Le
dégagement politique de l’émir du Qatar, au mois de juin 2013, par voie
d’évacuation sanitaire, a été programmé par le suzerain US, contraignant le
souverain à céder son trône, en pleine gloire, en pleine force de l’âge, à son
fils cadet, le prince Tamime. Une transmission de pouvoir inédite dans les
annales des pétromonarchies gérontocratiques du Golfe.
Une
destitution comparable à celle décrétée par les Anglais dans la décennie 1950 à
l’encontre du Roi Talal de Jordanie, en faveur de son fils Hussein, plus
sensible aux intérêts de la couronne britannique; comparable aussi à celle
décrétée par les Anglais en 1970 à l’encontre du Sultan Saïd d’Oman oncle du
Sultan Qabous.
Cette
opération d’exfiltration est un dommage collatéral du conflit syrien. Cet acte
d’autorité est apparu comme un geste d’exaspération à l’égard de turbulences
qataries et de l’impuissance de l’opposition pro-atlantiste en Syrie. Plus
précisément, la sanction de l’échec d’un trublion qui aura plus que quiconque
assuré la promotion du djihadisme erratique, exacerbé l’antagonisme religieux inter-musulman
(wahhabisme contre tous les autres sunnismes, sunnisme contre shiisme),
accentué la défragmentation du monde arabe et sa soumission à l’impérialisme, tout en
plaçant le monde au bord d‘une conflagration régionale, voire mondiale.
L’éviction
de l’émir constitue la sanction de ses graves dérives tant en ce qui concerne
son ferme soutien au djihadisme agressif que sa boulimie affairiste dans ses
investissements occidentaux. Ce dégagement sans ménagement constitue une claire
démonstration du statut mineur des souverains du Golfe par rapport à leur
tuteur américain. Quoiqu’il en soit, force est de constater qu’un claquement de
doigt américain a mis un terme à l’incubateur des prédicateurs islamistes les
plus virulents, les plus insanes, tels l’égyptien Youssef Al Qaradawi et
le tunisien Rached Ghannouchi.
Le
souverain se serait en effet vu notifier son ordre de "dégager" par
un haut responsable de la CIA, dépêché spécialement par Barak Obama, suite à la
découverte dans la cache d’Oussama Ben Laden de documents attestant que le
financier d’Al-Qaïda est un citoyen du Qatar, cousin du ministre de la culture,
Hamad Al Kawari. L’oukase américain, «non négociable», aurait prescrit un
dégagement simultané de l’émir et de son Premier ministre, Hamad Ben Jassem
(HBJ).
L’envoyé
de la CIA aurait offert deux alternatives à l‘émir, soit le gel des avoirs
financiers de l’émirat dans le monde, soit sa destitution. Autrement dit, soit la
mort financière de l’émirat, soit la mort politique de l’émir, motivant cette
sanction par le fait que le tandem avait «outrepassé son rôle en Syrie et dans
son soutien au djihadisme», de même que son soutien tonitruant aux Frères
Musulmans, notoirement incompétents et corrompus, en Tunisie et en Égypte.
Sans
surprise, la manœuvre d’étranglement de l’émir avait été engagée, dès l’été
2012, avec les indiscrétions fuitées dans la presse française sur le rôle
déstabilisateur du Qatar dans le pré carré africain de la France,
particulièrement le Mali, contraignant Paris, en pleine tourmente financière, à
engager une coûteuse opération militaire en janvier 2013.
Le
premier ministre HBJ qui siège au sein de la Brookings Institution, aux côtés
de Tzipi Livni, ancien agent du Mossad et ministre des Affaires étrangères
d’Israël au moment de l’offensive israélienne contre Gaza (décembre 2008), a
tenté de faire de la résistance arguant de ses sympathies pro-israéliennes. Homme
le plus riche du Qatar après les émirs, ce triste sire, qui avait menacé
l’Algérie de connaitre le même sort que la Syrie pour son opposition à
l’exclusion de ce pays de la Ligue arabe, n’a pas trouvé grâce auprès du maître
américain.
Le
fusible Qatar pourrait ainsi apparaitre rétrospectivement comme un geste de
bonne volonté à l’égard des autres protagonistes du conflit syrien,
particulièrement le groupe BRICS, avec lequel le camp atlantiste se doit
impérativement de procéder à une redistribution des cartes sur la scène
internationale en vue de sa stabilisation, alors que les États-Unis opèrent un
redéploiement vers le Pacifique, leur terrain de compétition majeur du XXI ème
siècle, pour faire face à leur grand rival chinois.
Renvoyé
dans ses pénates, le «Deus ex Machina» de la pseudo révolution arabe est
désormais réduit au rôle de Pater familias d’une Smala de trois épouses
et de vingt-quatre enfants.
So
long Hamad et ses qatarologues de
circonstance, ses intellectuels médiatiques et ses universitaires cathodiques,
toute cette cohorte d’orientalistes de pacotille et de ses arabes de service,
orphelins d’une courte euphorie, orphelins de sa manne financière. La
destitution de l’émir du Qatar devrait sonner le glas des expéditions post coloniales
occidentales en terre arabe, dont la bataille de Syrie aura marqué la fin de
l’unilatéralisme atlantiste dans la détermination de la politique
internationale.
La
Syrie a été la première révolution au monde déclenchée en talon aiguille et
costumes cravates à coups de cartes de crédits, depuis les salons feutrés des
cénacles diplomatiques occidentaux sans le moindre coût pour Israël, l’ennemi
officiel du monde arabe, ou pour les États-Unis, son protecteur. Et le
printemps arabe, amorcé en 2011 avec la chute du Tunisien Ben Ali et de l’Égyptien
Moubarak, figurera dans les annales de l’histoire, comme la première révolution
arabe à jouir du plein appui des pétromonarchies du Golfe, parmi les plus
répressives et les plus régressives au monde.
Depuis
le début du conflit de Syrie, le 16 mars 2011, une trentaine de personnalités
de premier plan sont passés à la trappe de l’Histoire. Un chiffre auquel
il convient d’ajouter une vingtaine de journalistes, témoins de ce jeu de
massacre qui aura généré 100.000 morts en trente mois de conflit, un million de
réfugiés, autant de déplacés ainsi que des destructions de l’ordre de cent
milliards de dollars, sur fond d’un double veto russo-chinois au Conseil de
sécurité, signant par là- même, un nouveau rapport de forces régional.
Dix
ans après l’installation de la base du Centcom à Doha, deux ans après le début
du « printemps arabe », devenu l’hiver islamiste grâce aux mannes
sonnantes et trébuchantes du Bibendum qatari, cet émir fainéant emprunte le
chemin de la sortie à lui indiqué par son cerbère américain.
Et maintenant, que fait son fils, l’émir à la place de l’émir ?
1.
Il fait un appel du pied à Bachar al-Assad
L’agence
de presse ABNA nous apprend que l’émir Tamime a chargé Abbas Saki, membre du
Fatah palestinien, de remettre au président Bachar al-Assad une lettre lui
proposant de rétablir des liens entre leurs de pays. Abbas Saki a été reçu par
le président syrien le 7 octobre dernier. Toujours selon ABNA, l’émir avait
approché le président palestinien Mahmoud Abbas en août dernier pour envisager
une coopération Qatar-Palestine-Syrie.
2. Il tire sur son père puis l'embastille !
Une
véritable scène de ménage familiale avec deux acteurs principaux, Tamime Al
Thani et son père Hamad a eu lieu début octobre. L'actuel émir qatari et son
père se sont très violemment disputés au point que Tamime a perdu patience et a
tiré à bout portant sur son père"!! La dispute a éclaté au sujet de
nombreux voyages de la mère de l'actuel émir (Mozah, alias Banana Princess) et
de l'ex premier ministre Jassem Al Thani à l’étranger, voyages qui les a même
menés à Tel-Aviv. En effet, Mozah détient une usine de fabrication du vin non
loin de Tel-Aviv et c'est ce même sujet qui a vraisemblablement déclenché la
dispute.
L'ex
émir Hamad Al Thani aurait été arrêté sur l'ordre de son fils tout comme Hamad
Ben Jassem Al Thani, ex premier ministre et ministre des AE. Les deux
personnages seraient détenus dans l'une des prisons de Doha"!
A qui Ghannouchi va-t-il quémander argent et protection ? Osera-t-il s'établir, après sa chute, au Qatar comme ses filles et son gendre ? Au Qatar, le chemin entre le palais et le bagne est très court.
Hannibal GENSERIC