"L'Irak est une guerre d'hier, l'Afghanistan est celle
d'aujourd'hui et, si nous n'agissons pas de manière préventive, le Yémen sera
celle de demain"Joseph Lieberman, président de la
commission du Sénat américain pour la
Sécurité,
Si ce pays, le plus pauvre du
monde arabe, accueille des djihadistes depuis les années 1980, l'emprise
d'Al-Qaïda et d'autres groupes terroristes semblent s'y être sensiblement renforcée ces derniers temps.
Depuis le mois de mars, une Conférence de dialogue
national (composée de 565 délégués, représentant les partis politiques et les
différentes composantes de la société civile) est chargée de préparer une
nouvelle constitution et d’organiser des élections présidentielles avant février
2014. Dans l’éventualité où ce processus aboutirait, ces travaux mettraient fin
à une période de transition de deux ans, initiée par le départ d’Ali Abdallah
Saleh de la présidence du pays suite à une vague de manifestations intervenue
dans le contexte du fumeux « Printemps arabe ». Le soulèvement des
Yéménites contre l’ex président Saleh était appuyé et organisé précisément par
le Qatar, avec le soutien discret de l’Occident. Le plan américano-israélien dedémantèlement du Moyen Orient suit son cours. Après le démantèlement de l’Irak,
du Soudan, de la Libye, et en attendant (espère-t-on du côté Américains+sionistes+islamistes) ceux de la Syrie et de l’Algérie,
voici maintenant le tour du Yémen.
A l’image de la Tunisie, de la Libye, et de l’Égypte,
l’Occident, ce grand défenseur de la démocratie, a gratifié le Yémen d’un
président islamiste. Abd Rabbo Mansour Hadi, issu de l’aile du régime yéménite
proche des américains, a été élu à 99,8% des voix au début de cette année 2013,
score on ne peut plus "démocratique". M. Hadi était le seul candidat pour
succéder à Ali Abdallah Saleh dans le cadre d'un accord de transition élaboré
par les monarchies du Golfe, et dont le Qatar était le maître d’œuvre. Cette
« élection virtuelle», avec un candidat unique et un bourrage éhonté
des urnes, a été boycottée dans le Yémen du Sud. Dans cette partie du pays, ni
la province de Saada (qui a proclamé son autonomie), ni les villes contrôlées
par Al-Qaïda n’ont participé.
Un pays éclaté et en guerre civile
Cette "élection virtuelle" ne résout rien dans un
pays profondément divisé.
1.
Les Nationalistes Arabes (les partisans du
président sortant qui a capitulé – en échange d’une immunité et du maintien de
ses partisans dans l’armée et l’appareil d’état - et de son « Congrès
Général du Peuple », l’ex parti dirigeant) ;
2.
Les fondamentalistes soutenus par le Qatar et les
USA (ceux du parti islamiste Al-Islah, hégémonique au sein de l'opposition),
3.
Les djihadistes d’Al-Qaïda (qui contrôlent
plusieurs villes et mènent une insurrection islamiste radicale puissante). Pour ces affidés d'Oussama Ben Laden, marginalisés en Irak et cibles, au Pakistan, des raids
quasi quotidiens des drones américains, le Yémen présente de nombreux atouts:
une économie en ruine, un pouvoir central faible, des régions entières
contrôlées par des tribus, d'autres en proie à la rébellion, des côtes
infestées de pirates... Bref, les ingrédients d'un futur État
"failli". Cerise sur un gâteau yéménite pourri, le Sud est aussi un des bastions
de la guérilla d’Al-Qaïda, qui, au Yémen, n’en est plus au stade du terrorisme
mais à celui d’une insurrection sur le modèle afghan. Fort de quelques milliers de combattants, ils ont
pris le contrôle d'une demi-douzaine de villes et considérablement augmenté
leur capacité de mobilisation dans le sud, dans l'est du pays et au nord de Sanaa.
Leur bras social, les Ansar Al-Charia, imposent dans ces villes la loi
islamique : la fameuse et sinistre charia.
4.
Au
nord, à quelque 150 km de la capitale Sanaa, la rébellion chiite du mouvement
houthi, entrée dans un cycle de violences contre l'État depuis 2004 » et
qui « a profité de la contestation pour installer une République au nord,
dans la province de Saada, qui est un quasi-État houthi de facto. Précisons en
effet que la majorité des 19 millions de Yéménites sont de confession sunnite ,
tandis que les autres appartiennent à la branche Zaydi de l’islam chiite. Le
conflit dans la province de Saada entre rebelles et forces gouvernementales soutenues par les
États-Unis se poursuit de manière intermittente depuis 2004.
5.
Au Sud, où existait la République Démocratique Populaire du Yémen (1970-1994), capitale Aden, veut aussi reprendre son
autonomie. En effet, la réunification de Nord et du Sud s’était faite par la
force en 1994, après une guerre civile sanglante et dévastatrice imposée par
Saana. Aden, l’ex capitale du Sud, qui était un port important à l’entrée de la
Mer Rouge, est, depuis la réunification, devenue un repère de pirates et de
mafiosi islamistes écumant les mers environnantes. Un Mouvement sudiste, né ces
dernières années, réclame donc l'autonomie du Sud, mais sa tendance dure,
dirigée par l'ancien vice-président Ali Salem Al-Baïd, milite pour une
sécession et s'oppose au dialogue national.
Chez les membres d’al-Hirak, le mouvement pour l’indépendance,
la réunification de 1994 est perçue comme une occupation : l’essentiel de
l’appareil de sécurité et tous les gouverneurs de provinces viennent en effet
du Nord. De plus, le mouvement est très critique envers le pouvoir de Sanaa,
condamné pour son incapacité à régler les problèmes de discrimination,
d’insécurité et de pauvreté de la région. Bien qu’il ne concentre qu’un
cinquième de la population yéménite, l’ancien Yémen du Sud, par sa production
pétrolière et grâce à la raffinerie et au port d’Aden, contribue à l’essentiel
du revenu du pays.
Le Yémen : grand exportateur de GNL
Depuis novembre 2009, le Yémen est devenu un
exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) grâce à la mise en œuvre de nouvelles
installations dans le Golfe d’Aden.
Notons également que le gaz yéménite présente bien des
avantages en matière de qualité et de localisation géographique par rapport à
ses principaux concurrents de la région (Qatar et Iran notamment, situés dans le Golfe
persique) ….
A terme, la production devrait atteindre jusqu’à 6,7
millions de tonnes par an. Le GNL devrait être exporté en Corée du sud mais
également en Europe et en Amérique du Nord. Le projet devrait générer sur 25
ans entre 30 et 40 milliards de dollars de revenus pour le Trésor du
Yémen. Au final, les exportations de GNL du pays équivaudront à 180.000
barils de pétrole par jour.
gisements de gaz et de pétrole |
Syrie, Yémen, même objectif de démantèlement
Les USA et leurs alliés , désormais déçus de ne point remporter
la guerre en Syrie changent de plan. Alors que les Yéménites continuent à
protester contre la présence des GI's à travers tout le pays, de nouveaux
contingents de marines viennent de débarquer au Yémen et d'être déployés sur la
base militaire de la province de Lahaj au sud du pays (1800 GI's). Quelques
7000 marines sont actuellement présents au Yémen.
Mais pourquoi un si vaste déploiement?
Parce que la guerre contre la Syrie se complique de jour
en jour et de nouveaux paramètres émergent. Les Américains et leurs alliés semblent être
convaincus qu'une guerre totale, mondiale, pourrait éclater et ils s'apprêtent
à y faire face. Le Yémen est un pays hautement stratégique. Le vide sécuritaire
laissé par les autorités yéménites, aussi incompétentes et inefficaces que les
autorités islamistes tunisiennes ou égyptiennes, vient d'être rempli par les
GI's accompagnés de leurs navires de guerre . Cela permettra aux Américains
d'avoir le contrôle des détroits et des passages maritimes de cette région en
prévision des combats à venir. Le Yémen contrôle, en particulier, le détroit de Bab-El-Mendeb.
Drones américains au Yémen
Selon un rapport récent des Nations Unies, rédigé par Alkarama
et Hood, il y a eu des frappes de drones américains sur le Yémen entre le 17
décembre 2009 et le 17 avril 2013 dans six différentes provinces. Ce premier
rapport s'inscrit dans le cadre d'un projet visant à documenter ces exécutions
extrajudiciaires et à appeler les autorités américaines et yéménites à ordonner
l'ouverture d'enquêtes indépendantes, d'établir la responsabilité et de juger
les responsables. Depuis la première frappe jusqu'au mois de mai 2013, il y
aurait eu entre 134 et 226 opérations militaires américaines au Yémen
comprenant des frappes par avions, par drones ou l'envoi de missiles de navires
de guerre stationnés dans le golfe d'Aden. Le nombre de morts dues à ces
assassinats ciblés est estimé à près de 1150.
Le 23 mai dernier, le président
américain Barak Obama rappelait l'objectif des « assassinats ciblés » par
frappes aériennes : non pas celui de « punir des individus » mais d' « agir
contre des terroristes qui représentent une menace continue et imminente pour
le peuple américain ». Néanmoins, non seulement la définition de « terroriste »
et de « combattant » reste problématique, mais aussi ces « cibles de haut
niveau » ne représenteraient que 2% des victimes décédées suite à ces frappes
aériennes « ciblées ». Quant à ces « terroristes », les charges retenues
contre eux restent inconnues.
Obama a en outre déclaré que la mort de civils
constitue une « risque inhérent à toutes les guerres ».
La messe est dite : un Arabe mort n'est qu'un dégât collatéral, et non un être humain.
Hannibal GENSERIC