Le leader des Frères Musulmans tunisiens, Rached
Ghannouchi, a été reçu en grandes pompes à Alger par le président Bouteflika.
Pourquoi l'Algérie, qui n’a aucune sympathie particulière pour les Frères
Musulmans, a-t-elle accepté d'offrir à Ghannouchi une telle caution
diplomatique?
La rencontre d'Alger s'explique par la volonté du pouvoir
algérien de trouver à tout prix, y compris en dialoguant avec le diable, les
moyens de neutraliser les groupes djihadistes qui campent aux frontières
tuniso-libyenne et algéro-libyenne. Les armes y circulent librement, des
groupes djihadistes interviennent à partir du Sud libyen vers l'Algérie et la
Tunisie.
Selon le site EremNews relayé par le quotidien algérien Al-Khabar, le
très controversé Abdelhakim Belhadj, ex-président du conseil militaire
libyen, se rendra lui aussi dans les prochains jours à Alger, sur invitation de Bouteflika.
La visite de ce vétéran de la guerre d’Afghanistan, ancien
responsable du mouvement Al-Qaïda à Bagdad et compagnon d’Abou Mossab
Al-Zerqaoui, devenu par miracle gouverneur militaire de Tripoli, et agent de la CIA, marque un véritable tournant dans la stratégie algérienne
en matière de traitement du dossier des islamistes. Tout en continuant
de réprimer les anciens militants du FIS, tout en soutenant Sissi contre les Frères Musulmans égyptiens, pourquoi le régime algérien entretient-il de bons
rapports avec ces Frères Musulmans, suppôts du terrorisme ?
Les Algériens alternent la carotte et le bâton
Le bâton , c'est la
tentation d'intervenir en Libye avec l'aide
de l’Égypte. Mais les Algériens savent que les groupes djihadistes s'appuient sur les
milices de ce même Abdelhakim Belhaj, financé par le Qatar et soutenu par les Américains et les Français. Le succès militaire est
donc incertain en cas d'offensive armée.
La carotte, c'est de tenter de lancer des passerelles vers cet axe
islamo-terroriste Ghannouchi-Belhaj. Le voyage de Ghannouchi s'inscrit dans
cette perspective, car pour Alger, il faut à tout prix nouer des alliances pour
mettre fin au chaos et à la constitution de groupes djihadistes à la frontière
algéro-libyenne.
Entre le risque d'attaques djihadistes à répétition
venues de Libye et le retour au pouvoir des islamistes en Tunisie, le pouvoir
algérien a pensé choisir le danger le moins pire.
Mais Bouteflika se trompe.
En
adoubant les Frères Musulmans en Tunisie et en Libye, il encourage la consolidation de l'axe
terroriste Tunis-Tripoli, soutenu par la triade USA/France/Qatar, qui sera
aussi dangereux que son pendant oriental (EIIL/ISIS/État Islamique), visant les mêmes objectifs : détruire les états-nations afin de leur substituer des émirats croupions sous domination occidentale.
En cas de victoire des islamistes tunisiens aux prochaines élections, le Maghreb devra s'attendre à des
lendemains terribles, car le nouveau ISIS maghrébin est en cours de gestation. Les islamistes tunisiens et libyens n'ont jamais caché leur intention d'édifier le califat sur les ruines des états nations.