vendredi 27 juillet 2018

Les Saoudiens arrêtent les expéditions de pétrole par la mer Rouge : Un tournant majeur dans la guerre au Yémen

La flambée des prix du pétrole résultant d’un arrêt temporaire des expéditions à travers le détroit stratégique de Bab el Mandeb peut être de courte durée, mais l’impact sur la guerre oubliée du Yémen, vieille de trois ans, risque de mettre le conflit dévastateur à l’avant-plan.
Cet arrêt suite à une déclaration saoudienne selon laquelle les rebelles Houthis soutenus par l’Iran au Yémen avaient attaqué deux pétroliers saoudiens traversant la voie navigable fait comprendre la menace que le conflit fait peser sur le commerce international et le flux de pétrole du Golfe vers les marchés mondiaux. Les Houthis ont dit qu’ils avaient attaqué un navire de guerre saoudien plutôt que des pétroliers.

On estime que 4,8 millions de barils de pétrole sont expédiés chaque jour par Bab al Mandeb, qui relie la mer Rouge à la mer d’Arabie, au large des côtes du Yémen, de Djibouti et de l’Érythrée.
Production d'énergie et points de transit du Moyen-Orient
Production d’énergie et points de transit du Moyen-Orient
L’arrêt des expéditions de pétrole pourrait provoquer une escalade du conflit avec des puissances extérieures intervenant pour aider l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis à vaincre les Houthis et à porter un coup à la présence régionale de l’Iran.
Du même coup, cet arrêt offre potentiellement à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis l’occasion de concentrer l’attention internationale sur la résolution d’une guerre civile aggravée et transformée en conflit régional par l’intervention militaire des deux États du Golfe en mars 2015.
Plutôt que d’être une campagne rapide qui devait maîtriser les Houthis, l’intervention s’est transformée en un bourbier et un fiasco des relations publiques pour l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis.
Les critiques internationales à l’égard de leur gestion de la guerre sont de plus en plus nombreuses en raison de son coût catastrophique en pertes humaines. Les voix au Congrès américain, au Parlement britannique et dans d’autres assemblées législatives occidentales, ainsi que les groupes de défense des droits de l’homme qui réclament l’arrêt des ventes d’armes à l’Arabie Saoudite sont de plus en plus fortes.
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Les groupes d’experts des services armés de la Chambre et du Sénat des États-Unis ont publié plus tôt cette semaine une loi de défense commune qui exige que le Pentagone informe le Congrès si les forces de la coalition américaine ou arabe violent la loi fédérale ou la politique du Pentagone. Une autre mesure limite le ravitaillement en vol des avions de la coalition si les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite ne parviennent pas à démontrer leurs efforts pour soutenir les pourparlers de paix soutenus par les Nations Unies, résoudre la crise humanitaire croissante et réduire le nombre de pertes civils.
La guerre a tué au moins 10 000 Yéménites et a laissé plus de 22 millions de personnes – les trois quarts de la population du Yémen – dans le besoin d’aide humanitaire. Au moins 8 millions de Yéménites sont au bord de la famine et 1 million sont infectés par le choléra.
Comme première réponse à l’arrêt des expéditions de pétrole, les États-Unis et la Grande-Bretagne, soucieux de profiter de l’augmentation des ventes d’armes, sont susceptibles d’intensifier leur soutien aux Saoudiens et aux Émirats Arabes Unis dans la guerre du Yémen.
Vu de Washington et de Riyad, la guerre est un front de plus dans les initiatives américaines pour forcer l’Iran à cesser de soutenir les mandataires du Moyen-Orient.
Depuis le début de la guerre, les États-Unis et le Royaume-Uni ont vendu pour plus de 12 milliards de dollars d’armes à la seule Arabie Saoudite – y compris certains des avions de guerre et les charges utiles qu’ils larguent.
De plus, l’armée américaine assure le ravitaillement en vol des avions saoudiens et des avions des Émirats Arabes Unis, et le personnel britannique et américain assiste les Saoudiens alors qu’ils ciblent leurs frappes.
Les États-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres puissances pourraient envisager d’étendre les opérations d’une alliance anti-piraterie dans la région créée en 2008 en réponse à la piraterie somalienne. L’alliance comprend des navires de guerre qui patrouillent dans les eaux régionales à partir des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies – les États-Unis, la Chine, la Russie, la Grande-Bretagne et la France – ainsi que d’autres pays d’Europe et d’Amérique latine, l’Australie, le Japon, le Pakistan, Singapour, la Turquie, l’Arabie Saoudite et la Thaïlande.
Les possibilités d’une avancée dans les efforts de paix augmentent car l’arrêt des expéditions de pétrole s’accompagne d’une menace d’assiéger le port stratégique d’Hodeïda, ce qui pourrait compromettre le flux de fournitures humanitaires et créer une occasion de redoubler d’efforts pour mettre fin à la guerre au Yémen.
Dans une lettre adressée aux dirigeants du Congrès américain, l’ambassadeur des Émirats Arabes Unis auprès des États-Unis, Yousef al-Otaiba, a déclaré en juin que les combats menés par la force arabe saoudienne au Yémen donnent aux rebelles Houthis soutenus par l’Iran  » la plus grande chance possible  » de se retirer pacifiquement de Hodeida.
L’envoyé de l’ONU Martin Griffiths a présenté la semaine dernière une proposition qui éviterait une lutte pour Hodeida qui n’a pas encore été acceptée par toutes les parties.
Le plan prévoit un retrait progressif des Houthis de Hodeida et de deux autres ports voisins, un retrait progressif des forces des Émirats Arabes Unis, une aide de l’ONU pour affecter des Yéménites au port, qui gouvernerait également la ville de 60 000 habitants, et la reprise des pourparlers de paix actuellement dans l’impasse.
La possibilité de l’arrêt des expéditions de pétrole accélérant les efforts pour mettre fin à la guerre est renforcée par le fait que la décision saoudienne a des implications qui vont au-delà de la sécurité énergétique.
Les multiples conflits au Moyen-Orient, y compris la rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran et le différend entre le Qatar et une alliance dirigée par l’Arabie Saoudite et les États-Unis qui a imposé un boycott diplomatique et économique de 14 mois à l’État du Golfe se sont répandus à travers la corne de l’Afrique, les EAU, l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie et la Chine se disputant l’influence en prenant le contrôle des ports et en établissant des bases militaires.
La forte présence militaire et commerciale des Émirats Arabes Unis dans la région est l’une des raisons pour lesquelles le président chinois Xi Jinping s’est récemment arrêté aux Emirats pendant trois jours en route vers une tournée en Afrique.
La Chine serait probablement en faveur de capitaliser sur l’arrêt saoudien pour propulser les efforts de paix tandis que l’administration Trump penchera probablement vers une intervention militaire qui confronte l’Iran.
L’érudit et auteur Ellen R. Wald a déclaré : « La mer Rouge est une voie de navigation très importante. S’il y a une perturbation majeure des puissances européennes, l’Égypte et les États-Unis auraient tous des raisons d’intervenir. Ils ont tout intérêt à protéger la liberté des mers par le passage du détroit de Bab el Mandeb. Une intervention internationale contre les Houthis est peut être juste ce que veut l’Arabie Saoudite. »
traduit par Pascal, revu par Martha pour Réseau International

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