jeudi 14 juin 2012

Islamisme et pollution linguistique

 Sartre avait écrit « L'enfer, c'est les autres » ; Auquel l’abbé Pierre avait répondu « Je suis intimement convaincu du contraire. L'enfer, c'est soi-même coupé des autres. ».
Dans une de ses déclarations, équivalentes à des sortes de "fatwas" ,  R. Ghannouchi, Grand Gourou des Islamistes tunisiens, considère que maîtriser la langue française aux côtés de la langue arabe, équivaut à une pollution linguistique. Nos immigrés en France sont tous en danger, il faut absolument penser à leur interdire d’apprendre le français. Ne plus délivrer de passeport aux francophones. Quant aux touristes français, pollueurs potentiels, ils ont le choix : soit  ils apprennent l’arabe classique avant de venir se dorer chez nous, soit ils restent chez eux. Avec les islamistes au pouvoir, l’enseignement des langues étrangères polluantes (français, italien, espagnol, etc.) disparaîtra ; à deux exceptions près (1) l’anglais, naturellement, la langue de l'Oncle Sam, parrain des islamistes ainsi, nous serions normalisés comme leurs amis démocrates du Golfe (Arabie Saoudite, Qatar, etc.)., et (2) la langue turque, langue des derniers califes, et des avant derniers colonisateurs du monde arabe.
Quant aux professionnels du tourisme, du garçon de restaurant au directeur d’hôtel, et qui parlent souvent plusieurs langues étrangères, ils sont tellement pollués qu’on peut les considérer comme perdus pour la Oumma, la communauté des croyants. Comme châtiment islamique halal, on devrait leur couper la langue et les oreilles : ainsi ils ne pourront ni entendre ni parler ces horribles langues étrangères (français, italien, espagnol, chinois, russe, etc.).
Pourtant, curieusement, tous les pays développés encouragent l’apprentissage de plusieurs langues étrangères, et ce, dès l’école maternelle. Pourquoi donc ?
Pour y répondre, nous allons prendre l’exemple de deux petits pays européens multilingues : Le Luxembourg (0,5 millions d’habitants) et la Suisse (8 million d’habitants). Selon l'avis de R. Ghannouchi, ces pays devraient souffrir d’une pollution linguistique insupportable. Mais la réalité, décrite par les Luxembourgeois et les Suisses, est toute autre et la conclusion de leurs chercheurs sont à l’opposé de  l'avis ci-dessus, lequel dénote d'une ignorance crasse.

Le multilinguisme luxembourgeois et ses avantages

La reconnaissance de 3 langues au Grand-duché - le luxembourgeois, l'allemand et le français - et leur pratique quotidienne présentent de multiples avantages pour les Luxembourgeois. Au niveau politique, la maîtrise de 2 voire de 3 langues européennes majeures - l'allemand, le français et l'anglais - a permis au Luxembourg d’agir concrètement en faveur de la construction européenne et de devenir même un facteur unificateur et progressiste. Au niveau universitaire, le multilinguisme permet aux étudiants luxembourgeois de poursuivre leurs études universitaires dans tous les pays francophones, germanophones ou anglophones. L’anglais est, en effet, enseigné de manière très poussée dans l’enseignement secondaire, en plus d’autres langues telles que, au choix, le latin, l’espagnol ou l’italien. Cette situation linguistique favorise l’adaptation des résidents non luxembourgeois à la vie quotidienne luxembourgeoise, puisqu’ils peuvent également s’exprimer en français ou en allemand. Le multilinguisme représente donc à la fois l’ouverture vers l’extérieur et la volonté d’accueillir l’extérieur au Luxembourg.

Le multilinguisme suisse, un avantage compétitif

L'analyse économique ne tient en général pas compte du rôle des langues. Le multilinguisme suisse est source de richesse, et pas seulement culturelle: cette particularité génère 46 milliards de francs par année, soit 9% du produit intérieur brut (PIB). C'est ce que révèle une étude réalisée par l'Université de Genève.
Il s'agit d'une première: jamais encore on n'avait calculé la valeur économique des compétences linguistiques d'un pays, ont indiqué les chercheurs lors de la présentation de leurs travaux, en octobre 2011, à Berne. C'était l'objectif de leur projet de recherche, «Langues étrangères dans l'activité professionnelle» (LEAP).
Les chercheurs rappellent que la Suisse compte quatre langues principales, par ordre d'importance, l'allemand, le français, l'italien et le romanche, parlé par 0,5% de la population suisse. L'anglais, de plus en plus pratiqué dans l'économie, est aussi enseigné de plus en plus tôt dans les écoles du pays, surtout en Suisse alémanique.
Conclusion des chercheurs: le multilinguisme suisse rapporte 46 milliards de francs, soit l’équivalent du PIB tunisien ! (44 milliards de Dollars). «Nous trouvons ici la confirmation que les compétences linguistiques sont un bon investissement pour l'économie vue comme un tout, et pas seulement pour l'individu lui-même ou pour l'Etat», a expliqué François Grin, directeur du projet LEAP, à swissinfo.
 «Les résultats corroborent les commentaires de certains membres du Conseil fédéral concernant l'attractivité de la place économique suisse, un bon endroit pour faire des affaires, grâce au fait que les habitants parlent plusieurs langues», explique François Grin. Collectivement, les personnes et les organisations suisses travaillent communément avec trois, quatre ou cinq langues, selon le professeur d'économie genevois. Cette capacité contribue à la création de valeur et donne un avantage concurrentiel certain à la Suisse.  «La convergence entre les résultats économiques et nos préoccupations culturelles, politiques et sociales à propos du plurilinguisme en Suisse est intéressante, analyse le professeur. Nous devons prendre soin de nos quatre langues nationales, et de l'anglais, tout en développant nos talents pour d'autres langues: la pertinence de ce fait est acquise sur le plan politique et sociologique et nous voyons maintenant qu'elle l'est aussi d'un point de vue économique.»

L’arabe : une norme en décalage socio-historique

Depuis plus de 14 siècles, malgré tous les efforts d’arabisation, aucun peuple arabe ne parle l’arabe littéral. Chaque pays arabe dispose de son propre idiome, dit « arabe dialectal ». L’arabe littéral reste donc l’apanage des gens cultivés, ou ayant un niveau donné d’études. Un citoyen qui n’a pas étudié l’arabe littéral ne comprend pas, ou peu, l’arabe des médias, parce que cet arabe n’est pas la langue du peuple, quoi qu’en disent nos dirigeants, notre constitution et nos élites. Ainsi donc, les indépendances des pays du Maghreb, au lieu de sonner l’heure de l’émancipation des langues natives, dont la langue derija, ont minoré ces langues au profit d’une arabisation dont personne ne parvient à déterminer l’ancrage effectif. On a certes produit un espace "arabe moderne" qui se cristallise dans les médias et la littérature. Cependant, cet arabe moderne n'est jamais parvenu à devenir la langue maternelle de quiconque. Une fois franchie la zone de l'écrit, les locuteurs arabes reviennent à leurs langues natives et maternelles.
La langue vernaculaire du Maghreb
L’ensemble de parlers populaires maghrébins est appelé maghribi par les linguistes arabes. Les pièces de théâtre, les «talk show» et autres émissions radio diffusées ou télévisées en maghribi sont les plus suivis par le public maghrébin, comparativement aux émissions analogues émises en arabe littéral. D’ailleurs ce même public préfère les films égyptiens parlant la langue égyptienne plutôt que la langue arabe classique. Celle-ci leur donne un air artificiel et guindé. Il est bien dommage que la littérature écrite derija tunisienne, qui était assez répandue sous l’ère coloniale, ait été abandonnée sous l’indépendance, sous la pression d’un nationalisme arabe mal assimilé et d'une identité culturelle factice.  
Par contre, le maghribi est une langue vivante, à la fois très majoritaire dans le corps social et très minorée par les institutions culturelles et étatiques maghrébines. C’est la langue maternelle de plus de 100 millions de locuteurs. Elle est de plus en plus utilisée sur Internet, sans règle et sans standardisation. Les jeunes internautes sont entrain de l’imposer dans la communication écrite en utilisant souvent l’alphabet latin, et quelques fois l’alphabet arabe, pourtant mieux adapté. Cette langue dispose d'un vivier lexical riche, issu successivement du berbère, du punique, du latin et de l'arabe. Elle peut constituer un socle commun et unificateur pour tous les Maghrébins sans distinction de classe ou de milieu social. L’unité maghrébine est un objectif autrement plus réaliste et plus profitable qu’une unité arabe chimérique.

Conclusion

L'italien de Dante, l'espagnol de Cervantès et le français de Lamartine étaient en leur temps (avant la Renaissance) des dialectes du latin, des langues de seconde zone, pratiquées par la masse et méprisées par l'élite. La Renaissance européenne c’était aussi et surtout la naissance officielle et dans les faits de ces langues. Elles ont remplacé le latin, qui était alors (comme l’arabe littéral de nos jours et de toujours) la langue liturgique, celle des lettrés et des élites. Les Européens ne s’en portent pas plus mal. Au contraire, ce sont ce qu'on appelle des langues vivantes, enseignées dans le monde entier (peu d'étrangers apprennent l'arabe). Les locuteurs de ces langues ne parlent pas latin, mais on les désigne (et ils se considèrent) comme étant des peuples latins. De la même manière qu’aucun peuple latin ne parle latin, aucun peuple arabe ne parle arabe. Cessons donc de nous mentir à nous-mêmes, et regardons la réalité en face.  

                                                                                                Hannibal Genséric