L’International Association of Genocide Scholars [Association internationale des chercheurs sur les génocides] a accusé Daech de génocide contre les musulmans chiites, ainsi que contre les Yazidis et les Kurdes au Moyen-Orient. Les Knights of Columbus [Chevaliers de Colomb]
ont exprimé leur inquiétude concernant les tentatives de l’organisation
militante sunnite d’éliminer les chrétiens de son califat en Syrie et
en Irak. Le secrétaire d’État John Kerry a dénoncé Daech pour sa nature
génocidaire, qui s’est exprimée, comme il dit, «par ses proclamations,
son idéologie, et ses actes» 3.
Toutefois, si on donnait à l’État d’Israël (qui pour justifier son
existence invoque abondamment le génocide anti-juif nazi) le choix entre
le Daech et Assad, il préférerait le premier. Tout au moins,
c’est ce que disait l’ancien ambassadeur israélien et membre de la
Knesset, Michael Oren, et son point de vue semble être partagé par le
courant principal de la pensée stratégique israélienne.
ISIS «est auto-proclamé génocidaire par son idéologie, et ses actes.» – Secrétaire d’État, John Kerry 1
«Si
nous devions choisir entre ISIS et Assad, nous prendrions le premier.» –
Ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Michael Oren, maintenant
membre de la Knesset 2.
Shimon Peres, quand il était président d’Israël, avait
anticipé Oren en disant qu’il espérait que les rebelles syriens — dominés par
al-Qaïda et leurs progénitures — gagneraient 4.
La branche officielle d’al-Qaïda en Syrie, Jabhat
al-Nusra, en coordination avec les militaires israéliens 5, contrôlent le plateau de Golan et le
territoire situé le long de la frontière syrienne avec l’Israël 6. Les forces militaires israéliennes
disent être arrivées «à une entente» avec ce groupe, que Washington et ses
alliés officiellement condamnent comme terroriste, et a une «familiarité» avec
les forces d’al-Qaïda «sur le terrain». À en croire les déclarations
d’officiels militaires israéliens 7, l’alliance Israël-al-Qaïda serait
«extrêmement tactique». Cela n’a pas échappé à l’attention du gouvernement de
Damas. Le président syrien Bachar al-Assad a déclaré aux Affaires étrangères
[Nous présumons du Canada – NdT] que les Israéliens «soutiennent les rebelles
en Syrie».
« C’est très clair, parce que chaque fois que
nous faisons des avancées, ils lancent une attaque pour affaiblir l’armée.
C’est évident et c’est pourquoi certains en Syrie plaisantent en disant
‘comment pouvez-vous dire qu’al-Qaïda n’a pas d’armée de l’air ? Ils ont
l’armée de l’air israélienne’ » 8.
«Des éléments sunnites… contrôlent
entre deux-tiers et 90% de la frontière située sur le plateau de
Golan, mais n’attaquent pas Israël» dit Amos Yadlin, ancien directeur du
renseignement militaire israélien, notant que les militants d’al-Qaïda
«comprennent qui est leur véritable ennemi» et « ce n’est pas Israël ».
9
Des paramédicaux israéliens « patrouillent le
long de la frontière et soignent les blessés qu’ils rencontrent. Une fois
leurs blessures examinées, certains sont cousus et traités sur place, d’autres
transportés à un hôpital de campagne pour une chirurgie de base et leur
rétablissement, ou s’ils ont besoin de chirurgie importante, ils sont envoyés
au Centre médical Ziv, dans la ville israélienne de Tsflat, à une heure de
là environ » 10. De 2013 à 2015, 1.500 militants
sunnites ont traversé la frontière d’Israël pour bénéficier de traitements médicaux
11. Certains, sinon l’essentiel
d’entre-eux, étaient de la branche syrienne d’al-Qaïda.
Ainsi, si l’Israël n’est pas le vrai ennemi d’al-Qaïda,
comme dit Yadlin, qui le serait alors ? Et pourquoi ?
L’axe de la résistance
«Il n’y a aucun doute que le Hezbollah et l’Iran sont
les menaces principales contre Israël, beaucoup plus que les islamistes
sunnites radicaux…» – Amos Yadlin 12.
Le philosophe Thomas Kapitan maintien que la question
du conflit israélo-palestinien peut être posée en termes occidentalo-arabes, puisque
Israël a été créé et soutenu au Moyen-Orient par l’intervention occidentale. En
même temps, il peut être posé en termes de conflit occidentalo-islamique,
puisqu’il comporte l’implantation d’un État juif étranger au cœur du monde
islamique 13.
J’argumenterais que l’Iran ressent le conflit comme
occidentalo-islamique, la Syrie comme occidentalo-arabe et le Hezbollah les
deux. Les perspectives de ces trois protagonistes qui composent «l’axe de la
résistance», sont anti-impérialistes, anticolonialistes, et antisionistes, bien
qu’ils soient arrivés à ces positions depuis trois points de départ différents.
Le fil conducteur qui lie cette alliance est politique, pas religieuse. Comme
Anne Barnard du New York Times l’explique, « alors que le Président
Bachar al-Assad et beaucoup de chefs des organes de sécurité appartiennent à la
secte alawite, liée au chiisme, ils se considèrent comme des alliés de l’Iran
et du Hezbollah, pour des raisons stratégiques et politiques, de manière
laïque et non pas religieuse. » 14
Le fil politique conducteur qui lie l’alliance est
l’opposition au sionisme, c’est à dire, l’hostilité à l’idée qu’un État
juif s’implante sur un territoire volé aux Palestiniens — en grande partie
musulmans — qui ont été expulsés de chez eux. Le soutien à l’autodétermination
palestinienne est le thème politique central de l’Axe de la résistance.
La constitution syrienne stipule son hostilité à un
État juif exclusiviste construit sur le territoire palestinien volé, et cela
dans le contexte de référence à l’intervention coloniale de l’Occident dans le
monde arabe. Le préambule de la constitution déclare que la Syrie est « le
cœur battant de l’arabisme, la ligne de front dans la confrontation avec
l’ennemi sioniste et le socle de la résistance contre l’hégémonie coloniale
envers le monde arabe et ses capacités d’épanouissement. » 15
L’opposition iranienne au sionisme n’est
pas moins déterminée, mais est mal interprétée à l’Ouest comme une
menace militaire enracinée dans la xénophobie anti-juive. Mais comme Glen
Kessler du Washington Post l’explique, le guide suprême Ali Khamenei
d’Iran « a été cohérent, énonçant à plusieurs reprises que le but n’est
pas la destruction militaire de l’État juif, mais la défaite de l’idéologie
sioniste et la dissolution d’Israël par un référendum populaire » 16
Selon Khamenei :
« La proposition de la République islamique en
vue de résoudre le problème palestinien et guérir cette vieille blessure, est
une initiative claire et logique basée sur des concepts politiques admis par
l’opinion publique mondiale… Nous ne proposons pas de lancer une guerre
classique avec les armées des pays musulmans, où les juifs immigrés seraient
jetés à la mer… Nous proposons la tenue d’un référendum par la nation
palestinienne. La nation palestinienne, comme n’importe quelle autre nation, a
le droit de déterminer sa propre identité et d’élire son système de
gouvernance ». 17
Le Hezbollah a été crée en 1982 pour repousser
l’invasion israélienne du Sud du Liban, récupérer le territoire libanais non
encore rendu par Israël (les fermes de Shebaa) et préserver le pays de futures
agressions israéliennes ; il est également engagé à promouvoir
l’autodétermination palestinienne. Son but, expliqué par son secrétaire-général
Sayyed Hassan Nasrallah: «est de renverser le projet sioniste», c’est à dire le
démantèlement de l’appareil État sioniste établi sur le territoire volé et
fondé sur le déni de l’autodétermination palestinienne 18. Atteindre ce but, selon le Hezbollah,
signifie le retour aux propriétaires légitimes palestiniens de
« toute la Palestine… de la mer (Méditerranée) au fleuve (Jourdain) »
19
Le Front populaire pour la libération de la Palestine
(PFLP), une organisation palestinienne de résistance, joue un rôle petit mais
important dans l’Axe de la résistance. Il considère que le conflit
arabo-sioniste ne peut être résolu ou mené à bout par une solution à deux
États, mais seulement par la mise en place d’une démocratie laïque sur tout le
territoire de la Palestine historique, où tous les citoyens seront égaux. 20 Le but historique du FPLP est de
promouvoir un seul État démocratique en Palestine 21. Ahmed Saadat, le secrétaire-général du
FPLP emprisonné, dit que le conflit au Moyen-Orient ne peut être résolu que par
la création d’un État commun des Palestiniens et des juifs 22. De manière significative, le FPLP, une
organisation laïque et marxiste, est en grande partie financée par l’Iran 23, démentant la fiction que l’Axe de la
résistance est fondé sur des liens religieux, plutôt que politiques
antisionistes, voire anticolonialistes.
Le projet de démantèlement de l’appareil d’État
sioniste en Palestine est analogue à la lutte contre l’apartheid en Afrique du
Sud. Ce projet antisioniste n’est pas plus anti-juif, ni ne préconise la
destruction des juifs, que la lutte anti-apartheid contre les blancs ne visait
la destruction de la communauté d’origine coloniale européenne en Afrique du
Sud. Au cœur des deux réside le combat anti-colonial et pour
l’autodétermination des peuples autochtones.
L’Arabie saoudite : base de la réaction arabe
La perspective de l’Arabie saoudite, et celle de
tyrannies semblables du Golfe, est la «fidélité
aux puissances néocoloniales et sionistes», dénonciation qui a été
faite à la Knesset d’Israël par des députés des partis arabes contre les
monarchies pétrolières, en réaction à leur qualification du Hezbollah comme
organisation terroriste 24. Le fait que le Hezbollah se soit
associé au combat avec la Syrie, l’Iran et la Russie, contre les déprédations
et le terrorisme sectaires d’al-Qaïda et de ses ramifications, est
vraisemblablement la raison sous-jacente de la dénonciation par les monarchies
arabes réactionnaires de l’organisation libanaise de résistance.
Sayyed Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, précise que « le
seul État, entité ou existence qui pour ‘Israël’ constitue une menace
existentielle, est la République islamique d’Iran » 25. Mais pourquoi pas l’Arabie
saoudite ? Un État arabe et musulman — et donc, s’il faut croire la
rhétorique israélienne, résolument hostile à Israël. L’Arabie saoudite dispose du quatrième plus grand budget militaire au
monde, il n’est dépassé que par ceux des États-Unis, de la Chine et de
la Russie 26. Riyad
dépense plus par habitant pour son budget militaire que n’importe quel autre
pays dans le monde, y compris Israël, qui vient en second et les États-Unis en
troisième. À $81 milliards, les dépenses militaires annuelles
de l’État saoudien sont plus de six fois supérieures au budget annuel,
comparativement maigre, de défense de l’Iran, soit $13 milliards. Étant
donné ce déséquilibre significatif, Israël devrait certainement considérer
l’Arabie saoudite comme une menace bien plus grande que l’Iran. De plus, les
dépenses militaires de la tyrannie saoudienne sont cinq fois plus importantes
que le budget militaire d’Israël. De surcroît, les dépenses militaires d’Israël
sont supérieures à celles de l’Iran. Comment alors est-il possible, que l’Iran,
et non pas le colosse militaire saoudien, puisse être une menace existentielle
pour Israël ? Ce n’est pas cohérent, à moins que nous reconnaissions que
l’Arabie saoudite est, comme l’observent les partis arabes à la Knesset,
le domestique «des forces néocoloniales et sionistes».
Les monarchies arabes et les
islamistes, dès leur naissance, ont été mêlées
à l’impérialisme occidental et ont agi
comme ses agents locaux ; en échange de leur protection contre
leurs propres populations. En effet, ces États sont des créations de
l’Occident. « Les frontières artificielles qui délimitent ces États, ont
été conçues par des impérialistes œuvrant à construire des barrières autour des
puits de pétrole dans les années 1920″ 27. L’Arabie saoudite n’est pas une
exception. Comme l’observe Sayyed Nasrallah, la dictature de la famille Saoud
«a été établie avec l’appui, l’argent et l’artillerie britanniques, et fait
partie intégrante du plan colonial britannique pour contrôler» les Arabes 28. Le soutien britannique à la tyrannie de
la famille des Saoud demeure plus fort que jamais. Le Premier ministre
britannique, David Cameron, avait l’année dernière mis en berne l’Union Jack [drapeau
national anglais – NdT] à l’occasion de la mort du despote saoudien, le roi
Abdullah, emblématique de l’hypocrisie totale de l’élite britannique, qui se
prosterne devant les tyrans décapiteurs, misogynes et islamistes de la
péninsule arabique, tout en se pavanant dans le monde entier aux talons de leur
maître étasunien se posant absurdement comme des champions de la démocratie.
Aujourd’hui, l’Arabie saoudite, de même qu’Israël,
font fonction d’alliés régionaux les plus importants de la dictature
internationale des États-Unis. Et, en tant que protégés de cette dictature, les
dirigeants saoudiens se sont depuis bien longtemps réconciliés avec
l’existence, au cœur de la nation arabe, d’un État juif comme avant-poste de
l’impérialisme occidental, entrecoupant ses sphères africaines et asiatiques.
Autant qu’Israël, l’Arabie saoudite est une satrapie étasunienne. Elle envoie
de vastes sommes provenant du pétrole aux banques d’investissement
étasuniennes, dépense largement dans l’achat d’armes de ce pays ; et par
conséquent se trouve à la position improbable de quatrième plus grande
puissance militaire du monde, en dépit du fait que sa population ne compte que
30 millions de personnes, le dixième des États-Unis.
La dictature sur la péninsule arabique mène de
l’intérieur de la région, une guerre contre les forces anti-néocolonialistes
qui rejettent l’hégémonie des États-Unis et d’Israël et qui insistent
implacablement pour l’autodétermination de la Palestine. Elle cherche à
affaiblir et miner ces forces progressistes, en se servant de la religion pour
atteindre le but profane de dévier la résistance au projet impérialiste
occidental vers des guerres contre les «apostats» et les «infidèles».
Les infidèles et les apostats s’avèrent n’être rien d’autre que les
anticolonialistes de la région, les nationalistes laïques, les socialistes ou
les communistes, ainsi que les Iraniens et le Hezbollah soutenu par l’Iran, qui
rejettent l’intervention occidentale dans les mondes arabes et musulmans,
qu’elle soit directe ou par procuration d’Israël et des monarchies arabes. Pour
obscurcir ces différences politiques, l’Islam politique inspiré par les Saoudiens
dénonce comme infidèles les laïques pour leur rejet de l’organisation de la
société sur la base du Coran, alors que les Iraniens et le Hezbollah sont
condamnés pour «apostasie» parce qu’ils ont une vue différente de l’Islam.
Les questions religieuses concernant les infidèles et les apostats sont
exploitées de façon machiavélique comme écran de fumée pour obscurcir les
différences politiques et lancent un signal de mobilisation aux fidèles
sunnites contre les forces progressistes.
La nature de la tyrannie saoudienne a été reconnue
récemment par le New York Times. Le journaliste Ben Hubbard avait écrit,
« le pays a été fondé sur une alliance entre la famille des Saoud, dont
les membres sont devenus les monarques, et un leader religieux appelé
cheik Muhammad Ibn Abdul-Wahhab, dont les enseignements ont été
utilisés pour justifier la conquête militaire en déclarant le Djihad
contre ceux considérés comme étant des infidèles et qui pour la plupart étaient
d’autres musulmans » 29. Rien n’a changé. Avec l’Arabie saoudite
confondue dans l’empire étasunien, les idéologies inspirées par le wahhabisme,
auxquelles adhérent al-Qaïda et ses ramifications, sont employées pour
justifier la conquête militaire de territoires où existe une forte opposition à
la domination des États-Unis et au colonialisme sioniste, en l’étiquetant
Djihad contre les infidèles laïques – le gouvernement
syrien – et les apostats – l’Iran chiite et le Hezbollah.
Nasrallah précise que la résistance arabe et musulmane
contre Israël a été continuellement canalisée vers d’autres projets, pour
le plus grand plaisir des Israéliens. Il remet en cause les priorités des
combattants venant «de partout dans le monde» qui ont rejoint «la guerre en
Afghanistan» dans les années 1980, contre un gouvernement marxiste-léniniste et
les militaires soviétiques intervenus pour l’assister. Ce n’est pas qu’il
remette en cause la légitimité de ce combat, mais il conteste sa priorité,
définissant la défaite de l’idéologie sioniste et le démantèlement de
l’appareil d’État juif exclusif au cœur du monde arabe et musulman, comme étant
le premier objectif et le plus urgent pour ses coreligionnaires.
L’Arabie saoudite a joué le rôle principal dans la
propagation de l’islamisme. Les islamistes «à divers moments au cours du siècle
passé» ont été «des alliés utiles» aux puissances occidentales, à Israël, et
aux monarchies arabes.
« Un exemple parmi beaucoup d’autres : les
Frères musulmans à Gaza et en Cisjordanie, ont pendant les années 1980 envoyé
de jeunes musulmans palestiniens ardemment radicaux en Afghanistan pour
combattre l’armée soviétique… Ils ont fait cela sur la base de l’argument
curieux que la voie du véritable Djihad devait être
recherchée non pas en résistant à l’occupation israélienne de la bande de Gaza,
mais plutôt à la très lointaine Asie centrale. Les agences secrètes de nombreux
États ont patronné ce Djihad et rien moins que celles de la CIA
et des Services de renseignements saoudiens et pakistanais. Inutile de dire que
les autorités d’occupation militaires israéliennes et leurs attentifs services
de renseignements ont considéré ce développement avec une indulgence
bienveillante, encourageant n’importe quel mouvement qui stimulait le départ de
ces jeunes radicaux et affaiblissait le fâcheux nationalisme représenté par
l’OLP ».30
Après l’Afghanistan, «ils nous ont immédiatement
fabriqué une nouvelle priorité,» explique Nasrallah. Les Saoudiens «ont
fabriqué une guerre et inventé un nouvel ennemi appelé l’expansion iranienne.
Ils ont implanté dans les esprits de beaucoup de groupes islamiques, la notion
que l’Iran est l’ennemi et que la priorité était d’affronter le danger,
la pensée et l’expansion chiites, et que ce danger chiite était une menace plus
grande pour le monde musulman qu’Israël et le plan sioniste». Et pourtant les
Saoudiens n’avaient montré aucune hostilité à l’égard du Shah d’Iran, un chiite
«proche d’Israël» et l’un des policiers en patrouille de Washington. 31 La plupart des adhérents à
l’idéologie inspirée par les Saoudiens croient que le combat contre les
apostats et l’opposition au chiisme, sont plus importants que de
s’opposer au colonialisme sioniste 32. Ceci, naturellement, est du petit lait
pour les colonialistes et leurs patrons occidentaux.
Selon Nasrallah, les Saoudiens ont dissimulé les
questions politiques sous un «habillage sectaire» :
« En Égypte aujourd’hui, il y a un conflit
politique, une profonde polarisation. Ce conflit est-il sectaire ? Il ne
l’est pas, il est politique. En Libye il y a un conflit majeur et une profonde
polarisation. Est-il sectaire ? En Tunisie il y a un conflit politique
majeur et au Yémen aussi. Oui, quand nous arrivons aux pays caractérisés par le
pluralisme et la diversité religieuse, comme la Syrie, le Liban, l’Irak et le
Bahreïn, la question devient sectaire quand en fait il s’agit d’un conflit
politique. Ce conflit est politique. Pourquoi est-il transformé en conflit
sectaire ? Ils font ceci intentionnellement et non pas par ignorance.
Aujourd’hui, ce sectarisme est l’une des armes les plus destructrices de la
région » 33
« Ce n’est pas un conflit entre religions, mais
entre une puissance qui a un programme de
résistance (Iran-Syrie-Hezbollah) et une autre qui est
pro-colonialiste (les monarchies arabes, Frères Musulmans : al-Qaïda,
al-Nosra, ISIS, ...), mais elles voudraient faire croire qu’il s’agit d’un
conflit religieux » [34. Workers World, le 1er juin 2008.].
La tradition coloniale
À la racine du conflit au Moyen-Orient la question est
de savoir si un État juif exclusif établi sur le territoire usurpé aux
Palestiniens a le droit d’exister. La réponse est claire : il a autant le
droit d’exister qu’avait l’État d’apartheid d’Afrique du Sud, à savoir aucun.
Cela cependant ne signifie pas que les juifs ne devraient pas être les
bienvenus dans un État égalitaire démocratique sur les territoires de la
Palestine historique. Au contraire, il est impensable que dans une solution
réalisable du conflit, les colons juifs soient expulsés de Palestine, pas plus
qu’il n’était raisonnable ou réaliste d’avoir voulu, dans les années 1990,
expulser d’Afrique du Sud les blancs d’origine européenne. Mais seul un État
démocratique, dans lequel tous les citoyens sont égaux, indépendamment de leur
religion – étant donné la résonance que trouve ce genre d’arrangement avec les
principes largement acceptés d’égalité politique, ainsi que le précédent du
démantèlement du régime raciste blanc en Afrique du Sud — apparaît non
seulement souhaitable, mais imaginable et capable de mobiliser le soutien de
l’opinion publique à travers le monde, s’il ne l’a pas déjà fait. Ce n’est pas
l’opinion publique mondiale qui empêche l’abolition du colonialisme
sioniste ; mais c’est le soutien qu’Israël obtient de Washington, en tant
qu’avant-poste au Moyen-Orient de l’impérialisme étasunien, qui fait obstacle.
En conclusion, les récents messages
électroniques d’Hillary Clinton, alors qu’elle était secrétaire d’État
des États-Unis, dévoilés par WikiLeaks, ont révélé que le but de la politique étasunienne
en Syrie est de renverser le gouvernement nationaliste arabe pro-palestinien à
Damas, pour affaiblir ainsi l’Axe de la résistance et son pivot central,
l’Iran. Il y a trois ans, Nasrallah affirmait cela
publiquement. « Israël sait que les sources les plus importantes de
la force de la résistance au Liban et en Palestine, sont la Syrie, et
naturellement la République islamique de l’Iran. C’est pour cette raison qu’il
veut faire sortir la Syrie de l’équation et coincer la résistance en Palestine
et au Liban » 34.
Pour arriver à se débarrasser de la Syrie, Israël
– un État supposé, au moins en partie, avoir été établi comme terre
de refuge suite au génocide perpétré contre les juifs en Europe
– s’entend avec des organisations qui poursuivent leurs propres plans
génocidaires, faisant partie d’un plus grand projet néocolonial visant à
attiser les divisions au Moyen-Orient pour affaiblir les forces investies dans
le projet d’autodétermination des peuples autochtones de la région. Le projet
colonial européen s’est fréquemment appuyé sur le génocide ouvrant la voie à la
maîtrise par les colons européens des populations autochtones. Mais ce n’est pas
le génocide lui-même qui doit agiter nos esprits, mais a fortiori, c’est son
origine, la tradition coloniale – dont le sionisme lui-même est une expression
– pour laquelle le génocide a été une des pratiques habituelles, qui
mérite notre opposition résolue.
Le plus grand de tous les holocaustes, aussi obscène
soit-il, n’a pas été celui perpétré contre des juifs en Europe par l’Allemagne
nazie, bien qu’il ait été accompagné par l’extermination systématique d’autres groupes,
dont les Rom, les communistes et les Slaves. Si nous devions donner une
priorité aux génocides, comme celle donnée à l’holocauste anti-juif, dit
Holocauste avec un grand «H», ce serait à celui beaucoup plus grand, dont on
parle peu – et qui, si encore on l’admet comme
tel, mérite impérieusement cette qualification sinistre – celui des
Amérindiens. En termes de nombre d’êtres humains exterminés, l’holocauste
amérindien est peut-être le plus grand crime de la tradition coloniale
européenne.
Il faudrait noter que le régime d’Hitler représente
l’idéologie et la pratique coloniales européennes sous sa forme la plus élevée.
Ses méthodes ont été basées sur celles frayées par la Grande-Bretagne, la
France et les États-Unis [et l’Espagne, NdT] pour construire de vastes empires,
et par la Belgique et le Portugal, pour en construire de plus petits. Ce qui a
rendu Hitler répréhensible à l’esprit occidental, n’était pas la brutalité de
ses méthodes et son idéologie raciste – parce que celles-ci provenaient directement
des traditions coloniales européennes – mais d’avoir cherché à établir un
empire allemand à l’Est, apportant de ce fait au sein de l’Europe les méthodes
et le racisme que les Britanniques avaient employées en Inde, les Français en
Afrique et en Indochine, et les jeunes États-Unis pour la construction d’un
empire continental. Hitler a dit que l’Europe centrale et orientale, y compris
la Russie, seraient pour l’Allemagne ce qu’était l’Ouest américain aux
États-Unis et l’Inde à la Grande-Bretagne. Dans son Discours sur le
colonialisme, Aimé Césaire fait remarquer : « Ce que
(les Occidentaux) ne peuvent pas pardonner à Hitler n’est pas le crime
lui-même… mais le crime contre l’homme blanc, et le fait qu’il ait appliqué des
méthodes coloniales européennes qui jusque-là étaient réservées exclusivement
aux Arabes en l’Algérie, aux coolies en Inde et aux négros en
Afrique » . 35 Le nazisme était du colonialisme
imposé à des Européens. En considérant la perspective des horreurs
coloniales nazies introduites en Europe, les occidentaux pourraient commencer à
comprendre les horreurs et les oppressions coloniales équivalentes que l’Ouest
a fait subir aux Arabes, aux Perses et aux Palestiniens, au
moyen de son avant-poste israélien, pour ne rien dire du caractère politique
des pratiques et de l’idéologie que les gouvernements occidentaux et leurs
alliés poursuivent, encore à ce jour, au Moyen-Orient.
Stephen Gowans – Le 2 avril 2016 –
Source gowans.wordpress
Source gowans.wordpress
Traduit par
Alexandre MOUMBARIS [à joindre par email à democrite@neuf.fr ou sur son site], relu
par Marie-José MOUMBARIS pour le Saker Francophone.
Notes
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- Yarolsav Trofimov, Israel’s main concern in Syria: Iran, not ISIS, The Wall Street Journal, 17 mars 2016.
- Rosenberg, le 17 mars 2016.
- Patrick Seale, “Only a ceasefire will end the nightmare in Syria,” Gulf News, 26 juillet 2012.
- Yaroslav Trofimov, “Al Qaeda a lesser evil? Syria war pulls US, Israel apart,” The Wall Street Journal, 12 mars 2015; Trofimov, 17 mars 2016
- Isabel Kershner, “Scanning borders, Israel surveys new reality of tunnels and terror,” The New York Times, 11 février 2016.
- Trofimov, le 12 mars 2015.
- “Syria’s president speaks,” Foreign Affairs, le 25 janvier 2015.
- Trofimov, le 12 mars 2015.
- Ashley Gallagher, “Some wounded Syrians seek treatment from Israeli hospitals,” Al Jazeera America, le 18 mars 2014.
- Trofimov, le 12 mars 2015.
- Trofimov, le 12 mars 2015.
- Thomas Kapitan, “The Israeli-Palestinian Conflict,” in Thomas Kapitan ed., Philosophical Perspectives on the Israeli-Palestinian Conflict, 1997.
- Anne Barnard, “Muslim shrine stands at crossroads in Syria’s unrest,” The New York Times, le 8 avril 2014.
- http://sana.sy/en/?page_id=1489
- Glen Kessler, “Did Ahmadinejad really say Israel should be ‘wiped off the map’?” The Washington Post, le 6 octobre 2011.
- Kessler, le 6 octobre 2011.
- “Sayyed Nasrallah: Never to leave Palestine, ‘Israel’ scheme toppled in Lebanon, ” http://www.english.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=30020&cid=385#.Vv_xacv2bcs
- “Sayyed Nasrallah’s full speech on Al-Quds day,” July 10, 2015.http://www.english.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=29890&cid=564#.Vv_xm8v2bcs
- “PFLP affirms that PLO membership does not mean acceptance of the ‘two-state solution’”, PFLP web site, retrieved March 2, 2009, http://www.pflp.ps/english/?q=pflp-affirms-plo-membership-does-not-mean-acceptan.
- Paula Schmitt, “Interview with Leila Khaled,” 972 blog, le 17 mai 2014.
- “Jailed PFLP leader, “Only a one-state solution is possible,” Haaretz, le 5 mai 2010.
- Creede Newton, “Paradise is in the life, not the next: the Marxists of Gaza are fighting for a secular state,” vice.com, le 25 février 2016.
- Trofimov, le 17 mars 2016.
- “Sayyed Nasrallah’s full speech on Al-Quds day, le 10 juillet 2015.
- Bank of America Merrill Lynch, “Transforming World Atlas,” le 4 août 2015.
- Robert Dreyfuss, The Devi Game: How the United States Helped Unleash Fundamentalist Islam, Holt, 2005, p. 99.
- Full speech delivered by Hizbullah Secretary General Sayyed Nasrallah, on the commemoration ceremony held in honor of Sheikh Mohammad Khatoun, delivered on January 3, 2016.http://en.abna24.com/service/middle-east-west-asia/archive/2016/01/03/728497/story.html.
- Ben Hubbard, “ISIS turns Saudis against the Kingdom, and families against their own,” The New York Times, le 31 mars 2016.
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- Sayyed Hassan Nasrallah’s speech on al-Quds Day, July 10, 2015.http://www.english.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=29846&cid=385#.Vv_yjsv2bcs
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