On trouve à boire et à
manger dans le flot de paroles sultanesques. Si, après un coup de fil de Moscou, Erdogan a une nouvelle fois rétropédalé la queue entre les jambes suite à ses déclarations tonitruantes visant à déloger Assad du pouvoir
- il paraît qu'on aurait mal compris ses paroles, le pauvre... - il est plus
sérieux sur d'autres sujets.
Ainsi souhaite-t-il
apporter sa pierre à ce qui est dans les tuyaux (et même plus) depuis quelques
temps : la dédollarisation de l'Eurasie. Le sultan a proposé à la Russie, la Chine et l'Iran de remplacer le
dollar par les monnaies nationales dans leurs échanges bilatéraux, rien que ça
! Notons qu'Ankara avait déjà caressé l'idée il y a deux ans, en pleine crise
ukrainienne et syrienne ; il semble que la récente dégringolade de la lire turque et, partant, la nécessité
impérative d'assurer une forte demande pour celle-ci ont plus que renforcé cette
volonté.
Où comment, exemple
parfait de l'effet papillon géopolitique, une problématique locale peut porter
en germe d'énormes conséquences sur la dynamique mondiale, la puissance
américaine reposant en effet en grande partie sur l'hégémonie du dollar.
Une mauvaise nouvelle
n'arrivant jamais seule pour le système impérial, Trump prononçait au même
moment un discours qui fera date, annonçant la fin (du moins sous
son mandat) de l'interventionnisme US :
« Nous
sommes prêts à collaborer avec tout Etat qui souhaitera se joindre à nos
opérations militaires pour détruire l'Etat islamique et tous les groupes
terroristes islamistes radicaux. Oui, nous allons détruire Daesh. Mais dans le
même temps, nous allons poursuivre une nouvelle politique étrangère en prenant
en compte nos erreurs commises dans le passé. Nous allons cesser de renverser les
gouvernements d'Etats étrangers [...] Notre objectif est la stabilité, non le chaos. Le
temps est venu de reconstruire notre pays ».
On imagine la panique
dans les sous-sols de la CIA et dans les salles de rédactions européennes...
Bien sûr, tout ne changera pas du jour au lendemain, toutes les promesses ne
seront peut-être pas tenues et "l'Etat profond", le fameux Deep State, tentera tout ce
qu'il peut pour torpiller ce changement tectonique. Mais enfin, la direction
générale est indiquée et le public américain touché. Jamais un président US
n'avait fait ce genre d'aveu...
Terminons sur une
nouvelle assez décoiffante. La Chine, qui vient d'ailleurs de s'aligner sur la
position russe en mettant son veto à une énième résolution onusienne concernant
Alep et a, à cette occasion, sèchement recadré l'ambassadeur britannique (« Je
voudrais demander au représentant du Royaume-Uni de mettre fin à la pratique
d'empoisonnement de l’atmosphère au Conseil de sécurité de l’ONU et à
l’humiliation de ses membres »), la Chine, qui s'est aussi mise très en colère
après le coup de fil de Trump à la présidente taïwanaise (comme quoi, tout ne
deviendra pas irénique avec le Donald), la Chine, donc, a reçu une délégation houtie en provenance du Yémen.
La Maison des Seoud doit
s'étrangler de rage... Sans prendre ouvertement partie dans ce conflit et appelant
de manière répétée à la fin des hostilités, le dragon met tout de même une
petite patte dans le camp de Téhéran (et de Moscou). Là comme ailleurs, le triangle sino-russo-iranien, clé de l'Eurasie, est en
marche.
Source: Observatus
geopoliticus