Dans ce qui suit, nous relatons l'expérience algérienne du terrorisme islamiste. Le grand patron de terrorisme était Abassi Madani, l'un des "meilleurs élèves" d'un certain Rached Ghannouchi. Vous remplacez FIS par Ennahdha, Algérie par Tunisie, et vous aurez la situation tunisienne dans les prochains mois, si d'aventure le peuple, l'armée et la police continuent de faire l'autruche. Un homme prévenu en vaut deux, dit-on. H. Genséric
C’est à un moment où la société et ses politiciens
tergiversaient sur la nature de la mouvance religieuse qui s’abattit sur
l’Algérie, après l’ouverture du champ politique (1988), que des plumes
se sont élevées pour dénoncer ce qui était un fascisme théocratique. Des
intellectuels francophones et arabophones se sont mis au travail pour
comprendre la vague qui portait le Front Islamique du Salut (FIS), à la tête
duquel trônaient les sinistres Belhadj et Madani. La réplique intégriste
contre ce travail ne s’est pas faite attendre : les intellectuels
étaient traqués et assassinés un à un, ils tombaient dans des attentats
individuels à l’arme blanche ou à l’arme à feu. Un climat de terreur
s’est instauré chez les gens de la plume : ils rasaient les murs,
sortaient « comme des voleurs », se déguisaient pour aller en ville et
s’autocensuraient. Les plus chanceux ont gagné les capitales
européennes, dépeuplant ainsi les universités algériennes et les livrant
à la toute puissance de l’islamisme. C’est contre ce climat de terreur
que s’est révolté un Tahar Djaout en écrivant : « tu dis, tu meurs. Tu
te tais, tu meurs. Alors dis et meurs ! ». Il a été en effet tué le 26
mai 1993, ouvrant une longue liste de ce qui se révéla être un véritable
carnage des penseurs algériens entre 1993 et 1997 approximativement.
En pleine terreur, dans un moment de détresse collective, un penseur
qui n’appartenait pas à la caste des hommes hyper protégés du sérail ou à
celle des dignitaires privilégiés, un homme qui vivait dans un bâtiment
d’une cité populaire (équivalent d’un HLM) a osé braver la peur.
Il fait paraître en Algérie un livre retentissant au titre on ne peut
plus clair : De la barbarie en général et de l’intégrisme en particulier
(1992). C’est ce qu’on appelle, au sens fort, risquer sa vie. En effet,
les islamistes intégristes se sont immédiatement acharnés sur
l’écrivain pour l’éliminer et plusieurs attentats n’ont pas eu raison de
lui. Il mourra finalement d’une maladie dans un hôpital parisien, après
avoir été contraint à l’exil.
Cet homme s’appelle Rachid Mimouni. Ses idées survécurent. Les voici :
Première clé pour comprendre l’islamisme : Le FIS n’est pas un parti politique mais une résurgence du Moyen Age maghrébin.
Loin d’être organisé comme un parti politique contemporain, avec des
instances locales, provinciales puis nationales, élues par les adhérents
et renouvelées à échéance déterminées, le FIS est une nébuleuse
instable. Il n’a jamais tenu de congrès ordinaire, n’a ni statuts, ni
règlement intérieur. Il s’est présenté aux élections de 1991 avec pour
seul programme le Coran. Ses réunions sont souvent secrètes et tenues à
huis clos. Son seul organe reste un Conseil Consultatif (Madjlis
al-choura) dont on ne connaît ni le nombre de sièges, ni les noms exacts
des membres, ni la durée de leur mandat. Il n’a ni président, ni
secrétaire général mais seulement deux leaders autoproclamés et quelques
personnalités qui gravitent autour d’eux.
« Ce sont des prédicateurs et ils s’inscrivent en cela dans la pure
tradition historique maghrébine » (p. 17). Les leaders du FIS
entretiennent donc une « obscurité délibérée » (p. 17) sur leur
mouvement. Nul besoin d’un programme, il suffit de prêcher « la voie
droite ». « Comme leurs modèles du Moyen Age, ils ne songent qu’à
ramener le peuple vers l’orthodoxie religieuse » (p. 18). Ils
ressemblent en cela aux Maïssara (à l’origine de Tahert), Obeïd Allah
(au service des Fatimides), Ibn Tumart (Almohade), etc.
Deuxième clé : l’idéologie intégriste est un archaïsme
Le crédo par excellence de l’islamisme est « un retour à la pureté
originelle de l’islam » (p. 21). Ce retour se fait concrètement par
l’adoption d’un mode de vie censé avoir cours au temps du Prophète.
Barbe, tenue vestimentaire, khôl, sommeil à même le sol, interdiction de
la musique, etc. « Toute évolution au niveau des mœurs ou des pratiques
devient suspecte d’hérésie » (p. 22). Refus du calcul astronomique pour
fixer d’avance le premier jour de Ramadan, refus du calendrier solaire
et du week-end universel, interdiction du maquillage et de la cigarette
(inconnue du Prophète) pendant le jeûne, attachement à une
interprétation littéraliste sans tenir compte des changements du monde
(moyens de transport bouleversant la notion de voyage par exemple). Les
crimes ne sont pas loin : couper la main au voleur, couper la langue du
menteur, crever l’œil du faux témoin, lapider la femme adultère, etc. «
Chaque fois que les croyants interrogeaient leurs guides pour savoir si
l’usage de telle ou telle commodité était licite, un « La Yadjouz » (ce
n’est pas permis) tombait comme un couperet » (p. 25). On s’accroche à
l’état archaïque du monde du VIIème siècle et on refuse tout changement
ultérieur au nom d’un islam pur et littéral.
Troisième clé : la femme chez les islamistes est comme le Juif chez Hitler
« Il reste que, chez les islamistes, la femme est l’objet d’une
fixation obsessionnelle, comme le juif pour Hitler » (p. 29). « Elle est
la source de tous les tourments. L’inadmissible est qu’elle ait un
corps, objet des désirs et fantasmes masculins. Sa beauté devient une
circonstance aggravante. Tout apprêt ou parure devient une incitation
intolérable » (p. 29).
« La question sexuelle reste l’un des fondements du projet islamiste.
Contraints au réalisme, les intégristes accepteraient d’accommoder nombre
de leurs principes (…) mais certainement pas le sort promis à la femme »
(pp. 43-44)
Le hijjab (le voile et non le foulard) n’est d’ailleurs pour eux
qu’une façon d’occulter la sexualité, incarnée par le corps de la femme.
Cachez-moi ce corps désirant que je ne saurais voir…
Quatrième clé : Hijjab (voile) et Qamis (robe blanche) constituent l’uniforme intégriste
Le voile dans les pays où les masses sont fanatisées, loin d’être une
question de liberté de culte ou de liberté tout court, est un signe de
ralliement et d’embrigadement. C’est une uniformisation des masses par
le vêtement qui précède une uniformisation de la pensée. Arborer un
hijab dans ces sociétés, c’est se rallier à une certaine éthique du
couple indissociable du projet politique intégriste. C’est adopter « la
voie droite » et situer de facto les autres (moutabaridjât) dans la
dépravation et l’immoralité.
« Le hijab est une invention géniale car il illustre la conception
qu’ont les intégristes de la relation de couple. Ses larges plis, qui
occultent les formes de la femme, découragent toute entreprise de
séduction. Il procure surtout une formidable sérénité aux disgracieuses,
grosses ou difformes, puisque l’ample tunique cèle les défauts de l’une
et les attraits de sa rivale. Le voile est destiné à inhiber le désir
masculin. Leur corps occulté, les femmes se retrouvent interchangeables,
réduites à leur organe génital. On parvient ainsi à refréner
l’émergence de tout sentiment amoureux et à rabaisser l’acte sexuel au
niveau d’un besoin trivial. On fait l’amour comme on va aux toilettes »
(p. 48)
Mimouni relève que le même souci de distinction vestimentaire
caractérise les mouvements fascistes italien, nazi allemand et islamiste
algérien. « Au chemises noires ou brunes correspondent le kamis et la
barbe. Leurs militants aiment se coudoyer dans d’immenses meetings afin
de se compter et d’éprouver cet enivrant sentiment de puissance de se
voir ainsi par milliers regroupés. Ils vibrent de conserve aux discours
enflammés de leurs tribuns. Cela donne lieu à des orgasmes collectifs.
Les mots d’ordre qu’ils clament finissent par avoir un contenu magique.
Fascisme, national-socialisme ou république islamique se retrouvent
dotés d’un sens nouveau, radical ou utopique. Une réelle solidarité et
d’obscurs désirs de revanche les rapprochent. » (p. 153)
Il faut ajouter à ce tableau la volonté délibérée des trois
mouvements de recourir à la violence et la constitution à leur
périphérie d’obscurs groupuscules faits d’illuminés, de fanatiques, de
nervis terroristes, de « désaxés de tout genre » prêts à agir le moment
venu.
Cinquième clé : L’intégrisme est l’ennemi des intellectuels
« Comme tous les mouvements populistes, l’intégrisme est ennemi des
intellectuels et de la culture. Son discours fait appel à la passion
plutôt qu’à la raison, à l’instinct plutôt qu’à l’intelligence. Toute
activité intellectuelle doit se consacrer à l’approfondissement de la
connaissance du message divin. Toute forme de création est taxée
d’hérétique parce qu’elle est perçue comme faisant une coupable
concurrence à Dieu. Le projet islamiste se propose donc d’étouffer
toutes les formes d’expression artistique : littérature, théâtre,
musique et bien entendu peinture » (p. 51)
Après juin 1991, les islamistes fermèrent la cinémathèque d’Alger,
prétextèrent des problèmes d’hygiène ou des travaux de rénovation pour
faire cesser l’activité des centres culturels, asphyxièrent
financièrement nombre d’institutions de culture ou de loisir,
interdirent par la violence des galas, des expositions, etc. …avant de
passer purement et simplement au meurtre des producteurs culturels après
1993 : écrivains (Djaout), hommes de théâtre (Alloula), chanteurs
(Hasni), etc.
« Les sciences humaines restent globalement suspectes à leurs yeux. A
l’université, elles se sont transformées en cours de propagande. » (p.
54)
Sixième clé : L’intégrisme récupère la pauvreté
Les intégristes reçoivent de l’argent par le biais de diverses
banques islamiques, ligues et associations religieuses. La manne
provient essentiellement de l’Arabie Saoudite, des pays du Golfe, du
Soudan et de l’Iran et des collectes naguère organisées en Occident. Ils
fructifient ensuite cet argent dans le trabendo (marché noir parallèle
au marché), en enrôlant un nombre de chômeurs algériens. Au final, les
caisses sont pleines, ce qui leur permet de porter secours aux pauvres,
aux sinistrés, aux victimes des inondations et des séismes, aux mal
logés et aux sans-abri, tout en récupérant ce beau monde dans le cadre
de l’idéologie islamiste. Contrairement à l’absence et à la corruption
de l’état, l’intégrisme gagne à lui les masses et progresse socialement
et électoralement. Les terrains où se fait sentir une misère matérielle,
un mécontentement populaire, une frustration larvée, un ressentiment,
sont les terrains de recrutement par excellence de l’islamisme.
Septième clé : L’intégrisme est promu par l’enseignement et les média
« La politique d’éducation épaissit d’une nouvelle strate le terreau
intégriste. Les pas de clercs et les incohérences des programmes
d’enseignement constituent sans doute une des causes du retour de la
barbarie » (p. 121)
Aux lendemains de l’indépendance, pour combler son manque de
personnel de l’éducation, l’Algérie a importé des enseignants d’Egypte,
qui répandirent l’idéologie panarabiste parmi les élèves. L’arabisation
politique, destinée à récupérer l’héritage linguistique arabe spolié par
la colonisation, se transforma en apologie de l’islamisme et en mépris
des langues locales et populaires. Menée à la hâte, cette arabisation
était dépourvue de moyens pour incarner une ouverture vers la modernité.
Elle se rabattît sur les dogmes islamiques du Moyen Age et sur la
sacralisation de l’idiome coranique, à un moment où le reste des
secteurs économiques sensibles fonctionnait encore en français. La
bi-partition des compétences et des élites crée des frustrés, une partie
de la population semi-lettrée se trouvant exclue du jeu économique.
C’est cette partie qui, privée des moyens matériels et intellectuels
modernes, s’identifia aux modes de vie rétrogrades. Elle vint par la
suite grossir les rangs de l’intégrisme et stigmatiser les « francisants
» privilégiés (moufanassoun).
Par ailleurs, des millions d’élèves écoutent chaque jour un
catéchisme inspiré par les prédicateurs du Moyen Age comme Ibn Taymiyya.
La télévision et les radios nationales retransmettent ces discours
tandis que l’école se chargeait de les enseigner dés le jeune âge.
Résultat d’un système éducatif désaxé, incapable d’amarrer les
écoliers sur les acquis de la culture universelle tant spirituels que
matériels, l’intégrisme sait d’où il vient. Aussi, ses promoteurs
sont-ils farouchement opposés à la réforme de l’école qui leur permet de
se reproduire. Ils pensent que celle-ci doit enseigner, à côté des
matières techniques supposées « neutres » (sciences dites dures), les
dogmes coraniques, les certitudes divines et les principes de la foi.
Aussi tendent-ils à expurger de l’éducation le doute, la raison,
l’esprit critique, la relativisation historique ou la discussion
herméneutique qui caractérisent les sciences humaines.
Sources - Rachid Mimouni, 1992, De la barbarie en général et de
l'intégrisme en particulier, éditions Belfond-Le Pré aux clercs.Source de l’article http://anglesdevue.canalblog.com/archives/2008/01/10/7518463.html
Que faire des islamistes ?
Dans sa rubrique « Ce que je crois » à paraître dans Jeune Afrique*, Béchir Ben Yahmed répond à la question « Que faire des Islamistes ?
» Analysant la situation dans les trois pays du printemps arabe, la
Tunisie, l’Egypte et la Libye, il en déduit que les islamistes hissés au
pouvoir « n’ont rien appris et rien oublié ». Il écrit notamment :
« Les "Frères musulmans" d’Égypte et les "Nahdhaoui" de Tunisie
sont encore, pour la plupart d’entre eux, à un niveau d’évolution
politique infra-moderne et infra-démocratique.
Ils se disent démocrates et modérés par simple habileté tactique,
pour se faire admettre des modernistes et des démocrates de leurs pays
et de l’extérieur.
En fait, ils n’ont guère évolué : islamistes ils étaient,
islamistes ils demeurent : tournés vers le passé et plus fidèles à leurs
formations respectives qu’à leur pays ; la discipline de parti prévaut
chez eux sur l’intérêt national comme sur les accords avec d’éventuels
partenaires.
Leur proximité avec les salafistes leur importe davantage que
leurs liens avec les modernistes ; islamiser la société dans laquelle
ils vivent est pour eux plus important que de procéder à une lecture
éclairée de l’islam.
Leurs soutiens moyen-orientaux – auxquels ils sont inféodés – sont les intégristes wahhabites du Qatar et d’Arabie saoudite ».
Et d’ajouter : « Les partenaires extérieurs de
la Tunisie, de l’Égypte, le camp des démocrates euro-américains
devraient, de leur côté, se souvenir de l’erreur qu’ils ont faite en
soutenant trop longtemps, sans leur faire de remontrances, les
dictatures africaines et arabes. Nous les voyons aujourd’hui prodiguer un soutien presque
inconditionnel aux islamistes : ils devraient garder leurs distances,
éviter toute connivence avec eux, n’accepter ni leur double langage, ni,
a fortiori, les libertés qu’ils prennent avec les règles de la
démocratie.
Les islamistes tunisiens et égyptiens ne sont pas de bonne compagnie ! »
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