samedi 23 juin 2012

Le Terrorisme islamiste ne date pas de ce siècle


Vers l'an 1000, un chef de secte chiite ismaélienne, les Nizârites, crée une organisation terroriste à l'échelle du Moyen Orient : les Assassins, et invente les attentats kamikazes. Mille ans plus tard, un autre chef de secte sunnite wahhabite, Ben Laden, crée, avec la CIA, une organisation terroriste similaire : Al-Qaïda, qui n'hésite pas non plus à utiliser des kamikazes.  A mille ans d'intervalle, qu'y a-t-il de commun entre ces deux organisations ?
Bref rappel historique
La secte des Assassins fut créée au XIe siècle par Hassan Sabbah (1034-1124), natif de la ville de Qom (Iran). Originaire d'une famille aisée chiîte, il devient très rapidement un érudit et se convertit au Nizârisme, secte chiîte ismaélienne. Hassan installe son centre opérationnel à la forteresse inexpugnable d'Alamout, qui signifie, en dialecte local, "nid de l'aigle". Situé à 2000 m d’altitude,  au nord de l’Iran.

L’ordre des Assassins était divisé en trois classes, les daïs, les reficks, et les fédaviés (fidayins en arabe). Les daïs étaient les prédicants, chargés de convertir les infidèles, c'est à dire les non ismaéliens. Les reficks étaient les compagnons, les initiés de la doctrine. Les fédaviés (Fédayins en Arabe) étaient les kamikazes, instruments des volontés et des vengeances de leur maître, appelé aussi le Seigneur de la Montagne. La puissance des Assassins s’étendit depuis la Méditerranée (Syrie, Irak) jusqu’au fond du Turkestan. Pendant 150 années, ils entretinrent une continuelle terreur dans l’âme de tous les souverains de l’Asie musulmane. Bien que la propagande des Assassins ait été principalement orientée contre les Croisés (Les croisades ont duré de 1095 à 1291), leurs coups étaient portés essentiellement contre les musulmans. On a même des documents des Templiers (publiés sur Internet), attestant de contacts et d’alliances entre Croisés et Assassins, contre des régimes musulmans d’alors, dont celui de Salah Eddine El-Ayoubi ou Saladin (1138-1193). Les Assassins ne succombèrent que sous les coups des Mongols en 1258. Recherchés dans toute l’Asie musulmane, ils furent impitoyablement massacrés. Habitués à la clandestinité, ils ne furent jamais totalement exterminés. Il en existerait encore aujourd’hui en Iran, en Afghanistan, au Pakistan, au Liban et en Syrie (chez les Druzes).

Pour certains historiens, le nom d’«Assassins» proviendrait de «hashashine», qui signifie consommateurs de haschich, une drogue que le kamikaze consomme avant d'accomplir son forfait. Pour d’autres, du prénom Hassan, d’où les Hassanites, déformé en Assassins. Pour d’autres enfin, ce mot proviendrait de «Assassiyine», qui signifie fondamentalistes en Arabe, car les Nizârites se voulaient des fondamentalistes. Les Croisés Francs auraient déformé «Assassiyine» en Assassins.
Ce qui est saisissant, ce sont les similitudes qui apparaissent lorsque l’on étudie le parcours d’Hassan Sabbah (et de ses successeurs) et qu’on le compare avec celui d’Oussama ben Laden. Le réseau Al-Qaïda de Ben Laden ressemble fort à la secte de Sabbah. Les méthodes sont à peu près les mêmes avec une sacralisation du crime que renforcent des promesses d’un paradis autant garanti qu'illusoire.
C’est très vraisemblablement la nature sectaire de l’islam qui aboutit à des comportements qui se reproduisent au fil du temps. Religion sans véritable clergé, l’islam permet à n’importe quel meneur d’hommes de s’ériger en « fakih » (docteur de la foi), en « commandeur des croyants, voire en Compagnon du Prophète (C'est le cas d'un certain cheikh tunisien, 14 siècles plus tard).  Ces individus, avides de pouvoir, ont su se servir de cette caractéristique pour mener des guerres présumées «saintes» et commettre des crimes odieux au nom d’Allah.
1. Les convergences entre Hassan et Oussama
A la lecture de leurs textes de référence, "les Occidentaux sont des non croyants, des impies, des mécréants, et les éliminer est une bonne chose". L'objectif avoué étant l'expansion d'un Islam revu et corrigé sur toute la planète.
1.1. L’aspect. On peut facilement remarquer la ressemblance entre la représentation d’Hassan et la photo d’Oussama. Tous deux portent une longue barbe, ainsi qu’un habit traditionnel et un turban. 
1.2. La représentation. Hassan vivait dans la forteresse d’Alamout. On représentait souvent Hassan du haut de sa montagne, un poignard à la main (arme de prédilection des Assassins), afin de montrer sa force et le danger constant qu’il représentait. Ben Laden, quant à lui, se montre le plus souvent au fond d’une caverne ou dans un lieu inexpugnable, une kalachnikov à proximité. Tous deux ne se montrent que peu.
1.3. La situation familiale. Tous deux sont fils de commerçants venus s’installer dans le pays et ayant réussi. Le père d’Hassan était un riche marchand d’origine iranienne, et celui d’Oussama un grand promoteur immobilier d’origine yéménite. Tous deux ont renoncé à la vie facile que leur donnait leur naissance.
1.4. L’ambition et la force d’organisation. On retrouve chez ces deux personnages des talents d’organisateurs nés. Hassan a créé ex-nihilo une communauté en très peu de temps (prise d’Alamout en 1090, premier assassinat en 1092). Oussama s’occupe de la logistique des moujahiddines afghans pendant la guerre contre les Russes, puis parvient à créer une organisation terroriste des plus efficaces. Tous deux pensent être investis d’un dessein grandiose, le renouveau du Califat fatimide pour Hassan, la restauration du Califat sunnite pour Oussama.
1.5. Alliances de circonstance. Les deux n’hésitent pas à contracter des alliances avec les infidèles. Hassan s’allie avec les Croisés Francs, Oussama avec les Occidentaux, surtout Américains. Mais ce ne sont que des alliés de circonstance, meurtre du Comte Raymond II de Tripoli, puis de Conrad de Monferrat par les Assassins. Attentats antiaméricains pour  Al-Qaïda.
1.6. Actions et acteurs, terreur. Hassan a dit : "quand nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille ». Tous deux souhaitent maintenir un climat de terreur constante, être partout et nulle part. La menace doit être omniprésente.
Il semble qu’Hassan et Oussama aient une emprise totale sur les membres de leur organisation. La tradition veut que les Assassins vouent une adoration égale à leur chef et à leur dieu. Jusqu’à maintenant, un seul membre d’Al-Qaïda a témoigné contre son chef. Outre la personnalité des fondateurs, leurs modes opératoires se ressemblent. Les meurtres sont savamment et méthodiquement préparés sur des cibles symboliques devant frapper les esprits (meurtre de dignitaires pour Hassan, World Trade Center, et le Pentagone pour Oussama). Ces actions ont, mutatis mutandis, la même finalité : inspirer la peur par l’inéluctabilité de l’acte et déstabiliser les gouvernants. Les Seljoukides, des Turcs qui gouvernaient alors l’Iran, ne se sont jamais remis de la mort de Nizâm El Moulk (Grand Vizir, l’équivalent du Premier Ministre), assassiné par un kamikaze envoyé par Hassan, et le président Bush a admis la création un gouvernement américain secret afin de parer à une éventuelle vacance du pouvoir, causée par un acte terroriste d'Al-Qaïda contre lui-même et ses ministres.
1.7. Martyrs et sacrifices. Hassan a dit : "il ne suffit pas d'exécuter et de terroriser, il faut aussi savoir mourir, car si en tuant nous décourageons nos ennemis d'entreprendre quoi que ce soit contre nous, en mourant de la façon la plus courageuse, nous forçons l'admiration de la foule. Et de cette foule, des hommes sortiront pour se joindre à nous". L'esprit de martyr et de sacrifice des Assassins était tel qu'une fois l'assassinat réalisé, leurs auteurs ne cherchaient pas à fuir, ils se laissaient attraper pour être lynchés par les gardes ou la foule avec la joie de rencontrer Dieu prochainement. Les kamikazes d’Al-Qaïda ou du Jihad islamique sont des jeunes gens prêts à mourir pour la cause qu’ils croient juste, avec la même promesse de paradis garanti.
1.8. Stratégie de la terreur. Hassan entretient une peur continuelle auprès des souverains, nul ne sait quand il frappera la prochaine fois, le but est de maintenir un climat de terreur constant.  Al-Qaïda ne semble pas avoir un calendrier fondé sur une stratégie politique précise, mais au contraire une vision activiste et opportuniste : frapper à tout moment et en tout lieu pour maintenir un climat de terreur : Irak, Libye, Algérie, Mali, Afghanistan, Pakistan, etc.
1.9. La longévité et la crainte inspirée par l’image donnée. Ces deux organisations terroristes démontrent toutes deux un potentiel de longévité, pourtant aucune d’elles n’a vraiment réussi à s’octroyer le pouvoir recherché. Cette longévité provient très certainement d’une image dont bénéficient ces deux organisations. Cependant certains pensent que le réseau  Al-Qaïda ne serait presque plus tangible, et que ce ne serait que le label d’Al-Qaïda qui survivrait. Toutes deux font très peur, car leurs acteurs donnent leur vie et sont prêts à tout sacrifier pour ces causes.
- Le nom de Hassan inspirait la crainte, il est redouté jusqu’en Europe. Il a beaucoup de charisme, et sa personne focalise de nombreuses légendes qui ne font qu’alimenter la sinistre réputation du groupe. L’assassinat du Grand Vizir fait d’Hassan une personne célèbre et redoutée.  La secte représente une légende, une fascination. Les Assassins ont longtemps profité de leur réputation pour maintenir cette situation de supériorité.
- Quant à  Al-Qaïda, certains ont même dit que cette organisation est maintenant dissoute. Nous n’en croyons rien. Plusieurs groupes se réclamant d’Al-Qaïda sont actifs en Libye, en Tunisie, en Algérie, au Mali, au Niger et ailleurs. Ces groupes permettent au « label »  Al-Qaïda de survivre, car ce label permet un impact maximum à l’action entreprise.
2. Les divergences

2.1 Divergences religieuses. Hassan est un chiite ismaélien. Ses ennemis sont pour une large part les sunnites alors qu’Oussama est sunnite wahhabite, mouvement qui a toujours lutté avec la plus grande virulence contre les chiites. La philosophie d’Hassan n’a jamais été universelle. La secte a pour vocation de renverser le pouvoir Seljoukide pour faciliter le renouveau chiite, alors qu’Oussama se déclare pour le jihad contre les juifs et les croisés accusés d’avoir pollué la terre sainte. Hassan travaille pour le Califat fatimide, alors qu’Oussama, comme les islamistes tunisiens,  veut ressusciter le califat sunnite. 
2.2. Structures et stratégies. La secte des Assassins est, de part l’objectif fixé, régionale (Moyen Orient). Le recrutement se fait au sein des ismaéliens en général et des habitants du massif de l’Elbourz en particulier. Al Qaïda recrute dans l’ensemble du monde sunnite, des banlieues de Lyon ou de Londres aux îles indonésiennes, en passant par Tunis ou Alger.
Hassan, pour lutter contre l’ennemi turc Seldjoukide, installe sa forteresse au cœur même du territoire ennemi, mais dispose de points d’appui solides ailleurs (Syrie, Irak, etc.). Oussama, fidèle à la technique de guerre du faible au fort, dite guerre asymétrique, a longtemps changé de pays. Ce n’est qu’une fois acculé qu’il décide de sanctuariser la zone frontière afghano-pakistanaise, où il décèdera sous les coups des Américains et des Pakistanais. 
2.3. Les cibles. Les meurtres, s’ils ont la même finalité, présentent de grandes différences quant à leurs cibles. Hassan privilégie le meurtre politique qui a pour but de déstabiliser l’autorité, pour la contraindre, par la peur, à composer. Oussama utilise l’hyper terrorisme, pour que les peuples fassent pression sur les gouvernants. Les Assassins ne frappent jamais le commun des mortels, mais visent plutôt les hommes politiques. Al-Qaïda cherche à faire réagir la population, et n’hésite jamais à « sacrifier » des musulmans innocents, fussent-ils sunnites. 99% des cibles d’Al-Qaïda sont musulmanes !!.

Aujourd’hui les terroristes exploitent la vulnérabilité des pays musulmans affaiblis par la double conspiration américano-islmamiste, sans parler des guerres imposées (Libye, Irak, Afghanistan, Syrie). De même, au XIIe siècle, les Assassins surent profiter de deux conjonctures : (1) les attaques des Croisés contre les pays musulmans, et (2) la faiblesse de leur ennemi, par ailleurs considérablement supérieur en nombre : celle d’un pouvoir politique autocratique, au sein duquel la disparition d’un homme pouvait avoir de lourdes conséquences.
Certains peuvent penser que les Etats-Unis représentent l’ennemi n°1 d’Al Qaïda, d’autres peuvent penser qu’Al-Qaïda est l’ennemi principal des Etats-Unis et enfin, d’autres encore pensent qu’il y aurait des intérêts communs et des liens entre le gouvernement américain et Al-Qaïda. C’est bien cette dernière hypothèse qui semble la plus probable. Comme les salafistes sont un outil de dissuasion massive aux mains des islamistes "légalistes", Al-Qaïda est un outil de dissuasion massive et peu coûteuse aux mains des Américains et de leurs valets orientaux et pétroliers : Qatar et Arabie. De l'Algérie à la Libye, de l'Irak à la Syrie, du Mali au Soudan, les exemples abondent.                                                                      
                            
   Hannibal Genséric

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