Le roi Abdallah est mort à 90 ans. Il avait survécu à deux autres
princes héritiers. Son successeur est Salman, déjà âgé de 79 ans, et il
ne peut pas s’attendre à survivre guère plus d’une décennie. Et à 69
ans, le nouveau prince héritier Muqrin n’est pas un poulet de printemps.
Ces vieillards peuvent-ils continuer à diriger un des pays les plus
riches au monde sans qu’une révolution ne survienne ?
Combien de temps nos dirigeants occidentaux vont-ils continuer à
flatter, caresser dans le sens du poil – et armer – ces autocrates
riches comme Crésus ? Avant que ceux-ci ne paraissent aussi pitoyables à
leurs propres concitoyens qu’aux Arabes qui ont à supporter le code
moral wahhabite d’Arabie Saoudite – l’extrémisme anti-apostat le plus
puriste incarné dans une famille dirigeante de quelques milliers
d’individus dont le culte sectaire a été fondé par un prédicateur
violent au 18ème siècle ? Vous rappelez-vous des Talibans ? Et sur ce
terrain-là, d’Oussama ben Laden ?
Abdullah était « franc et avait le courage de ses convictions », nous
a dit Obama. Il avait un « engagement pour la paix » et « une meilleure
compréhension entre les religions », a déclaré notre Cameron. Tout cela
est dit d’un homme dont le royaume décapite des dizaines de personnes
chaque année à l’issue de procès qui ne respectent aucune des normes
reconnues d’équité, dans lesquels une femme birmane a été traînée à
travers les rues de la Mecque ce mois-ci, hurlant son innocence du
meurtre de son beau-fils, pour finalement avoir sa tête coupée par un
bourreau du gouvernement, qui a eu besoin de s’y prendre à trois fois
avec son épée pour la décapiter. Assurément, c’est cela un engagement
pour la paix et la compréhension interconfessionnelle…
Mais il y a un autre aspect d’Abdullah qui était tout à son honneur,
mais naturellement laissé de côté à cause de notre propre histoire
d’amour avec Israël – son offre continue de paix avec Israël et la
reconnaissance arabe complète de notre premier allié, en échange d’un
État palestinien et d’un retrait militaire israélien de l’ensemble de
Gaza, de la Cisjordanie et du Golan. En un mot, l’application de la
résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies numéro 242, plus une
nouvelle et pacifique « Palestine » arabe. « Un diable d’accord »,
comme le président Bill Clinton l’avait qualifié quand Abdullah – alors
prince héritier – avait divulgué son plan en 2002.
Le malheureux John Kerry lui a donné sa bénédiction – un baiser de la
mort, peut-être, mais au moins un signe de sa reconnaissance
perpétuelle. Même le Tarzan militaire égyptien, le général-président
Abdel-Fattah Al-Sisi, a demandé un renouveau de cette idée de plan.
Benjamin Netanyahu aurait parlé du « potentiel » de l’initiative – bien
que son acharnement à détruire toute possibilité d’un quelconque État
palestinien en volant toujours plus de terres arabes en Cisjordanie,
empêche qu’on le prenne au sérieux.
Le mieux qu’Obama pouvait produire sur le sujet cette semaine a été
de déblatérer sur les « mesures audacieuses » proposées par Abdullah,
sans préciser de quelles « mesures » il était question. Les élections
israéliennes – comme les élections américaines, d’ailleurs – sont trop
proches pour que le leader de la première superpuissance mondiale (pour
encore combien de temps ?) puisse avoir un langage plus courageux que
cela…
Le roi d'Arabie saoudite, Salman ben Abdelaziz al-Saoud (centre), aux funérailles de son frère et prédécesseur Abdallah |
Dans ses derniers jours, les incapacités physiques du précédent roi
Fahd étaient devenues évidentes pour tous ceux qui le connaissaient.
Abdullah aurait été sénile, et son successeur Salman calomnié dans les
heures qui ont suivi sa prise de fonction comme souffrant de démence.
Mais ces types sont rusés. Ils savent comment la succession doit être
décidée en privé, comment mille princes royaux doivent être subornés et
soudoyés et favorisés, tout en gérant la richesse tirée du pétrole avec
le style wahhabite et sa version État islamique EI), et sous une justice
aux yeux bandés.
Ainsi les présidents américains pouvaient louer la magnanimité de la
sagesse du royaume wahhabite tandis qu’un comité au Pentagone écoutait
un expert de la société Rand décrire l’Arabie Saoudite après les
attentats du 9/11 comme « un noyau du mal au Moyen-Orient ». Ainsi au
Liban, le roi mort pouvait être appelé un « chevalier arabe » –
qualificatif normal de la part des sunnites qui ont bénéficié des
largesses du royaume – alors que dans les zones contrôlées par l’EI, sa
disparition a été accueillie comme une preuve supplémentaire de la
désintégration de la Maison des Saoud. Après avoir perdu sa citoyenneté,
Ben Laden avait le même but de détruire la monarchie. Peut-être
avait-il été désireux de la couronne de l’Arabie pour lui-même.
Les défenseurs d’Abdullah étaient légion – et la plupart du temps
bien rémunérés – et nous allons beaucoup les entendre dans les prochains
jours. Ils parleront de sa « modernité » et de son encouragement pour
l’éducation des femmes, sa réduction des « fatwas » religieuses, son
octroi d’un peu d’espace pour les critiques. Ces défenseurs espèrent que
les coups de fouet aux blogueurs resteront hors de vue du public
pendant un certain temps.
En 2011, Abdullah avait à juste titre peur des révolutions arabes,
envoyant ses troupes pour écraser la dissidence chiite à Bahreïn tout en
promettant de distribuer près de 300 milliards de livres sterling en
bourses d’études, nouvelles infrastructures, logements publics et
allocations de chômage à son propre peuple pour acheter sa tranquillité.
Mais l’âge rétrécit la monarchie. La dernière famille directe du
fondateur du royaume a maintenant vieilli – le Prince héritier Muqrin
est lui-même le plus jeune fils survivant du roi Abdulaziz – et la
révolution qui menace la monarchie ne viendra pas d’Iran. Ni de la
propre minorité chiite de l’Arabie Saoudite, ni des wahhabites armés par
le pays… Elle viendra de l’intérieur de la famille royale.
Le nouveau roi Salman : un soutien important d’Al-Qaïda
Le nouveau roi d’Arabie Saoudite, Salman bin Abdulaziz al Saud (ci-contre avec Hollande), devrait, selon toute vraisemblance, régner en suivant une orientation religieuse encore plus sectaire dans le
Wahabisme, et en s’efforçant de limiter l’effet des
quelques timides réformes initiées par l’ex-roi Abdallah.
C'est l’implication de Salman dans le
financement du 11/9 et d’autres actes terroristes qui contraint Obama à refuser de déclassifier les 28 pages
censurées du rapport du Comité du Renseignement du Sénat
publié en 2002 au sujet des failles des services de renseignement
autour de ces attentats. En effet, en tant que gouverneur de Riyad à l’époque, le nom de Salman apparait comme l’un des « gros poissons »
dans ces 28 pages censurées du rapport.
En 2006,
les chefs de l’opposition démocratique saoudienne en Grande-Bretagne
ont dénoncé Salman, en l’accusant de fournir du matériel et de l’assistance aux
réseaux d’al-Qaïda opérant en Afghanistan, et ce, avant et après le
11-Septembre. Ces chefs de l’opposition ont révélé que les
membres d’al-Qaïda se rendaient fréquemment à Riyad en route vers le
Pakistan et ensuite les régions de l’Afghanistan contrôlées par les
Talibans. Ces informateurs saoudiens ont aussi révélé que
le bureau du gouverneur Salman payait en cash les hôtels et les trajets de ces membres d’al-Qaïda.
Il ne fait aucun doute que les
activités de Salman en lien avec al-Qaïda étaient connues de la CIA,
laquelle a donné son accord
à l’envoi par l’Arabie Saoudite de combattants arabes pour aider les
troupes de Moudjahidines depuis les tout premiers jours de l’engagement
de l’Agence aux côtés des djihadistes dans le but de
renverser le gouvernement socialiste en Afghanistan.
Peu de temps avant son mystérieux décès en Écosse en 2005, l’ex-ministre britannique des Affaires étrangères, Robin
Cook, avait écrit dans The Guardian, qu’al-Qaïda était une base de données de la CIA contenant les noms de mercenaires, de financiers et d’interlocuteurs de la
CIA, qui tous combattaient les Soviétiques en Afghanistan :
«Dans
les années 1980, [Oussama Ben Laden] était armé et financé par les
Saoudiens pour déchainer le djihad contre l’occupation
russe en Afghanistan. Al-Qaïda [sic], littéralement “la base de
données”, était initialement le nom du fichier informatique contenant
les noms des milliers de Moudjahidins recrutés et entrainés
avec l’aide de la CIA pour aller se battre contre les Russes. »
Après
qu’un prince saoudien et proche parent du conseiller en chef
du Roi Salman, le Prince Mohammed Bin Nayef , aussi
appelé simplement “Nayef”, eut été arrêté en France pour trafic de
cocaïne en 1999, le ministre saoudien de l’Intérieur informa
Paris en 2000 que si la France inculpait le jeune prince Nayef, un
contrat lucratif de 7 milliards de dollars pour des radars militaires,
connu sous le nom de Projet SBGDP (“Garde Frontière”)
avec la société française Thales, serait annulé.
Le trafic de cocaïne organisé par Nayef servait, selon un document confidentiel de la DEA américaine (Drug Enforcement
Administration), à financer al-Qaïda en Afghanistan.
L’argent
de la drogue pour financer les réseaux terroristes d’al-Qaïda en
Afghanistan et au Pakistan, une interprétation stricte du Coran dans le futur gouvernement d’Arabie Saoudite, le retour à la
très redoutée police religieuse, la « mutaween », et la répression contre les opposants légitimes et les
dissidents internes en Arabie Saoudite : voilà l’héritage que la gouvernance du Roi Salman lègue à l’Arabie Saoudite. Hollande-La-Honte
François Hollande, a « salué » dans la nuit de jeudi à vendredi « la mémoire » du roi Abdallah d'Arabie Saoudite,
« un homme d’État dont l’action a profondément marqué l’histoire de son
pays et dont la vision d’une paix juste et durable au Moyen-Orient
reste plus que jamais d’actualité », selon le communiqué de l’Élysée ...
Mieux, le Président Hollande s'est rendu en personne à Riyad ,
en Arabie Saoudite, une théocratie ultra rigoriste, dans laquelle les
femmes ne peuvent pas conduire et dans laquelle les blogueurs peuvent
être condamnés à mille coup de fouets pour "insulte à l'islam" et
pour avoir écrit "Free Saudi Liberal"
Comment peut-on aller faire la guerre contre l’État Islamique en
Irak et au Levant MAIS aller saluer la mémoire d'Abdallah d'Arabie
Saoudite ? Ne pouvait-il pas envoyer au mieux un ambassadeur ou un
fonctionnaire lambda quelconque ? On ne souvient pas du fait que
Hollande ait assisté aux obsèques de Margaret Thatcher (décédée le 8
avril 2013) ou à celle de la Reine Fabiola de Belgique (décédée le 5
décembre 2014) ?
Hollande vient de donner raison à tous les djihadistes du monde, eux qui, entre autres, dénoncent l'hypocrisie et les doubles discours occidentaux.
Hannibal GENSERIC