lundi 29 mai 2023

Alain Daniélou et le point de vue hindou sur le Kali-Yuga européen

Alain Daniélou, frère du cardinal [1], est païen et a vécu quinze ans en Inde au beau milieu du vingtième siècle. Là il parfait sa connaissance de l’hindouisme, des textes sacrés, de la musique traditionnelle et de la danse initiatique. Puis il revient en Europe et assiste bien placé par ses relations mondaines au déploiement de cette Europe décadente dont a parlé Raymond Aron. Au début des années 80 il publie ses mémoires, le Chemin du labyrinthe. Le livre est fabuleux, à couper le souffle, totalement passionnant. Et il va appliquer sa connaissance de la Tradition, jointe à un remarquable esprit libertarien, cet esprit libre n’ayant jamais supporté la discipline occidentale, pour analyser ce qui se passe en Europe, qui dès les années 60 et 70 court au Reset et à la dystopie.

C’est armé de ce bagage que j’ai commencé à reprendre contact avec l’Europe qui m’est apparue comme une région malade, atteinte d’une sorte de cancer qui fait que certaines cellules se développent de façon incontrôlée et contaminent peu à peu les autres. Ce développement à forcement une limite. L’espace vital est de plus en plus réduit pour chacun dans ces énormes termitières qui recouvrent peu à peu les campagnes et les forêts.

Le cancer de la civilisation et la fin de l’espace vital, nous y sommes. A l’époque on en parlait, aujourd’hui on applique. Daniélou évoque avec son toupet habituel les origines « aryennes » (violence et pillage) de ces occidentaux toujours en guerre et colonialistes :

La recherche de la prospérité étouffe celle de la sagesse et du bonheur de vivre. Je me suis interrogé sur les raisons qui rendaient les Occidentaux modernes si agités et en somme assez rarement heureux. Les Aryens dont sont issus la plupart des peuples qui ont dominé l’Europe, les Achéens, les Doriens, les Celtes, les Romains, les Germains, les Russes, sont des peuples prédateurs. Ayant récemment envahi une grande partie de la planète, peuplé les Amériques et l’Australie, imposé leurs langues à l’Afrique et parfois même à l’Asie, ils ont atteint une limite et leur force d’expansion se retourne contre eux-mêmes. Il semble peu probable qu’ils arrivent à se contrôler.

Oui, la force se retourne contre soi, et avec quelle alacrité !

Daniélou attaque l’occident là où il se croit fort, sur le plan des idées et de l’intellect ; il est aussi percutant que René Guénon :

J’ai été surpris par l’incohérence des concepts, la naïveté des croyances, le manque de rigueur des raisonnements. De soi-disant « intellectuels » s’acharnent, sur des bases plus qu’incertaines, à changer le monde sans en étudier la logique ni en rechercher la raison d’être ; et prétendent « reformer » la société en partant de postulats irréalistes qui en tiennent aucun compte de la nature et du rôle de l’animal humain dans l’ensemble de la Création.

Daniélou comprend comme Schopenhauer (voyez mon texte) que l’on ne peut convaincre en Occident. Alors il faut exterminer – surtout si on est le plus fort :

Cette sorte de jeu artificiel ne peut aboutir qu’à de fausses valeurs imposées par des formes de tyrannie car, quand on arrive au bout du mensonge, on n’a plus d’autre issue que la destruction des preuves des opposants et l’annihilation physique de ceux qui les soutiennent ainsi que l’Histoire l’a trop souvent démontré.

Il balaie la France fonctionnaire, républicaine et liquéfiée en une phrase :

Les Français notamment apparus comme des gens particulièrement légers et irresponsables.

La clé c’est la catastrophe bourgeoise. Taine en a très bien parlé dans son La Fontaine et les fables (voyez mon texte) ; Daniélou ajoute que le bourgeois est dangereux, surtout sur le plan culturel, car il est un snob. Cela donne les Femmes savantes, le bourgeois gentilhomme, la quête du mamamouchi et pas du Graal, ou le festival de Cannes et la sous-culture moderne qui repose sur la bêtise conformiste et le terrorisme critique :

Le monde occidental, qu’il se prétende capitaliste ou socialiste, est entièrement dominé par la mentalité bourgeoise, c’est-à-dire par l’esprit qui caractérise la troisième caste, celle des marchands, non point tellement par suite de la puissance que donne l’argent que par l’importance attachée aux questions matérielles et surtout par le snobisme, un mot qui, selon certains, viendrait de l’italien snobile, « sans noblesse ».

L’esprit libre et indépendant devient une rareté dans cet Occident alors :

Les esprits indépendants qui cherchent leur propre vérité, veulent vivre selon leurs goûts, sont suspects dans ce monde artificiel et prétentieux. Les snobs prônent les modes artistiques comme s’il s’agissait de valeurs incontestables.

Daniélou insiste sur ce snobisme qui crée un déclin actif de l’art (visible par tous dès le dix-neuvième siècle, voyez Tolstoï ou Max Nordau) :

Il semble qu’il n’existe plus de lien entre la cosmologie et la science, entre l’art et le sacré. Il y a des maladies et des idéologies à la mode alors qu’il s’agit de questions d’importance vitale. Le communisme de salon va de pair avec la musique aléatoire ou l’enthousiasme feint pour des toiles dépourvues d’intérêt esthétique, de talent ou même de technique.

Et de conclure sur cette question :

Les snobs sont des naïfs vaniteux aisément manipulés par les intérêts des puissances d’argent et des impérialismes. Les prétendus intellectuels font bien souvent partie de ce troupeau.

Le déclin de la science est évident aujourd’hui, sur fond d’épidémie, de la fin de l’énergie et d’arnaque spatiale (coucou Apollo ? Coucou Ariane ?) ; Daniélou ajoute :

Rares sont les savants qui au bout de leur carrière osent jeter, comme le faisait Oppenheimer, un regard effrayé sur le monde qu’ils ont contribué à construire tout en sachant qu’ils sont irresponsables, que la science collective poursuit son développement aveugle vers un destin inconnu que chacun pressent, qu’en théorie nul ne désire, et qui nous terrifie tous.

L’abrutissement téléradio en une phrase :

Un silence inquiétant est tombé sur les hommes saturés du bruit des radios et des images publicitaires de la télévision.

Daniélou pressent la liquidation au nom de la lutte contre le racisme de la diversité sur terre :

Au lieu de permettre aux différentes races de coexister, on encourage un abâtardissement général comme une solution qui contredit en fait la notion d’égalité de base. Là encore, au lieu de contempler, d’admirer, d’essayer de comprendre d’œuvre divine dans sa multiplicité, on cherche à l’abolir.

Enfin après ce bilan, la solution ? Il n’y en a pas de solution :

On m’a souvent demandé si je ne pourrais pas définir des lignes de conduite, une méthode, une « religion » qui pourrait sortir l’Occident de l’impasse ou du moins aider quelques-uns à se réaliser. Mais je ne suis ni un maître ni un prophète. Dans un monde qui court à sa perte, selon la théorie des cycles, il n’existe de salut qu’individuel. Nous approchons, selon la conception hindoue, de la fin de kali yuga [2], l’âge des conflits, qui doit finir par un cataclysme.

Macron réélu impose à son lâche et débile peuple nouveau (son peuple prolétaire, dirait le grand roumain Vlaicu Ionescu) un totalitarisme énergétique sur fond d’effondrement intellectuel et moral. L’homme libre au milieu des ruines (Julius Evola) ne peut qu’espérer passer au milieu des gouttes notamment s’il développe dirait Laborit sa capacité de fuite et ses dons manuels. Daniélou surdoué prétendait pouvoir exercer 32 métiers dont celui d’horloger, de jardinier ou de mécanicien.

J’oubliais : sur les USA il explique qu’avant Roosevelt et la guerre ce pays était un paradis avec des gens libres et de bonne humeur – noirs compris (ils constituaient une caste). Puis est venu l’empire et sa bureaucratie… On croirait lire du Rothbard. Comme je l’ai expliqué dans mon opus sur la comédie musicale cette nostalgie a créé un genre spécial : l’americana…

Nicolas Bonnal via Le Saker Francophone  Mai 2023

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NOTES de H. Genséric

[1] 10 mars 2019   L'épectase au bordel

Un homme âgé se hâte rue Dulong. Voilà sa silhouette nerveuse qui pousse la porte du 56. Il est 15h33, ce lundi 20 mai 1974. Quinze minutes plus tard (bizarre, c'est court!), il gît, raide mort, dans un appartement du 4ième étage. Il est tout dépenaillé, peut-être à cause des soins qui lui ont été prodigués en vain. À moins que… le scandale Daniélou peut commencer.

Quelques heures plus tard, la radio annonce la nouvelle : « Le cardinal se trouvait chez des amis, dans le XVIIe arrondissement, quand il a été pris d’un malaise ». Le prélat disparu à 69 ans, est un théologien nommé cardinal par Paul VI cinq plus tôt. Ses yeux pétillants, qui percent sous d’énormes lunettes, sont aussi familiers aux Français que son large sourire ou sa diction un brin théâtrale. Le vibrionnant intellectuel, dont les écrits l’ont fait élire en 1972 à l’Académie Française, est comme chez lui à la télévision. 

Épectase et extase

C’est une star médiatique en soutane qui vient de rendre l’âme. Le 26 mai, il est inhumé en grande pompe à Notre-Dame. Dans son homélie, un prêtre, Xavier Tilliette, lui rend hommage : « c’est dans l’épectase de l’apôtre qu’il est allé à la rencontre du Dieu vivant (d'une déesse?)». Ce mot obscur signifie (en grec) la tension de l’âme vers la sainteté (sic).

Le terme renvoie aux travaux de Daniélou sur le Platonisme et la « théologie mystique », mais il va rapidement acquérir une notoriété plus licencieuse : car il sonne comme… extase!

Le mercredi 29 mai, le Canard Enchaîné révèle que Daniélou n’est pas mort chez des amis mais « dans l’appartement d’une dame S., gente blonde de 24 ans, travaillant la nuit dans un cabaret ». Dans la foulée, la presse satirique se gausse, d’autant que l’ecclésiastique affiche des positions conservatrices. Et le voilà renvoyé à de très petites vertus cardinales. L’Église tente de faire bloc pour défendre sa réputation avant que n’en sonne le glas. Certains dénoncent une malveillance des « dominicains de gauche », d’autres un coup monté des anticléricaux. L’épiscopat prétend même qu’en bon jésuite soucieux des déshérités, il était allé confesser la pécheresse.

La soutane légère

Mais alors, que faisait-il avec trois mille francs dans les poches ? (La dame prenait cher!) Là encore, la parade de l’Église est laborieuse : l’argent devait aider Gilberte S. à payer un avocat pour son mari corse, en prison. Or comme le relate un savoureux livre d’enquêtes, le cardinal, qui lui assurait être libraire, fréquentait « Mimi » régulièrement. Parfois avec une «copine » habituée des  trottoirs de l’avenue Carnot, écrit le journaliste Jean-Marie Pontaut («Sous les jupes de la Ve », Ed. Tallandier, 2017) . D’autres sources policières affirment sur la foi d’indicatrices l’ayant eu comme client, qu’il avait la soutane légère. ......Un autre prêtre est mort quelques semaines après dans la région de Toulouse, dans des circonstances analogues.

[2] Le Kali Yuga ou kaliyuga (en écriture devanāgarī : कलियुग, « âge de Kali » ou « âge de fer »), est le quatrième et actuel âge de la cosmogonie hindoue, les trois autres étant le Krita Yuga, le Trétâ Yuga (en) et le Dvâpara Yuga. Ces quatre âges correspondent à un Mahayuga

 

Hannibal Genséric

3 commentaires:

  1. D'après Gaston Georgel depuis le début de l'année 2023 nous sommes dans le dernier cycle de fer divisé en quatre phases jusqu'à environ 2030, la première phase 2,8 ans, la deuxième 2,1 ans, la troisième 1,4 et la dernière 7 mois.

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  2. Si l'Europe est atteinte d'un cancer, alors le doute n'est plus permis sur la phase finale, soit la mort de la caste de Bruxelles.

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  3. Tout macrocosme a un microcosme, tout microcosme a un macrocosme. L'homme est une échelle. Le degré de l'enfer dans notre microcosme sont les passions désordonnées, l'avidité, le goût du pouvoir, l'orgueil, etc. Tous ces désordres engendrent l'hébétude, l'obscurcissement complet de l'intelligence, celle-ci étant une lumière au sens métaphysique du terme. Il n'y a pas de liberté dans la tyrannie de l'égo et des désirs. Pour les soufis, il n'y a de liberté que dans l'esprit, en témoigne le cheikh Alawi dans son poème "la signature" : " Je fus esprit avant ma servitude, et maintenant au foyer revenu, je suis libre".
    Complément : l'abrutissement actuel des masses est voulu et entretenu par des forces obscures. Détruisez ces courants négatifs à l'oeuvre et vous verrez que l'homme renoue instinctivement avec sa nature originelle, al fitra.

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