Les similitudes de l’Egypte et de l’Algérie sont fortes. Deux projets de société s’y opposent frontalement.
La rue en est le miroir parfait. L’un, totalitaire, tire la société
entière vers le passé, le second, démocratique, est celui de l’avenir et
de l’ouverture aux valeurs universelles. Il est revendiqué par
l’immense majorité du peuple.
Pendant longtemps on a voulu occulter le fait que l’Egypte a été le berceau de la modernité et de l’ouverture aux valeurs universelles dès le XIXe siècle déjà avec les penseurs modernes, tels Fahmi, Abdel Razik ou Shaaraoui et que ce n’est qu’à partir des années 1920 que les Frères musulmans s’y sont implantés suite au coup de pouce des colons britanniques qui voyaient d’un mauvais œil la montée du sentiment national égyptien. Deux siècles plus tard, le même combat continue, celui de l’ouverture contre l’obscurantisme, des valeurs universelles contre la clôture des «constantes nationales», du progrès contre la régression !
Pendant longtemps on a voulu occulter le fait que l’Egypte a été le berceau de la modernité et de l’ouverture aux valeurs universelles dès le XIXe siècle déjà avec les penseurs modernes, tels Fahmi, Abdel Razik ou Shaaraoui et que ce n’est qu’à partir des années 1920 que les Frères musulmans s’y sont implantés suite au coup de pouce des colons britanniques qui voyaient d’un mauvais œil la montée du sentiment national égyptien. Deux siècles plus tard, le même combat continue, celui de l’ouverture contre l’obscurantisme, des valeurs universelles contre la clôture des «constantes nationales», du progrès contre la régression !
Aujourd’hui, l’Egypte comme beaucoup de pays arabes et africains, est
traversée par des forces antagoniques et contradictoires qui sont la
cause des bouleversements actuels. Ces mouvements de grande ampleur ont
une portée historique parce qu’ils détruisent de nombreux clichés. Ceux
qui ont cru que l’Egypte était tombée définitivement dans l’escarcelle
des Frères musulmans et qu’il est dans «la nature» des Nord-Africains et
des Moyen-Orientaux d’être réfractaires à la démocratie en ont eu pour
leur compte, ceux qui ont fait mine de ne pas voir que la démocratie
avait des adeptes aussi dans cet Orient «assoupi» en sont pour leurs
frais. On ne peut plus ne pas voir ces marées humaines en résistance et
on ne peut plus ignorer ce formidable mouvement pétitionnaire porté par
des millions de voix.
Si les armées turque et syrienne n’avaient pas eu aussi ce caractère républicain, il y a belle lurette que les salafistes auraient hissé la bannière noire de l’islamisme à Istanbul et Damas.
Si les armées turque et syrienne n’avaient pas eu aussi ce caractère républicain, il y a belle lurette que les salafistes auraient hissé la bannière noire de l’islamisme à Istanbul et Damas.
La situation de l’Egypte nous interpelle car l’enjeu des luttes qui s’y
déroulent nous concerne au premier chef. Le projet de société en est la
pierre angulaire. Je pense que nos sociétés aspirent à un mieux-être et
nos jeunes rêvent de plus en plus de vivre comme dans n’importe quel
pays européen. Pourquoi ne pas jouir alors des mêmes libertés et des
mêmes droits qu’ailleurs, se disent aujourd’hui Egyptiens et Algériens ?
Evidemment, les Frères musulmans ne l’entendent pas de cette oreille et
veulent organiser la société selon les canons d’un islam dont ils
prétendent être les dépositaires exclusifs. Tant que le nœud gordien
n’est pas tranché, il n’y aura aucune stabilité et le cap vers la
modernité ne sera jamais pris. Autrement dit tant qu’on n’aura pas
séparé le religieux du politique !
L’Egypte a eu tort de faire confiance à la mouvance islamiste en
l’impliquant dans la normalisation de la vie politique après la chute de
Moubarak, d’autant qu’elle n’a pas été à l’initiative de la
«révolution». En l’acceptant dans l’échiquier politique et en faisant un
parti légal, l’Egypte voulait-elle se convaincre une fois pour toutes
de la loyauté du partenaire islamiste quant au respect des normes
démocratiques ? On touche là à une question centrale et transversale à
toutes les sociétés de culture musulmane ! Heureusement que l’armée est
intervenue pour mettre un coup d’arrêt à une dérive totalitaire.
Face au totalitarisme de l’islamisme politique, la République est toujours en position de légitime défense
Des courants politiques tendent à présenter Morsi comme un Président
«standard», ouvert au débat et à la négociation, alors qu’il est un
redoutable dictateur et tente d’accréditer la thèse selon laquelle la
responsabilité de l’effusion de sang en Egypte incombe à l’armée. Pour
ma part, la seule chose dont je suis sûr est que la violence est d’abord
et avant tout l’essence de l’islamisme politique.
Le retour de l’armée à la scène politique est le corollaire direct de la course effrénée de Morsi vers la confiscation totale du pouvoir et du chaos qui en a résulté. Je me réjouis de cette correction de tir, d’autant que l’Algérie sait très bien ce qu’est l’islamisme politique et son rejeton, le terrorisme.
Le retour de l’armée à la scène politique est le corollaire direct de la course effrénée de Morsi vers la confiscation totale du pouvoir et du chaos qui en a résulté. Je me réjouis de cette correction de tir, d’autant que l’Algérie sait très bien ce qu’est l’islamisme politique et son rejeton, le terrorisme.
L’Algérie a enduré les pires souffrances, vécu l’innommable et nous
continuons à en payer un lourd tribut jusqu’à aujourd’hui. L’islamisme a
érigé sa terreur sur une montagne de cadavres et un torrent de sang
malgré toutes les lois de clémence et ce bilan macabre, aucune
Algérienne, ni Algérien n’est près de l’oublier. Mais après tout,
pourquoi devrais-je prendre des gants pour apporter mon soutien à
l’armée égyptienne quand je sais que le Qatar, l’Arabie Saoudite et la
Turquie sous la houlette de l’Occident au vu et su de tout le monde ne
lésinent sur aucun moyen pour intervenir militairement et asseoir des
pouvoirs islamistes fantoches en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ? La
liberté coûte très cher et il faut ou se résigner à vivre sans elle ou
se décider à payer son prix.
Toute négociation avec Morsi était superflue et il fallait à tout prix
rompre avec un processus suicidaire pour tenter de remettre l’Egypte sur
les rails de la démocratie. Le monopole de la violence revient
légalement à l’armée. Or, le sang coule depuis bien longtemps en Egypte
et ce sont les islamistes qui sont à l’origine de tous les attentats qui
sont menés contre les citoyens, notamment les femmes, les représentants
de la puissance publique, les touristes, les coptes et les églises.
Je ne m’empêcherais pas aussi de vous rappeler que les islamistes n’ont pas hésité un seul instant pour exécuter un militant de la laïcité d’envergure, l’intellectuel Farag Foda en 1992 et poignarder en 1994 … le prix Nobel de littérature, l’immense Naguib Mahfouz !
Je ne m’empêcherais pas aussi de vous rappeler que les islamistes n’ont pas hésité un seul instant pour exécuter un militant de la laïcité d’envergure, l’intellectuel Farag Foda en 1992 et poignarder en 1994 … le prix Nobel de littérature, l’immense Naguib Mahfouz !
La démocratie, c’est d’abord des valeurs universelles
La notion de démocratie n’est pas comprise de façon univoque par
toutes et tous et selon la façon dont on l’entend, elle peut donner lieu
à des conclusions tout à fait contradictoires. Elle a été souvent
galvaudée et détournée de son sens. C’est pourquoi, elle mérite un
éclairage particulier. Qu’est ce qu’un processus démocratique ? Toute la
question donc est de savoir si le processus électoral tel qu’il s’est
déroulé en Egypte a été démocratique ou pas.
La démocratie, de mon point de vue ne se résume pas uniquement à un
décompte et à un bilan de voix. Un scrutin régulier, donc une procédure
et une arithmétique aussi parfaites soient-elles, à elles seules n’ont
pas vocation à conférer un caractère démocratique à une élection donnée.
L’exemple des communales de 90 et des législatives de 91 en Algérie est
notoire, où un parti fasciste, le FIS, a été autorisé à participer aux
élections. Ce sont d’ailleurs ces «élections» criminelles qui ont servi
au FIS de tremplin pour se lancer dans une guerre meurtrière contre le
peuple.
En réalité, un processus électoral n’est démocratique que si la
régularité du scrutin repose aussi sur des valeurs qui consacrent les
libertés individuelles et collectives et prônent l’égalité des femmes et
des hommes.
Rien n’est plus fragile que la démocratie. Dans les vieilles démocraties, il existe des garde-fous pour la protéger. En Allemagne par exemple, les lois sont claires à cet égard et la participation aux élections n’est pas ouverte à tout vent et au tout venant. Le règlement interdit purement et simplement toute expression et toute participation aux élections des partis d’obédience fasciste. Ainsi, la perspective d’un scrutin réellement démocratique ne met en concurrence que des partis démocrates. C’est ce qui devrait prévaloir partout. En Egypte, le parti des Frères musulmans est à des années-lumière de la démocratie et n’a jamais caché son intention d’abattre la transition politique en cours.
Rien n’est plus fragile que la démocratie. Dans les vieilles démocraties, il existe des garde-fous pour la protéger. En Allemagne par exemple, les lois sont claires à cet égard et la participation aux élections n’est pas ouverte à tout vent et au tout venant. Le règlement interdit purement et simplement toute expression et toute participation aux élections des partis d’obédience fasciste. Ainsi, la perspective d’un scrutin réellement démocratique ne met en concurrence que des partis démocrates. C’est ce qui devrait prévaloir partout. En Egypte, le parti des Frères musulmans est à des années-lumière de la démocratie et n’a jamais caché son intention d’abattre la transition politique en cours.
L’écueil principal à l’émergence de la démocratie : la sous-estimation du danger de l’islamisme politique
Evidemment le pré-requis à la démocratie, c’est la laïcité. La question
est clairement posée dans tous les pays de culture musulmane. Les
événements sont suffisamment édifiants aujourd’hui pour s’en convaincre
et ce n’est pas un hasard si l’islamisme politique en est le premier
ennemi. Un pas de géant sera franchi lorsque les luttes des démocrates
tendront vers un objectif unique : la concrétisation de la République
laïque. D’où la nécessité de disqualifier les partis islamistes, mais
voyez-vous, le système pour des raisons évidentes, est dans la
compromission avec eux. Ce qui à ce jour a inhibé toutes les tentatives
de démocratisation en Algérie.
D’autre part, il y a une sous-estimation du danger de «l’islamisme
modéré» de la part des démocrates. Certains considèrent que les partis
islamistes «modérés» sont démocratisables et qu’il faut juste éliminer
les «radicaux» tout en caressant dans le sens du poil les «modérés» pour
que la paix civile revienne. Ce qui est bien sûr une contrevérité
puisque l’islamisme assassine et poursuit sa démonstration de force
jusqu’à présent, comme il vient de le faire en assassinant quatre
militaires à Tipaza et deux policiers à Tizi-Ouzou et ce, à la veille de
la visite du chef du gouvernement !
En fait, les deux visages de l’islamisme, « pacifique» et «violent»,
appartiennent à la même matrice idéologique. L’islamisme «modéré» n’est
pas la démocratie chrétienne. Mais en Egypte, on semble s’accommoder y
compris des salafistes. Ce qui est surréaliste !
Tout cela est visiblement un jeu politicien qui indique que l’on est prêt en Egypte à toute sorte de compromission avec l’islamisme politique. On croit pouvoir diviser la mouvance pour l’affaiblir et lui damer le pion de l’initiative. Quelle naïveté politique ! Pourtant, l’expérience algérienne et de façon plus générale l’expérience mondiale apportent la preuve tous les jours qu’il ne suffit pas de combattre le terrorisme islamiste pour éradiquer l’idéologie qui le porte. Encore faut-il s’attaquer à ses causes et s’inscrire résolument dans le projet de société laïque. C’est précisément cette leçon que doivent garder en mémoire nos amis démocrates égyptiens. Aucun espace d’expression ne doit être laissé à l’islamisme !
Tout cela est visiblement un jeu politicien qui indique que l’on est prêt en Egypte à toute sorte de compromission avec l’islamisme politique. On croit pouvoir diviser la mouvance pour l’affaiblir et lui damer le pion de l’initiative. Quelle naïveté politique ! Pourtant, l’expérience algérienne et de façon plus générale l’expérience mondiale apportent la preuve tous les jours qu’il ne suffit pas de combattre le terrorisme islamiste pour éradiquer l’idéologie qui le porte. Encore faut-il s’attaquer à ses causes et s’inscrire résolument dans le projet de société laïque. C’est précisément cette leçon que doivent garder en mémoire nos amis démocrates égyptiens. Aucun espace d’expression ne doit être laissé à l’islamisme !
L’islamisme politique n’est pas en déclin
On semble surtout oublier que l’islamisme politique est une machine de
guerre qu’il est difficile de mettre hors d’état de nuire d’un simple
revers de la main. Il dispose de moyens matériels et humains
considérables, sans commune mesure avec ceux dont disposent tous les
courants démocrates réunis. Son nerf de la guerre, pétro-wahabbite pour
l’essentiel, à lui seul donne une idée précise de ses capacités
financières mais aussi de sa puissance de feu.
Il a aussi compris de façon précoce l’importance stratégique de la
communication. Sa propagande est d’une efficacité terrifiante. Elle est
relayée par les instruments de communication les plus porteurs et les
plus modernes du moment. En témoigne son porte flambeau, El Jazeera dont
le rayon d’action est planétaire. Les chaînes de télévision branchées
du style Ikra’a, dédiées aux prêches religieux en direction des jeunes
spécialement, ont essaimé dans tous les pays arabes.
Ses sites internet pullulent sur la Toile. Les capacités de nuisance de cet ennemi retors ne s’arrêtent pas là. Il a aussi fait main basse sur le réseau des mosquées. Ce qui lui permet d’entretenir un état de mobilisation permanent et de semer son poison dans la société par les prêches.
Ses sites internet pullulent sur la Toile. Les capacités de nuisance de cet ennemi retors ne s’arrêtent pas là. Il a aussi fait main basse sur le réseau des mosquées. Ce qui lui permet d’entretenir un état de mobilisation permanent et de semer son poison dans la société par les prêches.
«L’islamisme modéré» laisse croire en permanence qu’il se prête au jeu
démocratique mais en fait, il s’agit pour lui d’une tactique élaborée
qui lui permet de rester en embuscade avant de fondre sur sa proie au
moment qu’il jugera opportun. Au fond, il y a chez une partie des
démocrates comme une croyance en cette vieille lune qu’est la
«régression féconde», mais voyez-vous, cela fait 34 ans qu’on attend que
le régime théocratique tombe en Iran ! De tous les dangers, le plus
grand est de sous-estimer son ennemi.
Le système actuel est la négation de toute perspective d’essor de l’Algérie
Nous avons perdu trop de temps ! En Algérie, l’islamisme politique a
été battu militairement grâce à la riposte de l’ANP et au soutien
populaire, mais à ce jour, aucune issue politique n’a pu être dessinée
pour ouvrir la voie à la démocratie. Bien au contraire, les risques les
plus grands pèsent sur son avenir.
Au lieu de s’engager vers de véritables réformes, le pouvoir passe son temps à louvoyer et à courtiser les islamistes pour se maintenir en course. L’Algérie aurait pu se saisir de cette opportunité exceptionnelle qu’est la crise financière mondiale, pour se placer dans la division internationale du travail et se servir de son levier financier exceptionnel pour prendre une sérieuse option en matière de développement.
Au lieu de s’engager vers de véritables réformes, le pouvoir passe son temps à louvoyer et à courtiser les islamistes pour se maintenir en course. L’Algérie aurait pu se saisir de cette opportunité exceptionnelle qu’est la crise financière mondiale, pour se placer dans la division internationale du travail et se servir de son levier financier exceptionnel pour prendre une sérieuse option en matière de développement.
Au lieu de prendre le cap de la modernité, le pouvoir s’est fourvoyé
dans la loi sur la «Rahma», la pseudo «concorde civile» et la prétendue
«réconciliation nationale» tandis que la société n’attendait qu’une
chose : la libération de cette camisole de force qu’est l’islamisme
politique.
Est-il possible de croire un seul instant à l’émergence d’une société démocratique aussi longtemps que la mosquée reste une tribune politique, le porte-voix de mots d’ordre assassins et que l’Ecole continue d’être sacrifiée sur l’autel du dressage pour faire de nos enfants les kamikazes de demain, sans parler de l’abrutissement des citoyennes et des citoyens par des médias lourds caporalisés ? Au lieu du langage de la vérité qui élève à la conscience politique et invite à la mobilisation de l’effort de toutes et de tous, le pouvoir a préféré et préfère jouer avec le feu du populisme et de la paix sociale. L’heure n’est plus aux demi-solutions. La démocratie ne s’accommode pas de saupoudrages de circonstance qui ne sont en fait que des remake de temps révolus. L’heure aujourd’hui est aux ruptures et je ne cesserais jamais de le dire : sans laïcité il n’y a pas de démocratie.
Est-il possible de croire un seul instant à l’émergence d’une société démocratique aussi longtemps que la mosquée reste une tribune politique, le porte-voix de mots d’ordre assassins et que l’Ecole continue d’être sacrifiée sur l’autel du dressage pour faire de nos enfants les kamikazes de demain, sans parler de l’abrutissement des citoyennes et des citoyens par des médias lourds caporalisés ? Au lieu du langage de la vérité qui élève à la conscience politique et invite à la mobilisation de l’effort de toutes et de tous, le pouvoir a préféré et préfère jouer avec le feu du populisme et de la paix sociale. L’heure n’est plus aux demi-solutions. La démocratie ne s’accommode pas de saupoudrages de circonstance qui ne sont en fait que des remake de temps révolus. L’heure aujourd’hui est aux ruptures et je ne cesserais jamais de le dire : sans laïcité il n’y a pas de démocratie.
L’Algérie ne sortira de l’ornière de la crise qu’à la condition de
mettre un terme définitif au système maffieux actuel et de refonder la
classe politique sur une base réellement démocratique, faute de quoi la
voie restera ouverte à toutes les dérives totalitaires et à l’éclatement de l’Algérie.