Le couple mensonge-réalité virtuelle, créateur de réel
« Croyez- vous que des solutions efficaces puissent émerger d’une analyse judicieuses de la réalité observable ?"
La
question ci-dessus fut posée, en 2002, par le journaliste Ron Suskin
au conseiller de W.Bush de l’époque, Karl Rove.
La réponse de ce
dernier, ci-dessous, a été publié par le Wall Street Journal :
« En Vérité , le monde ne marche plus réellement de cette manière.
Nous
américains , nous sommes maintenant un Empire et lorsque nous agissons,
nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez
studieusement cette réalité, nous ne perdons pas de temp , nous agissons
et nous créons d’autres réalités nouvelles qu’il vous est loisible
d’analyser...
C’est ainsi que les choses se passent, pas
autrement . Nous sommes les acteurs et les producteurs de l’Histoire. A
vous, vous tous, il ne vous reste qu’à étudier ce que nous créons. » (1)
Le néo-conservateur Karl Rove a le mérite d’être clair sur les intentions de l’Empire.
Agir là où un dirigeant manifeste une quelconque velléité d’indépendance et de souveraineté politique, affranchie de l’Empire.
Agir là où un dirigeant manifeste une quelconque velléité d’indépendance et de souveraineté politique, affranchie de l’Empire.
Comment ?
En créant les conditions qui légitiment une intervention militaire.
Pour cela, les prétextes ne manquent pas : Droit de l’Homme, Droit
Humanitaire...Avec ce que cela implique comme ’’fardeau
civilisateur’’: Devoir d’ingérence, Responsabilité de protéger.
Mais il faut créer les circonstances qui pousseront le Chef suprême de
l’Empire a donné son aval pour une intervention. Intervention qui ne
peut-être au final que militaire parce que toutes les entreprises
politiques locales ou internationales auront été sabotées. Et pour
cause, l’agenda géopolitique de l’Axe du Bien, qui sera détaillé dans la
deuxième partie ’’le politicide’’, obéit à des objectifs stratégiques
théorisés voilà une vingtaine d’années. Pour le moment, revenons aux
dites circonstances. Elles sont le fruit de mensonges et d’ omissions
relayés, atténués, s’il le faut, et théorisés par les nouveaux chiens de
garde, secondés par les nouveaux harkis de l’Empire.
Des
exemples ? La Yougoslavie et le fameux charnier, l’Irak et les fameuses armes de destruction massive...le Soudan et l’usine de production d’aspirine.
Le
concept de réalité énoncée par K. Rove peut-être illustré par le
scénario suivant, le fameux ’’massacre à venir ’’ de la population de
Benghazi :
’’Sur une dune du désert, un groupe de terroristes
voulant protéger une population d’un massacre, convainquent un
philosophe sans philosophie, consentant et travaillant pour Israël. Loin
du désert, sur les plateaux télé du monde civilisé, des experts en
géostratégie dont deux ou trois d’origine arabe palabrent sur la scène
de la dune et finissent par suggérer que le ’’fou Kadhafi’’ en est
capable. Miracle ! L’événement imaginé devient dans les esprits un
événement certain. A l’Axe du bien de prendre ses responsabilités, la
Responsabilité de protéger en bombardant afin que l’événement imaginé ne
devienne un événement certain.’’
Il faut reconnaître que les
dirigeants de l’État harcelé, boycotté et déstabilisé finissent par
rendre le processus assez aisé à l’axe du bien. C’est ainsi que les
’’Printemps arabes’’ sont passés des mains de cyber-révolutionnaires,
formés en Occident pour cela, aux rythmes de ’’Liberté, Démocratie et
Dégage’’ à celles des contre-révolutionnaires islamistes au son de
’’Allahou Akbar pour un néo-libéralisme enveloppé dans le salafisme
mais cependant sans entraves’’.
Bilan de l’opération, un mécontentement populaire réel, politique et social est détourné vers des fins politiques inavouables.
Rien
à dire, c’est parfait ! Les dirigeants turcs et les monarques
wahhabites ont offert aux théoriciens de l’Empire, le monde arabe comme
laboratoire d’expérimentation du chaos.
Le politicide et son corollaire le sociocide
J’emprunte à Michel Raimbaud, auteur de l’excellent livre Tempête sur le Grand Moyen-Orient’ (3) la définition suivante : « le mot politicide s’applique à la destruction d’un gouvernement, d’un groupe social ou politique(...) ou d’un État. »
(2)
Quant au concept ’’sociocide’’, il fut utilisé pour la première
fois par le palestinien Saleh Abdel Jawad, professeur au département
d’histoire et de science politique de l’université Birzeit.
Il définit le sociocide comme un concept signifiant « la
destruction totale des Palestiniens, non seulement en tant qu’entité
politique ou groupe politique national mais en tant que société. Son but
final est l’expulsion des Palestiniens de leur patrie (c’est-à-dire une
purification ethnique totale ou à grande échelle). » (3)
Il n’est pas difficile d’imaginer que là où le Maître sème un politicide, la ’’plèbe’’ récolte un sociocide.
Revenons
maintenant au Chaos qu’a semé l’empire du Bien en Libye.
Tout un
chacun, y compris les nouveaux chiens de gardes, reconnaissent que dans
ce pays, l’Etat n’existe plus et que la population libyenne vit sous la
coupe de bandes armées souvent rivales, terroristes, voire des
trafiquants de drogues avec à la clef de nouvelles identités tribales
ethniques ou religieuses. A cela, il faut ajouter les fortes émigrations
vers les pays frontaliers où ils sont parqués dans des camps de
réfugiés.
Destruction de l’État suivie d’une décomposition en profondeur de la société est ce chaos créateur dont ont rêvé Néo-conservateur et sionistes. J’ y reviendrai dans la troisième partie ’’Remodelage du Proche-Orient’’. Autre conséquence prévisible du politicide libyen et de celui qui est en cours en Syrie, les boat-people, qui se multiplient dans des conditions inhumaines au large des côtes méditerranéennes. Situations dramatiques auxquelles a contribué l’État français avec le consentement des dirigeants actuels. Malgré des lamentations de circonstances, ils ne peuvent effacer leurs implication. Opération militaire qui rappellent une chasse à coure où Qatar et Emirats Arabes Unis, jouèrent le rôle de valets achevant la ’’sale’’ besogne du Maître.
Destruction de l’État suivie d’une décomposition en profondeur de la société est ce chaos créateur dont ont rêvé Néo-conservateur et sionistes. J’ y reviendrai dans la troisième partie ’’Remodelage du Proche-Orient’’. Autre conséquence prévisible du politicide libyen et de celui qui est en cours en Syrie, les boat-people, qui se multiplient dans des conditions inhumaines au large des côtes méditerranéennes. Situations dramatiques auxquelles a contribué l’État français avec le consentement des dirigeants actuels. Malgré des lamentations de circonstances, ils ne peuvent effacer leurs implication. Opération militaire qui rappellent une chasse à coure où Qatar et Emirats Arabes Unis, jouèrent le rôle de valets achevant la ’’sale’’ besogne du Maître.
A ce sujet, il faut rappeler que c’est le détournement de
la résolution N° 1973 du Conseil de Sécurité qui a servi de feuille de
vigne à l’Axe du Bien pour s’alléger du fardeau de la ’’Responsabilité
de protéger’’.
Concernant la Syrie, on a voulu faire de même.
Plusieurs tentatives du même acabit menées au Conseil de Sécurité
furent avortées. De toute évidence, il est difficile de tromper deux
fois de suite et le Russe et le Chinois. Aussi, les lamentations
occidentales et particulièrement françaises sur le calvaire du peuple
syrien sont, pour le moins, hypocrites. On est en droit d’en douter, vu
le satisfecit décerné par le ministre des Affaires étrangères, membre
de la Fondation ’’Bilderberg’’, aux exploits de l’organisation
terroriste le Front El Nosra parce que, paraît-il, ’’ses gars’’ « font du bon boulot. »
Mais
ce ne sont pas ces petits détails qui vont faire douter nos nouveaux
chiens de gardes. Eux, ils s’occupent de grande stratégie et elle vaut
bien la célébration de la lune de miel entre le ’’Laïque socialiste’’ et
le ’’ Wahhabite monarchique’’. Une victoire de la politique française,
analysent-ils, tout en se frottant la panse pour la vente de pleins de
Rafales aux financiers du terrorisme. Faisant mine d’ignorer que ce
mariage n’a été consenti qu’avec l’aval du Maître et de l’État
d’Israël.
D’une part, parce que l’État français est maintenant « fondu dans l’Otanie, avec son commandant en chef à la Maison Blanche. Il décide, et on fait (ou alors on ne fait rien) » (4) et [8].
D’autre
part, dans les choix géopolitiques occidentaux, il y a un invariant, à
savoir, défendre l’État d’Israël et assurer sa suprématie régionale.
Cet ’’invariant israélien’’ passe, entre autres, par mettre ’’hors d’État’’ celui qui « ne mérite pas de faire partie de ce monde. »
Mais
on a beau brandir les Droits de l’Homme, la Responsabilité de protéger
et présenter le Président syrien comme un diable en puissance, la lune de miel entre le wahhabite et le socialiste sent littéralement le gaz.
Et pour cause, « nos stratèges découvrent soudain la position -clé de
la Syrie. Pour acheminer vers les ports méditerranéens et l’Europe le
pétrole et le gaz de l’Iran, du Qatar, des compagnies américaines, de la
Russie, la traversée du territoire syrien est un must. Il faut donc un
accord avec la Syrie. » (2)
Problème ! Les Monarchies du
Golfe et les occidentaux ont été éconduits, la Syrie de Bachar El Assad a
choisi de faire affaire avec l’Iran et la Russie.
Cerise sur le
gâteau, sous les pieds du peuple syrien, gît une gigantesque nappe de
gaz avec des ramifications vers les pays voisins comme le Liban,
Chypre, Gaza...Il y a de quoi rendre fous les membres de l’Axe du bien et
ses ’’nouveaux harkis’’. Cela vaut bien un politicide et un
morcellement de la Syrie !
Cependant, l’argument du ’’gaz’’ et de
son ’’trajet est balayé avec dédain par les ’’toutologues’’ , comme
les appelle Régis Debray, car, disent ces derniers, avec le gaz de
schiste, les EU vont assurer bientôt leur auto-suffisance et même dans
un proche avenir devenir exportateur. Sauf que dans la guerre pour
l’énergie, l’Empire du bien ne se contente pas de ’’consommer’’, il faut
aussi qu’il contrôle la ’’consommation’’ des autres. Autrement dit,
pour asseoir sa domination, il faut faire obstacle à l’approvisionnement
des rivaux orientaux de taille comme, par exemple, la Chine.
Ce qui nous conduit à la dernière partie.
Ce qui nous conduit à la dernière partie.
Le bilan de deux décennies de politicide a été dressé par l’ancien Ambassadeur Michel Raimbaud. En voici un bref aperçu :
« C’est ainsi que l’empire du Bien a inscrit à son palmarès plusieurs
politicides, étapes d’un politicide global à l’échelle du Monde
arabo-musulman. Il n’est nullement besoin d’être un amateur inavoué de
conspirations pour constater que toutes guerres menées par l’Occident en
Orient depuis 1990 forment un tout, chacune s’inspirant des précédentes
et servant de répétition aux suivantes. »(2)
J’ajoute que nul
besoin d’être complotiste pour affirmer que l’Arabie Saoudite fut un
pilier dans l’élaboration de ce palmarès. Non seulement, elle a
participé à la destruction de l’Irak, destruction qui s’est faite en
deux étapes mais elle a collaboré avec les États-Unis pour déstabiliser
l’Iran et son allié syrien. A partir de 2006, année qui a consacré le
Hezbollah comme la pièce maîtresse de l’unité du Liban et de la
résistance à l’État d’Israël, les États-Unis, avec la complicité de
l’Arabie Saoudite, ont œuvré de concert pour limiter l’influence
iranienne en Irak et au Liban en envenimant les tensions entre sunnites
et chiites.
Comme l’affirmait l’éditorialiste du magazine New Yorker en 2007,
« le Président Bush coopère ouvertement avec l’Arabie Saoudite pour
mener à bien des opérations clandestines visant à affaiblir le
Hezbollah. Ce qui a eu pour conséquence d’accélérer la formation de
groupes extrémistes sunnites, proche d’Al-Qaïda. » (5)
Il est
aisé de conclure que ces groupes extrémistes ont donné naissance à
l’actuel Daech et à ses frères siamois dont les cellules dormantes dans
la région tripolitaine (Liban) à majorité sunnite.
De plus, le journaliste appuie le fait que, dans le choix stratégique pour contenir l’Iran chiite, ce dernier fut considéré
’’ comme la plus grosse menace et dans une moindre mesure, les radicaux
sunnites. c’est la victoire de la ligne politique saoudienne.’’(5)
Il va de soi qu’on ne peut exclure la patte israélienne dans ces enjeux stratégiques régionaux.
Il va de soi qu’on ne peut exclure la patte israélienne dans ces enjeux stratégiques régionaux.
En effet, l’Arabie Saoudite s’y est attelé en conduisant avec Israël et je cite toujours le même éditorialiste : ’’ un nouvel accord stratégique en grande partie parce qu’il considèrent tous deux l’Iran comme une réelle menace.’’ (5)
L’ancien Président israélien, Shimon Péres, ne disait pas autre chose en 2010, dans un interview accordé au journal Le Monde. Je le cite
’’ La plupart des Arabes en sont profondément préoccupés. Ils ont peur
d’une agression de l’Iran, et ils ne savent pas quoi faire... Israël
n’est plus le principal problème pour eux, c’est l’Iran, qui utilise le
conflit israélo-arabe comme une excuse pour ses ambitions...Ils ne le
diront jamais ouvertement bien sûr. Mais aujourd’hui, les contacts
secrets sont plus importants que les contacts diplomatiques. ’’ (6)
Mais à y regarder de plus près, à la lumière de l’article, publié en 1982 ,’’Une stratégie pour Israël dans les années 80’’,
par l’ Organisation Sioniste mondiale (7), on assiste plutôt à la
consécration et à la victoire de la géopolitique israélienne. En effet,
tous les politicides passés, présents ou à venir sont décrits par
l’auteur de l’article, Oded Yinon, Haut fonctionnaire des Affaires
étrangères israéliennes. Seule la chronologie des événements fait
parfois défaut. Dans l’énumération des politicides ou sociocides de Oded
Yinon, manquait un événement essentiel à la mise en pratique de la
théorie du chaos,à savoir l’effondrement de l’U.R.S.S.
Pour ma
part, avec ce qui se passe en Irak, en Syrie, à la frontière
libano-syrienne, en Libye et au Yémen, je ne prendrai pas à la légère la
mise en garde du Secrétaire général du Hezbollah sur le danger d’une
nouvelle Nakba. En tout cas, les organisations terroristes Daech, front
El Nosra, Al-Qaïda, financées et armées par l’axe du bien, la Turquie,
les Monarchies wahhabites et aidées par Israël œuvrent dans ce sens.
Et la place du peuple palestinien dans ce scénario ?
On
peut compter sur les Monarchies du Golfe et l’Axe du bien pour apporter
une réponse conforme à la vision israélienne de la question
palestinienne. Déjà, ils s’affairent à mettre sur papier une autonomie
administrative dans un territoire rétréci, morcelé et démilitarisé. Pour
le droit du retour des réfugiés, une compensation matérielle sera
suffisante. Quant à Jérusalem-Est, il faudra tirer un trait définitif.
A moins que l’Iran, l’Irak, l’armée syrienne et les forces de résistance arabes dont le Hezbollah, à l’aide de la Russie et des Brics, finissent pas mettre fin à la mise à mort de l’État syrien et par éradiquer les organisations terroristes...Une longue guerre s’annonce dont les frontières géographiques ne sont pas encore délimitées.
A moins que l’Iran, l’Irak, l’armée syrienne et les forces de résistance arabes dont le Hezbollah, à l’aide de la Russie et des Brics, finissent pas mettre fin à la mise à mort de l’État syrien et par éradiquer les organisations terroristes...Une longue guerre s’annonce dont les frontières géographiques ne sont pas encore délimitées.
(1) Christian salmon :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2008/09/05/le-retour-de-karl-rove-...
(2) Michel Raimbaud : Tempête sur le Grand Moyen-Orient. Edition, ellipses 2015.
(3) Saleh Abdel Jawad :http://www.lagauche.com/spip.php?article1463
(4) Régis Debray : “ Erreur de calcul ”. Monde Diplomatique (Octobre 2014)
(5) Seymour Hersh : The redirection : http://www.newyorker.com/magazine/2007/03/05/the-redirection
(6) Laurent Zecchini : Le Monde, 9/03/10.
Mohamed EL BACHIR
23 mai 2015
23 mai 2015
http://www.legrandsoir.info/l-empire-et-le-monde-arabe.html
[8] Commentaire d'Hannibal Genseric
En ce mois de mai 2015, on voit ICI : le secrétaire
général de l’OTAN, M. Jens Stoltenberg, la chef
politique étrangère de l’UE, Federica Mogherini et le commandant suprême
des forces alliées de l’OTAN en Europe, le général Philippe Breedlove
conduisant les ministres des Affaires Étrangères sur scène, bras dessus bras dessous, en
chantant «We Are The World» : "Nous sommes LE MONDE". Ils veulent dire :
"nous possédons le Monde et nous décidons pour Le Monde". Exit Chine,
Russie, Inde, BRICS, Arabes, Africains, Asiatiques, et autres "sous-hommes"....