« Le grand nomade a les instincts
exactement inverses [de ceux du sédentaire]. Politiquement, c'est un
anarchiste, un nihiliste, il a une préférence profonde pour le désordre qui lui
ouvre des perspectives. C'est le destructeur, le négateur »
Dans (Histoire et historiens de
l'Algérie, p. 31). Par Émile-Félix Gautier ( 1864 - 1940),
géographe et ethnographe français, spécialiste de l'Afrique du Nord.
On croit reconnaître ici les islamistes
tunisiens, dignes héritiers des nomades arabes.
1. Les Maghrébins avant la conquête arabe
Les pays du Maghreb ont pris
la lointaine succession d’une Africa qui, à la fin de l’Antiquité, a appartenu successivement, pour
ses parties citadine et côtière, aux cultures punico-berbère puis latino-berbère. Par contre, dans les zones intérieures, la population était restée de
culture berbère. Remarquons d’abord que la greffe punique a massivement pris
sur la population berbère des villes et des zones côtières alors que la greffe
latine n’a que peu réussi, malgré sept siècles de présence continue. Afin de
faire connaissance avec nos ancêtres de cette époque, que les Arabes appelaient
africains au « afariqa », et qu’on appelle généralement Berbères, citons Ibn
Khaldoun (lequel se considérait comme arabe et non comme berbère). Il
écrit :
« Citons les vertus qui font honneur à l'homme et qui étaient
devenues pour les Berbères une seconde nature; leur empressement à s'acquérir
des qualités louables, la noblesse d'âme qui les porta au premier rang parmi
les nations, les actions par lesquelles ils méritèrent les louanges de
l'univers, bravoure et promptitude à défendre leurs hôtes et clients, fidélité
aux promesses, aux engagements et aux traités, patience dans l'adversité,
fermeté dans les grandes afflictions, douceur de caractère, indulgence pour les
défauts d'autrui, éloignement pour la vengeance, bonté pour les malheureux,
respect pour les vieillards et les hommes dévots, empressement à soulager les
infortunés ; industrie, hospitalité, charité, magnanimité, haine de
l'oppression, valeur déployée contre les empires qui les menaçaient, victoires
remportées sur les princes de la terre, dévouement à la cause de Dieu et de sa
religion; voilà, pour les Berbères, une foule de titres à une haute
illustration. » .
Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique Septentrionale
(1378), Ibn Khaldoun (trad. M. De Slane), éd. Imprimerie du
Gouvernement, 1852, t. 1, p. 200
2- La conquête arabe
Le premier événement historique qui bouleversa la
structure sociologique du monde maghrébin fut la conquête arabe. Celle-ci se
présente d’abord comme une suite d’opérations exclusivement militaires, dans
lesquelles le goût du lucre (razzias) se mêlait à l’esprit missionnaire. En
bref, les conquérants arabes, peu nombreux, ne trouvèrent pas en face d’eux un
État prêt à résister à une invasion, mais des opposants successifs : le patrice
byzantin, puis des chefs berbères, principautés après royaumes, tribus après
confédérations. Quant à la population citadine, de culture punico-berbère, elle
resta enfermée dans les murs de ses villes. Bien que fort nombreuse, elle n’a
ni la possibilité ni la volonté de résister longtemps à ces nouveaux maîtres.
La capitation imposée par les Arabes (un impôt nommé en arabe « kharaj »),
n’était guère plus lourde que les exigences du fisc byzantin. L’Ifriqya
fut donc facilement conquise.
2.1. La conversion
L’islamisation se fit à un rythme bien plus rapide que
l'arabisation. L’Ifriqya devient musulmane en moins de deux siècles
(VII-VIIIème siècles), alors qu’elle n’est pas encore arabisée, treize siècles
après la première conquête arabe.
L’islamisation et la toute première arabisation furent
d’abord citadines. La religion des conquérants s’implanta dans les villes
anciennes que visitaient des missionnaires guerriers puis des "docteurs"
voyageurs, rompus aux discussions théologiques. La création de villes
nouvelles, véritables centres religieux comme Kairouan, première fondation
musulmane (670), et Fez, création d’Idriss II (809), contribua à implanter
solidement l’Islam aux deux extrémités du pays. La conversion des Berbères des
campagnes, essentiellement Sanhadja et Zénètes, se fit facilement. Ils étaient
déjà préparés au monothéisme de l’Islam par le Christianisme. Quoi qu’il en
soit, la conversion des chefs de fédérations, souvent plus pour des raisons
politiques et économiques, que par conviction, répandit l’Islam dans le peuple.
Pour pouvoir profiter des gains et
des prébendes, en ces temps tumultueux et incertains, il valait mieux se
déclarer arabe et musulman, être du côté des vainqueurs et des maîtres. On voit
le même phénomène en Tunisie de nos jours : ceux qui veulent profiter des
postes de direction et des prébendes qui vont avec, ceux qui veulent caser les
membres de leurs familles, se découvrent, soudain, islamistes.
Cette mentalité s’est incrustée dans la mémoire
collective de beaucoup de Maghrébins depuis cette époque : se déclarer
arabo-musulman signifiait être du côté des maîtres, des chefs, des prédateurs.
Ils ont oublié qu'ils ne sont que (musta’aribine), c'est à dire des
"arabisés", des non Arabes qui se prennent pour des Arabes.
Les
Arabes du Moyen Orient le savent et le répètent: les Maghrébins ne sont pas Arabes. Parmi les pays actuels, dans le monde entier,
les seuls pays qui qui refusent d'utiliser les chiffres arabes sont les pays
arabes du Moyen-Orient. Pourquoi ? Parce que ces chiffres arabes ont été conçus au
Maghreb, à Kairouan, Bougie et Fez. Ils préfèrent donc utiliser les chiffres
indiens ou persans, pour bien montrer aux Maghrébins qu'ils ne sont pas arabes.
D'où une schizophrénie collective.
Personnellement, par ces temps qui courent, je ne trouve aucun honneur à se
proclamer Arabe : regardez dans quel état lamentable se trouve le monde dit
arabe : guerres de religion, attentats, népotisme, dictature, sous
développement, archaïsme, j'en passe et des pires.
2.2. Les mécanismes de l’arabisation.
L’arabisation suivit d’autres voies, bien qu’elle fût
préparée par l’obligation de prononcer en arabe les quelques phrases
essentielles d’adhésion à l’islam. Pendant la première période (VII –XIème
siècles), l’arabisation linguistique et culturelle fut d’abord essentiellement
citadine.
De nos jours, aucun Maghrébin ne parle arabe à sa
naissance, ni n’utilise l’arabe comme langue courante (d’ailleurs aucun Arabe
ne parle l’arabe des livres et des journaux). Pour les citadins, l’arabisation
s’est résumée à l’introduction, plus ou moins importante, de mots arabes dans
le langage courant, le maghrébi, basé sur le punico-berbère. D’origine
punico-sémitique, le maghrébi est très voisin de l’arabe, ce qui
explique la facilité avec laquelle les citadins ont intégré des rajouts arabes
dans leur langue courante. Pour les ruraux berbérophones, l’arabisation a
consisté à l’abandon de la langue berbère au profit du maghrébi,
rejoignant ainsi les citadins.
Dans l’article intitulé « la langue tunisienne
d’hier à aujourd’hui », nous avons vu que le maghribi (ou darija) a
un substrat punique qui perdure de nos jours. Nous avons aussi vu, dans
l’article intitulé « parenté punico arabe » que la langue arabe
littérale d’aujourd’hui et la langue punique d’il y a 3000 ans avaient une
étroite parenté. Il est donc tout à fait naturel que la population maghrébine
des zones côtières et des villes, qui parlait punique depuis le premier
millénaire avant J.C., n’ait trouvé aucune difficulté à parler arabe, langue
voisine et héritière de la langue punico-phénicienne.
3. Les invasions barbares
Partis
de leur capitale Mahdia, et aidés par les berbères Sanhaja, les Fatimides
conquièrent l’Égypte et établissent leur capitale au Caire (973). Ils laissent
le gouvernement du Maghreb à leur lieutenant, Bologgin Ibn Ziri. De cette
décision, qui paraissait sage et qui laissait la direction du pays à une
dynastie berbère, devait naître la pire catastrophe
que connut
le Maghreb dans sa très longue histoire. En trois générations, les
Zirides relâchent leurs liens de vassalité à l’égard du calife fatimide. Pour
punir cette sécession, le calife fatimide «donna» le Maghreb aux tribus béduoines
et sauvages arabes qui avaient émigré de Syrie et d’Arabie et qui
nomadisaient en Haute Égypte. Les Béni Hilal, bientôt suivis des Béni Soleïm, pénètrent en Ifriqiya en 1051, il y a
presque mille ans. Ces tribus occupent un pays
ouvert, regroupent leurs forces pour s’emparer des villes qu’elles pillent
systématiquement, puis se dispersent à nouveau, portant plus loin pillage et
désolation. Dès leur arrivée, les Hilaliens s'étaient attaqués aux vastes
terres de parcours qui s'étendaient en Ifriqiya, de Tozeur et du Djérid
tunisien jusqu'au sud oranais, refoulant du même coup les berbères Zénètes vers le Tell. Quant aux agriculteurs sédentaires,
ils voyaient les troupeaux des intrus dévaster leurs cultures, saccageant leurs
jardins. Leurs villages pillés, ils étaient contraints d'aller chercher leur
sécurité dans les cités fortifiées. Les
citadins eux-mêmes devaient recourir aux « envahisseurs » pour
garantir, à haut prix, leur sécurité et leur ravitaillement : des méthodes
qu'on qualifierait de maffieuses de nos jours. Naguère
vertes et prospères, les plaines algériennes et tunisiennes se désertifient
rapidement. Elles ne reverdiront plus jamais.
Mais bien qu’ils aient pillé Kairouan, Mahdia, Tunis et les
principales villes d’Ifriqiya, bien qu’Ibn Khaldoun les ait dépeints comme une
armée de sauterelles détruisant tout sur son passage, ces hordes sauvages (Béni
Hilal, Béni Soleïm et plus tard les Béni Ma’qil) furent bien plus dangereuses par les ferments
d’anarchie qu’ils introduisirent au Maghreb et
qui continuent de nos jours, sous la forme de hordes islamistes tout aussi
sauvages qu’incultes : wahhabites, jihadistes, salafistes,
fissistes, nahdhaouis, aqmistes, et autres barbicus
islamicus.
Par la double pression
des migrations pastorales et des actions guerrières accompagnées de pillages,
d’incendies ou de simples chapardages, la marée nomade qui, désormais,
s’identifie, dans la plus grande partie du Maghreb, avec l’arabo-islamisme
bédouin, s’étend sans cesse, gangrène les États, efface la vie sédentaire des plaines. Le Maghreb
ne s’en remettra jamais.
Kairouan, Tunisie 2012 |
Mille ans après, de nouvelles invasions barbares submergent le
Maghreb. Au prix de centaines de milliers de morts, l’Algérie a pu y résister.
Dignes héritiers de ces hordes bédouines arabes, les islamistes mettent des
pays maghrébins (Tunisie, Libye) en coupe réglée, aidés en cela par les
esclavagistes arabes du Golfe, sous la protection de l’Axe du Mal Washington /
Tel-Aviv. En Tunisie, les villes côtières, autrefois prospères, se
clochardisent de plus en plus. Le touriste se fait rare. L'économie périclite.
L’insécurité, le vol à la tire ou sous la menace d’armes blanches, les
agressions de type maffieux y sont quotidiens, sous l’œil goguenard d'une
police amorphe, voire complice. La saleté et les détritus de toute nature
jonchent le sol. Les régions à l'origine de la pseudo révolution (en réalité, un coup d'état islamiste, ourdi avec la CIA) sont encore plus à
l'abandon que sous le précédent régime. C’est sur cette accumulation de misère
et d’immondices que l’islamisme prospère ; car être islamiste aujourd’hui,
c’est avoir le statut de l’hilalien d’antan.
Voir aussi : La darija, langue du Maghreb
Hannibal Genséric