Les
rédacteurs de Foreign Policy lisent-ils nos Chroniques
? Quelques jours après notre billet sur la montée en puissance du soft
power humanitaire chinois en ces temps pandémiques, la revue
néo-impériale a publié un article qui fera peut-être date, intitulé "Le
coronavirus pourrait remodeler l'ordre mondial".

Le
chapeau - "La Chine manœuvre vers le leadership mondial
pendant que les États-Unis fléchissent" - annonce clairement
la couleur et les auteurs se lamentent :
Le statut des États-Unis en tant que leader
global durant les sept dernières décennies a été bâti non seulement sur la
richesse et la puissance mais également, tout aussi important, sur la
légitimité d'une bonne gouvernance intérieure, la fourniture au monde de biens
et la capacité de rassembler et coordonner une réponse globale aux crises. Le
coronavirus teste ces trois éléments et Washington est en train de rater
l'examen.
Pendant que les États-Unis fléchissent, Pékin
avance rapidement pour profiter des erreurs américaines, comblant le vide pour
se positionner en tant que leader global. Les Chinois vantent leur propre
système, fournissent une assistance matérielle aux autres États et aident même
les gouvernements à s'organiser (...) La Chine comprend que, si elle est vue
comme leader dans cette crise et que Washington donne l'impression d'être
incapable de le faire, cette perception pourrait fondamentalement affaiblir la
posture américaine dans les relations internationales et grandement modifier la
lutte pour le leadership mondial au XXIème siècle.
Des dizaines de pays bénéficient
maintenant de l'aide chinoise et les euronouilles, totalement perdus par le
reflux du suzerain US, ne savent plus à quel saint se vouer. Pendant que
certains tentent encore maladroitement de sauver les meubles en pointant du doigt la "propagande chinoise", d'autres sont pris d'une nostalgie résignée :
L’histoire retiendra peut-être ces journées de
mars 2020, lorsque la Chine est venue au secours de l’Europe. La semaine
dernière, c’était en Italie, et hier, la Chine a envoyé un million de masques
en France, où il existe un risque de pénurie.
Geste symbolique d’un pays devenu une grande
puissance et qui le montre à la manière dont nous, les puissants du monde
d’hier, le faisions autrefois, par l’action humanitaire. Il y a, au-delà du
symbole, le reflet d’un nouveau rapport de force international qui change tout.
Un article de The Intercept résume parfaitement
la situation : "Pendant que les États-Unis
incriminent la Chine pour la pandémie du coronavirus, le reste du monde lui
demande son aide" Le renversement de paradigme est en
effet saisissant. L'hyperpuissance américaine n'est plus que l'ombre
d'elle-même et se claquemure pour contenir une épidémie dont la courbe prend
une dangereuse tangente (aucun autre pays n'a connu une telle
progression après autant de semaines) :

Ce qui
n'empêche d'ailleurs pas les illuminés de Washington-sur-Potomac de débattre d'une escalade contre l'Iran, pourtant très
durement touché par le corona. Les faucons, où l'on retrouve sans surprise
Pompeo et O'Brien, le Conseiller à la Sécurité nationale, se sont toutefois
cognés au mur des militaires (Esper, supremo du pentagone, ou encore Milley, le
chef d'état-major), bien moins enthousiastes d'aller en découdre avec Téhéran,
ce qui est d'ailleurs la ligne de Donaldinho lui-même.
Fidèle à
elle-même, l'inénarrable
Union européenne brille, quant à elle, par sa mollesse impuissante. Même
ses thuriféraires habituels ne peuvent cacher le fiasco monumental. Comme le
dit un autre article de Foreign Policy, le virus a réduit
en cendres l'héritage de Merkel. Quatorze années d'européisme acharné, de
péroraisons sur la "solidarité européenne" ou l'austérité financière
parties en fumée en quelques jours...
Nous
avions déjà vu dans un billet précédent que le président serbe ironisait sur le
"conte de fée" eurocratique.
Clou dans le cercueil, la Lombardie,
région la plus touchée d'Italie, a fait une croix sur le soutien de Bruxelles
et vient de demander l'aide de la Chine, de Cuba et... du Venezuela ! Ô
ironie.
Un
dernier mot sur la Russie qui, bien que
de manière moins spectaculaire que Pékin, aide aussi son (proche) prochain. Des
dizaines de milliers de kits de dépistage ont été fournis à
tous les membres de l'Union économique eurasienne (où la solidarité semble
mieux fonctionner que chez sa consœur européenne) et de l'Organisation du
traité de sécurité collective, regroupant plusieurs ex-républiques de l'URSS.
D'autres alliés/pays amis ont bénéficié ou bénéficieront dans les prochains
jours de l'aide de Moscou : Iran, Serbie, Venezuela, Mongolie, Égypte, Italie...
La
presse américaine, elle, regrette que les sanctions impériales d'hier contre la Russie lui aient permis
d'être bien mieux armée, aujourd'hui, que l'immense majorité des États de la
planète face à la pandémie. Nous avons montré à plusieurs reprises (ici ou ici par exemple) que ces sanctions, parfois gênantes à
court terme, étaient en réalité une bénédiction à long terme pour l'ours,
réduisant sa dépendance vis-à-vis de l'Occident et l'obligeant à ne compter que
sur lui-même.
Auto-suffisante
sur le plan agricole, libre de dette et disposant de réserves considérables, la
Russie va désormais empocher les dividendes de cette politique clairvoyante. "Gouverner, c'est prévoir"
: personnifié par Colbert qui, en son temps, fit planter un million d'hectares
d'arbres pour servir de bois de construction à la marine pour les siècles à
venir, ce célèbre adage est repris avec sérénité du côté de Moscou.
Ce vieux
fond de sagesse russe, ou chinoise, contraste avec le spectacle de dirigeants
occidentaux sautant en tout sens comme de petites puces affolées tentant de se
raccrocher aux branches. Le temps long face à l'esclavage de l'immédiateté,
encore et toujours...
Source : Chroniques
du Grand Jeu
Commentaire
Nous
citons ici Michael McCaffrey, qui vit à Los Angeles où il est scénariste et
consultant, notamment auprès d’acteurs de cinéma. (Mais sur son
site mpmacting.com, il se définit plutôt comme
« philosophe
à temps partiel, prophète, pugiliste, poète », ce qui est
somme toute beaucoup plus sympathique.)
Son
propos va au cœur de la psychologie américaniste, de “l’âme de l’Amérique“ s’il
y en avait une, – et s’il voit la possibilité d’une fin un jour de la crise
Covid-19, il ne croit pas que l’Amérique se relèvera jamais du coup qu’elle
essuie aujourd’hui, – ce qui ne semble pas lui déplaire après tout.
« Les
Américains ordinaires ne peuvent plus s’aveugler et s’enivrer avec
le sport et la gloutonnerie, ce qui leur permettrait en principe de voir
clairement le caractère maléfique de la classe dirigeante qui les exploite et
les méprise. Si seulement ils pouvaient ouvrir les yeux sur cette réalité.
» Quiconque
a des yeux pour voir peut clairement comprendre que l’Amérique est un empire en
déclin rapide qui est résolument entré dans sa phase ultime de survie. Ce fait
a été clairement mis en évidence grâce à Covid-19. Comme il y a maintenant une
pénurie de pain, comme les rayons des supermarchés sont vides, comme la
distraction du cirque des sports a été indéfiniment ôtée de leur de la culture,
les Américains n'ont plus grand-chose pour les distraire de la réalité froide
et dure...[...Ils] auront
de plus en plus de mal à ignorer la vérité sur leur pays et ses médias, ses
finances, son gouvernement, son éducation et ses systèmes de santé, tout cela
déplorablement corrompu et les narguant sans vergogne.
» Comme le
dit le vieil adage, la crise révèle le caractère, et la contagion du
coronavirus est une crise aux proportions épiques qui nous montre à l’évidence
que l’Amérique est totalement dépourvue de tout caractère rédempteur.
» Si
l’Amérique était un pays sain et rationnel, ce serait une grande opportunité de
changement... hélas, ce n'est pas le cas. L’Amérique est une nation folle,
malsaine et irrationnelle, et tout changement véritable est donc inconcevable.
» Par
exemple, cette crise a une fois de plus révélé le château de cartes de
l’enfumage et les miroirs déformants définissant l'économie
américaine. L’économie américaine a depuis longtemps été minée et trafiquée par
la financiarisation, quand les rachats d'actions et les manigances comptables
gonflent le marché boursier mais ne créent rien de substantiel pour les masses
sauf l'illusion de la prospérité. Ici, en Amérique, l'économie a depuis
longtemps cessé de fonctionner pour les gens ordinaires... [...]
» Les
putes du Corporate Power, des deux partis, qui sont au Congrès et à la Maison
Blanche, informent également avec entrain les Américains que les soins de santé
universels que tous les autres pays industrialisés du monde possèdent déjà sont
une chimère complète et une impossibilité.
» Elles
nous disent qu’elles ne pourront jamais payer pour quelque chose d'aussi
décadent et luxueux que les soins de santé, mais elles sortent par magie $1 500
milliards de leurs trous du cul plaqués or afin d'éviter un effondrement dont
elles sont responsables. Il est étonnant de voir comment les Seigneurs de la
Finance peuvent faire apparaître de l'argent par miracle pour faire avancer les
choses lorsque que leur richesse exorbitante est en jeu, et non la santé et le
bien-être des Américains ordinaires.
» Le
coronavirus est une crise qui révèle l'horrible vérité sur l'Amérique et le
caractère maléfique de sa classe dirigeante. La crise du Covid-19 va s'aggraver
avant de se résoudre, mais elle finira par se résoudre. Au contraire, l’état de
l’Amérique ne fera qu'empirer, sans aucun espoir d'amélioration. »
L’intérêt
ici est de constater combien les réactions et commentaires devant
l’installation de la crise Covid-19 aux USA déclenchent aussitôt des réflexions
fondamentales sur le sort même de l’Amérique, plutôt que de s’arrêter à la
crise sanitaire comme c’est le cas dans les commentaires dans les autres pays.
L’aspect sanitaire, justement, est au second plan, et nos commentateurs vont
aussitôt aux aspects dits-“collatéraux“, mais en réalité essentiels, qui
concernent la cohésion structurelle de l’Amérique, son ontologie, – ou,
dirait-on plutôt, son simulacre d’ontologie ; et il s’agit essentiellement
pour l’essentiel, au travers des aspects sociaux de la tragédie, de la
vulnérabilité fondamentale de l’Amérique, qui est la cohésion de sa population..
Source : dedefensa.org
A ceci il faudrait ajouter le fait que les "citoyens" états-uniens
RépondreSupprimerprocèdent à des achats massifs d'armes et le décors est planté pour une grosse pagaille....
Un constat très intéressant plein de bon sens de Michael McCaffrey.
RépondreSupprimerOn pourrait changer le mot amerique par France, grande Bretagne,Allemagne Espagne, le constat est le même.
SupprimerUn homme armé et un Citoyen, un homme désarmer et un sujet.