela. L'immigration y est aussi un gros problème, notamment en Égypte et en Arabie saoudite, qui absorbent souvent les migrants économiques de voisins plus pauvres (**). Au Maghreb, sans surprise, la Tunisie se distingue par une plus grande tolérance que ses voisins.
L’Asie est, globalement, le continente le plus intolérant. Des nations comme l'Indonésie et les Philippines, où de nombreux groupes raciaux coexistent et ont des histoires compliquées les uns avec l'autre, ont montré plus de scepticisme concernant la diversité raciale. Ceci est également vrai, dans une moindre mesure, en Chine et au Kirghizstan.  Que la Corée du Sud ne soit pas très tolérante semble une aberration. Bien que le pays soit riche et bien éduqué, paisible et ethniquement homogène, plus d'un Sud-Coréen sur trois dit qu'il ne veut pas d'un voisin d'une race différente. Le Pakistan, remarquablement tolérant, est aussi un cas aberrant, mais dans le bon sens. Bien que le pays dispose d'un certain nombre de facteurs qui incitent à l'intolérance raciale, et  son emplacement dans la région la moins tolérante du monde (l’Inde), de faibles indices de développement économique et humain, seulement 6,5 % des Pakistanais se déclarent opposés à un voisin d'une race différente. Cela semble suggérer les Pakistanais sont plus tolérants que les Allemands ou les Hollandais (***).

Bien que la valeur de cette étude ait été contestée par certains, il n'en demeure pas moins vrai que nous constatons tous une montée inquiétante du racisme en France, à l'égard de tous ceux qui seraient "différents". Au journal Libération, Christiane Taubira, ministre de la République (qui a le tort d'être noire, et qui a été comparée à une guenon),  explique  que les « choses sont en train de se délabrer ». Dans une tribune au Monde, le journaliste Harry Roselmack estime qu’il est « ramené à sa condition nègre ». Et Le Parisien s’interroge franchement à la Une : « La France devient-elle raciste ? 

Le rapport annuel de la CNCDH

En France, la « mesure » de référence est celle publiée chaque année par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
Son dernier rapport [PDF], rendu en mars, se fonde sur diverses sources :
  • le ministère de l’Intérieur, qui communique les chiffres des actes à « caractère raciste, antisémite et antimusulman » ;
  • une étude qualitative, réalisée par TNS Sofrès, sur la « perception de l’identité, de la laïcité et de la diversité en France » ;
  • une enquête d’opinion de l’Institut CSA sur la perception de l’immigration, des communautés... ;
  • les remontées de diverses associations engagées dans la lutte contre le racisme.
Reste qu’en examinant les statistiques dans le temps et en gardant à l’esprit les précautions d’usage, le rapport de la CNCDH fournit un baromètre précis :
 « L’année 2012 témoigne d’un retour alarmant de l’antisémitisme et confirme la montée des actes dirigés contre les personnes de confession musulmane. »
En passant à la moulinette ces données, la CNCDH en arrive à la conclusion que les actes et menaces à caractère raciste ont augmenté en France de 23% en 2012.

D’autres études ponctuelles viennent appuyer le cri d’alarme. En janvier, une enquête Ipsos pour Le Monde [PDF], la Fondation Jean-Jaurès et le Cevipof, conduite sur 1 016 personnes, conclut à la « crispation » des Français.
  • 62% des sondés se sentent proches de la proposition : « Aujourd’hui, on ne se sent plus chez soi comme avant » ;
  • 55% : « Les immigrés ne font pas d’effort pour s’intégrer en France » ;
  • 30% : « Les immigrés qui s’installent en France prennent le travail des Français » ;


Hannibal GENSERIC

 
(*) Pour les Jordaniens, en majorité d’origine palestinienne, la méfiance à l’égard des étrangers  vient de leur traumatisme consécutif aux exactions juives à leur encontre depuis la création d’Israël jusqu’à nos jours, car la majorité des Israéliens sont d'origine étrangère. Quant à l'Inde, il se peut très bien que que le système des castes ait été interprété par les sondés comme équivalent à une ségrégation raciale.

(**) Les pays du Golfe sont tout aussi intolérants que l’Arabie Saoudite, contrairement à ce qu’indique cette carte. Les derniers évènements concernant la mort des travailleurs immigrés sur les chantiers qataris de la coupe du monde de football en sont une illustration. 


(***) Au Pakistan l'intolérance est plutôt religieuse. Elle  fait des victimes tous les jours : on y massacre les minorités religieuses, qu'elles soient musulmanes ou non.