Au
18ème siècle, les Anglais ont envoyé un espion dénommé Hempfer en mission en
Arabie, afin de manipuler Mohamed Ben Abdel Wahhab (1680-1787) le
fondateur de la secte des Wahhabites. L’espion Hempfer a écrit un livre :
"Confessions d’un espion anglais " publié en 1998 à Istamboul par
Waqf Ikhlas Publications N°14 (7ème édition) Éd. HAKÎKAT KITABEVI.
Notre
précédent article, intitulé "origines de la connivence entre le wahhabisme et le sionisme"
faisait référence au rôle prépondérant de la Grande Bretagne dans la création
et la diffusion du Wahhabisme. Dans le présent article, nous publions des
extraits des mémoires de l'espion anglais qui a été à l'origine du Wahhabisme
et d'autres sectes dégénérées de l'islam, toutes destinées à le briser de
l'intérieur : salafisme takfirisme, jihadisme, etc. que l'on peut toutes réunir
sous le terme générique d'Islamisme.
Dans
ce livre, l’espion Hempfer écrit ce qui suit
"
L’Empire britannique est très vaste. Le soleil se lève et se couche au-delà de
ses mers. […] Les pays (arabes) n’étaient pas sous notre entière souveraineté.
[…] Par conséquent, nous avons conçu un plan à
long terme pour répandre la discorde, l’ignorance, la pauvreté et même des
maladies dans ces pays. Nous imitons les coutumes et les traditions de
ces pays en dissimulant ainsi nos intentions. Ce qui énervait le plus,
c’étaient les pays islamiques.
Nous
avions déjà conclu avec l’Empire ottoman quelques accords qui étaient tous à
notre avantage. Des membres expérimentés du Ministère des Colonies avaient
prédit que dans moins d’un an, l’Empire ottoman serait en décadence. De plus,
nous avions conclu quelques accords secrets avec le gouvernement iranien et
placé dans ces deux pays des hommes d’État que nous avions convertis à la
franc-maçonnerie. […].
J'ai
établi une amitié très intime avec Mohamed Ben Abdel-Wahhab de Najd. J'ai lancé
partout une campagne élogieuse sur sa personne. Un jour je lui ai dit : " Tu
es meilleur que les califes Omar et Ali. Si le Prophète était vivant, il
t'aurait nommé pour être son successeur (calife) au lieu de ces derniers. Je
m'attends à ce que l'Islam soit renouvelé et amélioré par tes mains. Tu es le
seul savant qui répandra l'Islam à travers le monde."
Mohamed
Ben Abdel-Wahhab de Nejd et moi avons décidé de faire une nouvelle
interprétation du Coran ; cette nouvelle interprétation consistait à refléter
seulement nos points de vue et serait entièrement contraire aux explications
faites par les Compagnons du Prohète (Sahhàbeh), par les Imams et par les
Exégètes du Coran (Mufassirinesمفسرين ). Nous lisions le Coran et
parlions de certains versets. Mon but, dans cette action, était d'induire en
erreur Mohamed de Najd. Après tout, il essayait de se présenter comme un
révolutionnaire et acceptait par conséquent mes points de vue et mes idées avec
plaisir pour que je puisse lui faire confiance. […]
Je
pressentais que Mohamed de Najd désirait une femme à ce moment. Il était
célibataire. Je lui ai dit : " Allez, prenons chacun une femme grâce au
« mariage mutaa زواج متعة » (*). Nous passerons un bon moment avec
elles." Il accepta par un signe de la tête affirmatif. Cela fut une bonne
opportunité pour moi, donc je lui ai promis de lui trouver une femme pour le
divertir. Mon but était de vaincre la timidité qu'il avait envers les gens.
Mais il avait posé comme condition que cette affaire devait rester secrète
entre nous et que la femme ne devait pas connaître son nom.
Je
suis parti précipitamment chez des chrétiennes qui ont été envoyées par le
ministère des colonies avec pour mission de séduire les jeunes musulmans
d'ici. J'ai expliqué l'affaire à l'une d'elle qui accepta de m'aider, et
je lui ai donné le prénom de Safia. J'ai emmené Mohamed de Najd chez elle. Nous
lui avons fait un mariage d'une semaine avec Mohamed de Najd, qui donna à la
femme un peu d'or en guise de « dot ». Ensuite, nous commencions à
manipuler Mohamed de Najd, Safia de l'intérieur et moi de l'extérieur. Dès lors,
Mohamed de Najd était complètement entre nos mains (Safia et moi-même). De
plus, nous l’avons convaincu que, sous le prétexte de la liberté
d’interprétation (ijtihàd), il pouvait, à son gré, désobéir aux commandements
de la Charia. […].
C'est
lorsque Mohamed de Najd et moi étions devenus des amis très intimes que je reçu
un message venant de Londres qui m'ordonnait de quitter l'endroit où je me
trouvais et de me rendre dans les villes de Karbalà et Najaf, les deux plus
grands centres de la spiritualité chiîte. Donc, je devais me séparer de Mohamed
de Najd et quitter Bassora. Mais
j'étais content parce que j'étais sûr que cet homme ignorant et moralement
dépravé allait établir une nouvelle secte qui aura pour conséquence de démolir
l'Islam de l'intérieur, et surtout parce que j'étais l'auteur des dogmes
hérétiques de cette nouvelle secte.
Après
un séjour d’un mois à Londres, je reçus l’ordre de me rendre en Irak et de
rencontrer une nouvelle fois Mohamed de Najd. Lorsque j’étais sur le point de
partir pour accomplir ma mission, le secrétaire me dit : " Ne soyez pas négligent envers Mohamed de Najd ! Comme
on le comprend dans les rapports envoyés par nos espions, Mohamed de Najd est
jusqu’à maintenant un parfait idiot très approprié à la réalisation de nos
projets ".[…]
Je
questionnai le Ministre sur ce que j’allais pouvoir faire, sa réponse fut :
" Le Ministère a conçu un plan subtil ; et c’est Mohamed de Najd qui en
personne l’exécutera, et qui est :
1. Il déclarera tous les Musulmans comme étant des mécréants
et annoncera qu’il est licite (halàl) de les tuer, de s’emparer de leurs
propriétés, de violer leur chasteté, de faire des hommes des esclaves, et des
femmes des concubines , de les vendre au marché aux esclaves.
2. Il déclarera que la Kaaba est une idole, donc elle
devra être démolie. Dans le but d’éviter le Pèlerinage, il provoquera les
tribus et effectuera des rafles parmi les groupes de pèlerins, pillera leurs
biens et les tuera
3. Il s’efforcera de dissuader les Musulmans d’obéir au
Calife ottoman. Il exploitera toutes les opportunités pour répandre la
conviction qu’il est nécessaire de lutter contre les notables du Hijàz (La
Mecque, Médine et Taef) et de leur porter le déshonneur.
4. Il prétendra que les mausolées, les dômes et les
places sacrées sont de l’idolâtrie et du polythéisme, donc ils doivent être
détruits. Il devra faire de son mieux pour trouver des occasions pour insulter
le Prophète Mohamed, les Califes et tous les Savants les plus prestigieux des
Écoles de Jurisprudence.
5. Il devra faire de son mieux pour encourager les
insurrections, les oppressions et l’anarchie dans les pays musulmans.
6. Il devra publier une copie ré-interprétée du Coran
avec des ajouts et des réductions dans les Textes et pour les paroles
prophétiques. "
Après
m’avoir expliqué ce plan en six étapes, le secrétaire ajouta : "Ne sois
pas paniqué par cet immense programme, car notre devoir est de semer les
graines pour détruire l’Islam. Des générations viendront pour compléter ce
travail. Le gouvernement britannique a pour habitude d’être patient et
d’avancer pas à pas. Le Prophète Mohamed, l’artiste de cette grande révolution
qu’est l’Islam, n’est-il pas après tout qu’un être humain ? Et notre Mohamed de
Najd nous a promis d’accomplir notre révolution comme le fit le Prophète.
" […]
Je
suis resté deux ans avec Mohamed de Najd. Nous avons préparé un programme pour
annoncer son appel.[…] Mohamed de Najd me promit qu’il exécuterait tous les six
articles du plan et ajouta : " Pour l’instant, je ne peux en accomplir
qu’une partie. " […]
Deux
jours plus tard, le Ministre du Commonwealth réussit à s’occuper de Mohamed Ben
Saoud, l’Émir de Dariyia, qui rejoignit nos positions. Ils envoyèrent un
messager qui m’informa de cela. Ensuite, nous avons établi une coopération
mutuelle et une relation intime entre les deux Mohamed. En ayant gagné le cœur et la confiance des Musulmans, nous exploitons
notre Mohamed de Najd religieusement et Mohamed Ben Saoud politiquement.
[…] Ainsi, nous sommes devenus de plus en plus puissants. Nous fîmes de la
ville de Dariyia notre capitale et nommâmes notre nouvelle religion "le
Wahhabisme".
[…] » Fin des extraits de citation du livre de
Hempfer
Environ
un siècle plus tard : Laurence d'Arabie et "Abdallah" Philby
Le
mythe créé autour de "Laurence d'Arabie" et les malheurs du chérif
Hussein manipulé par les services secrets anglais ont fait passer à
l’arrière-plan le rôle du gouvernement des Indes britanniques et de l'agent St
John « Abdallah » Philby dans l’arrivée des wahhabites au pouvoir.
En Occident, à
la fin du 19e siècle, tout ce qui se tramait en Arabie et dans le Golfe était
disséqué par les services secrets du Raj, le gouvernement des Indes
britanniques. La construction de la ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad, par
exemple, était perçue comme une menace pour les intérêts anglais dans la
région. Une expédition militaire germano-turque pour chasser les Britanniques
d’Inde était un scénario pris très au sérieux. Afin de parer à la menace,
Londres estima urgent de renforcer sa présence au Koweït et dans la péninsule
arabique. L’Intelligence Service (IS) et l’India Office (le Bureau de l’Inde) y
auront bientôt trois fers au feu : Moubarak al-Sabah, émir du Koweït, le
chérif Hussein de La Mecque, et Abdulaziz ibn Saoud (ou Abdelaziz ben
Saoud), descendant direct de Mohammad ibn Saoud, fondateur du royaume wahhabite
du Nejd.
Armes
et logistique anglaises
En 1896, de
retour de Bombay où ses amis de l’India Office lui avaient promis un grand
avenir, Moubarak al-Sabah s’était emparé du pouvoir après avoir étranglé dans
son sommeil Muhammad, son demi-frère, qui dirigeait l’émirat. Pour se dégager
de l’emprise ottomane – le Koweït dépendait de la wilaya de Bassora –, il lui
fallait obtenir la protection du gouvernement des Indes et surtout neutraliser
Ibn Rachid, puissant émir de Haïl, qui n’attendait qu’une occasion pour
l’attaquer. Il y parvint en signant un traité de protection secret avec le Raj
et en aidant Abdelaziz ibn Saoud – avec qui il s’était lié d’amitié et qu’il
avait introduit dans les cercles impérialistes anglais – à reprendre le pouvoir
à Riyad.
La meilleure
défense étant l’attaque, fin 1900, Moubarak s’estima assez fort pour monter une
expédition militaire contre Haïl. Les armes et la logistique étaient anglaises.
Abdulaziz devait au passage appeler les habitants de Riyad à se libérer des
Al-Rachid. Échec sur toute la ligne : les Britanniques durent envoyer
trois navires de guerre défendre Koweït menacé par la contre-attaque d’Ibn
Rachid…
Ibn Saoud, qui
ne manquait pas de courage, tenta alors le tout pour le tout. Il s’enfonça dans
le désert avec une quarantaine de membres de son clan. Le 15 janvier 1902,
il s’introduit secrètement dans Riyad et en prit le contrôle. Il rétablit
aussitôt l’alliance qu’avaient les wahhabites avec sa famille, tandis que son
père Abdulrahmane – sur les conseils du prudent Moubarak – demandait
discrètement au Raj de protéger Riyad et assurait la Sublime Porte de sa
loyauté !
En
avril 1906, après avoir tué Ibn Rachid, Abdulaziz se sentit en mesure de
conquérir le Hedjaz, occupé par ses ancêtres un siècle plus tôt. Pas évident
car, là-bas, Londres lui préférait Hussein ibn Ali, chérif de La Mecque.
En 1910, l’India Office, qui avait une perception plus fine de la situation en
Arabie, expédia le capitaine William Shakespear pour sonder le maître du Nejd.
L’agent britannique, du même âge qu’Ibn Saoud, parlait le dialecte local. Il en
résulta une sincère amitié entre les deux hommes et l’octroi d’une aide en
armes et en livres sterling pour le faire patienter. Shakespear confirma à ses
supérieurs qu’Abdulaziz était un ami de la Couronne britannique, ajoutant qu’il
était d’envergure à diriger une « Arabie indépendante ».
Perfide
Albion !
La politique
britannique en Arabie se fit plus agressive avec le déclenchement de la
Première Guerre mondiale. Shakespeare transmit en Inde une demande d’assistance
au roi du Nejd, mais fut tué en juillet 1915 lors d’une bataille entre les
ikhwans (frérots) wahhabites et la tribu Al-Rachid à laquelle il assistait de
loin en uniforme anglais. Finalement, en décembre 1915, le Raj s’engagea
par traité à protéger Ibn Saoud contre toute agression et reconnut son autorité
et celle de ses successeurs sur le Nejd, le Hassa, Qatif et Jubaïl. Un millier
de fusils lui furent immédiatement livrés, avec 200.000 cartouches et
20.000 livres sterling. Pratiquement à la même date, Sir Mark Sykes créait
l’Arab Bureau où Lawrence était chargé d’aider le chérif de La Mecque à
constituer un « grand royaume arabe »… quatre mois avant la signature
de l’accord Sykes-Picot qui partageait ledit royaume entre les grandes
puissances du moment… Perfide Albion !
Après la mort
de Shakespear, le Raj délégua auprès d’Ibn Saoud un de ses meilleurs
agents : St John Philby, qui arriva à Riyad avec 10.000 livres, le
double de la rente octroyée annuellement au roi par Londres. Philby,
républicain dans l’âme, qui détestait l’establishment britannique, allait jouer
en Arabie son va-tout. Bien que n’en ayant pas été mandaté par ses supérieurs,
il promit à Ibn Saoud d’en faire le chef de l’Arabie. Il finançait ses
expéditions contre Haïl et tentait de convaincre Londres qu’il valait mieux
soutenir le roi du Nejd qu’Hussein. Peine perdue… Lawrence et l’Arab Bureau
du Caire avait l’oreille des dirigeants londoniens. Le Foreign Office ne
prit les opinions de Philby au sérieux qu’en 1919, lorsque les ikhwans
attaquèrent l’oasis de Khurma, obligeant Abdallah, fils du chérif de La Mecque,
à s’enfuir en chemise de nuit !
On connaît la
fin de l’histoire. Hussein, qui avait eu le tort d’annoncer vouloir
être calife, fut relégué au rayon des accessoires. Il passa pour un agent
anglais alors qu’Abdelaziz ibn Saoud, candidat de l’India Office, échappa à la
qualification. Débarrassé définitivement des Al-Rachid par la prise de Haïl en
1921, le roi du Nejd prit La Mecque en 1924 grâce aux armes livrées par
Philby, se proclama roi du Hedjaz en 1926, puis roi d’Arabie. Mis sur la touche,
St John Philby se convertit à l’islam sous le nom d’Abdallah et entra au
Conseil privé du roi. Volant de ses propres ailes, il régla ses comptes avec
l’establishment britannique – qui l’avait fait incarcérer en 1940 en raison de
supposées sympathies nazies – en introduisant en Arabie la première compagnie
pétrolière américaine et l’OSS, ancêtre de la CIA.
Hannibal Genseric