Introduction
1 - La diplomatie prestidigitative
La révolution démocratique qui a
enflammé le peuple tunisien d'une immense espérance éclaire soudainement
de la lumière la plus crue la politique de la France à l'égard du monde
arabe tout entier. Lorsque j'ai appris que Mme Alliot-Marie avait
proposé au dictateur Ben Ali de lui envoyer quelques escadrons bien
entraînés de notre police à nous, parce que, disait-elle, le "savoir faire" de nos "forces de sécurité" face à des "situations de ce type" était "reconnu dans le monde entier",
je me suis étonné qu'on y vît une énorme gaffe diplomatique; car une
gaffe ne peut être qualifiée de diplomatique qu'à la condition de se
produire sur l'échiquier des relations répertoriées entre les Etats,
alors que la répression des rébellions, jacqueries, émeutes ou
mutineries au sein d'une nation par les soins d'une autre est étrangère
aux relations entre les chancelleries : ce coup-là est celui d'un joueur
d'échecs qui ferait mouvoir les tours sur les diagonales réservées aux
fous ou qui attribuerait aux pions les sauts des chevaux.
Je me demandais donc comment ce
prodige de sorcellerie diplomatique avait été imaginé par une magicienne
des affaires étrangères ignorante à ce point de l'art de manœuvrer les
navires qu'on appelle des nations; car on imagine mal, me disais-je, un
Général de Gaulle tout heureux d'accepter la proposition charitable du
président des Etats-Unis d'envoyer à Paris sa police à lui afin de
réprimer les agitations de mai 1968. Grande fut donc ma stupéfaction de
découvrir que non seulement MM. Gaino, Guéant, Lévitte et Juppé, mais
également le Président de la République avaient cautionné le Talleyrand
des prestidigitateurs, mais que, de surcroît, comme l'expliquera
benoîtement le Ministre de la défense sur France Inter,
nos relations avec les Etats du Maghreb sont tellement étroites que
nous résolvons nos problèmes avec leurs trublions dans le même esprit
que nous administrons nos provinces.
2 - Un judéo-centrisme planétaire
Du coup, on comprend mieux à quel
point le projet, ambitieux en apparence, d'unir les pays riverains de la
Méditerranée autour d'une France enjuponnée, n'était en réalité, qu'une
soumission docile de toute la politique extérieure de la nation à la
volonté commune et fermement imposée de l'empire américain et d'Israël :
il s'agissait seulement de convertir le Maghreb aux vues de Tel-Aviv
sur la Palestine. Certes, la ligue arabe était parvenue, du moins en
façade, à opposer un refus unanime à l'ambition de M. Nicolas Sarkozy de
conquérir le rang de cheville ouvrière d'un judéo-centrisme planétaire;
mais les dirigeants arabes n'en sont pas moins prêts à trahir
l'ambition de leurs peuples de conquérir leur souveraineté sur la scène
internationale. On comprend mieux l'apparente naïveté de M. Kouchner,
qui feignait de s'étonner de la résistance de la ligue arabe aux vues
vassalisatrices de Washington et de Paris à l'égard du monde musulman.
Comme le rappelle Montesquieu de la politique des Romains, il leur
fallait "attendre que toutes les nations fussent accoutumées
à obéir comme alliées avant de les commander comme sujettes et qu'elles
eussent été se perdre peu à peu dans la république romaine."
3 - Tunis et la politique arabe de la France
Tel est le contexte cruel qui
éclaire de tous ses feux le pacte que M. Barack Obama a conclu avec M.
Benjamin Netanyahou le 4 décembre 2010, lequel accorde expressément à
Tel-Aviv le droit de se proclamer un Etat juif à titre psychogénétique
et qui le légitime à conquérir le "grand Israël" sur le
fondement de la spécificité chromosomique inaliénable du peuple juif.
Mais cette conversion de la démocratie mondiale à la psychobiologie a
aussitôt rencontré l'opposition unanime de l'Assemblée générale de
Nations Unies et de l'Europe officielle. Nous assistons donc à une
extraordinaire clarification de la politique internationale. Car les
peuples arabes en voie de secouer le joug de leurs tyrans auront à
combattre non seulement pour la conquête de la liberté de leur nation,
mais en tant que seuls apôtres et fers de lance crédibles de la
civilisation mondiale des droits de l'homme.
Photo : AFP/TIM SLOAN - Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, le président américain, Barack Obama, et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à Washington, le 1er septembre 2010 – Obama fait encore pression sur Israël – Décembre 2010 : tournant dans le processus de Paix, Barack Obama renonce officiellement à demander aux Israéliens d’arrêter la colonisation dans les territoires occupés comme condition préalable à la poursuite des négociations.] |
Cette extension en profondeur de
l'échiquier mental des démocraties nationales est déjà en marche. Alors
que, depuis 2007, les forces vives de l'intelligentsia française vivante
et la partie de la presse quotidienne ouverte au monde avaient tout de
suite pris le relais d'un Élysée défaillant et étranger à la promotion
de l'esprit prospectif du pays, il est évident que c'est la nation tout
entière qui vit heure par heure la révolution à Tunis et que France Inter et le Monde tiennent
en haleine une opinion publique en voie d'internationalisation. Seule
la déprovincialisation de l'opinion publique permettra à la France
pensante de donner une postérité féconde à la diplomatie arabe esquissée
et manquée du 6 juin 2008 de M. Barack Obama au Caire. Le destin met
entre les mains de la France une occasion unique et qui ne se
représentera plus, de rattraper le temps perdu depuis la chute du mur de
Berlin en 1989 et de donner à la planète son impulsion dans la
direction qu'elle attend depuis la conquête de Jérusalem par Israël en
1967.
Malheureusement, le divorce entre
la myopie de l'Elysée et l'éveil de l'opinion publique française à la
géopolitique devient hallucinant : Mme Alliot-Marie s'est rendue à Gaza
en représentante docile d'Israël, puisqu'elle avait rendu visite aux
parents du soldat Shalit. Elle s'est heurtée à une foule exaspérée qui
brandissait des pancartes sur lesquelles on lisait: "Il y a Shalit, mais aussi dix mille prisonniers palestiniens en Israël". Le 20 janvier 2011, la France "n'acceptera pas que l'Iran déstabilise le Moyen Orient",
comme si Israël se trouvait menacé, alors qu'il possède l'arme
nucléaire et que, de toute façon, la prétendue " menace nucléaire
militaire " est mythologique par définition et ressortit à la
spectrographie anthropologique et critique de la théologie
vétéro-testamentaire de l'apocalypse.
4 - Un débarquement du biologisme diplomatique sur la planète
Mais cette situation inespérée et
que nous devons à l'aveuglement providentiel, si je puis dire, du lobby
juif de Washington nous contraint encore davantage et d'une manière plus
pressante de préciser l'enjeu de civilisation dont la conduite serait à
portée d'un Quai d'Orsay prospectif. Car le 4 décembre 2010, la
mappemonde a basculé dans le biologisme diplomatique, comme il est dit
plus haut, ce qui me conduit à une analyse psychogénétique, qui sera
suivie, le 26 juin, d'une étude sur l'avenir de la guerre entre la
démocratie mondiale et la politique guerrière d'Israël.
C'est cette gigantesque
redistribution des cartes de la géopolitique qu'il s'agit d'expliciter
et de commenter en tout premier lieu. Pour cela, il fallait remonter
brièvement aux sources anthropologiques de la spécificité
psychobiologique qu'affichent désormais la théologie et la politique
conquérantes d'Israël.
*
1 - Israël se veut une ethnie juive. Qu'est-ce à dire?
2 - Les embarras anthropologiques de la démocratie
3 -Le passé théologique du simianthrope
4 - Peut-on se faire une image taillée de la France ?
5 - Les dieux en chair et en os et les dieux vaporisés
6 - Les juifs et les idoles
7 - De la localisation des dieux
8 - Le réflexe de Pavlov du sacré : l'incarnation des dieux
9 - "Le colibri et la vipère" (Chahid Slimani)
2 - Les embarras anthropologiques de la démocratie
3 -Le passé théologique du simianthrope
4 - Peut-on se faire une image taillée de la France ?
5 - Les dieux en chair et en os et les dieux vaporisés
6 - Les juifs et les idoles
7 - De la localisation des dieux
8 - Le réflexe de Pavlov du sacré : l'incarnation des dieux
9 - "Le colibri et la vipère" (Chahid Slimani)
*
1 - Israël se veut une ethnie juive. Qu'est-ce à dire ?
Les tournants les plus décisifs de
l'histoire universelle passent le plus souvent inaperçus des classes
dirigeantes. Aucune d'entre elles n'a compris en 1933 que le nazisme
posait à la planète la question décisive de savoir si, un siècle et demi
seulement après la prise de la Bastille, l'Europe verrait un Etat
anti-démocratique aussi puissant que la Monarchie capétienne se dresser
pour mille ans au cœur de l'Europe; aucune n'a compris en 1917 que le
marxisme posait au globe terrestre la question de savoir si nous allions
connaître une ère nouvelle au cours de laquelle un prophète de la
rédemption par l'abolition du capitalisme porterait au pouvoir un
prolétariat vertueux, zélé, inventif, sage, lucide et suffisamment
informé des affaires de notre astéroïde pour conduire enfin l'humanité
vers un paradis de la délivrance; aucune n'a compris, dès le 14 janvier
2011, qu'il fallait mettre la Révolution tunisienne en relations
étroites avec l'accord conclu entre M. Benjamin Netanyahou et M. Barack
Obama le 4 décembre 2010, accord qui a vu la plus grande démocratie du
monde autoriser un Etat qui se proclamerait hébreu à titre chromosique à
conquérir le "Grand Israël" des temps bibliques et ferait de
Jérusalem la capitale légitime d'une psychogénétique triomphante au sein
de la démocratie mondiale.
Quarante jours plus tard, la ruée
soudaine du monde arabe vers la démocratie était déclenchée avec dix ans
d'avance. Mais le moment était mal choisi pour le "peuple élu", de se
placer résolument dans la postérité "scientifique" de Hitler et
d'invoquer les apanages définitifs de son capital psychogénétique
particulier, donc la souveraineté exclusive de ses prérogatives
ethniques. Car, au même instant, le suicide socratique débarquait une
fois de plus dans l'histoire de l'esprit; et le philosophe marocain
Chahid Slimani saluait une immolation dont le témoignage changerait "la face du monde arabe" [1], parce que le suicide est interdit par le Coran.
L'extraordinaire coïncidence entre
la réapparition soudaine de l'immolation libératrice au sein de l'islam
d'un côté, et le culte de la race de l'autre, suscitera-t-elle une
méditation simianthropologique sur l'avenir politique et spirituel d'un
astéroïde soudainement replacé sur le chemin oublié de la connaissance
psychobiologique de la politique des peuples et des nations? Décidément,
il s'agit bel et bien d'un événement d'une portée aussi anthropologique
que la Révolution de 1917 ou la naissance du troisième Reich. Car le
gouvernement de M. Benjamin Netanyahou a aussitôt tiré les conséquences
politiques d'une tempête épistémoloique au sein de l'histoire biologique
de l'humanité: on sait qu'il a immédiatement et fort logiquement
demandé à M. Abbas, primo, de reconnaître la
judéité, donc l'irréductibilité psycho génétique de l'Etat d'Israël et
de légitimer aux yeux du nouveau droit international une nation qu'on
proclamerait enfin identifiable à jamais en laboratoire, puisque la
biologie à laquelle ressortira sa population se trouvera incessamment
démontrée sous la lentille des microscopes les plus puissants; secundo, de saluer le cœur éternel et la capitale immémoriale d'un Etat déclaré juif en tant qu'ethnie immaculée. Tertio,
de délégitimer en conséquence et de proclamer définitivement illégale
la souillure ineffaçable que serait un retour profanateur des réfugiés
dans une patrie maculée par leur trop long passage en ces lieux. Mais
comment le retrancher de tous les autres, tant par son ADN que par la
loi internationale?
2 - Les embarras anthropologiques de la démocratie
On sait que les Nations-Unies se
sont immédiatement opposées à la capitulation de Washington face aux
audacieux psycho-généticiens de Tel-Aviv et que l'Europe, y compris la
France de M. Nicolas Sarkozy, a refusé, mais du bout des lèvres,
d'entériner le coup d’Etat chromosomique, anthropologique et théologique
mis en scène et officialisé sous les yeux ahuris des derniers restes de
la civilisation évangélico-démocratique. Mais comment l'axiomatique
officielle qui régit encore la politique d'aujourd'hui et qui règne en
apparence sur les cinq continents légitime-t-elle une philosophie
demeurée transcendantale au monde physique? Quelle est l'argumentation
rationnelle dont se réclament les sciences humaines du XXIe siècle afin
de légitimer la démocratie?
Certes, disait-on, le nazisme
avait rédigé les clauses et promulgué les dogmes d'une orthodoxie
politique fondée sur l'annonciation de la suréminence de la race
arienne. Mais cette prétention avait été immédiatement
réfutée sur le terrain, puisque l'élection de Hitler au suffrage
universel avait exprimé un principe tout opposé, celui de la
souveraineté indépassable du peuple allemand, lequel fondait à jamais le
patriotisme attiédi des Germains sur l'appartenance de la masse des
habitants du pays à une langue relâchée et à des mœurs exposées pour la
première fois sous la plume de Tacite. Comment donner des cheveux blonds
et des yeux bleus au Führer ? Comment le peuple hébreu va-t-il se
définir, lui, en tant que reconnaissable à son ADN?
3 -Le passé théologique du simianthrope
Pour tenter de comprendre les
fondements anthropologiques, historiques, politiques, psychologiques et
religieux qui ont conduit Israël à se réclamer officiellement d'une
identité psychobiologique détectable à l'aide de verres grossissants, il
faut se tourner un instant vers le passé théologique du simianthrope.
Dans la péroraison de la seconde catilinaire, Cicéron promet au peuple romain de le sauver avec l'appui des Célestes: "Ces
promesses, disait-il, je ne vous les fais ni au nom de mon propre
jugement , ni avec le soutien de conseils humains, Quirites, mais en
raison des signes nombreux et indubitables qui ont guidé mon espoir et
mon esprit. Car ce n'est plus contre un ennemi éloigné et extérieur,
comme ils y étaient accoutumés, que les dieux nous défendent, c'est
présents dans la ville et par leur volonté clairement exprimée de
défendre leurs temples et les toits de Rome. C'est pourquoi, Quirites,
vous devez les implorer et les adorer afin que cette ville, qu'ils ont
voulue la plus belle, la plus riche et la plus puissante, ils la
défendent contre les citoyens perdus de vices et dont la scélératesse
nous menace; et pour cela, les dieux veulent que nous terrassions tous
nos ennemis sur terre et sur mer."
Comme nos professeurs de grec et
de latin ont été formés depuis 1905 sur le principe de la séparation des
droits de l'Eglise et ceux de l'Etat, on ne saurait leur reprocher
d'ignorer les relations que les dieux d'hier entretenaient avec
l'histoire et la politique des peuples de leur temps. Dès l'édition
Hachette de 1919 des Principaux discours de Cicéron,
on lisait une brève note sur le sens de cette péroraison, signée de
l'auteur du recueil, G. Ramain, professeur à l'université de
Montpellier, qui notait, sans autre explication: "A Rome, les dieux sont présents dans leurs temples".
Mais les lycéens curieux se demandent comment ils se cachaient dans le
bois, la pierre ou l'airain de leurs statues et quels étaient les signes
"nombreux et indubitables" de l'intervention des Célestes qu'on faisait si éloquemment valoir dans une oratio ad populum.
Des météores, des coups de tonnerre dans un ciel serein, des
tremblements de terre, mais également des monstruosités de la nature -
naissance de moutons à cinq pattes ou de volatiles à tête humaine.
4 - Peut-on se faire une image taillée de la France ?
Comment se fait-il que les Romains
les plus instruits, à commencer par Cicéron, dont la carrière politique
avait paru un instant menacée par la publication de son De natura deorum,
trop philosophique aux yeux du Sénat, n'aient pas tenté d'approfondir
la question, politique au premier chef, de la présence simultanée des
dieux sur l'Olympe, dans leurs temples et dans les coulisses des
phénomènes naturels? Nos hommes politiques interdisent à notre éducation
nationale d'en faire un objet d'enseignement ou de commentaires, parce
qu'une foule de statues de la Vierge Marie se trouvent encore exposées
dans toutes les églises de nos villes et de nos villages, où elles sont
tenues, en principe, pour de simples figurations plastiques de la déesse
réelle; mais en fait les Vierges de Medjugorge, de Czestochowa, de
Fatima, de Lourdes ou de la Salette sont censées se trouver
corporellement présentes dans leur image. Quant à la météorologie, il y a
trente ans encore, l'Eglise de France décryptait les intentions du
créateur à l'écoute des catastrophes naturelles non seulement en
Amérique du Sud, mais également en Europe ou en Algérie.
Pourquoi Cicéron feint-il de
croire en l'existence des dieux de Rome, et cela au point de mobiliser
ardemment les patriotes en leur faveur dans une contio?
Parce qu'il était impossible de s'en passer sans priver la République
de l'unité politique qui la définissait dans son existence propre, donc
dans sa réalité physico-mentale. Pour comprendre ce phénomène, il suffit
de se demander ce qui se passerait si un législateur moïsiaque de la
France d'aujourd'hui promulguait une loi ainsi rédigée: "Tu ne te feras pas une image taillée de la France".
Dans ce cas, il faudrait retirer les statues de Marianne de l'enceinte
de toutes les mairies. Mais supposons que les municipalités
anti-sarkozystes décident de retirer une photographie officielle et
savamment apprêtée du Président de la République des enceintes publiques
dans lesquelles elles se trouvent exposées par la volonté de la loi. La
nation se sentirait confusément gênée, parce qu'un chef de l'Etat élu
par le "peuple souverain" représente, par la force des choses, un signe
de l'identité politique du pays, donc un moyen de rassemblement des
esprits, non point autour d'une personne, mais d'un symbole.
5 - Les dieux en chair et en os et les dieux vaporisés
Le peuple juif est le seul dont le
clergé a fait dire très tôt à un personnage mythique du nom de Moïse
qu'il était interdit de représenter Jahvé sous les traits d'un
personnage visible, donc d'un acteur physiquement reconnaissable et
installé à ce titre sur la terre. Pourquoi interdire à la figure d'une
idole de prendre le pouvoir et aux citoyens de se prosterner devant
elle, pourquoi est-il plus stupide d'adorer un morceau de bois qu'un
concept creux? On sait que Moïse est censé avoir rédigé fort longtemps
après sa mort les cinq volumes de sa théologie d'un dieu invisible. Mais
on se représente mal la portée politique d'une décision relativement
rationnelle dans son ordre et qui, depuis trois millénaires, a fondé la
mystique mondiale sur une théologie que les spécialistes louent comme
"négative", parce qu'elle définit la divinité à énumérer tout ce qu'elle
n'est pas; car, pour la première fois, la religion devenait un champ
ouvert à la critique des idoles substantifiées. Voyez la stupéfaction
proprement cérébrale d'Isaïe devant le monument de stupidité que
représente maintenant le bûcheron qui rapporte du bois de la forêt, se
chauffe avec la moitié de sa récolte et sculpte dans l'autre moitié de
son tas une divinité qu'il adore et devant laquelle il se jette le front
dans la poussière!
Quand M. Nicolas Sarkozy se croit laïc à déclarer que "plus jamais une religion n'imposera sa loi à la République",
il oublie que la France a une histoire cérébrale et qu'on ne gagne rien
à vider la loi de 1905 de son contenu philosophique, donc iconoclaste,
parce que l'inculture théologique et anthropologique du chef de l'Etat
rend aussi incohérent le contenu politique que le contenu
épistémologique de l'intelligence française depuis le XVIIIè siècle. Car primo,
l'Elysée ignore qu'il s'avoue incroyant, parce que s'il croyait
vraiment en l'existence de Zeus, il se trouverait dans l'obligation de
simple courtoisie d'expliquer aux Athéniens de quel droit il ferme la
bouche à un personnage aussi considérable; secundo,
il saurait que les clergés sont les troupes de choc de l'idole et que
si un Etat demande à une Eglise qu'elle lui prête globalement
assistance, il faut qu'il feigne de croire que le ciel de l'humanité
serait habité; tertio, il saurait que
l'exploitation politique de la moitié onirique de l'encéphale du singe
parlant interdit aux gouvernements démocratiques actuels une gestion
cyniquement pratique et toute administrative de l'Olympe des chrétiens.
6 - Les juifs et les idoles
L'intelligence occidentale est née
de la fureur d'Isaïe au spectacle du bois, de la pierre ou du fer des
idoles. Mais, de leur côté les Romains demandaient à tous les peuples
qu'ils avaient assujettis à leurs lois de placer une effigie de
l'empereur dans leurs temples, ce qui ne faisait difficulté pour
personne, sauf pour les Parthes, parce qu'il ne s'agissait nullement
d'une divinité supplémentaire: seuls des empereurs trépassés se
trouvaient quelquefois élevés au rang des dieux à la suite d'une
décision solennelle du Sénat, et cela dans les seuls cas où les "Patres conscripti"
les jugeaient suffisamment méritants aux yeux de la patrie pour leur
décerner à titre posthume un hommage civique aussi extraordinaire.
Certes, Alexandre avait eu l'audace et l'effronterie de se faire
proclamer un dieu en marche sur la terre, ce qui avait fort irrité les
Athéniens et les philosophes présents dans son armée. Quinte-Curce
expliquera longuement les désavantages politiques d'élever un vivant au
rang d'un dieu, et surtout l'incompatibilité du régime démocratique avec
une pratique qui ruine l'égalité entre les citoyens à en hisser
exagérément un seul au-dessus de tous les autres.
Aussi le refus obstiné des juifs
de faire figurer en bonne place dans le temple de Jérusalem une statue
de l'empereur en chair et en os du moment était-il interprété comme un
rejet éloquent, mais surtout inexplicable, de la légitimité d'un empire
auquel le monde entier payait sans rechigner un modeste écot. Cette
formalité était à peine plus dévote que l'affichage obligatoire de la
photographie du Président de la République ou l'exposition facultative
du buste de Marianne dans nos mairies, à cette différence près que la
photographie du Maréchal Pétain, par exemple, appesantissait le poids de
l'Etat au-delà d'une simple formalité démocratique , et cela, non point
en raison d'une sacralité inscrite dans cette coutume, mais en raison
de la durée et de la provenance d'une autorité, certes figurée, mais
susceptible de faire basculer un usage banal dans une vénération
sacralisée.
Afin de contraindre les juifs à
valider le pouvoir terrestre de l'Etat romain à l'aide d'un signe
extérieur et bénin d'allégeance à un glaive émoussé , le Sénat
soumettait à un impôt spécifique les rares Etats trop fiers de leur
longue histoire et de la vaillance devenue légendaire de leurs ancêtres
pour exposer en bonne place l'image de bois de l'empereur du monde dans
leurs temples. Mais cet impôt était bientôt devenu excessif aux yeux des
juifs, donc dissuasif, de sorte que ce peuple n'avait plus d'autre
choix que de rejeter la mise en évidence d'un symbole de son
asservissement ou de désobéir ouvertement à l'ordre du prétendu Moïse,
dont les prêtres disaient avoir tout subitement retrouvé comme il est
dit plus haut, les œuvres intactes et complètes dans les souterrains du
temple de Jérusalem à l'occasion des fouilles de leurs archéologues.
7 - De la localisation des dieux
Bien que leur Jahvé n'ait perdu
ses bras et ses jambes que fort récemment, les juifs n'en soutenaient
pas moins fermement que leur créateur mythique se trouvait effectivement
"présent" dans le temple de Jérusalem, la "maison de Jahvé". Sa
structure concentrique comprenait des parties accessibles à tous et des
parties dites "sacrées" qui n'étaient accessibles qu'aux prêtres. Le
sanctuaire du temple, appelé le "saint des saints", n'était permis qu'au
Grand Prêtre. On y trouvait l'Arche d'alliance, qui contenait les
pierres gravées que Jahvé était censé avoir remises en personne à Moïse
sur le mont Sinaï. D'où la question tragiquement existentielle de savoir
où la France, Jahvé, ou Allah sont censés (être) "présents"
objectivement, quoique sous une forme indescriptible et sur quels
fondements jugés à la fois indubitables et incompréhensibles leur
réalité est néanmoins réputée clairement démontrée aux croyants. En
vérité, depuis la mise en scène d'un Moïse bien trop rationnel pour
avoir existé à l'époque d'Esdras, Israël se trouvait cruellement
retranché de toute réalité divine et palpable confondues.
Quoi de plus traumatisant qu'un
ciel soudainement privé de toute attache avec la terre? La destruction
par les Romains exaspérés du temple dans lequel Jahvé était réputé se
trouver caché, sous une forme invérifiable et soustraite au témoignage
des sens, cette destruction, dis-je, renvoyait le "peuple élu" tout
entier à un isolement psychique et politique dont jamais aucune nation
n'avait jamais encore souffert.
Voyez les chrétiens : ils se sont
redonnés en toute hâte une divinité en chair et en os, ils ont accouché
du mythe d'une incarnation précipitée de leur Jahvé à eux, ce qui,
depuis deux millénaires, les a contraints à substantifier sa parole en
la personne du "fils" mi-réel, mi-onirique qu'un créateur fantastique de
l'univers aurait eu d'une vierge à la suite d'une parturition
naturelle. Faute de doter d'un corps les écrits
attribués à Moïse, les juifs, eux, n'avaient plus que leur terre pour se
ligoter à leur démiurge du cosmos. Aussi la sacralisation intensive du
sol de la Judée servait-elle maintenant de substitut physique et mental à
la déréliction native, donc à la désincarnation irrémédiable d'Israël
dans l'univers.
L'avantage politique du mythe de
l'incarnation est de permettre l'articulation de la divinité avec les
identités nationales, tandis que le dieu privé de courroie de
transmission avec la terre dont use la religion hébraïque fige la piété
sur un territoire unique, étroit et totémisé par l'idole. Dans un texte
antérieur,
- Benjamin Netanyahou et l'héritage d'Esdras - Qu'est-ce qu'un personnage historique,2, 12 décembre 2010
j'ai souligné que le Dieu
universalisé en apparence des chrétiens demeure fiché dans les sols que
ses fidèles lui ont assigné, de sorte qu'il existe autant de dieux
chrétiens censés uniques que de peuples attachés à brandir l'ubiquité de
confection de leur effigie célestifiée. La nouvelle guerre sainte de la
démocratie prétendument mondialisée contre l'armée non moins faussement
planétarisée du dieu des évangiles se subdivisera à son tour entre les
psychophysiologies diverses auxquelles renvoie le ciel d'une liberté
illusoirement majusculaire. Voyez la croisade soi-disant universelle en
marche pour la délivrance du tombeau christique qu'illustre le martyr de
Gaza. Certes, la flottille du "salut et de la délivrance" converge vers
le sépulcre symbolique de la démocratie mondiale, mais les navires
diffèrent de voilures et de carènes au gré de leur provenance
territoriale.
L'Irlandais ne transporte pas la
même alliance de la terre et du ciel que les peuples de l'Asie, qui
n'ont même pas besoin de héros du ciel, parce que leur regard nu se
porte sur la potence où Gaza est clouée: simplement la religion
démocratique est porteuse à son tour de l'eucharistie universelle qui a
fait de l'espèce humaine un animal transfigurateur du pain et du gibet
de sa mort. Mais le mythe de l'incarnation réhabilite la proximité des
dieux antiques.
8 - Le réflexe de Pavlov du sacré : l'incarnation des dieux
Le précepte de "Moïse" de rejeter
toute "image taillée" de la divinité rejette le simianthrope dans la
biologie. Il ne restait à Israël d'autre ressource que de se précipiter
frénétiquement dans une définition physiologique de son identité
politique, intellectuelle et morale: on sera juif de se blottir dans un
gîte qui mettra votre conque osseuse et votre charpente à l'abri d'une
transcendance devenue angoissante à la suite de sa vaporisation
radicale.
A leur manière, les clergés
instruits ont été les premiers guerriers du savoir: leur caste
combattait avec les moyens du bord sur la brèche de la raison et de
l'intelligence de la classe dirigeante de leur temps. Mais ils n'ont pas
la tête politique. A ce titre, ils illustrent la première séparation
irrémédiable entre l'action "responsable" et la pensée rationnelle.
C'est donc imprudemment que les officiants de l'autel relativement
cérébralisé du judaïsme tardif ont tué les dieux tangibles et de
proximité dont le singe à demi évadé de la zoologie a besoin pour se
tenir sur ses pattes et pour ne pas trop tituber entre le monde et ses
songes. Retirez-lui la bouée de la substance, vous en ferez un animal
désespéré de ne savoir à quelles branches s'agripper.
Mais pourquoi le simianthrope
a-t-il besoin, pour ne pas chanceler, de s'appuyer de tout son poids sur
un subterfuge censé concrétiser des abstractions? Pourquoi le
catholicisme a-t-il focalisé le sacré sur la puissance terrestre, donc
tangible, des Etats et sur une coadjutrice de leur légitimation physique
- une Eglise omniprésente, législatrice, puissante et hiérarchisée à
titre palpable? Si le protestantisme a fétichisé le temporel d'une
manière plus insidieuse que le Saint Siège, c'est que le besoin
luthérien d'incarner l'absolu s'est reporté tout entier sur une bouée de
sauvetage universelle - le Christ est un substitut physique de son "
père " désincarné - alors que le catholicisme n'a d'autre déesse à
vénérer en chair et en os que la Vierge Marie.
9 - "Le colibri et la vipère" Chahid Slimani
On voit que l'accès à
l'intelligence rationnelle de la politique et de l'histoire de notre
espèce passe nécessairement par une anthropologie accueillante aux
spectrographies drastiques et à la critique généalogique de la
spécificité cérébrale des évadés de la nuit animale. Nous sommes des
animaux tout effarés de ce que l'évolution de notre conque osseuse nous
ait livrés à la fois au danger mortel et à la nécessité absolue de
connaître l'origine psychogénétique de notre statut cérébral d'héritiers
d'un primate à fourrure.
A quelle étape de notre
cheminement sommes-nous tombés en panne ? Qu'en est-il de l'animal
devenu schizoïde sous un os frontal dramatiquement scindé entre des
idoles ridiculement tactiles et des idoles évanouies dans le concept?
C'est dire que ce sera nécessairement à l'aide de radiographies de
l'infaillibilité oraculaire que s'attribue le sacré simiohumain que
l'histoire de l'intelligence trans-zoologique va enraciner ses
évidences; c'est dire également que la guerre de la raison et de la
pensée méta-animales est née du débat sur le statut mental et physique
du sacré; c'est dire, enfin, que la chute d'Israël dans la
psychogénétique se révèle paradoxalement une providence politique pour
l'anthropologie scientifique mondiale de demain, tellement la question
de la nature de l' identité simiohumaine actuelle sera impérieusement
posée à notre siècle.
De plus, cette question a d'ores
et déjà débarqué dans l'Histoire événementielle à la faveur, si je puis
dire, du spectacle de la décadence irrémédiable, tant intellectuelle que
politique des nations européennes asservies et coincées dans l'étau de
l'OTAN. Qu'est-ce qu'une civilisation domestiquée à l'école des idoles
verbales qu'un roi de la démocratie mondiale sécrète aux fins d'asservir
ses vassaux? Quelle est, en revanche, l'invisibilité créatrice dans
laquelle l'Europe tente de ressourcer son intelligence et sa volonté?
Qu'est-ce que la liberté si seule une France rendue invisible et
trans-grammaticale en est le témoin et le réceptacle? Décidément, la
tâche de séparer l'homme de l'animal que l'évolutionnisme de Darwin pose
à notre espèce depuis un siècle et demi est devenue impérieuse. Puisse
une intelligentsia musulmane porteuse de l'avenir de la pensée du monde
porter le même harnais que l'Europe à venir. Alors nous nous demanderons
des deux côtés de la Méditerranée ce qu'il en est de l'homme.
La semaine prochaine je résumerai
l'histoire biologique et l'histoire mentale de l'Europe à la lumière du
défi mondial d'Israël à l'humanité et à la démocratie. Comment
échapperons-nous à la biologie sans tomber dans l'aveuglement,
l'irréflexion et l'anarchie des masses, comment éduquerons-nous le
suffrage universel, de quelle pédagogie serons-nous les missionnaires ?
Voir: Chahid Slimani, Jeu de pouvoir, acte II: Le colibri peut vaincre la vipère, 15 janvier 2011
Le 23 janvier 2011
VISITER LE SITE OFFICIEL du philosophe Manuel de DIEGUEZ :
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