Ne croyez pas un seul mot de ce que vous ont dit le Pentagone et la Maison-Blanche sur le « succès » des dernières frappes de missiles contre la Syrie. Une arnaque est montée contre le peuple américain et le monde. Franchement, le général Mattis et le général Dunford se sont discrédités en cautionnant ce cirque.
Si vous pouviez aller au CAOC (le centre des opérations aériennes
combinées de l’OTAN) situé dans la base aérienne d’Al Oudeid au Qatar et
parler à des officiers du CENTCOM (United States Central Command, le
commandement des forces armées des USA pour le Moyen Orient), vous
rencontreriez un mélange de dégoût, de surprise et de colère après
l’affirmation de Trump sur la « mission accomplie ». Et je parle de gens
qui étaient en faveur du président Trump. Mais Trump, avec ses
sycophantes du Pentagone et du haut commandement militaire, a dépassé
une ligne rouge dans la pensée délirante.
Pourquoi ce mécontentement ?
Il y en a au moins trois sources
- d’abord, les États-Unis ont
complètement coordonné l’attaque contre la Syrie avec les Russes ;
- ensuite, plus de la moitié des missiles tirés par les USA, la France et
la Grande-Bretagne ont été abattus par les systèmes de défense aérienne
syriens ;
- et pour finir, les experts (comme le général retraité Jack
Keane) qui insistent stupidement sur le fait imaginaire selon lequel la
Russie serait une puissance militaire de seconde zone et qu’elle ne
répliquera jamais.
Commençons par la première question, la « coordination ». Nous sommes
en contact quotidien avec les Russes pour leur dire où nous volons en
Syrie depuis presque trois ans. Qui le dit ?
L’AP :
Vols dans des cieux peu cléments
Une coalition menée par les USA bombarde des territoires
contrôlés par Daech en Syrie, avec 24 frappes lancées en ce seul jeudi
dernier, selon le commandement central des forces armées des USA. La
coalition compte quelque chose comme 60 pays, dont quelques-uns lancent
leurs propres frappes en Syrie. La Russie mène sa propre campagne de
bombardements en soutien aux forces du président Bachar el-Assad, et le
gouvernement syrien a ses propres forces aériennes et ses systèmes de
défense. Ce qui revient à un nombre important d’avions qui volent dans
un espace aérien réduit, et pose un danger pour les pilotes. En novembre
2015, par exemple, un membre de l’OTAN, la Turquie, a abattu un
chasseur de combat russe, provoquant presque une conflagration mondiale.
Pour protéger les pilotes, Moscou et Washington ont ouvert
une ligne de réduction des dangers de conflits après que la Russie ait
commencé sa campagne de bombardements en septembre 2015. Du côté des
USA, elle est opérée par le Centre des opérations combinées aériennes et
spatiales (Combined Air and Space Operations Center) hébergé dans la
vaste base aérienne d’Al Oudeid au Qatar, qui abrite les quartiers
généraux avancés de l ’US CENTCOM. Là, des contrôleurs de trafic aérien
et des officiers militaires gradés sont en contact avec leurs homologues
russes en Syrie. Ils partagent des coordonnées et autres données pour
éviter de possibles collisions ou confrontations. L’un des pilotes
américains qui mène des missions en Syrie a crédité sa sécurité à ce
système dans une récente interview accordée à l’AP.
Avec ces explications, vous pouvez dorénavant comprendre à quel point
la réponse du général Dunford, le président des chefs d’état-major
interarmées, à la question qui lui a été posée :
Q: Je veux seulement éclaircir un point sur la ligne de réduction
des dangers de conflits. Avez-vous notifié les Russes avant l’opération
sur ce que vous alliez faire et les cibles que vous alliez viser ?
Géneral Dunford : Gordon, pour être clair, les seules – les
seules communications qui ont spécifiquement eu lieu en lien avec cette
opération avant que les cibles ne soient frappées ont passé par notre
processus établi de réduction des dangers de conflits dans l’espace
aérien, une procédure en place pour toutes nos opérations en Syrie.
Traduction : Nous avons prévenu la Russie sur nos cibles. La Russie a
ensuite averti les Syriens. Les Syriens et les Russes ont évacué leur
personnel et équipements des sites-cibles. Toute affirmation des
États-Unis selon lesquelles nous aurions infligé de gros dégâts ou
détruit des infrastructures essentielles relève de la plus pure
fantasmagorie.
La deuxième question concerne le succès imaginaire des frappes
américaines de Tomahawks. Avant que le général (retraité) Mattis
n’arrive sur le podium samedi [pour le débriefing, NdT], il savait
pertinemment qu’un nombre significatif de missiles avaient été abattus
en Syrie. C’est pourquoi Mattis a conclu sa conférence de presse par les mots suivants :
« En nous fondant sur notre expérience récente, nous nous
attendons pleinement à une importante campagne de désinformation dans
les jours qui viennent de la part de ceux qui se sont alignés avec le
régime Assad. »
Comprenons qu’il faisait son travail. Il vaccinait son opération
ridicule contre les critiques légitimes à venir en soulignant simplement
que toute information contraire aux affirmations du Pentagone serait
« de la propagande ». Bien sûr, les officiers et autres employés qui
peuplent le CAOC connaissaient la vérité. Les Russes et les Syriens ne
mentaient pas quand ils affirmaient avoir abattu plus de 70 missiles
américains, britanniques et français.
Je comprends les réticences des leaders militaires américains à
admettre la vérité sur cette débâcle. Elle minerait la confiance de la
population américaine dans notre système d’armements censément
invincible et humilierait et mettrait en colère l’ado monté en graine
qui habite la Maison-Blanche. Il vaut mieux lui raconter des mensonges
et le laisser croire à des fables. Mais c’est un jeu très dangereux.
Jusqu’ici, les Russes n’ont pas consenti de bien grands efforts de
communication pour faire la lumière sur les mensonges des USA à propos
des missiles. Peut-être ont-ils choisi la discrétion, comme un bon
joueur de poker, pour ne pas montrer leur main au public américain. Un
de ces jours, Trump et compagnie vont parier une fois de trop sur une
non-réaction de la Russie et provoquer une réaction foudroyante, et la
population américaine sera brutalement tirée de sa torpeur. Ils
découvriront que les Russes ont un avantage important sur nous en
matière de défense aérienne.
Un des mes amis, un expert en la matière m’a écrit :
« Tout ingénieur en défense aérienne qui ne soit pas un fieffé
menteur admettra que les technologies de défense aérienne russes nous
ont dépassé dans les années 50 et que nous n’avons jamais été capables
de rattraper notre retard sur eux. Les systèmes qu’ils ont mis en place
autour de Moscou font ressembler nos Patriot 3 à des putains de
pistolets à bouchons. »
Finalement, il y a la question des Russes en tant que force militaire
de seconde zone déguisée en puissance mondiale. Un autre ami qui a
parlé avec des chefs militaires du CENTCOM AOR (CENTCOM area of
responsibility, zone de responsabilité du CENTCOM) m’a dit :
« Tous les commandants des forces aériennes compétents sont en
général morts de frousse à l’idée d’un combat aérien en bonne et due
forme avec un SU-30 ou n’importe quel autre chasseur de combat de pointe
russe. »
.........
Nos analystes des
renseignements sont parfaitement au fait de l’étendue des capacités
militaires déployées par les Russes en Syrie. On peut seulement espérer
que leurs mémos ne soient pas considérés comme « de la propagande » et
écartés parce qu’ils ne s’accordent pas à la version en faveur auprès
d’un Donald Trump en plein délire.
Sic Semper Tyrannis, le site du colonel américain retraité Pat
Lang, réunit des anciens officiers des forces armées et des analystes
des renseignements militaires des USA et de l’OTAN.
Par Publius Tacitus
Paru sur Sic Semper Tyrannis sous le titre Trump’s Big Flop In Syria by Publius Tacitus
Traduction Entelekheia
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