Face aux Cassandre ou aux propagandistes stipendiés par les Saoud qui prédisaient le lâchage d'Assad par Moscou (j'en ris encore), nous avions averti
que le retrait partiel russe de Syrie n'était qu'un trompe-l’œil qui
n'allait guère changer l'équation stratégique sur le terrain. Le départ
de quelques Sukhois ainsi que des milliers de troupes protégeant
désormais inutilement les bases de Tartous et Khmeimim ne présageait en
rien un adoucissement de la campagne contre les terroristes modérés et
surtout immodérés, les premiers étant maintenant neutralisés par la
trêve.
Or, non seulement les Russes restent fermement dans leurs
bases syriennes et continuent à pilonner Daech, mais ils semblent même
en réalité renforcer leur présence ! Le Syria-express tourne à plein régime, ce qui est une bien mauvaise nouvelle pour Ankara et Riyad...
Un intéressant article de Haaretz (résumé en français ci-dessous)
montre que les navires russes font le voyage à plein vers la Syrie et
reviennent à vide vers Novorossiysk. La ligne de flottaison bateaux est
scrutée à la loupe et l'on imagine la rage impuissante du sultan à voir
passer dans le Bosphore le Caesar Kounikov, le Saratov et le Yauza, les cales bourrées d'équipement. Sur le chemin retour, l'Alexandre Otrakovski, le Minsk et le Dvinitsa-50, eux, n'avaient aucun chargement lourd, contrairement à l'aller...
Comme
le note un observateur : "Puisque la majeure partie des forces russes
est de facto restée, il n'y a aucune raison de réduire le trafic". OK,
c'est noté, une baffe en passant aux djihadistes et à leurs parrains de
l'autoproclamé camp du Bien qui se réjouissaient de la "fuite" des
Russes. Quant au trafic, non seulement il n'est pas réduit mais il
semble même augmenter.
Malgré le goût d'Assad pour la cuisine
russe, on imagine que Poutine ne lui envoie pas du bortsch... Le mystère
plane sur le type d'armes ainsi que les destinataires : l'armée
syrienne bien sûr, sans doute le contingent russe lui-même et peut-être
le Hezbollah.
Indice : un système de missiles balistiques Iskander-M à capacité nucléaire a été vu sur la base de Khmeimim. Apparemment, il a été déployé le 25 mars,
soit dix jours après l'annonce du retrait partiel. Pour mémoire, ce
missile tactique à trajectoire changeante et volant à 5 000 km/h est à
peu près invulnérable. Les colonnes turques qui voudraient faire du
tourisme en Syrie sont prévenues... Notons en passant que ces terribles
Iskander sont déjà présents
en Arménie depuis 2013 - sans que l'on sache d'ailleurs très bien s'ils
ont été livrés aux forces arméniennes ou à la base russe de Gyumri -,
participant du lent mais implacable encerclement de la Turquie par Moscou.
Mais
revenons à la Syrie. Avec les S-400 et les Iskander, la voilà quasiment
sanctuarisée. Pour le reste, si des Sukhois sont partis (combien ?),
les hélicoptères semblent plus nombreux que jamais (arrivage par bateau
?) et ont participé allègrement aux combats de Palmyre. Notons que durant l'opération pour reprendre la cité de Zénobie, l'aviation russe a effectué
500 sorties et frappé 2 000 objectifs (!), chiffres qui laissent pour
le moins rêveur et circonspect sur la réalité du retrait. Poutine a eu
l'élégance (et l'intelligence politique) de féliciter Assad mais ce sont bien les Russes qui ont gagné la bataille de Palmyre. Et ils ne s'arrêtent pas en si bon chemin...
La Russie envoie plus de matériel en Syrie qu'elle n'en retire
L'examen du trafic maritime suggère que les Russes ont en fait renforcé leur présence navale au large de la Syrie.
Depuis le 14 mars, quand Vladimir Poutine a annoncé un
retrait partiel des forces russes de Syrie, le trafic maritime toujours
aussi soutenu, voire encore plus intense, entre la Russie et le port
syrien de Tartous laisse penser que le Kremlin a envoyé sur place plus
de matériel qu'il n'en a retiré, selon une enquête menée par Reuters.
Le "Syrian Express", surnom donné à cette noria qui assure le
ravitaillement de l'armée de Bachar el-Assad et du contingent russe
toujours en Syrie, se poursuit sans trêve. Et la Russie a souligné
qu'elle était en mesure, si nécessaire, de renforcer en quelques heures
seulement ses forces sur le terrain.
Les Russes maintiennent une présence navale, qui remonte à l'époque
soviétique, dans le port syrien de Tartous. Ils ont également une base
aérienne, récemment agrandie, près de la ville de Hmeymime.
"La majeure partie des forces russes de Syrie est stationnée dans ces
deux bases et doit être ravitaillée. Il faut aussi poursuivre l'aide à
l'armée syrienne, il n'y a donc aucune raison de voir le trafic maritime
marquer le pas", déclare Mikhaïl Barabanov, membre du groupe de
réflexion CAST, spécialisé dans les questions militaires et dont le
siège est à Moscou.
Dans les jours qui ont suivi l'annonce de Vladimir Poutine à la
mi-mars, la Russie a bien retiré de Syrie environ la moitié de ses
avions de combat, dont le nombre était estimé à trente-six. Lundi
dernier, la télévision russe a montré des images du retrait de trois
hélicoptères d'attaque.
Présence navale renforcée
Mais l'examen du
trafic maritime, notamment du passage des navires russes à travers le
détroit du Bosphore, suggère que les Russes ont en fait renforcé leur
présence navale au large de la Syrie.
Il y aurait actuellement, selon les médias russes et la presse
spécialisée, une douzaine de bâtiments de la marine russe en
Méditerranée, notamment le Zeleni Dol, un navire équipé de missiles de
croisière Kalibr.
Depuis la mi-mars, deux navires de débarquement, le Caesar Kounikov
et le Saratov, ont également été dépêchés en Méditerranée, de même que
le cargo auxiliaire Yauza. Le Saratov, qui a franchi le Bosphore jeudi
dernier en direction de la Syrie, semblait assez lourdement chargé.
Deux autres navires de guerre, l'Alexandre Otrakovski et le Minsk,
ainsi que le bâtiment auxiliaire Dvinitsa-50, sont retournés la semaine
dernière en Russie. L'Alexandre Otrakovski et le Dvinitsa-50 ne
semblaient avoir aucun chargement lourd, contrairement au voyage aller.
Depuis, le Minsk a de nouveau appareillé pour la Syrie. Le trafic des
navires de commerce entre les deux pays ne montre pas non plus de
baisse de régime.
Durant les deux semaines précédant l'annonce surprise de Poutine le
14 mars, quatre cargos avaient fait escale en Syrie. Un cinquième
navire, le ferry Alexandre Tkatchenko, qui transportait des camions
militaires, les y a probablement rejoints. Et depuis deux semaines, cinq
navires marchands, dont un pétrolier, ont également gagné la côte
syrienne.