vendredi 27 juillet 2012

Le gaz syrien attire les convoitises impérialistes

Article publié le 27/07/2012 et repris le 12/08/2013
À la question «  Quelle est la vérité sur les ressources de nos eaux territoriales en pétrole et en gaz ? », le Président syrien Bachar Al-Assad a répondu : « C’est la vérité, que ce soit dans nos eaux territoriales ou dans notre sol. Les premières études ont fait état d’importants gisements de gaz dans nos eaux territoriales. Puis, nous avons su que d’autres gisements s’étendaient de l’Egypte, à la Palestine et sur tout le long de la côte ; ces ressources étant plus abondantes dans le nord. Certains disent que l’une des raisons de la crise syrienne est qu’il serait inacceptable qu’une telle fortune soit entre les mains d’un État opposant mais, évidemment, personne ne nous en a parlé de façon directe. » . 
Désormais la force des grandes puissances ne repose pas tant sur leur armement de plus en plus sophistiqué que sur leur mainmise sur les sources d’énergie, le pétrole et puis le gaz censé devenir le combustible numéro un à partir de 2030, selon les prévisions des experts en la matière.

Ce qui nous amène à tenter de voir clair dans  l’imbroglio des conflits d’intérêts contradictoires concernant l’exploitation et le transport du gaz entre la coalition Russie-Chine-Iran-Syrie d’une part, et la coalition USA-Europe-Turquie-Arabie saoudite-Qatar d’autre part, avant de nous pencher sur leur rôle dans le traficotage et l’ébullition de la « crise syrienne ».
La consommation de l’Europe en gaz liquéfié serait de 500 milliards de m3 par an provenant principalement de la Russie et du Qatar. Actuellement le Qatar assurerait environ le quart de ces besoins et il est attendu que sa dépendance au gaz russe aille crescendo d’ici 2020, renforçant ainsi les relations d’intérêts entre l’Europe et la Russie ; ce à quoi les USA et l’UE s’opposent vigoureusement.
Si les guerres, au siècle dernier étaient celles du pétrole, celles de nos jours, concernent l’énergie du XXIe siècle, le gaz. La course au contrôle des zones gazières du monde par les grandes puissances sonne l’ère de la compétition mondiale pour l’énergie.
Contexte géostratégique
Cinq projets gaziers cherchent à gagner le marché européen
1. Les deux premiers sont russes et reposent sur les considérables ressources de la Russie elle-même. À travers la mer Baltique, une première ligne « Nord stream » relie directement la Russie à l’Allemagne considérée stratégiquement comme un important point de départ vers le continent européen. Partant de la mer Noire, la deuxième ligne du projet « South stream » passe par la Bulgarie avant de se diriger vers la Grèce, la Hongrie, l’Autriche et le nord de l’Italie, avec une capacité d’acheminement de 60 milliards de m3 par an.
2. Le troisième est le projet américain « Nabucco » qui repose sur les ressources du Turkménistan et de l’Azerbaïdjan. Il prévoit d’acheminer le gaz de la Turquie vers l’Europe en passant via la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie, et l’Italie, avec  une capacité de transport de 31 milliards de m3 par an. Prévu pour 2014, repoussé à 2017 pour problèmes d’ordre technique, son coût est désormais estimé à 21 milliards de dollars, et la course semble gagnée d’avance par la Russie.
Ce troisième projet récupère les excédents du Turkménistan ; lequel est engagé dans un autre projet l’associant à la Chine, au Pakistan, à l’Azerbaïdjan et dont l’Iran s’est retiré au profit « du projet Iran-Iraq-Syrie ». À savoir que la plupart des puits turkmènes sont contrôlés par des multinationales basées en Israël tel que le groupe Merhav dirigé par Yosef Maiman, l’un des hommes les plus influents en Israël ; et que la Turquie s’était précipitée pour réserver sa participation au projet, puisqu’elle devenait le carrefour du transit en plus de garantir la couverture de ses propres besoins. Elle a d’ores et déjà signé un contrat avec l’Azerbaïdjan pour l’achat de 6 milliards de m3 en 2017.


3. Le quatrième est « le projet Iran-Irak-Syrie », les trois pays ayant signé en Juin 2011 un protocole d’accord pour l’acheminement du gaz iranien vers la Syrie en passant par l’Irak sur une ligne terrestre d’environ 1500 Kms [ 225 Kms en Iran, 500 Kms en Irak, 500 à 700 Kms en Syrie] qui traverserait ensuite la mer Méditerranée pour rejoindre la Grèce sans passer par la Turquie ! De plus, le projet faisait état de la possibilité pour l’Europe de s’approvisionner au niveau des ports syriens. Ce qui fait que ce projet est un concurrent sérieux du projet Nabucco, d’autant plus qu’il repose sur les énormes réserves iraniennes estimées à 16.000 milliards de m3, ce qui suffirait pour quelques siècles à venir.
4. Le cinquième est qualifié de « Projet qatari ». Selon le quotidien Al-Akhbar, il aurait reçu l’aval des USA et se propose de construire un gazoduc qui transporterait le gaz qatari jusqu’en Europe, avec la participation de la Turquie et d’Israël. Il partirait du Qatar pour justement arriver en Syrie dans la région de « Homs, Al-Qusayr » en traversant l’Arabie saoudite et la Jordanie, sans passer par l’Irak ! À partir de cette région du territoire syrien, il bifurquerait dans trois directions : le port de Lattaquié en Syrie, le port de Tripoli au Liban, et la Turquie. La capacité de transport de ce cinquième gazoduc n’est pas clairement précisée, mais elle pourrait dépasser celle du projet Nabucco. Le projet en lui-même pourrait concurrencer la ligne « South stream » et repose là aussi sur des réserves considérables, celles du Qatar étant estimées à 13.800 milliards de m3.
Les gisements en Méditerranée et la bascule de l’équation géopolitique
Les dernières découvertes d’importants gisements de pétrole et de gaz en Méditerranée orientale [eaux territoriales concernées : Grèce, Turquie, Chypre, Syrie, Liban, Palestine, Israël, Égypte] ont radicalement changé la donne géopolitique et pourraient être à l’origine de rivalités et de discordes épouvantables par leurs conséquences.
L’Institut des Études géologiques des États-Unis [USGC] parle de 9.700 milliards de m3 de réserves pour le gaz et de 3,4 milliards de barils pour le pétrole. Alors que ces chiffres sont loin d’être fiables, coups tordus et batailles juridiques pour la répartition des quotas battent leur plein entre les pays riverains.
Israël n’a pas attendu le verdict pour signer des contrats avec des sociétés américaines et européennes et commencer à exploiter les gisements Tamar et Léviathan à l’Ouest de Haïfa. Selon ses propres estimations, il devrait couvrir une grande part de ses besoins et, à son tour, exporter son excédent vers l’Occident. Des incertitudes demeurent vu le contexte actuel et les conflits d’intérêts régionaux et internationaux.
Quant au Qatar, il serait facile pour l’Iran d’empêcher le transit du gaz qatari par le Détroit d’Ormuz. C’est pourquoi, appuyé par l’Occident, le Qatar s’acharne à se libérer de cette éventualité en s’offrant « un couloir de passage terrestre » pour exporter son gaz vers l’Europe ; couloir qu’ils ont décidé de faire passer par la Syrie !
Tel est le projet béni et voulu par les dirigeants US, mais il se trouve que telle n’est pas la volonté de Damas, de Moscou et de Téhéran. Tant que les relations étroites entre ces trois capitales resteront telles qu’elles sont, ce projet n’aboutira pas.
Et le Qatar, qui jusqu’en 2011 avait investi environ 8 milliards de dollars en Syrie y compris dans le secteur du tourisme sans jamais faire pencher les dirigeants syriens en faveur de son projet gazier, a donc pris la décision de creuser le trajet de son gazoduc par la force des pires violences terroristes, dévastatrices et destructrices. Là aussi… peine perdue !
La crise syrienne 
La crise syrienne peut être qualifiée de « libanisation fabriquée » : il ne s’agit pas d’une guerre civile, mais d’une attaque coordonnée menée par une coalition internationale, dont le pivot est l’« Axe du Mal » USA, Israël, Arabie Saoudite, Qatar.  Cet Axe du Mal dispose des moyens militaires (OTAN), politiques (Ligue arabe, ONU, OCI (Organisation de la Conférence Islamique), partis islamistes dans tout le monde arabe), financiers (argent du pétrole et du gaz), et humains (mercenaires arabes d’Al-Qaïda et de la Légion arabe). Le but de l’Axe du Mal et de la Turquie est de démanteler la Syrie, comme cela a été fait pour l’Irak et le Soudan.
Outre cet objectif commun, chacun des coalisés vise son propre objectif :
-   Pour les États Unis : contrôle et exploitation à vil prix des richesses arabes (pétrole, gaz) ; détruire la Syrie ouvrirait la voie à une attaque américano-israélienne contre l’Iran. Qui contrôle la Syrie, contrôle le Moyen Orient.
-    Pour Israël : réalisation du Grand Israël, élimination du maximum d’Arabes ; domination stratégique incontestée sur tout le Moyen Orient, de l’Égypte à l’Iran.
-   Pour les islamistes : nettoyage ethnique du Moyen Orient (élimination des chrétiens, des kurdes, des chiites) ; destruction des états nations dans l’espoir de construire, sur leurs décombres, un califat fantasmagorique. Ainsi, en Tunisie, les islamistes sont entrain de déstructurer l’État, d’effacer de la mémoire des Tunisiens toute référence nationale : les fêtes nationales ne donnent lieu à aucune  manifestation, aucun drapeau tunisien n’est sorti pour, comme auparavant, décorer les rues et les édifices publics. Au contraire, la commémoration du 9 avril a été endeuillée par le comportement brutal, antipopulaire et antinational de la police et de la milice nahdhaoui. 
-   Pour les monarchies absolues du Golfe, le but est de remplacer une république laïque par une dictature théocratique, qui, à leur image, serait vassale des États Unis;
-   Pour la Turquie, il s’agit d'annexer les régions gazières de la Syrie et du Liban, ou au minimum, les mettre sous tutelle turque, afin de devenir un acteur central du projet Nabucco. Cela permettrait, du même coup, de faire la jonction terrestre entre la Turquie et Israël, les deux bases solides de Washington au Moyen Orient.
Ce plan a été annoncé explicitement par le sénateur ultra-sioniste états-unien Joseph Lieberman, qui déclara quelques jours après les attaques du 11 septembre 2001 par « Al-Qaïda », avant même d’examiner les véritables auteurs des attentats : « d’abord nous devons nous attaquer à l’Iran, à l’Irak et à la Syrie ». Lequel plan a été confirmé, dix ans plus tard (2011), par Henry Kissinger : « Quant à nos militaires, nous leur avons demandé de mettre la main sur sept pays du Moyen-Orient pour leurs ressources naturelles et ils ont accompli le travail. …Israël doit se battre avec toutes ses armes et tuer autant d’arabes qu’il pourra. Si tout se passe bien, la moitié du Moyen-Orient sera israélien ».
Conclusion
Aujourd’hui, en Syrie, comme hier en Libye et en Irak, les « rebelles », c'est à dire les légions étrangères de djihadistes islamistes, sont les harkis de l'impérialisme et du sionisme. Les roitelets fainéants, ces despotes « arabo-musulmans », les financent. Les partis islamistes de tout bord y contribuent allègrement, en recrutant des mercenaires, y compris des prostituées libellées halal, en apportant un appui politique et diplomatique, en cautionnant la politique d’émiettement et de destruction des pays arabes. Les islamistes veulent détruire les États nations pour édifier, sur leurs ruines, le fameux et fumeux califat de leur rêve insensé.  En fait de califats, ils veulent rééditer les "taïfas andalouses", ces micros états croupions qui, à l'image du Qatar et des autres émirats, sont des caricatures dégradantes d'états arabo-musulmans, dont la finalité est de se faire des guéguerres perpétuelles.

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 Hannibal Genséric