“Le fantasme de la pureté identitaire est un signe d’appauvrissement
intellectuel”
Sophie Bessis, historienne franco-tunisienne
Le Fantasme : Alors
que la vaste majorité des Tunisiens (98 %), et des autres Maghrébins,
s'identifiet culturellement aux Arabes, des études scientifiques tendent à indiquer
qu'ils seraient ethniquement plus proches des Berbères et de certains
Européens, qu'ils ne le sont des Arabes. « Comparés
avec d'autres communautés, notre résultat indique que les Tunisiens sont très
liés aux Nord-Africains et aux Européens de l'Ouest, en particulier aux
Ibériques, et que les Tunisiens, les Algériens et les Marocains sont proches
des Berbères, suggérant une petite contribution génétique des Arabes qui ont
peuplé la région au VIIe ou VIIIe siècle. » ( A. Hajjej, H. Kâabi, M. H. Sellami, A. Dridi, A.
Jeridi, W. El Borgi, G. Cherif, A. Elgaâïed, W. Y. Almawi, K. Boukef et S.
Hmida, « The contribution of HLA class I and II alleles and haplotypes to
the investigation of the evolutionary history of Tunisians », Tissue
Antigens, vol. 68, n°2, août 2006, pp. 153–162).
Femmes maghrébines (19ème siècle) |
Bien que ces études se soient basées sur des échantillons
retreints, elles sont parlantes. Elles confirment ce que les historiens ont
toujours affirmé : l'apport arabe est très minoritaire dans les populations
maghrébines (Ibn Khaldoun, Gabriel Camps, etc.), car quelques dizaines de
milliers d'envahisseurs arabes n'ont pas pu, matériellement, changer des
millions de Berbères en Arabes.
Le verdict des chercheurs ci-dessus est sans
appel : l’identité arabe (ou arabo-musulmane) de la Tunisie, ou du
Maghreb, relève plus du fantasme que de la réalité.
Ce fantasme a été injecté dans les têtes
et les esprits à une époque récente : nos pères, nos grands pères et nos aïeux,
certainement plus réalistes, n’ont jamais revendiqué cette filiation douteuse,
inventée par les monarchies pétrolières et leurs valets islamistes. En
psychologie, un fantasme est une construction consciente ou inconsciente,
permettant au sujet qui s’y met en scène, d’exprimer et de satisfaire un désir
plus ou moins refoulé, de surmonter une angoisse.
Oublier
ses ancêtres, c’est être un ruisseau sans source, un arbre sans racines Proverbe chinois
Nous savons que le Maghreb, initialement peuplé de Berbères, a été
envahi par de nombreuses populations, qui ont toutes été assimilées à des
degrés divers : Phéniciens, Romains, Vandales , Arabes, Espagnols,
Turcs et Français. De plus, beaucoup de Maures (Espagnols islamisés) et de
Juifs arrivèrent d'Andalousie à la fin du XVe siècle.
Les premiers Arabes orientaux, venus à partir du VIIe siècle
avec les conquêtes musulmanes, ont contribué à l'islamisation de la majeure
partie de l'Ifriqiya. C'est à partir du XIe siècle, avec
l'arrivée des tribus hilaliennes chassées d'Égypte, que l'arabisation linguistique et culturelle devient déterminante. Selon Gabriel Camps (Les
Berbères. Mémoire et identité, éd. Errance, Paris, 1995, p. 102), « en renforçant par leur présence la part
de population nomade, les Arabes arrivés au Xe siècle ont été
d'un poids insignifiant sur le plan démographique, mais déterminant sur le plan
culturel et socio-économique. »
Comme le dit Ibn Khaldoun, nous ne sommes pas des Arabes,
nous sommes des « arabisés » (moustaaraboune). Il n’y a aucune honte
à le reconnaître : les Maghrébins sont …des Maghrébins (Magharibeh).
De nos jours, la presque totalité des Tunisiens (98 % de la
population) est de confession musulmane sunnite de rite malékite. De la forte
population juive qui a existé durant 2.000 ans, il n'en reste plus aujourd'hui
qu'une infime partie, vivant principalement dans la région de Tunis, car la
majorité des Juifs tunisiens ont émigré vers Israël ou la France. Il existe
également une petite population chrétienne.
Cela ne sert à rien de défoncer des portes ouvertes, en
affirmant que la Tunisie est musulmane. Qui le conteste ? Personne. Sauf
que les tenants de l’arabo-islamisme veulent
effacer toute référence nationale (tunisien, algérien, marocain, etc.) au
profit d’une référence à une « oumma » où nous serions tous, non des citoyens, mais les sujets d’un cheikh, d’un roi , d’un émir, ou d’un
quelconque calife.
Génétique : Adn et généalogie ou l’histoire de nos ancêtres
A partir d’un simple prélèvement
salivaire, les généticiens sont désormais en mesure de retracer l’histoire des
migrations des ancêtres de tout individu. Leurs techniques sont si performantes
qu’elles permettent de remonter jusqu’à la préhistoire, soit 900 ans avant
Jésus-Christ, juste avant l’arrivée, en 814 av.J.C., de Didon/Elyssa,
fondatrice et reine de Carthage.
C’est au travers de l’haplogroupe que les généticiens sont
capables de remonter la lignée généalogique sur autant de décennies. Les
haplogroupes peuvent se définir comme les branches de l’arbre généalogique des Homo
Sapiens, ils représentent l’ensemble des personnes ayant un profil
génétique similaire grâce au partage d’un ancêtre commun.
On distingue
deux sortes d’haplogroupe, le premier étant d’ADN
mitochondrial et le second de chromosome
Y. L’ ADN mitochondrial (ADNmt) est transmis de la mère à ses enfants
(fille et garçon), l’haplogroupe ADNmt réunit les
personnes d’une même lignée maternelle. Le chromosome Y est transmis uniquement du père vers son fils,
l’haplogroupe chromosome Y se compose des hommes partageant un
ancêtre de la lignée paternelle.
Grâce à l’identification des
haplogroupes et à leur comparaison entre populations, il est possible de
connaître, avec une certitude relative, les déplacements migratoires réalisés
par des peuples. Ces techniques permettent donc de déterminer la zone
géographique dans laquelle nos ancêtres vécurent.
L’haplogroupe se détermine à
partir des SNPs, c’est-à-dire les single nucleotide polymorphism qui
sont eux-mêmes des variations de couples de base (A-D-T-N) de séquences d’ADN.
Différents tests et analyses existent aujourd’hui et permettent d’identifier
rapidement les SNP, sur l’ADNmt et le chromosome Y. Les similitudes sont alors
regroupées en haplogroupe.
Bien que non significatif en
termes de généalogie (les haplogroupes constituent des ensembles trop
importants pour fournir des renseignements spécifiques à une unique lignée
familiale), ces données renseignent sur les migrations géographiques de peuples
et fournissent progressivement une cartographie mondiale de plus en plus
précise sur l’histoire des hommes préhistoriques.
Lignée paternelle maghrébine : l'ADN du chromosome Y
La principaux haplogroupes du chromosome Y des
Tunisiens et des Maghrébins (berbérophones et arabophones) en général
sont : le marqueur berbère E1b1b1b (M81) (65 % en moyenne) et le marqueur arabe J1 (M267)
(15 % en moyenne) auxquels plus de 80 % des Maghrébins appartiennent.
D'après les données du tableau intitulé "Lignée
paternelle : l'ADN du chromosome Y" figurant dans l'article de Wikipedia relatif aux Maghrébins
, nous avons calculé que, en moyenne, chez les Maghrébins, le marqueur berbère
est majoritaire à 59,6% , et que le marqueur arabe est minoritaire à 20,6%.
E1b1b
1b (le marqueur
berbère, carte ci-dessus), est caractéristique des populations
du nord-ouest de l'Afrique (Maghreb) où sa fréquence moyenne est d'environ
50 %. Dans certaines parties isolées du Maghreb, sa fréquence peut
culminer jusqu'à 100 % de la population. Cet haplogroupe se retrouve aussi
dans la péninsule Ibérique (5 % en moyenne) et à des fréquences moins
élevées, en Italie, en Grèce et en France.
La carte ci-dessous montre la répartition géographique en Tunisie
du haplotype E1b1b1b, marqueur caractéristique des berbères; il en résulte
que la population tunisienne est, en grande majorité, berbère :
J1
est un haplogroupe « sémitique » très fréquent dans la
péninsule arabique, avec des fréquences avoisinant 70 % au Yémen. J1 est le marqueur « arabe », carte
ci-dessous. 20 % des Juifs appartiennent aussi à J1. On en conclut que
l'origine des Arabes est le Yémen. Le marqueur arabe se retrouve aussi en
Turquie, en Europe du Sud et en France.
Lignée maternelle : l'ADN mitochondrial
De nombreuses études ont été menées sur des populations du Maroc,
d'Algérie, de Tunisie, ou plus globalement du Nord de l'Afrique. Les auteurs
montrent que la structure génétique mitochondriale générale des Tunisiens et
des populations du Maghreb est composée majoritairement d'haplogroupes (H, J,
T, V...) fréquents dans les populations
européennes (de 45 à 85 %), d'haplogroupes L (de 3 à 50 %)
très fréquents dans les populations sub-sahariennes, de l'haplogroupe M1 (de 0
à 15 %) détectés principalement dans les populations est-africaines, de
l'haplogroupe U6 (0 à 28 %), surtout présent en Afrique du Nord et
également a des fréquences de 5 % dans la péninsule Ibérique, et
d'haplogroupes M, N ou X (de 0 à 8 %) détectés principalement en Eurasie. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Maghr%C3%A9bins#G.C3.A9n.C3.A9tique).
Conclusions
de la génétique
D'après wikipedia
"La principaux haplogroupes du chromosome Y des Tunisiens et des
Maghrébins berbérophones et arabophones en général sont : E1b1b1b (M81)
(65 % en moyenne) et J1 (M267) (15 % en moyenne) auxquels plus de
80 % des Tunisiens appartiennent."
En moyenne, le Maghrébin est donc :
- à 65% d'ascendance berbère et à 15% d'ascendance
arabe du côté paternel,
- à plus de 50% d'ascendances diverses, qu'il
partage avec les Européens, du côté maternel.
Cette conclusion devrait clouer le bec aux racistes des deux
bords de la Méditerranée : par nos mères, nous avons une forte ascendance
commune avec les Européens.
Les défenseurs de l’hégémonie, voire même de
l’exclusivité du caractère arabo-musulman de la Tunisie, et plus
généralement du Maghreb, tentent de gommer de la mémoire collective toutes les
autres composantes de l’identité nationale ou maghrébine et d’imposer une
conception extra-territoriale de l’Etat nation, en l’occurrence la oumma islamique, prélude à la dissolution de la Tunisie, de
l'Algérie et du Maroc dans un califat
archaïque et cauchemardesque. [1]
Mais là où le bât blesse encore plus, c’est que, alors que la plupart des sociétés s’orientent vers le
multiculturalisme, le "monde arabe" semble à la recherche d’une
pureté identitaire complètement fantasmée.
Autre carte du marqueur berbère :
Il joue un rôle
fondamental dans l'histoire de la révolution algérienne, souvent considéré
comme le dirigeant « le plus politique » du FLN. Il est
surnommé « l'architecte de la révolution ».
Principal
organisateur du congrès de la Soummam, il trace les grandes lignes du mouvement
révolutionnaire consistant à créer un État dans lequel l'élément politique
l'emporte sur l'élément militaire, et a opté pour le pluralisme politique et
linguistique en Algérie.
NOTES
[1] Depuis l'écriture de cet article, un califat
d'assassins violeurs, voleurs, cannibales, etc. est apparu sous le nom de l’État Islamique, mais il
faut lire "État Islamiste" ou mieux encore"État Israélien". Même
dans nos pires cauchemars, on n'aurait jamais pu imaginer les horreurs dont sont
capables ses sbires.
VOIR AUSSI :
Hannibal Genséric