Le président russe Vladimir Poutine, qu’une commentatrice talentueuse a récemment qualifié de « volcan de givre »,
vient de jouer un drôle de tour à la communauté internationale en
agrandissant le territoire de la Russie vers l’ouest et l’Europe.
Pourtant cette réunification des
territoires russes n’est pas si inattendue qu’il peut paraître et
s’inscrit dans une logique politique et stratégique tout aussi méconnue
que l’est la situation réelle en Russie, pays victime de préjugés et de
mythes apparus au cours des dernières années au sein de la majorité des
médias occidentaux.
Par souci de vérité et volonté de
réinformation nous avons choisi de porter un regard critique sur ces
mythes afin de permettre aux lecteurs de se faire une idée un peu plus
objective de la Russie d’aujourd’hui.
Mythe n°1 : La Russie ce pays qui a annexé la Crimée de force
A tel point que la population s’est
prononcée à plus de 96 % en faveur du rattachement à la Russie avec une
participation de 83 %. En réalité si l’on étudie un peu l’histoire on
s’aperçoit que la Crimée est devenue définitivement une province Russe
dès 1774 grâce à Catherine II. C’est en 1954 que l’Ukraine va rattacher
administrativement la péninsule de Crimée à la république soviétique
d’Ukraine.
En somme la Crimée ne reste
véritablement Ukrainienne que de 1991 à 2014, soit à peine 23 ans.
Contrairement à certaines idées reçues le Kremlin n’avait pas manigancé
ce rattachement de la Crimée. La Russie avait en effet depuis déjà
quelques années lancé une politique de rapatriement des russes vivant en
Crimée et souhaitant réintégrer le territoire russe. L’argument de
velléité impériale est donc totalement hors de propos. La Russie a
simplement saisi l’occasion historique qu’elle n’attendait pas de
pouvoir réunifier son territoire en y rattachant la Crimée qui est un
territoire russe sur le plan ethnique, linguistique, culturel et
historique. Un rattachement vécu en Russie comme les Allemands de
l’Ouest ont vécu la réunification avec l’Allemagne de l’est en 1991.
Mythe n°2 : La Russie, ce pays ou Vladimir Poutine est élu via des élections truquées
Depuis 13 ans celui-ci remporte en
réalité haut la main et au premier tour toutes les échéances électorales
présidentielles ou il se présente obtenant 52,52 % des voix en 2000,
71,22 % en 2004 et 63,6 % en 2013.
Seule la dernière élection de 2013 a été critiquée par des ONG
américaines qui prétendent que celui-ci n’aurait dû obtenir que 55 % au
premier tour et non pas 63 % !
Le parti dominant, Russie-Unie a lui
obtenu 37 % en 2003, 64,1 % en 2007 et 49,3 % en 2011. En réalité les
soupçons de « fraude électorale en Russie » sont nés des élections
législatives de la fin 2011 qui ont été entachées d’irrégularités
administratives réelles. Pour autant nombre d’études ont démontré que
ces fraudes locales et identifiés n’auraient pu influer sur les scores
finaux puisque ne comptant pas (selon les analyses sérieuses a ce sujet)
pour plus de 3 à 5 % des bulletins dans le pire des scénarios.
Il faut noter que ces fraudes ne concernent du reste pas que le parti
du pouvoir mais également tous les partis politiques participant aux
élections notamment ceux d’opposition.Mythe n°3 : La Russie, ce pays qui a orchestré un génocide en Tchétchénie
La Russie est toujours présentée comme
le pays dont le pouvoir aurait orchestré un véritable génocide en
Tchétchénie. La réalité n’est évidemment pas aussi simple.
En 1994, une prise de pouvoir par la
force et des élections entraînent la proclamation de l’indépendance de
la Tchétchénie. Craignant que la vague sécessionniste ne s’étende, le
pouvoir russe décide d’intervenir pour mater ce coup d’Etat militaire
intérieur. Cette guerre régionale durera 2 ans et fera plus de 100.000
morts jusqu’au cessez le feu d’août 1996 qui laisse à la Tchétchénie un
statut d’autonomie régionale mais ne lui octroie pas l’indépendance.
Peu à peu la rébellion va s’islamiser
avec la présence croissante de combattants djihadistes étrangers
(Wahhabites) souhaitant l’instauration d’un califat islamique
pancaucasien. En 1999 la guerre reprend lorsque des attentats
terroristes frappent Moscou mais aussi car des groupes armés mènent de
nombreuses incursions dans les régions voisines du Caucase pour y
attaquer les forces de l’ordre et kidnapper des civils dont certains
seront décapités.
La guerre verra la victoire de l’armée
russe dont la réaction musclée a sans doute néanmoins évité que ne se
constitue dans cette région un authentique Djihadistan qui aurait été
déstabilisateur pour toute la région. Il est également difficile
d’appréhender les évènements de cette époque dans cette région sans les
mettre en relief au cœur de la bataille stratégique que se livrent
l’Amérique et la Russie pour le contrôle des ressources énergétiques
régionales et notamment de la Caspienne.
Mythe n°4 : La Russie, ce pays ou le pouvoir tue les journalistes
La Russie est souvent décrite comme le
pays dans lequel on assassine les journalistes puisque 300 journalistes
ont été tués dans la Russie post-soviétique, soit l’équivalent d’un
journaliste par mois.
Pourtant si l’on prend en compte les
journalistes tués de façon avérée dans l’exercice de leurs fonctions ou à
cause de leur activité de journaliste, le chiffre tombe à 56 selon le
CPJ dont 28 entre 1992 et 2000, soit avant que Vladimir Poutine n’arrive
au pouvoir.
Depuis l’accession au pouvoir de
Vladimir Poutine, 26 journalistes ont été tués de façon avérée dans
l’exercice de leurs fonctions ou à cause de leur activité de
journaliste. La tendance longue semble elle à la normalisation puisque
13 ont été tués entre 2000 et 2005, 9 entre 2000 et 2010 et 4 entre 2010
et 2014.
Il faut noter que parmi ces 26
journalistes 12 ont été tués dans le Caucase russe, 3 à Rostov sur le
Don et 2 dans la ville de Togliatti, soit dans des zones relativement «
mafieuses » et donc à haut risque.
Mythe n°5 : La Russie, ce pays où l’on ne fait pas d’enfants
La Russie est souvent présentée comme un
pays avec une démographie déclinante et donc voué à disparaître. Fort
mal en point durant les années qui ont suivi l’effondrement de l’Union
Soviétique la démographie russe s’est redressée dans les années Poutine
en surpassant les scénarios démographiques les plus optimistes.
De 1992 à 2000 le nombre de naissances
s’est effondré et le nombre de décès a augmenté entraînant une baisse
naturelle de population de 6.830.423 habitants soit une baisse moyenne
annuelle de 758.935 habitants. Cette diminution fut cependant compensée
par l’immigration retour vers la Russie des russes ethniques habitant
dans les républiques soviétiques.
A titre d’exemple pour la seule année
1999 avec 1.214.689 naissances et 2.144.316 décès la population a baissé
de 929.627 habitants. Le taux de fécondité est durant cette période
passé de 1,89 enfants / femme en 1991 à 1,17 enfants / femme en 1999.
A partir de 2001 le nombre de naissances
s’est mis à remonter et dès 2005 le nombre de décès à diminuer. Année
après année, l’amélioration des conditions de vie associée à une forte
propagande d’Etat protégeant la famille et incitant à faire des enfants
ont eu des résultats plus qu’inattendus. Le nombre de naissances ne
cesse d’augmenter et l’année 2012 a même vu une hausse naturelle de
population avec 1.901.182 naissances et 1.878.269 décès, le taux de
fécondité atteignant 1,73 enfants / femme soit plus que dans l’UE.
Mythe n°6 : La Russie, ce pays qui ne profite qu’aux riches
On renvoie souvent l’idée fausse que la
richesse en Russie ne profiterait qu’à des élites financières,
militaires et aux fameux oligarques. Il s’agit de remettre un peu de
vérité en apportant quelques éléments de ré-information.
Tout d’abord, le revenu annuel moyen des
russes est passé de 1.322 euros en 2000 (arrivée au pouvoir de Vladimir
Poutine) à 7.988 euros en 2013. Le taux de pauvreté quant à lui a
littéralement fondu passant de plus de 35 % en 1999 à près de 13 % en
2012, soit l’équivalent de la moyenne française, pendant que le taux de
chômage n’est que de 5,5 %.
Dans le même temps le pays a connu
l’apparition d’une très importante classe moyenne qui représente selon
les critères de définition de 25 % à 40 % du pays. Ces résultats
économiques ne sont pas dus qu’à la rente énergétique (qui ne constitue
que 20 % de la création des richesses et 50 % des recettes du budget
fédéral) mais aussi à une relativement saine gestion économique ayant
permis des taux de croissance positifs sur 12 des 13 dernières années.
Mythe n°7 : La Russie, ce pays ou Vladimir Poutine serait détesté
Tellement détesté que le dernier sondage
sur sa cote de popularité dépasse les 80 % d’opinions favorables. Plus
sérieusement il s’agit maintenant de sortir de l’image du despote
tsariste aux relents staliniens pour constater que l’immense majorité du
pays soutient le président russe.
Le parti présidentiel Russie Unie est le
premier parti du pays depuis 15 ans, les élections présidentielles ont
toujours été remportées par une très large majorité des suffrages dès le
premier tour et les récents évènements ont vu l’ensemble du peuple
russe très largement favorable à l’action de Vladimir Poutine en Crimée.
Cette adhésion populaire se couple sans
difficulté à l’exercice d’un pouvoir fort, seul capable de maintenir
l’unité et l’importance de la Russie dans le jeu des grandes puissances
du monde.
Malgré avoir pris les rênes d’un pays au
bord du gouffre et traversé deux guerres (en 2000 et 2008) ainsi qu’une
crise économique (en 2009) la cote de popularité du président russe sur
les 13 dernières années n’est jamais descendue au-dessous des 60 %.
Les mouvements de contestation de 2011
n’ont finalement jamais réuni plus de 80.000 personnes dans tout la
Russie (en réalité surtout Moscou et dans une moindre mesure
Saint-Pétersbourg) ce qui correspondrait, toute proportion égale, à
30.000 personnes en France.
Loin de l’image du despote tsariste aux
relents staliniens trop souvent véhiculée il faut accepter de comprendre
que l’immense majorité du pays soutient le président russe et que cette
tendance devrait s’accentuer à l’avenir puisque des JO de Sotchi (que
la Russie a organisé et remporté) à la Crimée le seuil de popularité du
président russe atteint désormais les 80 %, preuve que les attentes des
russes de voir leur pays redevenir une grande puissance sont réelles.
Sa gouvernance réformatrice
(modernisation économique du pays) et conservatrice (sur le plan des
valeurs) mais aussi relativement verticale et autoritaire semble
parfaitement conforme aux attentes du peuple russe et permet d’atténuer
l’apparition de potentielles tendances d’inerties territoriales voir
séparatistes, tendances inévitables sur un aussi grand et vaste
territoire.
Tribune commune d’Alexandre
Latsa,
écrivain et analyste français résident à Moscou, et de Pierre Gentillet,
président des Jeunes de la Droite Populaire
écrivain et analyste français résident à Moscou, et de Pierre Gentillet,
président des Jeunes de la Droite Populaire
Source : Sputnik, 22 avril 2014