Il faut bien reconnaître que dans le Nouvel Ordre Impérial Mondial
(NOIM) – les États-Unis sont devenus plus agressifs et ultra militarisés que
jamais depuis la disparition de l’Union Soviétique. Ils projettent leur
superpuissance à travers toute la planète, semant déstabilisation et
dévastation dans tous les principaux théâtres d’opération au prétexte d’y
apporter liberté et stabilité. Bien qu’ils n’aient rien de très novateur, ces
principes réduisent les relations de pouvoir à l’affirmation ou au déni de
certains droits, bien plus audacieusement que par le passé, avec pour
conséquence l’émergence d’un « double standard » [politique des deux poids deux
mesures] applicable littéralement partout dans le monde.
Ils dénotent l’institutionnalisation d’un système autocratique au sein
duquel la justice est inopérante et dont la perversion se nimbe d’un brouillard
de rhétorique et d’occultation.
1. Le droit d’agression
Les États Unis disposent d’un droit d’agression de première classe et
jouissent depuis toujours de la possibilité de violer la Charte des Nations
Unies, en particulier en ce qui concerne le « crime international suprême »
[ndt : agression et occupation d’un pays], bien évidemment sans encourir la
moindre sanction (ex : le Vietnam puis toute l’Indochine, le Panama, la
Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak, etc.). Étant « l’enfant chéri »
des USA, Israël a toujours bénéficié du droit de faire de même, là encore, sans
aucune sanction, bien sûr.
Inversement, s’agissant d’incursions imputables à des pays considérés
comme ennemis des USA ou des puissances occidentales, comme l’invasion du
Cambodge par le Viêt-nam, en 1979 ou de celle du Koweït par l’Irak, en 1990,
l’indignation des élites occidentales est à son comble et les envahisseurs sont
sévèrement sanctionnés. L’Irak, chassé du Koweït, se voyant, lui, plongé avec
l’aval des Nations Unies, dans une guerre dévastatrice conduite par les USA, en
prélude à treize années de sanctions drastiques ouvrant à leur tour sur
l’invasion américaine de 2003.
2. Le droit de recourir au terrorisme
Ce droit est consubstantiel à celui d’agression, dans la mesure où la
frontière entre terrorisme et agression demeure floue et n’est généralement
qu’une question d’échelle, dans un cas comme dans l’autre. Bien sûr, l’usage de
ces deux termes demeure proscrit pour qualifier les exactions américaines en
matière de bombes ou de massacres.
L’attaque « Shock and Awe » qui fut le point de départ de l’occupation
de l’Irak, fut ouvertement planifiée pour terroriser civils et militaires
irakiens. De même les attaques U.S. contre des villes comme Fallujah, avaient
des objectifs ouvertement terroristes. Et il en va de même des attaques
militaires israéliennes. Pour autant, le présupposé politique occidental selon
lequel l’État d’Israël n’agit jamais qu’en « réponse » et en « représailles »
contre un terrorisme qu’il se garde bien de pratiquer, demeure une constante
absolue.
3. Le droit au nettoyage ethnique
Les pays occidentaux jugent le nettoyage ethnique répréhensible – et
pleurent abondamment sur le sort des victimes – mais uniquement lorsqu’ils sont
perpétrés par leurs ennemis déclarés, comme les Serbes de Bosnie ou le
gouvernement soudanais.
En revanche, s’il était un authentique cas de nettoyage ethnique, avec
en outre des implications mondiales du fait du ressentiment qu’il inspire à
l’ensemble du monde arabe et plus généralement au monde musulman, c’était bien
la constante expulsion des Palestiniens hors de leurs terres dans les
territoires occupés de Cisjordanie et de Jérusalem Est, dans le but d’implanter
de nouvelles colonies juives. Les Occidentaux n’utilisent littéralement jamais
le terme de « nettoyage ethnique » dans ce cas particulier.
En dépit de la volonté sans équivoque d’Israël de nettoyer ethniquement
et de spolier toutes les terres appartenant aux Palestiniens, cet objectif a
toujours été présenté en Occident comme « une nécessité pour la sécurité
d’Israël. » Selon le « double standard » froidement raciste des Occidentaux,
les Palestiniens n’ont aucun besoin de sécurité et le fait que leurs actions ne
font que répondre au terrorisme massif d’Israël et au processus de spoliation
en cours est totalement occulté. C’est ça le véritable « miracle israélien. »
4. Le droit de subversion
A l’instar du droit d’agression dont jouissent les États-Unis – qui y
ont eu recours bien plus fréquemment depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale – leur droit d’interférer, de subvertir [voire renverser] tout
gouvernement de leur choix, reste une constante. L’intervention «
contre-révolutionnaire » en Grèce (1947-1949), le renversement de Mohammad
Mossadegh en Iran (1953) et de Jacobo Arbenz Guzmàn au Guatemala (1954) ne sont
que quelques exemples remarquables de la manière dont s’imposa par la force
l’autorité américaine, dès la première décennie qui suivit la Seconde Guerre
mondiale.
5. Le droit d’imposer des sanctions
Le pouvoir hégémonique ne garantit pas seulement le droit d’agression et
celui de pratiquer le terrorisme ou la subversion, il offre aussi celui
d’imposer des sanctions aux pays cibles, d’en faire souffrir les populations et
d’en discréditer les dirigeants, le plus souvent avec le concours de la «
communauté internationale». L’Union Soviétique, Cuba, le Viêt-nam (de 1975 à
1994), le Nicaragua sous le régime sandiniste, l’Iran (depuis le renversement
du Shah en 1979), la Libye ou l’Irak, l’Afghanistan sous les Talibans, etc.
Tous ces pays ont été soumis à un régime de sanctions à la demande des USA. Bien
sûr, il va sans dire que les USA eux-mêmes et leurs clients ne se sont jamais
vu imposer aucune sanction. Le « double standard » évoqué plus haut est ici
particulièrement flagrant.
Autre miracle de ce « double standard », non seulement Israël ne se voit
jamais imposer aucune sanction – bien que perpétuellement en violation de la
quatrième convention de Genève, et malgré les punitions collectives infligées
aux Palestiniens de Gaza – mais depuis 2006, la « communauté internationale
s’est même alignée sur l’axe Israélo-américain en imposant des sanction à des
victimes déjà délibérément persécutées, affamées et littéralement privées de
tout : les Palestiniens de Gza. A Gaza, l’état de siège a causé
l’effondrement des infrastructures sanitaires et sociales, un taux de chômage
de près de 50 % (selon un rapport de l’ONU) et une grave pénurie d’eau potable,
d’électricité, de nourriture, de médicaments, de carburants et de nombreux
autres produits de première nécessité.
6. Le droit de résister à une agression
A l’opposé, les Palestiniens de Gaza n’ont pour leur part, aux yeux de
l’establishment occidental, aucun droit de résister aux attaques israéliennes,
bien que celles-ci participassent d’une occupation illégale et d’un impitoyable
nettoyage ethnique en cours. Dans l’idéologie occidentale, bien qu’on ne puisse
parler « d’agression », les attaques des Palestiniens contre Israël constituent
une forme intolérable de « terrorisme », non une résistance légitime. Elles
justifient donc pleinement toutes les formes de violences qu’Israël peut bien
décider d’infliger à Gaza au titre de punition collective.
De même la résistance à l’invasion/occupation U.S. de l’Irak est-elle
baptisée « insurrection », comme s’il s’agissait d’un mouvement apparu dans les
plus grandes capitales d’Europe et non dans un pays occupé militairement par
une puissance ennemie. Et la communauté internationale de reconnaître
effectivement à cet envahisseur là le droit d’écraser par n’importe quels
moyens toute résistance qui pourrait lui être opposée. Ce droit de « détruire
un pays pour le sauver » participe aussi bien du droit d’agression que du déni
de droit de résister à une agression.
7. Le droit à l’autodéfense
Les cibles de l’hégémon ne disposent d’aucun droit à l’autodéfense. Ainsi
en est-il de l’Iran, désormais sur la liste des prochaines frappes américaines.
Bien que des forces américaines hostiles aient été déployées tout autour du
pays et que ce dernier fasse l’objet de menaces ouvertes de la part des États-Unis
et d’Israël, son droit à l’autodéfense est annulé. Sous la houlette des États-Unis,
le Conseil de Sécurité a déjà renforcé par trois fois les sanctions qui pèsent
sur l’Iran, en raison de son programme nucléaire, bien qu’il soit parfaitement
clair que l’Iran est incapable de contrer les armes nucléaires U.S. et israéliennes
avec l’armement dont il dispose. L’Iran est aujourd’hui même sous le coup d’une
attaque imminente, alors qu’aucun analyste sérieux n’estime qu’il dispose de la
moindre capacité nucléaire. En d’autres termes, il n’a aucun droit de se
défendre.
Dans le même temps, les USA et Israël peuvent s’armer jusqu’aux dents et
laisser planer la menace d’une guerre au titre de leurs impératifs de «
sécurité » et de leur droit à l’autodéfense. Leurs cibles, elles, ne sauraient
avoir ni droits légitimes ni impératifs de cet ordre. 8. Le droit d’acquérir
des armes nucléaires
Pas question, bien sûr, d’infliger à Israël la moindre sanction, que ce
soit pour son refus de signer le TNP ou pour la manière dont ce pays a, en bon
« État voyou », développé son arsenal nucléaire pendant pas moins de quarante
ans...
9. Le droit à voir leurs propres victimes civiles jugées dignes d’une compassion internationale.
Le monde entier s’est bien sûr indigné des attentats d’Al Qaeda du 11.
09. 2001, qui firent près de 3.000 victimes civiles aux États-Unis même. Pour
autant, on évoque sans grande indignation le massacre de bien plus de 3.000
civils afghans lors de raids aériens lancés en représailles contre les
attentats du 11 septembre ou celui de 127 Palestinien de Gaza, dont une
majorité – parmi lesquels un grand nombre d’enfants – étaient des civils sans
armes, au cours de « l’Opération Hot Winter » des Forces de Défense
Israéliennes (Opération Hiver Chaud, du 27 février au 10 mars 2008). Bien sûr,
il ne s’agit pas de « massacres », encore moins « d’attaques sauvages », et ces
exactions se trouvent même généralement excusées d’office par l’usage de termes
tels que « dommages collatéraux » ou « erreurs tragiques ».
Bien plus flagrant encore fut le cas de Madeleine Albright en 1996 –
alors ambassadeur U.S. auprès des Nations Unies – lorsqu’elle convint devant
les télévisions américaines que la mort d’un demi-million d’enfants de moins de
cinq ans en Irak, imputables aux « sanctions de destruction de masse » étaient
« worth it » [ndt : « valaient le coup », c'est-à-dire qu’ils « valaient la
peine d’être sacrifiés »]. Nul ne décrivit jamais cette réflexion comme une
apologie de crime de guerre ou même de « massacre ». C’est passé, dans l’Occident
judéo-chrétien et civilisé, comme une lettre à la poste…
10. Le « droit d’exister » (et d’exiger de ses victimes la reconnaissance de ce « droit d’exister »)
Ce droit fut initialement invoqué comme un outil, pour renforcer la
politique américano-israélienne de rejet d’un règlement négocié avec les
Palestiniens, de façon à pérenniser le conflit, à empêcher le traçage de
frontières définitives et à laisser aux Israéliens la possibilité de poursuivre
leur annexion des territoires palestiniens. Le comble de cet outil de
propagande qu’est le « droit à l’existence », réside dans son ambiguïté :
S’agit-il du droit à l’existence d’Israël en tant qu’État juif ? Du droit
d’être reconnu sans pour autant reconnaître le droit au retour dans leur patrie
des victimes du nettoyage ethnique (les réfugiés non juifs chassés de leurs
terres) ? Le bien-fondé de telles observations se voit largement confirmé par
le fait que le concept de « droit à l’existence » est presque exclusivement
évoqué au sujet d’Israël et non pour aucun autre État ou peuple au monde.
Note de conclusion : Droits à
une démocratie consistante
ou pure foutaise ?
Ce qui sous-tend la consolidation de ces « principes d’un Nouvel Ordre
Impérial Mondial », c’est le déclin planétaire de l’idée même de démocratie,
les élites politiques mondiales s’étant avérées parfaitement libres de faire
tout ce qui pouvait leur sembler propre à servir au mieux leurs intérêts
personnels – la sainte trinité : programme néolibéral, militarisation,
projection de puissance, ayant fait preuve de son omnipotence – au mépris d’une
opposition massive de toutes les populations de la planète.
Ce Nouvel Ordre Impérial Mondial n’est manifestement pas prêt de
disparaître de si tôt, à moins qu’il ne cause sa propre perte en allant de
lui-même droit à la catastrophe – ce qui est loin d’être improbable, au vu de
la trajectoire prise et parce que les choses ont l’air plutôt mal parties pour
s’améliorer. Sans ça, on n’en verra probablement jamais le bout tant que
l’humanité ne fera pas bloc pour cesser de se laisser mener en bateau, pour
s’organiser tant sur le plan national qu’international et pour reconquérir ses
droits.
L’article original, plus détaillé, se trouve sur :