Cet article
a été inspiré par une analyse du géo politologue russe Alexandre Douguine
dans laquelle il décrit les tenants et aboutissants du concept nouveau de «sixième
colonne». Partant de ces constats très pertinents du côté russe, il m’est
apparu utile d’en analyser les pendants du côté occidental. Le résultat de
cette étude révèle bien autre chose qu’une entité, plus ou moins formelle,
hostile aux peuples : elle révèle l’existence institutionnelle, en France, en
Occident et au niveau mondial, de puissances d’argent dominantes,
structurellement hostiles à tous les peuples du monde.
Le contexte occidental
Dans mes
précédentes analyses de géopolitique économique (voir ma série d’articles publiés sur le site du Saker francophone), j’ai
beaucoup insisté sur le fait que la conception française traditionnelle du
droit avait été, depuis l’avènement des institutions européennes, battu en
brèche au profit d’une conception anglo-saxonne, de nature économique et
financière. J’ai également axé mon décryptage du système économique global sur
le fait que la notion d’État était devenue, depuis le XXe siècle,
une variable d’ajustement d’un modèle devenu supérieur, le modèle de
l’entreprise de type capitalistique. Il résulte de mes analyses que le modèle
civilisationnel anglo-saxon s’est peu à peu imposé dans tous les pays
occidentaux, transformant derechef le fait politique en fait économique.
Cette
évolution française et occidentale, sans accroc et accélérée au niveau mondial
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a en réalité commencé bien avant
par la captation, par les puissances d’argent, du pouvoir politique.
Les
puissances d’argent ont commencé leur captation du pouvoir politique en
Occident en s’emparant de façon hégémonique du fait monétaire, qu’elles ont
extirpé de tout contrôle politique au moyen de la création du concept de «banque centrale». Ces banques
centrales, présentées comme des entités étatiques mais réellement sous contrôle
de capitaux et d’intérêts strictement privés, sont depuis longtemps les seules
régulatrices des questions monétaires, elles contrôlent la masse monétaire en
circulation dans chaque pays et finalement l’évolution de l’économie desdits
pays. Ces banques, dénuées de tout contrôle politique, travaillent pour les
intérêts des plus grands capitalistes. L’une des prérogatives régaliennes
essentielles, le fait de battre monnaie, ne ressort désormais plus des
compétences de l’État, occasionnant par là même une perte sérieuse de
légitimité et de souveraineté de l’État.
Mais il y a
plus, l’État lui-même est devenu, en Occident, le porte-parole des intérêts des
plus grands détenteurs de capitaux. À cet égard, permettez-moi de prendre plus
précisément l’exemple de la France, car tous les pays d’Europe occidentale,
s’ils aboutissent au même résultat, n’ont pas suivi le même déroulement
historique. En France, pays traditionnellement centralisateur, le fait
politique est, depuis la troisième République, concentré autour de deux
concepts : des partis politiques hiérarchisés et la «fabrique» d’hommes
politiques professionnels, par des écoles et des formations plus ou moins
dédiées constituant un vivier de recrutement. Ce phénomène permet une
appropriation relativement aisée du pouvoir politique au moyen de la prise en
main du sommet hiérarchique des «partis politiques» et de la corruption des
quelques élèves sortant des fabriques à personnalités politiques. Cette
corruption est d’ailleurs tout autant active que passive en raison de
l’orientation idéologique du processus de formation lui-même ; l’instruction
claironnée et tellement vantée s’analysant beaucoup plus en un formatage
(matérialiste) des esprits qu’en une élévation de ces derniers.
Il résulte
des phénomènes décrits ci-dessus qu’en France – et plus généralement en
Occident – l’État s’est vu approprié par des intérêts privés sélectifs, perdant
au passage sa légitimité intrinsèque. Le fait politique est devenu partie
intégrante du fait économique dans la mesure où les intérêts privés des plus
grands capitalistes – oligarques – ont mis la force publique résultant des
institutions étatiques à leur service. Dès lors, le «fait» politique n’a plus
pour vocation d’organiser, le plus sereinement possible, la vie en commun sur
un territoire donné, mais a pour fonction de faire respecter, par le plus grand
nombre, les intérêts financiers – homogènes – d’une caste particulière
d’individus, les grands capitalistes accapareurs.
Identification de la sixième colonne dans le contexte occidental
Il résulte
de l’analyse du contexte ci-dessus décrit que la sixième colonne identifiée par
Alexandre Douguine n’a pas réellement d’équivalent en France et plus largement
dans les pays occidentaux. Ou plutôt, ce sont les États et, plus récemment, les
organisations étatiques supranationales (c’est-à-dire les institutions de
l’Union européenne) qui sont eux-mêmes les porte-paroles de cette sixième
colonne.
Pour revenir
à la France, symbole éternel de l’évolution occidentale, l’État issu de la
Révolution française a été approprié par les puissances d’argent, à savoir la
bourgeoisie commerçante, devenue et mélangée à la bourgeoisie bancaire,
enrichie par le commerce lié aux grandes découvertes et par la gestion des
monnaies. Plus récemment, l’Union européenne a continué et accentué le
processus mettant directement les institutions publiques au service de ces
puissances d’argent ; en Europe occidentale les multinationales font les lois,
qui s’appliquent à tous, et les «juridictions» européennes sont les garantes de
cet ordre économique nouveau.
Ainsi, après
1789, la France est passée d’une monarchie, qui avait pour contre-pouvoirs tous
les corps intermédiaires, à une oligarchie financière dénuée de tout
contre-pouvoir, le tout sous le vocable trompeur de démocratie. La démocratie
est le vêtement dont se pare le pouvoir sous le prétexte qu’existe une
représentation populaire (pouvoir législatif). Mais cette représentation est,
dans les faits, c’est-à-dire concrètement, catégorielle et non pas populaire
parce que contrôlée par des partis politiques sous influence des puissances
d’argent. L’appareil d’État (pouvoir exécutif) est par ailleurs lui-même géré
par des hommes politiques issus du vivier contrôlé par ces mêmes puissances
d’argent.
Il en
résulte de la présente analyse qu’en Occident, c’est la structure même du
pouvoir qui correspond au concept de sixième colonne identifié par Alexandre
Douguine.
Aucun État
occidental n’a cherché à s’affranchir de l’emprise des puissances d’argent qui donnent
le «la» politique et dictent leur conduite à des États qui sont en réalité les
gestionnaires des intérêts financiers des oligarchies occidentales associées.
Certes, nous avons assisté en France et en Occident à des variations apparentes
de politique, mais ces variations étaient entièrement dues aux choix effectués
par les puissances d’argent dominantes : tantôt celles-ci étaient assez fortes,
notamment en raison de leurs colonies, pour s’autogérer, tantôt elles ont dû
s’allier à d’autres puissances d’argent ayant une conception différente de la
vie en société et se plier, en conséquence, à ces nouvelles conceptions.
D’empire
continental, la France (comme l’Allemagne et toutes les anciennes puissances
d’Europe) est devenue colonie de l’empire des mers. Le droit continental écrit,
civilisationnellement structurant, hérité de l’Empire romain, a ainsi
définitivement cédé la place au droit anglo-saxon tout entier tourné vers la
prédation économique des puissances d’argent.
La disparition inéluctable de l’ordre politique continental au profit de l’ordre politique atlantiste
La raison
pour laquelle la France et tous les pays continentaux d’Europe occidental ont
perdu leur identité civilisationnelle était, dès le départ, inscrite dans la
structure même de leur pouvoir. La force de leurs puissances d’argent s’est
avérée inférieure à la force des puissances d’argent dûment organisées à la
façon britannique, et plus largement anglo-saxonne. Les Anglo-Saxons ont,
depuis toujours, une conception économique de la vie en société qui a
grandement favorisé l’émergence d’un modèle de captation des richesses
aujourd’hui internationalement déployé par les instances internationales qui
font «l’ordre international». C’est précisément ce modèle qui s’est érigé en
pouvoir absolu non seulement au niveau local mais aujourd’hui au niveau
mondial.
Le jour,
symboliquement représenté par l’avènement de la Révolution française, où la
France a banni la civilisation de «l’être» pour adopter, de façon
extérieure à son propre développement, la civilisation de «l’avoir», et des
«avoirs», elle a perdu non seulement sa suprématie politique mais aussi et
surtout sa raison d’être. Reléguée à un rôle de boutiquier financier qu’elle
n’a jamais vraiment maîtrisé, la France s’est volontairement soumise à son
maître en la matière : la civilisation «de la mer», dirigée par les puissances
financières anglo-saxonnes.
La France
n’était France que parce qu’elle n’avait pas donné la prééminence aux
puissances d’argent. Autrement dit, la France n’était indépendante et autonome
qu’à l’époque, qui correspond à l’ordre monarchique de l’Ancien Régime, où la
spiritualité chrétienne était une valeur supérieure à la détention matérielle :
la France n’avait d’existence institutionnelle réelle que parce qu’elle organisait,
de façon structurelle, la supériorité de «l’être» sur «l’avoir», le statut
social et les réalisations des individus passant avant leurs avoirs matériels –
aujourd’hui simples numéros (dématérialisés) indiqués sur des comptes en banque
dont les titulaires ne sont pas propriétaires.
Les
évènements, de type tectonique, ci-dessus décrits ne peuvent se voir qu’une
fois leur mouvement achevé, car de telles modifications, lentes par nature,
sont peu apparentes. En revanche, elles opèrent des modifications si radicales
des fondamentaux civilisationnels que leur résultat final est proprement
spectaculaire : il rend méconnaissable le point de départ, qui était la notion
d’État souverain, juridiquement déclinée en un Souverain qui dirige un État.
L’avènement transnational du pouvoir sans racine et de l’homme sans humanité comme finalité des puissances d’argent dominantes
Le point
d’arrivée de ce mouvement tectonique, «forcé» par les puissances d’argent
dominantes du point de vue institutionnel mais minoritaires du point de vue
démographique, n’est, par construction, pas conforme à la vocation profonde des
peuples concernés. C’est précisément la raison pour laquelle ces puissances
d’argent estiment aujourd’hui indispensable de briser ce qu’il reste de
cohésion nationale, identifiée avec le concept d’État-nation. La victoire ne
sera totale pour les puissances d’argent que le jour où il ne restera plus
aucune poche de résistance civilisationnelle, c’est-à-dire le jour où la
structure sociétale naturelle des peuples aura été éradiquée. Nous assistons
ainsi, partout dans le monde, à une radicalisation tendant à faire disparaître
le regroupement des peuples par affinités culturelles, linguistiques et
historiques : ce qui se fait au moyen de guerres, de coups d’État, de migrations
forcées, d’organisation de la perte de repères spirituels et religieux. Ce
mouvement est naturellement mondial puisque produit par les puissances d’argent
prééminentes ayant organisé l’ordre international.
Plus
généralement, il est une leçon de l’histoire que ces puissances d’argent
victorieuses connaissent et redoutent : «Chassez le naturel et il reviendra au
galop».
L’ordre
naturel est tout entier, ab initio, le pire ennemi des puissances d’argent
dominantes. Elles veulent bannir, interdire ou rendre impossible toute
procréation naturelle, alimentation naturelle, soins naturels, cultures et
élevages naturels, regroupement naturel d’individus, «droit naturel» et
finalement toute humanité, tant il est vrai que l’humanité est une part du
processus naturel qu’elles honnissent.
De leur
détestation du «naturel», vient notamment le subit développement national et
international de la théorie du genre. C’est également en raison de leur
détestation du «fait naturel» que les puissances d’argent rêvent aujourd’hui de
s’approprier physiquement la notion d’homme nouveau. Elles rêvent ainsi de
créer un homme augmenté, par les pouvoirs de la science, faisant dangereusement
dériver l’espèce humaine vers le transhumanisme, dont le développement
technique est confié à des personnalités autistiques de type Asperger, coupées
par essence du reste de l’espèce humaine par le fait qu’elles ne ressentent pas
d’émotions positives les liant au groupe. Il faut d’ailleurs voir dans ce
processus de recherche d’un «homme nouveau» la raison d’être, développée à
partir de la seconde moitié du XXe siècle, de la hiérarchisation
sociale des individus en fonction de prétendus QI (coefficient intellectuel),
lesquels sont formatés pour mettre en avant les capacités «calculatoires»
d’individus que l’on cherche à couper de toute réaction émotionnelle
distinctive ; ces mêmes réactions émotionnelles qui ont assuré la survie de
l’espèce humaine au fil des âges.
L’avènement
de cet Homme nouveau-augmenté sera réservé aux puissances d’argent victorieuses.
Il s’accompagnera d’un Nouvel Ordre Mondial – gouvernement mondial autoritaire,
centralisateur à l’extrême, accompagné d’une religion mondiale et d’une
crypto-monnaie mondiale – qu’une grande partie des populations ne connaîtra
pas, vouées qu’elles sont à disparaître.