Dans la première partie,
nous avons vu que le Déluge biblique est une réécriture du déluge
suméro-babylonien.
Plusieurs livres ont été consacrés aux divers déluges recensés
dans les mythologies du monde entier, et il est indéniable que tous les
continents ont été confrontés à des cataclysmes dont l'eau était le
principal responsable. Les récits concernant ces déluges sont extrêmement
variés, et parfois poétiques car souvent le mythe en rajoute au cataclysme
lui-même. On les regroupe en cinq grandes familles : l'eau des glaciers, l'eau
du ciel, l'eau des fleuves, l'eau de la mer et les raz-de-marée.
De très grands cataclysmes terrestres ont eu lieu depuis 20.000
ans. En fait, depuis l'Antiquité jusqu'à la fin de la première partie du
XXe siècle, on n'avait jamais pu identifier et dater avec précision le
moindre de ces cataclysmes, faute de preuves et de textes explicites. On les
connaissait depuis toujours juste par leur nom :
Apocalypse, Déluge, Atlantide. La seconde moitié du XXe siècle a permis des progrès scientifiques
décisifs qui ont permis de dater avec précision certains cataclysmes.
Aujourd'hui, tous les scientifiques sont d'accord pour admettre la réalité de
certains (mais pas tous) grands cataclysmes retenus par la tradition. Un seul
paraît réellement d'envergure mondiale : c'est la fin de la glaciation et
la déglaciation associée qui a eu des conséquences inimaginables : un déluge généralisé sur plusieurs régions et continents. Cette
déglaciation est, de loin, la catastrophe majeure engendrée par la Terre
elle-même depuis 20.000 ans. 8700 ans après son avènement, nous nous
en faisons encore l'écho.
Le dernier maximum glaciaire
Les glaciers recouvrent tout le Nord euro-asiatique et américain |
Les masses glaciaires sont alors énormes, atteignant un volume trois
fois plus plus important que le volume actuel, soit 75 millions km³ contre 26
millions km³ de nos jours. Cela signifie que les deux tiers des
glaciers ont disparu depuis, et que, parallèlement, la remontée globale du
niveau marin a été de 110 mètres. Tout le monde sait que cette fonte s’accélère
de plus en plus, ce qui annonce un futur déluge.
Réchauffement et montée des eaux
C'est entre –17000 et –15000 qu'eut lieu un premier
réchauffement (dit réchauffement solutréen) et une première fonte des glaces. Parallèlement,
quasi automatiquement, démarra une remontée du niveau de la mer, lente mais
inexorable, qui grignota le talus continental. Ce fut aussi le début de l'exode
pour les tribus qui vivaient paisiblement au bord de la mer, où elles trouvaient
facilement leur nourriture grâce à la pêche de poissons et de petits crustacés.
C'est en –13500, alors que le niveau marin était à –80 mètres
(il avait déjà progressé de 30 mètres par rapport au niveau plancher), que se
produisit une première débâcle, dite débâcle
atlantique ou Déluge de Lascaux. La déglaciation s'accéléra
soudainement avec l'éclatement définitif de la calotte glaciaire qui recouvrait
tout le nord de l'Europe.
Les glaciologues pensent que le plus gros de la débâcle eut
lieu en moins d'un siècle, suite à une série de cataclysmes en chaîne
(l'un alimentant le suivant). Le niveau de la mer augmenta alors de près
de 20 mètres en quelques années seulement, ce qui est fantastique. Ce très
remarquable exemple doit être médité et transposé à notre futur proche, si
les glaciers actuels (surtout arctique et antarctique) subissent un sort
analogue.
Après ce paroxysme étonnant par sa rapidité et son intensité
jamais revue depuis, la montée des eaux se ralentit.
A partir de –8000, la mer recommença à monter lentement sur la
Terre entière, et donc partout les transgressions marines entraînèrent des
conséquences catastrophiques, notamment au niveau des dunes côtières qui furent
souvent désintégrées. Cela tint en partie à une substantielle augmentation de
la température (+ 4° en une dizaine de siècles) qui contribua à faire fondre,
en plusieurs étapes, le reste du grand glacier qui occupait encore la
Scandinavie et la Baltique.
Dès –7300, les océans atteignirent le fameuse cote de –38
mètres, celle du seuil du Bosphore. Cela signifie qu'à partir de cette
époque, 600 ans avant le Déluge, la mer Égée, qui avait déjà envahi le lac
de Marmara à partir de –1700, commença d'envahir progressivement le
lac d'eau douce qu’était la mer Noire, la salinisant petit à petit.
Partout ce fut la débâcle, notamment dans la Manche dans laquelle l'Atlantique
se fraya un passage de plus en plus large et sépara définitivement la France et
l'Angleterre, jusque-là riverains d'un grand fleuve Seine qui se jetait alors
dans l'Atlantique.
La bipartition de –6700
C'est la période de la plus grande catastrophe
terrestre recensée depuis 10000 ans. C'est celle que les glaciologues
appellent la bipartition associée à la grande débâcle du glacier
scandinave. Pour la première fois depuis longtemps, les eaux froides de la mer
du Nord rejoignent les eaux salées de l'Atlantique au large des Pays-Bas, pays
entre tous menacé par l'océan, suite à un gigantesque raz-de-marée parti des
côtes de Norvège. Un pays entier, le Doggerland, est enseveli sous la mer. Il
s’en suivit l'ouverture du passage Manche/mer du Nord, qui est donc contemporaine avec
le Déluge de Gilgamesh/Noé, qui a eu lieu à l'autre extrémité de l'Europe et aux confins de
l’Asie, en l’an -6700. Plus à l'est, l'eau du glacier scandinave après avoir
traversé une bonne partie de l'Europe, en suivant le cours des grands fleuves
(Dniepr, Volga et Don), et envahi la mer Noire ouverte au sud depuis peu, va se
déverser pendant une année au moins dans la mer Égée qui s'en trouvera
bouleversée.
La débâcle de –6700
Le Déluge ne fut qu'un épisode particulièrement spectaculaire
d'un processus physique beaucoup plus global et qui démarra bien avant –6700.
Depuis plus de 1000 ans, le glacier scandinave, dont le volume se mesurait
encore à près de 800 000 km³, dernier rescapé de la période glaciaire, se
désagrégeait progressivement en liaison avec le réchauffement de la
température.
Les glaciologues qui ont étudié très en détail ce phénomène
exceptionnel pensent que près d'un quart (200 000 km³) resta accroché sur les
monts scandinaves et qu'un autre quart déboula vers l'ouest et atteignit les côtes
de la mer du Nord (ouvrant le passage avec la Manche). La moitié environ de ce
glacier moribond (400 000 km³) s'effondra vers l'est dans
le lac Baltique (alors fermé à l'ouest), charriant, outre la
glace et l'eau qui le composait, une quantité de roches décrochées du substrat
sous-jacent, provoquant dans un premier temps un raz-de-marée comme la Terre
n'en a pas connu depuis, haut de plusieurs centaines de mètres.
Dans un deuxième temps, l'onde de choc submergea les pays
Baltes, inversant le cours des rivières qui coulaient ordinairement vers le
nord. Le mur d'eau était désormais gigantesque et son parcours a pu être
déterminé avec précision. Ce furent d'abord les barrières de Minsk (en Belarus
actuel) qui furent détruites et franchies, puis les marais du Pripet (à la
frontière Belarus et Ukraine) et de la Bérésina (plus au nord en Belarus), deux
affluents du Dniepr, le grand fleuve qui arrose l'Europe de l'Est du nord au
sud. Ces marais, vestiges du cataclysme, n'ont jamais pu être
totalement asséchés depuis.
Le mur d'eau qui représentait encore un cinquième de la masse
initiale (soit 80 000 km³) s'engouffra ensuite dans la vallée même du Dniepr
sur un front de près de 10 km, identifié avec le lit majeur du fleuve encore
facilement repérable aujourd'hui, débouchant sur la mer Noire après avoir
éliminé tous les obstacles sur son passage à travers les plaines de l'Ukraine.
La mer Noire et l'histoire de Noé
Photo satellite montrant la Mer Noire avant et après le Déluge (Couleur foncée et couleur claire) |
Le niveau de la mer Noire, qui était inférieur de 60 mètres du
niveau actuel, monta alors à une vitesse vertigineuse au contact avec le mur
d'eau qui alla se heurter aux monts de Cappadoce (aujourd'hui en Turquie) et
d'Arménie, se frayant quelques passages entre les montagnes, repoussant l'eau
des cours d'eau vers leur source.
C'est à ce moment précis qu’on peut placer l'histoire de
Gilgamesh (devenu Noé dans la Bible) et de son arche. Bien sûr la légende a
embelli l'histoire, mais Gilgamesh (ou un autre) pourrait être
un rescapé du cataclysme de la mer Noire, lui même consécutif à la
débâcle du glacier scandinave.
C'est la première fois que la légende biblique trouve sa place
dans une version scientifique d'un déluge.
L'histoire pourrait donc remonter en fait à –6700, c'est-à-dire
à une période beaucoup plus ancienne que les –4000 du déluge de Sumer (Gilgamesh) et a
fortiori que les –2348 de la Genèse (Noé).
Noé est aussi éloigné du Déluge (4000 ans) que nous sommes éloignés de Noé (4000 ans aussi).
Ce n’est pas très surprenant en fait. Tout montre que les mythes écrasent le temps et certains événements de l’histoire ancienne devront peut-être être nettement reculés dans le temps. Croire que toutes les dates actuellement retenues sont définitives relève de l’utopie.
La tradition orale a probablement permis le transfert de l'histoire
d'un rescapé du Déluge d'une civilisation à une autre dans tout le Bassin
méditerranéen et dans tout le Proche et le Moyen Orient. C'est donc au fil des
siècles que certaines variantes, adaptées au milieu local et à la
mythologie régionale, auraient pu voir le jour et supplanter l'histoire
originale.
La totalité du flot en provenance du nord mit probablement plus
d'une année à s'écouler totalement, laissant sur son passage des régions
totalement dévastées, des populations anéanties et à plus long terme une
géographie transformée. Ainsi on pense que la superficie de la mer Noire (qui
est aujourd'hui de 420 000 km²) a pu augmenter d'un tiers et son niveau de 60
mètres en quelques mois seulement (voir photo ci-dessus).
Il faudra des mois, voire des années, pour que l'eau douce ainsi
stockée se déverse dans la Méditerranée et établisse le fragile équilibre de
leurs niveaux respectifs. Mer Noire et mer Égée sont enfin reliées par deux détroits
qui dressent une barrière symbolique entre l'Asie Mineure et le monde
balkanique.
La population mondiale étant estimée à 6 millions de personnes à cette époque (-6.500), il est peu probable que la quasi totalité de cette population ait été anéantie, comme le prétend la Bible. Les régions les plus peuplée du monde d'alors : Asie du Sud et de l'Est, Afrique et Moyen Orient ont peu souffert de ce déluge. Ce sont surtout les rives de la Mer Noire et les rives des grands fleuves d'Europe centrale qui en ont souffert. Il en est de même de la faune et de la flore : elles ont été très peu affectées. Donc, l'histoire des animaux sauvés du Déluge grâce à l'arche de Noé est un pur fantasme, à moins qu'il ne s'agisse de ses petits animaux domestiques (chat, chien, chèvre). Tout ceci suppose, en effet, que Noé a bien vécu durant ce déluge dans les parages de la Mer Noire. Ce qui n'est pas le cas, puisqu'il aurait vécu en Mésopotamie, comme d'autres patriarches, dont Abraham, 4.000 ans plus tard.
La population mondiale étant estimée à 6 millions de personnes à cette époque (-6.500), il est peu probable que la quasi totalité de cette population ait été anéantie, comme le prétend la Bible. Les régions les plus peuplée du monde d'alors : Asie du Sud et de l'Est, Afrique et Moyen Orient ont peu souffert de ce déluge. Ce sont surtout les rives de la Mer Noire et les rives des grands fleuves d'Europe centrale qui en ont souffert. Il en est de même de la faune et de la flore : elles ont été très peu affectées. Donc, l'histoire des animaux sauvés du Déluge grâce à l'arche de Noé est un pur fantasme, à moins qu'il ne s'agisse de ses petits animaux domestiques (chat, chien, chèvre). Tout ceci suppose, en effet, que Noé a bien vécu durant ce déluge dans les parages de la Mer Noire. Ce qui n'est pas le cas, puisqu'il aurait vécu en Mésopotamie, comme d'autres patriarches, dont Abraham, 4.000 ans plus tard.
Un futur Déluge ?
Les prévisions actuelles donnent une élévation du niveau de la
mer de 11 à 77 centimètres à la fin du XXIe siècle. Si toute la glace
qui se trouve sur le continent Antarctique fondait, le niveau de la
mer s'élèverait de 70 mètres. Si la glace du Groenland fondait aussi, cela
ajouterait 7 mètres de plus.
En admettant que l'humanité parvienne à limiter le réchauffement
planétaire à 2°C, ce qui apparait maintenant comme hautement
improbable, les résultats des études récentes suggèrent que les générations à
venir devront faire face à une montée du niveau de la mer de 12 à 32 mètres par
rapport à son niveau actuel !
À cause de la fonte des glaces et de l’expansion thermique des
mers, les océans engloutiraient alors les terres aujourd’hui occupées par
environ 70 % de la population humaine, soit 5 milliards de
personnes. Shanghaï, Le Caire, Londres ou La Nouvelle-Orléans seraient
alors totalement englouties sous les eaux (voir la carte interactive simulant des futurs déluges sur
http://flood.firetree.net/?ll=34.9760,10.1733&m=20&t=3 ).
Le Bangladesh, le Cambodge ou les Pays-Bas,
une grande partie de la Belgique et du nord de la France seront effacés des cartes. La
réalisation de ce scénario (qui, avec + 2°C n'est pas le plus alarmant)
obligerait l’humanité à densifier ses populations sur des territoires toujours
plus petits.
En Tunisie, La hausse du niveau de la mer aura des conséquences terribles
sur le littoral, sur les réserves d'eau potable, sur les zones humides côtières
et sur les eaux souterraines adjacentes. La salinité de l’eau s’accroîtra
tandis que certains îlots, comme Kerkenna, peuvent disparaître. Une élévation
du niveau de la mer de 50 centimètres à l’horizon de 2100 risque de faire
disparaître plusieurs milliers d’hectares au niveau de certaines régions
côtières et de bouleverser les écosystèmes et l’infrastructure dans les zones
menacées. Les régions particulièrement menacées sont notamment le golfe de
Hammamet, l’île de Djerba et les îles Kerkenna. A Djerba par exemple quelque
3400 hectares risquent d’être engloutis par les eaux. La superficie menacée à
Hammamet s’élève à 1900 hectares et à 2600 hectares dans les régions
limitrophes de l’Oued Mejerda. Des lacs dans la région du Cap-Bon, Ichkeul et
Ghar El Melh sont aussi menacés par l’élévation du niveau de la mer.
Hannibal Genséric