Le Collectif tunisien pour la défense des libertés s'est mobilisé à Paris le 9 novembre. Intellectuels, économistes, militants ont dressé le bilan des mensonges islamistes à l'heure où Ennahda, en bloquant le dialogue national, s'accroche au pouvoir et entretient une insécurité dramatique dans le pays.
Je suis rentrée de Tunisie il y a quelques jours ( mon reportage
est publié dans le Marianne n°864 en kiosque cette semaine) mais ce
pays entré en belle et douloureuse résistance me manquait tant que j'ai
pris le métro pour le retrouver à Paris, hier samedi 9 novembre. A
l'appel du collectif tunisien pour la défense des libertés, Tunisiens et
amis s'étaient en effet donné rendez-vous à l'espace Olympe de Gouges,
dans le 11ème arrondissement de la capitale, pour leurs "8 heures" de
solidarité devenues un grand moment de réflexion et de combat depuis
trois ans.
Il pleuvait, l'hiver nous tombait dessus, les nouvelles étaient mauvaises mais rien n'entamait le moral des femmes et hommes du soleil réunis dans cet endroit symbolique dédié à la lutte et au sacrifice d'une sublime féministe, Olympe assassinée par la Terreur pour avoir voulu une révolution totale qui ne mépriserait pas les femmes. Dans la grande salle tendue aux couleurs rouges de la Tunisie, il y eut des poèmes, des analyses, des témoignages, des retrouvailles entre Tunisiens de France et leurs compatriotes arrivés la veille pour raconter ce pays qui, après avoir dit non à Ben Ali, dit non à la dictature suivante: celle d'Ennahda. Le parti islamiste s'est arrangé pour bloquer le dialogue national avec l'opposition et la société civile. Il refuse de lâcher un pouvoir qui ne lui avait été donné, dans les urnes, que pour un an. "La légitimité électorale" de l'islamisme, selon l'expression consacrée, est périmée. Concrètement, les Tunisiens ont élu le 23 octobre 2011 une Assemblée chargée de rédiger une Constitution et de boucler l'affaire au bout d'un an tout juste. Depuis les élections, plus de deux années se sont écoulées qui ont vu le rouge solaire du petit pays le plus grand du monde arabe devenir rouge sang: salafisme, assassinats politiques, maquis djihadistes, et maintenant kamikazes.
Le chômage a grimpé en flèche et l'exil forcé est devenu un horizon lourd de moins d'espoirs que de dangers. Que de tragédies tunisiennes sombrant dans les flots vers Lampedusa et la fiction du sauvetage européen! Tandis que défilent sur l'écran, en toile de fond des interventions, les photos de janvier 2011, le coeur se serre. Les slogans brodaient cet espoir fou, à la mesure de l'invention révolutionnaire: " Sur les pavés, le jasmin!", " Travail, dignité, liberté"... Le jasmin s'est fané et le travail agonise.
Il pleuvait, l'hiver nous tombait dessus, les nouvelles étaient mauvaises mais rien n'entamait le moral des femmes et hommes du soleil réunis dans cet endroit symbolique dédié à la lutte et au sacrifice d'une sublime féministe, Olympe assassinée par la Terreur pour avoir voulu une révolution totale qui ne mépriserait pas les femmes. Dans la grande salle tendue aux couleurs rouges de la Tunisie, il y eut des poèmes, des analyses, des témoignages, des retrouvailles entre Tunisiens de France et leurs compatriotes arrivés la veille pour raconter ce pays qui, après avoir dit non à Ben Ali, dit non à la dictature suivante: celle d'Ennahda. Le parti islamiste s'est arrangé pour bloquer le dialogue national avec l'opposition et la société civile. Il refuse de lâcher un pouvoir qui ne lui avait été donné, dans les urnes, que pour un an. "La légitimité électorale" de l'islamisme, selon l'expression consacrée, est périmée. Concrètement, les Tunisiens ont élu le 23 octobre 2011 une Assemblée chargée de rédiger une Constitution et de boucler l'affaire au bout d'un an tout juste. Depuis les élections, plus de deux années se sont écoulées qui ont vu le rouge solaire du petit pays le plus grand du monde arabe devenir rouge sang: salafisme, assassinats politiques, maquis djihadistes, et maintenant kamikazes.
Le chômage a grimpé en flèche et l'exil forcé est devenu un horizon lourd de moins d'espoirs que de dangers. Que de tragédies tunisiennes sombrant dans les flots vers Lampedusa et la fiction du sauvetage européen! Tandis que défilent sur l'écran, en toile de fond des interventions, les photos de janvier 2011, le coeur se serre. Les slogans brodaient cet espoir fou, à la mesure de l'invention révolutionnaire: " Sur les pavés, le jasmin!", " Travail, dignité, liberté"... Le jasmin s'est fané et le travail agonise.
LE NAUFRAGE DES CLASSES MOYENNES
" Je ne veux plus parler de mon pays avec des mots malades, toutes les
données sont désuètes et ne collent plus avec notre réalité!" s'exclame
l'économiste Hedi Sraieb, dont le diagnostic succède à celui du
syndicaliste de l'UGTT, Sami Aouadi. Aouadi a rappelé l'explosion,
depuis la révolution, du secteur informel. Sraieb confirme: " Un tiers
de la Tunisie n'existe pas dans les chiffres. Mais les solutions mentent
aussi. Aujourd'hui, on emprunte pour rembourser. On nous dit que la
Tunisie est un pays de classes moyennes alors que les guichetiers des
administrations et les instituteurs s'enfoncent dans la précarité". Le
drame des diplômés chômeurs, à l'origine du soulèvement révolutionnaire,
s'est encore aggravé: les islamistes, appuyés par le pâle et inexistant
Congrès pour la république et le parti Ettakatol, qui a trahi tous ses
principes, n'ont rien fait pour guérir les plaies de Sidi Bouzid et des
régions oubliées. Ces bigots sont aussi des ultra-libéraux, ennemis
farouches du syndicalisme ouvrier et des revendications sociales. Le
bassin minier des phosphates, dans la région de Gafsa, n'a pas vu son
sort amélioré d'un seul dinar ni d'une seule embauche. Pour avancer des
solutions à la crise, Hédi Sraieb propose " une conférence entre l'UGTT (
les syndicats) et l'UTICA ( le patronat) sur les salaires". Cette
alliance est possible puisque l'UTICA et l'UGTT sont déjà côte à côte
dans l'initiative qui chapeaute le dialogue politique national.
Quoiqu'on en dise, ce n'est pas la maturité politique qui manque en
Tunisie: simplement, Ennahda et ses pitoyables alliés bloquent tout.
LES FABLES DE MONCEF MARZOUKI
La figure du président provisoire, Moncef Marzouki, est brocardée avec
amertume. L'homme a trouvé la parade pour dédouaner l'islamisme de ses
crimes. Dans une interview au Monde, il impute le salafo-djihadisme à
une manipulation de l'ancien régime! On s'y attendait: le spectre du
retour de l'ancien régime sera l'arme ultime du pouvoir en faillite.
Nous savons pourtant que le salafisme a été protégé et adulé dès
l'arrivée au pouvoir d'Ennahda. Dans ce blog, entamé dès les premiers
mois de la révolution tunisienne, j'ai tenu la chronique de ses hauts
faits barbares, accomplis en pleine complicité idéologique avec son
parrain d'Ennahda. Le fils du ministre de l'enseignement supérieur,
Moncef Ben Salem, était un des meneurs du commando salafiste qui occupa
la faculté de lettres de la Manouba et agressa son doyen Habib
Kazdaghli. Il faut absolument relire les "Chroniques du Manoubistan" (
éditions Céres) écrites par Habib Mellakh, enseignant et syndicaliste de
la Manouba. Il était là, hier, à Paris, à la tribune et dans la salle,
pour remettre les faits en place, avec son souci habituel de la
précision et de la vérité.
Bien sûr, ce que récite le provisoire Marzouki est une fable. Cherif Ferjani,essayiste et politologue, a rappelé ironiquement le passé droit d'hommiste de l'actuel locataire du palais de Carthage. " Comment comprendre que ce militant des droits humains, hier, refuse de gracier Jabeur Mejri, ce jeune homme incarcéré pour avoir publié sur son blog des caricatures de Mahomet? Marzouki a affirmé tranquillement qu'il était plus en sécurité en prison!" L'historienne Sophie Bessis précise que Marzouki a passé sa vie à fluctuer. Ce très souple compagnon de route des islamistes s'était déjà aligné sur leurs positions au sein de la ligue des droits de l'homme quand les uns et les autres étaient en exil. Sophie Bessis, qui a joué un rôle actif dans la bataille pour des institutions démocratiques dès les premiers jours qui ont suivi la révolution, ne lâche rien. Contrairement à bien d'autres figures de l'opposition, qui redoutent de heurter un pan réactionnaire et religieux de la société tunisienne, elle fait sécession, elle brave les tabous: " Aucun parti politique ne veut évoquer la situation de Jabeur Mejri, condamné à 7 ans et demi de prison! Le mot laïque est devenu un mot obscène en Tunisie dans le vocabulaire politique!"
Adel Ltifi, brillant historien lui aussi, explique, lapidaire: " A la dictature de l'Etat, sous Ben Ali, s'est substituée une dictature de la société. A l'Assemblée Constituante, j'ai entendu des députés d'Ennahda parler de façon archaïque: ils évoquaient, non pas les droits de l'homme, mais les droits que Dieu avait sur l"homme! Au contraire, et pour en sortir, nous devons absolument aujourd'hui passer de la liberté comme mot à la liberté comme concept.
NOUS DEVONS SORTIR DU NATIONAL-RELIGIEUX POUR NOUS INSCRIRE DANS L'UNIVERSEL!"
En conclusion de ces heures passionnantes, il y avait des chants et quelques danses. Mais c'est la musique de cette dernière phrase que j'ai préférée. Son rythme était celui d'une révolution tunisienne qui continue.
http://www.marianne.net/martinegozlan/Tunisie-le-terrible-bilan-des-mensonges-islamistes_a100.html
Martine GOZLAN