Boutheina Ferchiou. Universitaire tunisienne.
Récit recueilli et restitué par Sami Ben Mansour sur www.webda.tn
Crédit photo : Boutheina Ferchiou
Témoignage de
Mercredi 28 novembre avec deux amies nous avons décidé de quitter
Tunis et de nous rendre à Siliana pour comprendre ce qui s'y passe. La
route vers Siliana était totalement déserte. Pas âme qui vive. Pas un
seul policier ou membre de la garde nationale. Au bout de trois heures
nous étions à l'entrée de Siliana.
Une police livrée à elle-même
Beaucoup de policiers rôdaient et personne ne nous a abordé ou parlé.
Peu après, de jeunes policiers nous ont interpellé pour nous demander
où nous allions. Nous avons répondu que nous étions des membres d'une
association qui voulait aider les habitants de Siliana. Ils nous ont
tout de suite découragé de pénétrer dans la ville car on allait être
attaqué par les pierres des manifestants et la grenaille des policiers
dont ils disent en avoir eux-même été victimes. Les jeunes policiers
avaient l'air angoissés, voire paniqués. Visiblement ils manquaient
d'expérience et semblaient abandonnés à eux-mêmes. J'ai connu beaucoup
de manifestations et n'ai jamais vu autant de confusion et de
désorganisation dans les rangs de la police. Nous pouvions avancer sans
être interpellées ou inquiétées jusqu'à ce qu'un policier un peu plus
âgé est venu sérieusement nous mettre en garde contre le danger d'entrer
dans Siliana. Puis tout d'un coup des véhicules et deux bus de la
police commençaient à bouger et un jeune policier nous a demandé de
suivre le cortège pour être en sécurité. Apeurées, nous avions quand
même pris la décision de suivre le convoi de la police.
La ville sous le contrôle des manifestants
A
première vue, la ville semblait encerclée par les forces de l'ordre. En
réalité, Siliana était tenue par les manifestants qui empêchaient le
moindre policier d'y entrer. La police tentait des assauts répétés sans
grand succès. En voyant la fumée et les heurts nous avons rebroussé
chemin. Les affrontements faisaient rage entre les jeunes et les
policiers. La grande majorité de manifestants était des lycéens et
certains étaient même très jeunes. Parfois des gamins de 14 ans. Nous
avons tenté une deuxième incursion à Siliana à partir de la zone
industrielle qui ne comptait en fait qu'une seule usine. Preuve du
dénuement de cette région. Nous avons pu finalement entrer au niveau du
quartier populaire de la Cité Ennozha en contrebas de la ville
où se déroulait le gros des affrontements. Des femmes et des vieux
assistaient de loin au spectacle des hostilités. Des jeunes renvoyaient
promptement aux policiers les bombes lacrymogènes qu'ils leurs tiraient
dessus.
"Vive Ben Ali !"
Les habitants, dont certains étaient très remontés contre Ennahdha,
scandaient des slogans insultant le parti islamiste et se lamentaient
ouvertement d'avoir voté pour lui en disant "qu'il (Ennahdha) a profité (rekbet) de la révolution". Certains disaient même que c'était mieux sous Ben Ali. Auxquels d'autres répondaient par des "Vive Ben Ali !" qui fusaient ici et là. Parfois des "Vive Hamma !
(Hammami)". Suite à quelques échanges avec des habitants, on nous a
expliqué que ce sont les chômeurs et les jeunes qui se sont soulevés
contre le gouverneur, responsable d'avoir négligé les problèmes sociaux
de la région. Les gens à Siliana pensent que le gouverneur nommé par
Ennahdha est incompétent "avec pour seule expérience 13 années de
prison". Et qu'il ne fait absolument rien pour la région. Le budget
d'investissement prévu pour le développement de Siliana n'a jamais été
mis en application. Le gouverneur était aussi accusé par les habitants
d'avoir accordé des postes administratifs au gouvernorat à "ses amis d'Ennahdha".
L'UGTT a revendiqué le déblocage des crédits de développement mais rien
n'a été fait. C'est pour cela que le syndicat a appelé à la grève
générale qui a été le facteur déclencheur de la révolte populaire à
Siliana. Un jeune de 16 ans, en voulait visiblement à l'UGTT qui, selon
lui, a abandonné les jeunes face à la police après avoir organisé les
protestations. Il était clairement avéré que les manifestations sont le
fruit d'un ras-le-bol général contre la marginalisation de toute une
région totalement défavorisée. Tout au long de notre passage à Siliana
nous avons constaté l'absence criarde d'infrastructures. Les routes sont
dans un état lamentable et un pont écroulé durant les dernières
inondations n'a jamais été réparé. Siliana est une région abandonnée.
"La police nous tire dessus comme des lapins"
Les habitants nous ont aussi raconté que la police leur tirait dessus "comme des lapins"
et visait délibérément et sans avertissement le haut du corps, en
particulier les yeux et la tête. Nous nous sommes donc rendus à
l'hôpital de Siliana protégées par des jeunes qui ont levé les barrages
pour nous laisser passer. Cela m'a rappelée l'ambiance des jours qui ont
suivi le 14 janvier lorsque les tunisiens se sont solidarisés pour
assurer seuls la sécurité de leurs quartiers en l'absence de la police. A
l'hôpital, le personnel était désespéré et complètement sous le choc
des évènements. Le gardien est venu vers nous en hurlant : "Ici c'est
Gaza, ici c'est Gaza !" Un ophtalmologiste a accouru nous prenant pour
des médecins. Puis il nous a raconté qu'ils avaient reçu dans la journée
19 cas de citoyens touchés par la grenaille qui ont perdu
définitivement la vue. Les blessés ont ensuite été acheminés par
ambulance vers les hôpitaux de Tunis. Puis le médecin nous a conduit aux
urgences. L'ambiance était assez chaotique et il y avait beaucoup de
blessés par la grenaille sur tout le corps et sur le visage. Des membres
des familles des blessées disaient que "même du temps de Ben Ali, ils
n'ont pas subi de telles atrocités" et que "(Ariel) Sharon (ancien
premier ministre israélien) n'oserait pas faire ça !" L'ophtalmologiste
et une infirmière nous ont raconté que l'hôpital a été attaqué la veille
par une quarantaine de membres de la Brigade de l'ordre public (Bop)
qui ont soudainement fait irruption dans le bâtiment en frappant sans
distinction blessés, accompagnants et personnel jusqu'à arriver à la
salle d'opération. L'infirmière, visiblement traumatisée, a dit n'avoir
jamais vécu une chose pareille ! Ensuite des vagues de blessés
arrivaient les unes après les autres. Dans le dernier groupe il y avait
beaucoup de femmes. Une jeune fille dont le visage était totalement
recouvert de grenailles et une dame d'une cinquantaine d'années est
arrivée en boitant, nous a dit qu'elle a été violemment matraquée par la
police. A côté, un jeune, dans tous ses états, racontait comment il
voulait sauver un gamin de 10 ans atteint par la grenaille. En courant
avec le gamin dans les bras, ce dernier a été encore directement visé
par une autre salve de grenailles.
"Ici c'est très dangereux. Il faut partir..."
Le personnel de l'hôpital nous dit que la situation devenait de plus
en plus dangereuse. Et nous conseille de rentrer par Bargou pour éviter
de traverser la ville de Siliana, où la situation restait très tendue.
Nous avons pris la route où nous n'avons rencontré aucun policier.
Arrivées à Bargou, nous avons découvert que la ville était totalement
entre les mains des jeunes, des lycéens pour la plupart, avec une
absence totale de la police. Des pneus enflammés faisaient office de
barrages. Un gamin de 10 ans nous a conduit sur un chemin détourné pour
contourner le village et éviter les barrages cernés par les flammes. Sur
la route, nous avons croisé des jeunes manifestants qui s'agitaient en
nous exhortant à partir. A la sortie de Bargou nous rencontrons un autre
barrage tenu par des gamins de 14, 15 ans qui nous ont laissé passer
tout en nous mettant en garde contre le risque de braquages. Nous avons
réussi à regagner Tunis en cours de soirée. Saines et sauves, sans
dégâts. Après une journée bouleversante à Siliana.
Récit recueilli et restitué par Sami Ben Mansour sur www.webda.tn
Crédit photo : Boutheina Ferchiou
"Même si je devais perdre mon autre œil, je le referais"
Aimen Bolhi
© FRANCE 24
Aimen Bolhi est Tunisien. Blessé à l’œil par des chevrotines
lors des manifestations violemment réprimées en novembre à Siliana, en
Tunisie, il a été opéré à Paris. Amer, il revient sur ces événements qui
resteront gravés dans son esprit.
Par Gaëlle LE ROUX
L’œil droit d’Aimen Bolhi est masqué par une épaisse gaze,
protégée par une coque de plastique. L’homme de 31 ans ne sourit que
rarement. Son visage est grave. Il porte encore les stigmates des
nombreuses décharges de chevrotine qui l’ont touché au visage le 28
novembre dernier à Siliana, en Tunisie, lors d’une manifestation. À la
fin de l’automne, cette ville déshéritée de 25 000 habitants, située à
140 kilomètres au sud-ouest de Tunis, a été le théâtre de violents affrontements entre une jeunesse en quête d’avenir et les forces de l’ordre.
"Il
s’agissait d’une manifestation pacifique, un appel au développement de
la région de Siliana", raconte Aimen à FRANCE 24. Dans la ville, l’homme
possède un restaurant, une boutique de vêtements et gère le marché
hebdomadaire. Environ 70 personnes travaillent pour lui. "Cette région
est très pauvre, et le gouvernement ne s’en préoccupe absolument pas",
poursuit-il. "Nous avons décrété une grève générale, mais dès le premier
jour de notre manifestation, nous avons été accueillis à coups de gaz
lacrymogène. Les policiers ont frappé tout le monde. Enfants,
vieillards… Ils n’ont épargné personne. Nous, on voulait juste que
Siliana ne soit pas oubliée par les pouvoirs publics", ajoute l’homme,
animé par une colère sourde.
"Le but des policiers était clairement de nous blesser"
Au matin du deuxième jour de manifestation, l’atmosphère se tend
davantage. Le nombre de policiers mobilisés est encore plus important
que la veille, raconte-t-il. Mais les manifestants persistent et vont
crier leur colère sous les fenêtres du gouvernorat. "Quand les policiers
sont arrivés, tout le monde a pris la fuite, témoigne-t-il. Mais ils
ont quand même lancé des gaz lacrymogènes. Trois d’entre eux avaient des
fusils à chevrotine. Ils ont tiré dans la foule en fuite. Sans
considération, ils visaient les manifestants au visage, pas aux jambes.
Leur but n’était pas de nous disperser : nous l’étions déjà. Leur but
était clairement de nous blesser". C’est à ce moment qu’Aimen a été
touché. En plein visage.
Il a d’abord été hospitalisé à Siliana, puis soigné dans un hôpital
spécialisé en ophtalmologie à Tunis. Face à la gravité de ses blessures,
le gouvernement tunisien l’a finalement envoyé au Val-de-Grâce, à
Paris, où il a subi plusieurs opérations de l’œil. "J’ai rencontré le
ministre [tunisien, ndlr] de la Santé sur un plateau télé. Il a dit
'pour que tes yeux soient sauvés, je t’envoie en France'", raconte
Aimen. Quatre blessés de Siliana, sur la vingtaine qui ont été touchés
aux yeux, sont transférés. Mais trop tard. Quand ils arrivent à Paris,
vingt-cinq jours se sont écoulés depuis ce sanglant jour de novembre.
Les lésions oculaires sont désormais trop graves pour pouvoir être
soignées. Tous ont perdu la vue de leur œil blessé. Le plus jeune est
âgé de 15 ans.
"L’État ne veut pas que cette affaire prenne trop d’ampleur"
Malgré
le pessimisme des médecins, Aimen garde un espoir : un ophtalmologue
belge hautement renommé qui, paraît-il, fait des miracles. Encore
faut-il que le gouvernement tunisien accepte de prendre en charge une
consultation, et l’éventuelle opération. "Je veux que le gouvernement
tunisien fasse tout son possible pour que je puisse retrouver la vue. Il
a le devoir de prendre en charge le traitement de A à Z", poursuit
l’homme. Mais son beau-frère Tarek, qui l’accueille en France, n’y croit
pas vraiment : "Le gouvernement n’a pas envoyé quelques blessés à Paris
pour les soigner, mais pour calmer Siliana", assure-t-il.
Il en donne pour preuve la précipitation avec laquelle les trois
autres Tunisiens blessés et soignés à Paris ont été rapatriés, quelques
heures seulement après avoir subi des opérations. "Toute cette
précipitation s’explique par le fait que cette affaire va être
médiatisée, estime Aimen Bolhi. Les citoyens tunisiens ne peuvent pas,
et ne vont pas laisser passer ça. L’État a voulu faire taire les
rumeurs, il a voulu éviter que cette affaire prenne trop d’ampleur, donc
il a fait mine de s’occuper des blessés. Mais en réalité, il ne les a
pas pris en charge comme il faut".
S'il sait que les chances de retrouver la vue sont faibles, Aimen
lutte pour conserver son optimisme. "Il faut espérer le changement en
Tunisie, assure-t-il. Je veux rentrer au pays dans la fierté et la
dignité". Mais le dépit et l’amertume sont prégnants. Notamment dans la
fiole qu’il triture constamment entre ses mains, dans laquelle tinte le
dernier plomb ôté de son œil, mais également dans ses mots, durs à
l’égard de son pays. "La révolution [qui a abouti, le 14 janvier 2011, à
la chute du dictateur Ben Ali, ndlr] n’a rien changé. C’est même pire
qu’avant. Je n’aurais jamais pensé que ça, tirer sur les manifestants,
puisse arriver maintenant. C’est comme un retour en arrière",
lâche-t-il. "Mais je ne regrette pas d’avoir manifesté. Il faut que les
conditions de vie changent à Siliana. Et même si je devais perdre mon
autre œil, je le referais".
QUI BLOQUE DES PROJETS AGRICOLES ET INDUSTRIELS INTÉGRÉS À 650 MILLIONS DE DINARS PRÉVU À SILIANA( MACTARIS TROIS PREMIERS SIÈCLES DE L'ÈRE CHRÉTIENNE) ?
RépondreSupprimerUNE RÉGION AGRICOLE,MILITANTE DEPUIS PLUS DE 70 ANS AU MOINS, LES DERNIÈRES MANIFESTATIONS PACIFIQUES ONT ÉTÉ RÉPRIMANDÉES EN NOVEMBRE 2012 AVEC BEAUCOUP DE VIOLENCE , LE CHÔMAGE QUI TOUCHE PLUS DE 23% DE LA POPULATION , LE TAUX DE PAUVRETÉ EST LE PLUS ÉLEVÉ SOIT DANS LES 50% DE LA POPULATION.
UNE OPPORTUNITÉ TUNISIA HOLDING A ANNONCÉ UN PROJET " MACTARIS" À SILIANA , DEPUIS UN ANS LES INVESTISSEURS SONT EN ATTENTE DES AUTORISATIONS DE L'ANCE, CE PROJET ENGLOBE L'AGRICULTURE FOURRAGÈRE,L'ÉLEVAGE OVIN ET AVICOLE!
IL EST PRÉVU LA RÉALISATION D'UN ABATTOIR DOTÉ D'UNE UNITÉ DE TRANSFORMATION DE VIANDE BLANCHE ET ROUGE, AINSI QUE LA CRÉATION D'UNE CENTRALE LAITIÈRE ET DE BOISSONS ........
AUSSI, L'IMPLANTATION D'UNE SEMOULERIE, DE NOUVELLE GÉNÉRATION, DIGNE DE LA PRODUCTION CÉRÉALIÈRE DE LA RÉGION, AVEC TOUTE L'INDUSTRIE ANNEXE QUI EN DÉCOULE !!!!!
SELON MR NEJIB DEROUICHE DIRECTEUR GÉNERAL DE TUNISIA HOLDING, LE PROJET OBÉIT AUX STANDARDS INTERNATIONAUX ET PRÉVOIT AUSSI UNE DIMENSION D'ÉCOTOURISME EN HARMONIE DES RICHESSES DE LA RÉGION EN PIEDS D'OLIVIERS !!!
JE NE SUIS PAS DE SILIANA, JE NE CONNAIS PAS LES INVESTISSEURS, MAIS J'AI BEAUCOUP D'AMIS DE CETTE RÉGION, EN PARTICULIER CEUX DANS DES CONDITIONS ÉCONOMIQUES, SOCIALES FRAGILES, JE M'INDIGNE POUR EUX ET JE M'INQUIÈTE POUR MON BEAU PAYS !!! CAR IL EST IMPÉRATIF DE SÉPARER L'ÉCONOMIQUE , DU POLITIQUE , DE RATTACHER LES GRANDS PROJETS À UNE HAUTE COMMISSION INDÉPENDANTE DES PARTIS POLITIQUES §§§
YA TOUNSI FIIK FIIK ERREJIAAA TKAOUER BIIK !!! IL EST URGENT DE LANCER DES PROJETS DE GRANDE ENVERGURE " BON COURAGE À VOUS ET VOS BONNES INTENTIONS
MR NEJIB DEROUICHE - LA PRESSE DE TUNISIE PAGE 9 - SAMEDI 30 À MARS 2013 "